Au vu de la problématique et pour mieux saisir le thème de cette revue de la littérature, trois concepts sont à définir. Pour commencer, la dépendance, qui est présentée avec les critères de la CIM10. Puis le concept de codépendance s’intéressera à la famille du consommateur et introduira les notions de stress et de coping. Enfin, l’approche systémique présentera l’importance de la famille dans les interventions infirmières.
La dépendance
Selon la CIM10 (Organisation mondiale de la Santé, 1993, p. 68-69), le syndrome de dépendance est défini comme suit : Ensemble des phénomènes comportementaux, cognitifs et physiologiques dans lesquels l’utilisation d’une substance psychoactive spécifique entraîne un désinvestissement progressif des autres activités. La caractéristique essentielle du syndrome de dépendance consiste en un désir puissant (parfois compulsif) de boire de l’alcool, de fumer du tabac ou de prendre une autre substance psychoactive (y compris un médicament prescrit). Au cours des rechutes, le syndrome de dépendance peut se réinstaller beaucoup plus rapidement qu’initialement
D’après cette même classification, la dépendance se définit selon six critères. Le diagnostic n’est posé qu’en présence d’au moins trois des critères à n’importe quel moment de l’année :
(1) Désir puissant ou compulsif d’utiliser une substance psychoactive ;
(2) Altération de la capacité à contrôler l’utilisation de la substance (difficultés à s’abstenir, interrompre ou contrôler sa consommation) ;
(3) Présence d’un état de sevrage physiologique en cas d’arrêt ou de diminution de la prise ;
(4) Signes de tolérance, comme par exemple augmentation nécessaire de la dose de substance pour obtenir les effets produits par des doses initialement plus faibles ;
(5) Perte progressive d’intérêt pour d’autres plaisirs ou activités dû à l’usage de la substance. Le temps nécessaire pour se procurer, consommer ou récupérer des effets de la substance augmente ;
(6) Poursuite de l’usage de la substance malgré ses conséquences manifestement nocives (lésions hépatiques, état dépressif, atteinte des fonctions cognitives) ; il faudra éventuellement déterminer si l’utilisateur pouvait être conscient de la nature et de l’étendue des dommages.
Dépendance et addiction
L’addiction est à distinguer de la dépendance. La dépendance explique les mécanismes de la consommation régulière qui crée un dysfonctionnement neurologique. L’addiction, quant à elle, rassemble les comportements et attitudes découlant de cette dépendance ; elle ne touche pas tous les consommateurs chroniques (Jaquet, 2013, p. 12). Elle provient d’une altération des mécanismes d’apprentissage cérébraux et modifie les processus de motivation et de prise de décision. Il est difficile pour la personne concernée de contrôler ou d’interrompre son comportement : le besoin irrépressible de consommer apparaît malgré les conséquences négatives sur la santé et sur la vie sociale de l’individu (Axess, 2009, p. 5).
Mécanismes de la dépendance
Avant de comprendre les mécanismes spécifiques à la dépendance, il est essentiel de s’intéresser au fonctionnement de certaines parties du cerveau. C’est dans celui-ci que les substances psychoactives perturbent les états de conscience, l’humeur et les pensées de l’individu (Organisation mondiale de la Santé, 2004, p. 7). Le système limbique est un réseau de voies nerveuses composé de différentes structures, comprenant entre autres l’hippocampe et l’amygdale . La première de ces structures a pour rôle la mémorisation de souvenirs liés à une expérience. La seconde décode les émotions et les stimuli menaçants pour l’organisme (Axess, 2009, p. 6-7).
Les substances addictives agissent communément sur une partie spécifique du système limbique appelé le système de récompense . Plus précisément, elles interviennent au niveau des neurotransmetteurs et miment leurs effets qui se retrouvent augmentés. Les plus importants sont la dopamine , la sérotonine , la norépinéphrine , l’acide gammaaminobutyrique (GABA), le glutamate et les opioïdes endogènes (Organisation mondiale de la Santé, 2004, p. 16).
