Le nombre de cancers cutanés diagnostiqués en France a été multiplié par trois entre 1980 et 2012 selon les chiffres de l’Institut National du Cancer. C’est le taux d’accroissement le plus important des cancers. L’augmentation peut être expliquée par les modifications des modes de vie concernant l’exposition aux UV, l’allongement progressif de l’espérance de vie et la détection plus importante des cancers cutanés par la mise en place du dépistage du cancer cutané. C’est un enjeu de santé publique de par son incidence croissante mais aussi par le fait qu’une détection précoce peut permettre une guérison totale et limiter les dépenses dans les soins. Le dépistage du mélanome fait partie des dépistages recommandés en France, mais il n’est pas organisé comme le sont celui du cancer du sein, du colon et du col de l’utérus. Contrairement à ces autres localisations de cancer, il n’est pas défini de limite d’âge supérieur au dépistage du mélanome (annexe 1), dont l’incidence augmente avec l’âge.
DEPISTAGE DES CANCERS CUTANES
Les cancers cutanés
Il existe deux grands types de cancers cutanés. Les carcinomes et le mélanome. Parmi les carcinomes, on différencie le basocellulaire, le spinocellulaire (ou épidermoïde), et le neuroendocrine (carcinome de Merckel).
Les carcinomes
Carcinome Basocellulaire :
Le carcinome basocellulaire, est le plus fréquent des cancers cutanés et le plus fréquent des cancers de l’Homme. Selon l’INCa, son incidence, qui augmente après l’âge de 40 ans, est souvent sous-estimée car les cas ne sont pas toujours recensés en France. Avec environ 50 000 nouveaux cas par an, on estime son incidence à 75 pour 100 000 habitants par an pour les hommes et 60 pour 100 000 pour les femmes. Les localisations principales des carcinomes sont situées aux zones du corps photo-exposées, notamment la tête et le cou dans près de 80% des cas. Il n’existe pas de lésion précancéreuse contrairement au carcinome épidermoïde. Les carcinomes basocellulaires se développent sur peau saine et évoluent progressivement .
Ces cancers se développent à partir de la couche basale de l’épiderme. Pour rappel, la peau est composée de plusieurs couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme. Les quatre types de cellules de l’épiderme sont les :
– Kératinocytes qui sont les cellules qui sécrètent de la kératine et qui s’accumulent en superficie pour former la coucher cornéenne protectrice.
– Mélanocytes qui sécrètent la mélanine, qui permet la pigmentation de la peau.
– Cellules de Langherans qui jouent un rôle immunitaire
– Cellules de Merkel qui intervient dans la perception tactile .
Il existe différentes formes cliniques du carcinome basocellulaire, qui peuvent se pigmenter et ou s’ulcérer :
-La forme nodulaire, la plus fréquente, caractérisée par son aspect perlé, télangiectasique, érosif en son centre. La papule est indurée et a une évolution centrifuge.
-La forme superficielle, située le plus souvent au niveau du tronc. Elle se distingue par son aspect en plaque érythémateuse, bien limitée d’évolution centrifuge. Il peut y avoir des squames ou des ulcérations superficielles.
-La forme sclérodermiforme, surtout présente au niveau du visage, avec un aspect de cicatrice déprimée, blanche, mal limitée. La lésion est scléreuse à la palpation.
-La forme infiltrante, plutôt une forme histologique comparée aux trois autres formes plutôt clinique et histologique.
L’évolution est essentiellement locale, les métastases sont exceptionnelles.
Les facteurs pronostics sont la taille, la localisation, les formes mal limitées ou sclérodermiformes, et les formes récidivantes :
-localisations à risque de récidive : trois zones topographiques sont décrites selon les recommandations de l’HAS. La première à bas risque comprend le tronc et les membres. La deuxième intermédiaire, le front, le cou, le cuir chevelu, le menton et les joues. La troisième à haut risque, le nez et les zones périorificielles de l’extrémité céphalique.
– la taille dépend aussi de la topographie de lésion. Le risque de récidive est augmenté lorsque le plus grand diamètre de la tumeur est supérieur à 1cm pour les zones à hauts risques de récidive et supérieure à 2cm sur les zones intermédiaires et bas risques de récidive.
