Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Contexte clinique et démographique
L’encéphalite limbique non infectieuse est une pathologie du système nerveux central qui affecte tous les sujets sans distinction d’âge ou de sexe [6]. Cependant dans une cohorte de 19 cas recensés entre 2006 et 2012 au CHU de Grenoble, Mathieu Vaillant trouvait deux grandes périodes semblant être plus à risque de survenue de ces encéphalites limbiques non infectieuses : le jeune adulte et la personne de plus de 60 ans [10]. Les deux cas que nous rapportons dans cette étude corroborent parfaitement ce constat.
La difficulté diagnostique de cette affection serait liée en partie à la grande variabilité de la symptomatologie clinique. Le mode de présentation clinique étant variable selon le type d’anticorps impliqué, l’existence ou non d’une tumeur et le stade évolutif de la maladie [11].
Toutefois, il existe un symptôme fréquemment rapporté dans la littérature, chez la plupart des patients atteints d’encéphalite limbique. Il s’agit de l’amnésie antérograde. Pour certains auteurs, l’apparition aiguë ou subaiguë d’un trouble de la mémoire portant sur des faits récents associé à des troubles du comportement et/ou des crises d’épilepsie de type temporal doit faire évoquer le diagnostic d’une probable encéphalite limbique [6;12]. Ce symptôme a été retrouvé chez un de nos patients.
La survenue de trouble du comportement avec apparition de dyskinésies orofaciales telle que observée chez l’un de nos patients a été rapporté dans plusieurs études chez des jeunes filles atteintes d’encéphalite limbique paranéoplasique sur tératome ovarien mature [13;14]. En effet notre patiente présentait un tératome mature.
Démarche diagnostique en imagerie médicale
Diagnostic positif
✓ Scanner cérébral
Le scanner cérébral est un examen de performance limitée pour la détection des anomalies encéphaliques lors d’une encéphalite limbique [15;16]. Il a été réalisé devant le contexte d’urgence neurologique dans lequel nos patients étaient reçus au SAU. Toutefois cet examen avait permis d’éliminer un accident vasculaire cérébral notamment hémorragique et un processus expansif intra crânien.
En effet le scanner était réalisé sans injection de produit de contraste chez les deux patients et n’avait pas trouvé d’anomalie significative. L’injection de produit de contraste iodé n’avait pas été jugé utile pour compléter l’examen.
Dans notre revue de la littérature nous n’avons pas trouvé d’article traitant sur l’éventuel apport d’une injection de produit de contraste iodé par rapport au scanner cérébral sans injection pour le diagnostic des encéphalites limbiques non infectieuses.
✓ IRM encéphalique
Chez nos patients, il existait sur les séquences FLAIR, un hypersignal au niveau temporal interne bilatéral. L’anomalie était symétrique chez un des patients et asymétrique prédominant à gauche chez l’autre.
En pondération T2, l’hypersignal n’était visible que chez un des patients.
L’IRM est un examen d’imagerie dont la sensibilité atteint 70 à 80% pour la détection des anomalies encéphaliques liées à l’encéphalite limbique [17]. Elle révèle un hypersignal en T2/FLAIR au niveau du cortex temporal interne le plus souvent bilatéral. Ainsi les séquences pondérées en T2 et FLAIR sont largement recommandées par les auteurs [18;19].
Toutes ces anomalies observées sur l’IRM encéphalique de nos patients sont concordantes avec certains travaux publiés dans la littérature.
Au Maroc, Ahmed FILALI avait rapporté en 2016 78.9 % de cas d’anomalie de signal IRM à type d’hypersignal T2/FLAIR chez 19 patients atteints d’encéphalite limbique toutes causes confondues [16].
Dans l’étude de Mathieu VAILLANT en Grenoble [10], 71,43% des 14 patients présentaient un hypersignal temporal en T2/FLAIR.
En pondération T1 sans et avec injection de gadolinium après suppression du signal de la graisse, les lésions vues en FLAIR se traduisaient en isosignal se rehaussant modérément chez un de nos patients tandis qu’elles étaient en hyposignal chez l’autre patient pour qui une injection de gadolinium n’était pas réalisée.
Aucune anomalie significative n’était détectable sur la Diffusion.
Il n’y avait pas de remaniements hémorragiques visible en T2EG.
Le signal T1 avec ou sans prise de contraste après injection de gadolinium de même que la diffusion sont variables et n’ont pas été considéré par les auteurs comme éléments essentiels du diagnostic radiologique de l’encéphalite limbique non infectieuse. Toutefois ces séquences pourraient être utiles pour les diagnostics alternatifs comme un accident vasculaire cérébral ou une pathologie tumorale [1;7].
