Traditionnellement, la carie a été mesurée par l’indice CAOD/S, où seules les dents ou surfaces présentant des lésions cavitaires s’étendant dans la dentine ont été comptées [52 ; 88]. Au fil des ans, l’indice CAOD a été critiqué pour plusieurs raisons [74] :
– il a été montré que le diagnostic des lésions carieuses n’était pas très fiable,
– la raison de l’extraction pour cause de la carie est très difficile à confirmer au moment de l’examen,
– les caries secondaires sur des surfaces dentaires restaurées ne sont pas comptées,
– l’activité des lésions n’est pas déterminée,
– les lésions carieuses de l’émail ne sont pas incluses,
– les valeurs du CAO ne sont pas liées au nombre de dents / surfaces à risque,
– l’indice de CAO donne un poids égal aux dents manquantes, cariées non traitées, ou les dents restaurées,
– l’indice CAO peut surestimer la prévalence des caries pour les dents avec des restaurations préventives en résine ou avec les restaurations esthétiques,
– l’indice CAOD est de peu d’utilité pour l’estimation des besoins de traitement,
– l’indice de CAO ne comprend pas les sealants.
Au cours des dernières décennies, il y a eu des changements non seulement dans la prévalence des caries dentaires, mais également dans la distribution de la maladie [72]. La détection des lésions carieuses à stades précoce non-cavitaires est maintenant un défi important dans le processus de diagnostic. Compte tenu de la nature dynamique des caries dentaires, il est possible d’arrêter et de contrôler la progression de la maladie à travers la reminéralisation des lésions avant qu’elles ne progressent vers une cavité. Il est actuellement bien accepté qu’une mesure préventive unique ne suffit pas pour réduire la carie dentaire; il est donc mieux de la combiner avec d’autres actions préventives et curatives [3 ; 49]. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un programme de santé dentaire devrait inclure l’éducation à la santé buccodentaire dentaire conjointement avec d’autres activités liées à la prévention, la restauration et les soins d’urgence [16 ; 86]. Les stratégies de prévention doivent être appliquées selon des critères diagnostics actuels qui incluent les lésions non-cavitaires, tels que le Système internationale de détection et d’évaluation des caries dentaires (International Caries Detection and Assessment System) ou ICDAS [76]. Cet instrument a montré une bonne fiabilité, une sensibilité et une bonne spécificité [47].
RAPPELS SUR LA DENT TEMPORAIRE
Plusieurs terminologies ont été employées pour designer la dent temporaire. On l’appelle dent de lait, dent lactéale, dent déciduale, dent primaire ou dent ascensionnelle. C’est le premier type de dent qui apparaît chez l’enfant après la naissance, à partir de 6 mois. Elle a une durée de vie déterminée dans le temps. Sa finalité est d’être remplacée par la dent définitive. Elle possède une structure générale identique à celle de la dent permanente, cependant certaines caractéristiques lui sont propres et peuvent influencer la pathologie ainsi que les différentes thérapeutiques. Ainsi leur connaissance nous permet de mieux comprendre la physiopathologie pour une meilleure prise en charge de l’enfant [55].
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
Anatomie
La dent temporaire est recouverte par un émail mince, aprismatique, fragile, moins minéralisé et moins translucide. La dentine est moins dense, plus perméable avec des tubuli dentinaires plus nombreux et plus gros. La pulpe est volumineuse avec des cornes proéminentes, elle est richement vascularisée. Le plafond pulpaire est plus concave en direction occlusale, le plancher caméral est traversé de nombreux canaux pulpo-parodontaux dont le nombre augmente avec la résorption physiologique des racines .
Physiologie
On considère que la valeur moyenne de la période fonctionnelle d’une dent temporaire dans la cavité buccale est d’environ 8 ans ± 3 mois. Cette physiologie évolutive caractéristique peut être divisée en trois phases d’inégale durée.
Stade I : Croissance
Elle est comprise entre le moment de l’éruption de la dent temporaire dans la cavité buccale et la fin de son édification radiculaire. Cette phase dure entre un à un an et demi. C’est le stade I encore appelé stade de formation ou immaturité. Au niveau anatomique, il n’y a pas de grosses particularités à part le fait que les racines n’ont pas encore terminé leur édification. La capacité de réagir aux stimuli externe (carie, traumatismes) est variable au niveau pulpaire et se traduit par :
– Soit une réparation avec conservation de la vitalité pulpaire,
– Soit une stimulation anormale de la dentinogenèse avec fermeture de la chambre pulpaire, puis du canal pulpaire,
– Soit une nécrose pulpaire, souvent asymptomatique, qui se manifeste par une discoloration de la dent puis par une atteinte parodontale.
