Le mot démocratie vient du grec dêmokratia. Il est formé de « Démos » qui renvoie à peuple et de « Kratos » qui signifie pouvoir. Étymologiquement, le mot démocratie signifie donc le gouvernement du peuple. Dans un sens plus complet, ou selon le mot d’Abraham Lincoln, la démocratie est « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Dans son application, elle voudrait le nivellement des personnes composantes d’une même cité, à travers le respect des droits civiques et des biens publics. De là, on peut dire que la démocratie, conciliée avec le pouvoir, s’intéresse à la notion de peuple, de même qu’à celle de l’individu. Ce dernier en tant que composant du peuple, la démocratie ne peut qu’accepter pour lui une certaine liberté de ses choix pour se conformer à sa définition et à son mode d’organisation. C’est ainsi que les Romains succèdent aux Grecs dans l’application de la démocratie en créant le mot « République ». Celui – ci vient du latin « res publica » ; de res : chose, publicus : public, en un mot « la chose publique ».
Ainsi la démocratie fut observée chez les populations qui exigent une meilleure amélioration de leurs conditions de vie et le respect de leur statut de citoyen quant à la participation aux affaires de la cité. Cela est peut-être dû au fait que le système démocratique voudrait garantir la protection de chaque membre de la cité, tout en établissant l’épanouissement de tout un chacun. Autrement dit, la démocratie dans son principe veut réaliser la liberté pour chaque membre de la cité. Aristote soutient à cet égard que « le principe de base de la constitution démocratique c’est la liberté». La quête de liberté comme principe ultime, fonde ainsi les bases théoriques de cette forme d’organisation politique, qu’est la démocratie.
Partant du fait que le désir de liberté est une vive et très profonde aspiration de l’humain, le système qui le garantit dans son idéal, apparaitrait comme le plus adéquat avec la nature de l’homme. C’est ce qui fait d’ailleurs que l’histoire de la démocratie bénéficie souvent d’une exaltation, ou même d’une certaine divinisation qui empêche son analyse concrète. La distanciation par rapport à l’idéal démocratique, telle que présentée dans ses principes, devient alors difficile pour l’être social; qui est en même temps acteur et créateur dudit système. De ce point de vue, Franck Cosson dès l’introduction de son ouvrage intitulé : La démocratie, convoque la pensée de l’historien Guizot qui soutient en 1849, que la démocratie est devenue « le mot souverain, universel. Tous les partis l’invoquent et veulent se l’approprier comme un talisman. (…) C’est le drapeau de toutes les espérances, de toutes les ambitions sociales de l’humanité, pures ou impures, nobles ou basses, sensées ou insensées, possibles ou chimériques » . C’est ainsi que la démocratie est devenue un phénomène incontournable dans nos sociétés actuelles, et toute loi visant à instaurer l’ordre égalitaire entre les individus est promulguée sous son nom. D’une forme particulière de système politique, la démocratie s’avère maintenant comme le seul régime valable pour les nations civilisées.
Démocratie et liberté : de la théorie à l’application
le concept de liberté et de démocratie
Parler de liberté et de démocratie, impose dans une certaine mesure une analyse conceptuelle des deux notions. Le concept se présentant comme « une idée conçue par l’esprit », relève du domaine abstrait. Or il y a souvent une différence entre le concept en tant qu’idéal et son application concrète. C’est pourquoi, l’examen rationnel des termes de la liberté et de la démocratie doit travailler à restreindre la distance qui sépare le concept et sa concrétisation. C’est ainsi que leur investigation conceptuelle oriente le chercheur sur diverses pistes de recherche. La question de leur origine, entendue au sens de jaillissement premier, de même que celle qui est en rapport avec leur application nous sera d’une dimension non négligeable. C’est l’apport d’une telle interrogation qui nous poussera à creuser la véritable nature des concepts de liberté et de démocratie ; et par là de voir le lien intime qui les unit. Cependant, quel fut le processus de la liberté ? Ou plus spécifiquement comment la liberté franchit-elle l’étape naturelle à celle civile ?