Dans un rapport de quatre cas d’encéphalite limbique non infectieuse publié en en Poland par Zanna PASTUSZAK [20] tous les patients avaient un hypersignal T2 et FLAIR, visible dans le cortex temporal interne chez les trois et en extra temporal (cervelet et tronc cérébral) chez l’autre. Deux patients avaient un hyposignal T1 et la prise de contraste après injection de gadolinium était observée chez un patient.
L’IRM encéphalique peut être normale dans certains cas d’encéphalite limbique non infectieuse, ne révélant ainsi aucune anomalie de signal à l’IRM précoce [14;21]. D’où l’utilité du TEP-scanner.
✓ TEP-scanner encéphalique au 18-FDG
La tomographie par émission de positon au 18-Fluoro-desoxy-glucose n’a pas été réalisée chez nos patients. Toutefois des études montraient que cet examen était plus sensible que l’IRM pour détecter les anomalies encéphaliques liées à cette affection dès la phase aiguë de la maladie [21].
Dans une étude récente faite au Baltimore, Maryland concernant 23 cas d’encéphalite limbique d’origine auto-immune, le TEP-scanner au 18-FDG avait révélé des anomalies métaboliques chez les 22 patients alors que l’IRM encéphalique n’avait objectivé d’anomalie de signal que chez 10 patients [22].
L’hypermétabolisme est l’anomalie métabolique plus fréquemment trouvée dans la phase aiguë de l’encéphalite limbique [23].
L’hypométabolisme qui survient souvent à la phase subaiguë ou chronique de la maladie serait lié à une activité neuronale réduite avec des neurones sidérés par la réaction inflammatoire, ne pouvant plus fonctionner normalement [23;24].
Diagnostic différentiel
L’encéphalite virale notamment herpétique représente le principal diagnostic différentiel de l’encéphalite limbique non infectieuse [6]. Le tableau clinique et les anomalies de signal en IRM d’une encéphalite limbique non infectieuse étant très proches de ceux d’une encéphalite herpétique à HSV6, cette dernière doit être éliminée en première intention du fait de son urgence thérapeutique. En cas de suspicion d’encéphalite limbique certains auteurs recommandent d’instaurerimmédiatement un traitement antiviral par Aciclovir en attendant les résultats des prélèvements sérologiques [25].
D’autres causes virales moins fréquentes (VZV, CMV…), bactériologiques et mycologiques peuvent être évoqué et rechercher en fonction du contexte clinique et épidémiologique.
Le virus de l’herpès n’a pas été trouvé sur les prélèvements de LCR effectués chez nos patients. En IRM certains critères peuvent être utilisé pour avoir une orientation diagnostique entre encéphalite limbique infectieuse et encéphalite limbique non infectieuse [26; 27]. C’est dans ce cadre qu’un groupe d’auteurs avait révisé le rapport du « California Encephalitis Project » (étude multicentrique des différentes causes d’encéphalite limbique, impliquant 2001 patients dans plus de 200 hôpitaux de la Californie entre 1998 et 2012). Ensuite ils avaient proposé des critères diagnostiques différentiels des différents groupes étiologiques en se basant sur les anomalies de signal observées chez les patients ayant bénéficié d’une IRM encéphalique lors de cette étude. C’est ainsi que des prédicateurs radiologiques en faveur de l’encéphalite herpétique par rapport à l’encéphalite limbique non infectieuse avaient été identifié [15].
La topographie unilatérale de l’hypersignal T2/FLAIR parfois observée au début de la maladie évolue le plus souvent vers l’atteinte bilatérale [20].
Dans une revue de 42 cas d’encéphalite auto-immune, près de 30% des patients qui avaient initialement un hypersignal FLAIR unilatéral du cortex temporal au début de leur maladie ont vu leurs lésions progresser sur l’imagerie de suivi, jusqu’à l’implication bilatérale avec atteinte temporale controlatérale [28].
Diagnostic étiologique
L’encéphalite limbique non infectieuse est le plus souvent d’origine paranéoplasique, auto-immune. C’est ainsi qu’une recherche étiologique tumorale et auto-immune s’impose ; d’où la réalisation d’une TDM thoraco-abdomino-pelvienne, un TEP-scanner et un bilan immunologique.