Stade II : Maturation
Elle est comprise entre la fin de l’édification radiculaire et le début de la résorption physiologique. A la fin de cette période la dent temporaire est mature. Cette phase dure environ 3 ans ± 9 mois. C’est le stade II encore appelé stade de stabilité.
Ce stade est assez comparable à la physiologie de la dent permanente. La dent temporaire possède comme au stade I la capacité de réagir aux stimili extérieurs par des réparations. Son important potentiel cellulaire lui permet de remplir ses multiples fonctions d’induction, de formation, de nutrition, de protection, de défense et de réparation. Ses relations avec le parodonte se font par la zone apicale comme pour les dents permanentes, ainsi que par de nombreux canaux accessoires pulpo-parodontaux qui constituent, même en période de stabilité, de multiples voies d’échange.
Stade III : Résorption
Elle est comprise entre le début de la résorption des racines et de son exfoliation et dure environ 3 ans ± 6 mois [56]. Ce stade est caractérisé par des modifications des structures radiculaires, parodontales et par ses rapports de proximité avec le germe de la dent permanente. La résorption physiologique aboutit à l’exfoliation de la dent temporaire puis à son remplacement par la dent définitive.
On remarque plusieurs modifications dues à la résorption :
– Migration de l’attache épithéliale vers les régions en voie de résorption,
– Modification des structures radiculaires : élargissement des orifices apicaux et multiplication des orifices secondaires ce qui constitue de nombreuses communications pulpo-parodontales. On observe ces modifications à la fois sur la morphologie externe radiculaire et également au niveau de l’anatomie interne du réseau canalaire par apposition de dentine secondaire [4].
– Modification de la zone inter radiculaire : état inflammatoire et transformation du tissu conjonctif en tissu de granulation hyperhémié qui conduira à la destruction du cément et de la dentine pour aboutir à l’exfoliation de la dent déciduale.
– Modification de la pulpe : Au cours des derniers stades de résorption radiculaire on peut observer des modifications régressives vasculonerveuses [12].
Toutes ces modifications nous montrent que la dent temporaire est un organe dont la capacité de défense et de réaction va décroître au fur et à mesure que la résorption avance. La dent temporaire au stade III est une entité largement ouverte, en contact direct avec les zones parodontales, en continuel remaniement [18].
PATHOLOGIES
Définition et épidémiologie
Définition
Selon Fejerskov, la carie est une maladie infectieuse multifactorielle, transmissible et chronique caractérisée par la destruction des tissus dentaires sous l’effet des acides produits par la fermentation bactérienne des glucides alimentaires [34].
Épidémiologie
La carie dentaire est la maladie la plus courante dans le monde et touche plus de 95% de la population mondiale [83] mais il existe de fortes disparités entre les pays. Selon l’OMS, 60 à 90% des enfants scolarisés dans le monde et près de 100% des adultes ont des caries. L’indice CAO des pays ayant élaboré des politiques de prévention a considérablement chuté : il était, à 12 ans, en France à 1.2 en 2006 contre 3.5 en 1975. En dépit de l’amélioration de la situation buccodentaire dans les pays industrialisés, il existe de grandes disparités dans leur population. Ainsi, il est admis que 20% de la population regroupe 80% des lésions [54]. Des enquêtes épidémiologiques réalisées en milieu scolaire au Sénégal montrent des prévalences relativement élevées de la carie, de 68% en 1987 à Dakar selon Cissé [11] et de 59,8% en 2002 à Sébikhotane pour la tranche d’âge de 7 à 12 ans selon Hanne [41]. Il devient donc nécessaire de revoir les stratégies existantes et de dégager de nouvelles perspectives de prise en charge. La maladie carieuse se concentre sur des sujets à risque qu’il est nécessaire d’identifier. Si les lésions des surfaces lisses vestibulaires disparaissent de nos jours, les