En fonction des facteurs pronostics, trois groupes pronostics sont décrits :
-de bon pronostic, qui comporte tous les CBC superficiels primaires ainsi que les nodulaires primaires bien limités de moins de 1cm sur la zone à risque intermédiaire de récidive et de moins de 2cm sur la zone à bas risque.
-de pronostic intermédiaire, qui comprend les CBC superficiels récidivés et les nodulaires de moins de 1cm sur la zone à haut risque de récidive, et de plus de 1cm sur la zone à bas risque.
-de mauvais pronostic qui contient les formes cliniques sclérodermiformes ou mal limitées, les formes histologiques agressives ainsi que les formes récidivées à l’exception des CBC superficiels et les CBC nodulaires de la zone à haut risque de récidive avec une taille de plus de 1cm.
Les différentes formes de traitement sont la chirurgie classique, la chirurgie micrographique de Mohs, la radiothérapie, et la cryochirurgie principalement.
La chirurgie reste le traitement de choix, permettant un taux de guérison élevé et un contrôle des marges d’exérèse. Pour les tumeurs de bon pronostic, une marge latérale de 3 à 4 mm est recommandée. Pour les tumeurs de pronostic intermédiaire, une marge de 4mm minimum est demandée. Enfin pour celles au mauvais pronostic, l’analyse de la littérature ne permet pas de standardiser des limites de marge, qui pourront être de 5mm pour des tumeurs bien limitées, et de 10mm pour des CBC sclérodermiformes ou récidivés. La chirurgie de Mohs, est la technique pour laquelle les risques de récidive sont les plus faibles surtout pour les tumeurs de mauvais pronostics. Il s’agit d’une intervention dans laquelle on retire la tumeur par petites couches jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de cellules cancéreuses. Le but étant d’enlever la totalité des cellules cancéreuse et de garder le plus possible de cellules saines [1]. La radiothérapie n’est pas une technique de première intention. Elle est réservée dans les cas où la chirurgie n’est pas possible. C’est une technique qui obtient tout de même de bons résultats en termes de contrôle local. La cryochirurgie est une technique alternative lorsque la chirurgie ne peut pas être appliquée notamment pour les CBC superficiels localisés sur la zone à faible risque de récidive et les CBC nodulaires bien limités d’une taille inferieur à 1cm.
Pour les CBC primaires, le taux de récidive par analyse de survie à 5 ans est de l’ordre de 1 % avec la chirurgie micrographique de Mohs et la chirurgie d’exérèse classique avec examen extemporané. Il est de l’ordre de 5-10 % avec la chirurgie d’exérèse classique, la radiothérapie et la cryochirurgie .
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : DEPISTAGE DES CANCERS CUTANES
Chapitre 1 : Les cancers cutanés
1.1 : Les carcinomes
1.1.1 Carcinome Basocellulaire
1.1.2 Carcinome Spinocellulaire
1.1.3 Carcinome de Merckel
1.2 : Le mélanome
1.2.1 Epidémiologie
1.2.2 Clinique
1.2.3 Pronostic
1.2.4 Traitement
1.2.5 Surveillance
1.3 : Les facteurs de risque des cancers cutanés
Chapitre 2 : Organisation du dépistage du mélanome
2.1 : En France
2.1.1 Recommandation de l’INCa
2.1.2 Recommandation de la HAS
2.1.3 Journée nationale du mélanome
2.1.4 Exemples de réseaux et initiatives régionales de promotion du dépistage en France
2.2 : A l’étranger
2.2.1 En Europe
2.2.2 En Australie
2.2.3 Aux Etats Unis
2.3 : La place de la télémédecine
Chapitre 3 : Les difficultés pratiques du dépistage
3.1 : Problématiques démographiques
3.1.1 Vieillissement de la population
3.1.2 Démographie médicale
3.2 : Difficultés de dépistage pour les séniors
3.2.1 Trouble visuel
3.2.2 Capacité cognitive
3.2.3 Capacité physique
3.2.4 Isolement social
3.2.5 Le transport
3.3 : Difficultés pour les médecins généralistes
PARTIE 2 : RETOUR D’EXPERIENCE AU PSLA D’ISIGNY SUR MER
1. Contexte
2. Matériels et méthodes
3. Résultats
4. Discussion
CONCLUSION