Le système de récompense se trouve dans l’aire tegmentale ventrale du système limbique. Son rôle primordial consiste à renforcer les comportements essentiels à la survie de l’espèce (procréation, alimentation, défense contre les prédateurs). Ce système valorise les actions avantageuses jugées positives qui sont renforcées pour être répétées dans une situation similaire. En résumé, un comportement adapté sera mémorisé à chaque situation rencontrée. Le neurotransmetteur impliqué par ces neurones est la dopamine (Organisation mondiale de la Santé, 2004, p. 20). La dopamine informe le système nerveux de la différence entre ce qui est attendu et ce qui est effectivement reçu. Une récompense attendue ne produisant pas de pic de libération de dopamine va bloquer le sur-apprentissage des comportements dans le but de pouvoir les modifier si leurs conséquences venaient à changer. La dopamine libérée par le cerveau lorsqu’un comportement particulier aboutit à une conséquence positive et inattendue crée un signal d’apprentissage (Axess, 2009, p. 9).
L’alcool
L’alcool est la désignation courante de l’éthanol, une substance psychoactive (Richard, Senon & Valleur, 2006, p. 28). Il passe dans le sang par l’intermédiaire du système digestif. Depuis la circulation sanguine, il arrive au cerveau où il interfère avec les systèmes dopaminergique, sérotoninergique et endorphinergique .
L’éthanol active les neurones inhibiteurs et inhibe les neurones excitateurs. Cela provoque un effet de ralentissement général du fonctionnement du système nerveux central . Ce phénomène induit calme, relaxation, somnolence, diminution de la motricité, ralentissement de la fréquence respiratoire, nausées, et même coma selon la dose de substance consommée. Le fonctionnement de l’hippocampe est perturbé. Cela explique les phénomènes d’amnésie lors d’une consommation excessive d’alcool. Les capacités de jugement se retrouvent également affectées par ce ralentissement. L’éthanol augmente les effets inhibiteurs de GABA qui a pour fonction initiale de réduire l’activité des neurones sur lesquels il se fixe. Cette substance diminue aussi les effets excitateurs du glutamate alors que ce dernier favorise l’apprentissage et la mémoire (Organisation mondiale de la Santé, 2004, p. 18).
Au niveau du système de récompense, ce sont les neurones inhibiteurs dopaminergiques qui sont rendus inactifs. L’absorption d’alcool est suivie d’une augmentation de la libération de dopamine dans le système de récompense. Ce signal d’apprentissage renforce le comportement de consommation. Par la suite, le cerveau s’adapte et devient moins sensible, il retrouve un fonctionnement normal malgré la consommation. Ces adaptations ont tendance à inciter le consommateur à augmenter les doses consommées pour continuer d’en ressentir les effets (Axess, 2009, p. 11). Si la consommation s’interrompt, le cerveau devient sur-stimulé. La personne se retrouve en état d’agitation, d’insomnie et risque même des crises d’épilepsie (Axess, 2009, p. 11).
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Table des matières
1. Résumé
2. Remerciements
3. Déclaration
4. Introduction
4.1. Problématique
4.2. Question de recherche
4.3. But de la recherche
5. Cadre conceptuel
5.1. La dépendance
5.2. Dépendance et addiction
5.3. La codépendance
5.4. Le stress
5.5. Le coping
5.6. Approche systémique
5.7. Le modèle de Calgary
5.8. La théorie des systèmes
6. Méthode
6.1. Devis de recherche
6.2. Collecte des données
6.3. Sélection des données
6.4. Analyse des données
7. Résultats
7.1. Étude 1 (Nagesh, 2015)
7.2. Étude 2 (Sharma et al., 2016)
7.3. Étude 3 (Antunes, Marcon & Oliveira, 2013)
7.4. Étude 4 (Borges Bortolon, et al., 2016)
7.5. Étude 5 (Antunes & de Oliveira, 2016)
L’accompagnement du conjoint d’un patient dépendant à l’alcool
7.6. Étude 6 (Gethin, Trimingham, Chang, Farrell & Ross, 2016)
8. Synthèse des résultats
9. Discussion
9.1. Discussion des résultats
9.2. Discussion de la qualité et de la crédibilité des évidences
9.3. Limites et critiques de la revue de la littérature
10. Conclusion
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