De la liberté naturelle à la liberté civile
Dérivé du latin libertas : état de l’homme libre ; qui provient de liber : homme libre, le mot liberté à su occuper une place prépondérante au sein de l’être humain. Qu’elle soit manifeste dans une dimension individuelle ou collective, la liberté a toujours fait l’œuvre d’acceptions multiples. Son histoire porte l’empreinte d’une symbiose d’idées, d’actes, de convictions, d’idéaux ou d’idéologies ; en somme donc d’un ensemble de valeurs qui sont les préfondés de l’être aspirant à être libre. Cependant, même s’il y a une diversité opératoire au sein de leurs convictions, cette multiplicité n’est pas notoire quant au désir qui anime chaque être qui tend à la liberté. Le sentiment d’être libre est généralement commun chez tout être, même si les fins visées ou les méthodes choisies pour y arriver diffèrent souvent. De ce fait s’interroger sur la nature véritable de la liberté devient une nécessité ; est-elle un fait naturel ou dérive-telle d’une création artificielle de l’homme ?
Tout au début Du Contrat Social, Rousseau fait un constat décisif, et qui sera très déterminant dans sa philosophie politique : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers » . Un tel propos est riche d’emblée de significations et de perspectives. En effet, faire de la liberté une qualité congénitale de l’homme, c’est sous-entendre en un sens le caractère premier de la liberté, de la considérer comme une sorte de talisman nécessaire pour la survie même de l’individu. Mais aussi de remarquer surtout que la perte d’un tel constituant peut porter atteinte à la condition naturelle du sujet. En outre ce qui est déterminant et, à la limite exaltant dans le propos rousseauiste, est que l’individu même dans un état de pure servilité est un être toujours libre. Que la liberté soit entravée, reconnue de tous ou même élaborée de manière dissimulée, l’homme jouit d’une certaine autonomie qu’il tire de toute la profondeur de son être. C’est en tenant compte d’une telle spécificité de l’être humain, que Rousseau prime la liberté sur toute autre valeur. Voilà d’ailleurs ce qui pousse l’homme à ne se soucier que de sa propre préservation dans l’état de nature; c’est ce que Rousseau nomme par « instinct de conservations ». Ceci est, en effet, à l’origine de la solitude et de la peur de tout affrontement de la part de l’homme naturel.
Dans une perception rousseauiste, la liberté est conçue comme inhérente à la nature humaine. Elle n’est donc pas chose inconnue à l’essence humaine, elle est plutôt une quintessence pour l’homme. C’est ce que fait remarquer Victor Goldschmidt, quand il soutient que «Chez Rousseau, la liberté est analogue au cogito cartésien par rapport aux choses que l’on peut révoquer en doute : elle apparait comme le seul principe qu’on puisse soustraire au mécanisme universel » . C’est dire donc que le désir de liberté est commun à tous les humains. La liberté a toujours été présente en l’individu, et cela avant même l’instauration de la société, autrement dit dans l’état de nature.
Rousseau montre que l’homme dans cet état est un être très fragile, bon à tous les égards, et qui mène une vie très paisible. Il se satisfait de peu de choses. Rousseau le souligne en ces termes : « Je le vois se rassasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau, trouvant son lit au pied du même arbre qui lui a fourni son repas, et voilà ses besoins satisfaits » . En outre, l’inégalité n’y était pas observable car chaque homme est indépendant vis-à-vis de l’autre. Les hommes vivaient dans un isolement accentué. Ce qui exclut d’emblée toute réalisation de communication, de sociabilité naturelle, et par là tout risque de conflit et d’aliénation de la liberté. Cette dernière est même manifestée paradoxalement à travers la dépendance absolue, totale, et inconditionnelle de l’homme naturel. Du fait que l’état de nature se situe en dehors de toute temporalité et de tout mouvement, la liberté de l’homme naturel ne saurait être restreinte. Mais, cette liberté illimitée ne résulte pas d’une action consciente, et réfléchie de l’homme, puisqu’elle existe en soi. De là se manifeste l’antériorité de la liberté par rapport à tout processus de civilisation, et son caractère d’innéisme.
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Table des matières
Introduction
PREMIERE PARTIE : Démocratie et liberté : de la théorie à l’application
Chapitre premier : le concept de liberté et de démocratie
1) De la liberté naturelle à la liberté civile
2) Rapport entre démocratie et liberté chez Rousseau
Chapitre deuxième : Démocratie et liberté dans la vie sociale
1) Liberté civile et liberté morale dans le système démocratique
2) La liberté, finalité de la démocratie
DEUXIEME PARTIE : De l’application de la liberté et de la démocratie
Chapitre troisième : Problématisation des concepts de démocratie et de liberté
1) L’idéal démocratique
2) Le concept de la liberté : source de divergence
Chapitre quatrième : Les fragilités de la liberté dans le système démocratique
1) Peuple et souveraineté
2) L’individu et la loi
Conclusion