Une TDM-thoraco-abdomino-pelviennea été réalisé chez nos deux patients dans le but de rechercher une étiologie paranéoplasique. Elle avait permis de mettre en évidence chez un des patients une lésion nodulaire, ovarienne droite de 23 mm dont l’aspect évoquait un tératome du fait de la présence de densité graisseuse au sein de la lésion. Le tératome mature fût confirmé à l’étude anatomopathologique de la pièce opératoire. Ainsi le diagnostic d’encéphalite limbique paranéoplasique sur tératome ovarien était retenu chez cette patiente. Le bilan immunologique mettait en évidence la présence d’anticorps anti-NMDAr, corroborant ainsi un tableau classique (encéphalite limbique paranéoplasique avec présence d’Ac anti-NMDAr) largement rapporté dans la littérature. Nous pouvons citer entre autres publications celles de Jan Novy [36], De Broucker [37], Grausa [38] et Dalmau [39;40].
Chez l’autre patient aucun argument d’orientation étiologique n’a été trouvé au bilan d’imagerie réalisé.
Toutefois la non réalisation du TEP-scan au 18-FDG de même que le dosage des anticorps onco-neuronaux intracellulaires et l’absence de suivi de nos patients jusqu’à 4 ans font qu’une cause paranéoplasique ne pouvait être formellement écartée.
Le bilan immunologique à la recherche d’anticorps onco-neuronaux spécifiques dans le sang et le LCR peut aider à orienter le diagnostic vers une origine paranéoplasique ou non [29].
On distingue habituellement deux groupes d’anticorps [30;31]:
– les anticorps dont la cible est un antigène intracellulaire (anti-Hu ; anti-CV2/CRMP5;anti-Ma2 ; anti-CV2; GABAb…) sont retrouvés le plus souvent en cas d’encéphalite limbique paranéoplasique.
– les anticorps dont la cible est un antigène membranaire (anti-VGKC ; antiNMDAr) sont le plus souvent idiopathiques, mais peuvent également s’observer dans le contexte paranéoplasique. Un tératome ovarien serait associé aux antiNMDAr dans 65 % des cas [32]. Chez une de nos patients, cet anticorps était présent.
Cependant, quelque soit le type d’anticorps retrouvé, il est conseillé en pratique de réaliser une TDM thoraco-abdomino-pelvienne à la recherche d’une lésion néoplasique quelque soit le statut immunologique.
Le TEP-scanner corps entier utilisant le 18-FDG comme traceur devrait être réaliser au cas où la TDM thoraco-abdomino-pelvienne ne trouve pas de lésion suspecte de processus tumoral car étant plus sensible que celui-ci [33].
D’après certains auteurs l’encéphalite limbique est un syndrome neurologique paranéoplasique qui peut précéder de plusieurs années la survenue du cancer [34]. Titulaer et al. préconisent de répéter régulièrement ces deux examens tous les 3 à 6 mois pendant 4 ans en cas d’encéphalite limbique probable [35].
En cas de discordance entre un bilan d’imagerie négatif et un bilan immunologique positif avec présence d’un auto-anticorps fréquemment associé à une lésion néoplasique, une coelioscopie exploratrice guidée par le type d’anticorps retrouvé serait recommandée [6;12].
Évolution et perspectives
Évolution
L’évolution de cette affection ne se conçoit que sous traitement. Le pronostic est largement conditionné par la rapidité du diagnostic et l’instauration du traitement étiologique si possible. Selon Keime-Guibert et Jacobs DA la suspicion d’une encéphalite limbique non infectieuse impose la recherche d’un cancer sous-jacent dont le traitement adéquat conditionne la stabilisation ou l’amélioration des symptômes [41;42].
Sur le plan radiologique une diminution voire disparition complète de l’hypersignal T2 et FLAIR est habituelle en cas de traitement adapté. Dans le cas contraire, une dissémination de l’atteinte jusqu’aux structures extra limbiques est possible [43].
Chez nos patients, l’évolution sous traitement était marquée par la régression des symptômes cliniques et la disparition des hypersignaux T2 et FLAIR sur l’IRM de contrôle car ils avaient tous bénéficié d’une immunoglobulinothérapie et d’une corticothérapie.
Perspectives
Vu la difficulté liée à l’approche diagnostique de ces encéphalites du fait de l’accessibilité limitée des examens d’imagerie et surtout des tests immunologiques qui restent encore très peu disponibles même en Europe, un groupe d’experts européens s’est réuni pour élaborer des critères diagnostiques d’encéphalite limbique. L’objectif visé était d’atténuer le retard dans l’initiation du traitement dû à l’attente des résultats du bilan immunologique. Ce travail a abouti à l’établissement de trois niveaux de preuve clinique d’encéphalite auto-immune [18;44;45] :
⁃ encéphalite limbique possible
⁃ encéphalite limbique probable
⁃ encéphalite limbique définie.
CONCLUSION
L’encéphalite limbique non infectieuse est une atteinte inflammatoire des structures anatomiques du système limbique qui se manifeste en IRM par des hypersignaux T2 et FLAIR au niveau des lobes temporaux internes avec ou sans prise de contraste après injection de gadolinium et un signal variable en T1. Plusieurs étiologies dominées par les causes auto immunes et paranéoplasiques ont été identifiées. Cependant force est de constater que malgré les énormes avancées de la médecine avec l’apparition des appareils d’IRM haut champs, du TEP-scanner et des tests immunologiques spécifiques, cette affection reste mal connue et très rarement évoquée en pratique quotidienne.
Leur principal diagnostic différentiel reste l’encéphalite virale notamment herpétique qui se manifeste par un hypersignal limbique en T2 et FLAIR. La frontière entre ces deux entités peu être frustre. Des critères diagnostiques différentiels ont été proposé par certains auteurs avec deux éléments majeurs entre autres, en faveur de l’encéphalite limbique non infectieuse :
– la topographie bilatérale de l’hypersignal T2 et FLAIR
– l’absence de remaniements hémorragiques en T2*.
Nous avons rapporté dans ce travail deux cas de patients atteints d’encéphalite limbique non infectieuse dont le diagnostic avait été évoqué grâce à l’IRM.
Notre objectif était de décrire les aspects radiologiques et de faire une revue de la littérature sur cette affection.
L’IRM encéphalique réalisée chez nos patients avait révélé des hypersignaux limbiques bilatéraux en FLAIR. Il n’y avait pas d’anomalie de signal en T2 chez l’un des patient. Les lésions se traduisaient en isosignal T1 se rehaussant au gadolinium chez un patient et en hyposignal T1 chez l’autre qui n’avait pas bénéficié d’une injection de gadolinium. Il n y’avait pas d’anomalie significative à la diffusion et en pondération T2*.
Ainsi, en dehors du contexte clinico-biologique, les caracteristiques de l’anomalie de signal en IRM avaient permis d’évoquer l’encéphalite non infectieuse chez nos patients.
Le bilan étiologique impliquant la réalisation d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien et des tests immunologiques avait permis d’objectiver un tératome ovarien et des autoanticorps anti-NMDAr chez une des patients. Le diagnostic d’encéphalite limbique paranéoplasique sur tératome ovarien été retenu chez cette patiente.
Cependant le bilan étiologique réalisé était négatif chez l’autre patient. Toutefois le TEP-scanner corps entier qui serait plus sensible que le scanner thoraco-abdomino-pelvien pour la détection précoce des lésions tumorales n’était pas réalisé chez nos patients.
En dehors de la cure chirurgicale du tératome chez notre patiente, une immunoglobulinothérapie suivie d’une corticothérapie était instaurée chez les deux patients avec un résultat satisfaisant du fait de la disparition des symptômes cliniques et des hypersignaux FLAIR à l’IRM.
Ainsi les diagnostiques d’encéphalite limbique paranéoplasique sur tératome ovarien et d’encéphalite limbique auto-immune probable étaient retenus chez nos patients.
Au terme de notre étude nous retenons que :
– L’encéphalite limbique non infectieuse n’est pas une affection rare mais plutôt sous diagnostiquée.
– Les hypersignaux FLAIR et leur topographie temporale interne bilatérale, sans remaniements hémorragiques, visibles à l’IRM encéphalique sont suggestives d’encéphalite limbique non infectieuse.
– L’imagerie notamment le TEP-scanner et l’IRM tend à occuper la première place dans l’arsenal des moyens diagnostiques actuellement utilisés.
– Il s’agit d’une affection grave dont le pronostic dépend de l’initiation précoce de l’immunoglobulinothérapie plus ou moins associée à la corticothérapie et la chirurgie. L’attente des résultats du bilan immunologique ne doit pas retarder le traitement.
|
Table des matières
I. OBSERVATIONS
II. DISCUSSION
II.1. Contexte clinique et démographique
II.2. Démarche diagnostique en imagerie médicale
II.2.1. Diagnostic positif
II.2.2. Diagnostic différentiel
II.2.3. Diagnostic étiologique
II.3. Évolution et perspectives
II.3.1. Évolution
III.3.2. Perspectives
CONCLUSION
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
Télécharger le rapport complet