lésions des surfaces proximales et des puits et sillons restent fréquentes [54]. Pitts, en 2001, met en avant la sous estimation de l’état carieux réel, les besoins de prévention et la nécessité d’effectuer un diagnostic de qualité à travers sa métaphore de l’Iceberg. En effet, pour cet auteur, les enquêtes épidémiologiques ne reflètent pas la réalité des « caries cachées » car l’examen épidémiologique conventionnel pratiqué de façon générale sans radiographie entraîne des retards de diagnostic [75]. L’épidémiologie établit clairement que les dentistes devraient de plus en plus s’orienter vers des mesures de traitements préventifs et non opératoires [54].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES : DENTURE TEMPORAIRE ET INDICES D’EVALUATION DE LA CARIE
CHAPITRE I : RAPPELS SUR LA DENT TEMPORAIRE
1. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
1.1.Anatomie
1.2.Physiologie
1.2.1. Stade I : Croissance
1.2.2. Stade II : Maturation
1.2.3. Stade III : Résorption
2. PATHOLOGIES 15
2.1.Définition et épidémiologie
2.1.1. Définition
2.1.2. Epidémiologie
2.2.Etiopathogénie
2.2.1. Les bactéries
2.2.2. L’hôte
2.2.2.1. Facteurs intrinsèques
2.2.2.2. Facteurs extrinsèques
2.2.3. Le substrat
2.2.4. Le facteur temps
2.3.Formes cliniques
2.3.1. Carie arrêtée
2.3.2. Carie évolutive
2.3.3. Formes complexes
2.3.4. Carie précoce de l’enfance
2.4.Pathologies pulpaires et pulpo-parodontales
2.4.1. Pulpite
2.4.2. Syndrome du septum
2.4.3. Pathologie de la furcation
2.4.4. Nécrose pulpaire sans atteinte parodontale
2.4.5. Nécrose pulpaire avec atteinte parodontale
2.5.Prévention
2.5.1. Contrôle de la plaque dentaire
2.5.1.1. Contrôle mécanique
2.5.1.2. Contrôle chimique
2.5.2. Thérapie à base de fluor
2.5.3. Scellement des puits et sillons dentaires
CHAPITRE II : EVALUATION DE L’ATTEINTE CARIEUSE
1. L’INDICE CAO
1.1.Définition
1.2.Méthode d’examen
1.3.Interprétations
1.4.Limites de cet indice
2. L’ICDAS
2.1.Historique
2.2.Définition
2.3.Critères de détection des lésions carieuses coronaires primaires
2.3.1. Généralités
2.3.2. Codage des lésions carieuses coronaires primaires
2.3.2.1. Faces porteuses de puits et sillons
2.3.2.2. Faces lisses proximales
2.3.2.3. Faces lisses libres
2.4.Critères de détection des lésions carieuses associées à une restauration ou à un scellement de sillons (CARS)
2.4.1. Codage des lésions carieuses associées à des restaurations et à des scellements de sillons
2.4.2. Méthode du double codage de l’ICDAS
2.5.Critères pour le codage des lésions carieuses radiculaires
2.6.Evaluation de l’activité des lésions carieuses selon l’ICDAS
DEUXIEME PARTIE : ENQUÊTE EPIDEMIOLOGIQUE
1. OBJECTIFS
2. CADRE D’ETUDE
3. MATERIEL ET METHODE
3.1.Matériel
3.1.1. Matériel d’examen clinique
3.1.2. Fiche d’enquête
3.2.Méthodologie
3.2.1. Critères d’inclusion et d’exclusion
3.2.2. Type d’enquête
3.2.3. Taille de l’échantillon
3.2.4. Déroulement de l’enquête
3.2.4.1. Données à recueillir
3.2.4.2. Procédure de collecte
3.2.5. Exploitation des données
4. RESULTATS
4.1.Données socio-démographiques
4.1.1. Répartition selon la tranche d’âge
4.1.2. Répartition selon le sexe
4.1.3. Répartition selon la tranche d’âge et le sexe
4.1.4. Répartition selon la zone d’habitation
4.2.Bilan dentaire
4.2.1. L’indice co
4.2.1.1. co selon la tranche d’âge
4.2.1.2. co selon le sexe
4.2.2. l’indice ICDAS
4.2.2.1. Distribution des scores ICDAS (> 0) en fonction de la tranche d’âge
4.2.2.2. Distribution des scores ICDAS (> 0) en fonction du sexe
4.2.2.3. Distribution des scores ICDAS pour chaque dent
4.2.2.4. Moyenne des scores ICDAS pour chaque dent en fonction de la face
4.2.3. Comparaison des indices co / ICDAS
5. DISCUSSION
5.1.Contraintes et limites de l’étude
5.2.Données sociodémographiques
5.3.Méthodologie employée
5.4.Bilan dentaire
5.4.1. La Prévalence de la carie
5.4.2. L’indice co
5.4.3. L’indice ICDAS
5.4.4. L’indice ICDAS selon les dents
5.4.5. L’indice ICDAS selon les faces
5.4.6. L’ICDAS et l’indice CAO/D
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES