L’éducation à la santé a été définie par l’OMS* en 1983 comme « tout ensemble d’activités d’information et d’éducation qui incitent les gens à vouloir être en bonne santé, à savoir comment y parvenir, à faire ce qu’ils peuvent individuellement et collectivement pour conserver la santé, à recourir à une aide en cas de besoin ». Dans le domaine de la périnatalité, l’éducation à la santé constitue « un processus actif de renforcement de l’estime de soi et du sens critique, de la capacité de prise de décision et d’action pour agir et améliorer sa santé, en l’occurrence ici réussir une expérience de santé par l’accueil de l’enfant et la transition vers la fonction de parent ». Elle a donc pour but d’accompagner les futurs parents dans leurs choix, les considérants comme acteurs de soin et débutant pour cela par une information libre et éclairée. Elle permet également de les soutenir dans leur accession à la parentalité. En effet, dans une revue de la littérature de 2004, il a été identifié les principales difficultés rencontrées par les parents durant la première année de vie de l’enfant. Il en ressort principalement, le fait d’arriver à se faire confiance en tant que mère ou père. Devenir parent constitue donc une étape importante et parfois difficile pour chaque couple, nécessitant d’être accompagné par les professionnels de santé (INPES*, 2004).
ETAT DES CONNAISSANCES
L’éducation à la santé en périnatalité vise à promouvoir la santé des femmes et des nouveau-nés. Elle repose principalement sur une guidance des couples. Le terme de « guidance » a été introduit en France dans les années 1950 et désigne les conseils. La « guidance parentale » peut se définir par l’information, le conseil et le soutien apportés aux parents (Giannone, 2009). L’implication des parents a été démontrée comme fondamentale pour assurer le bien-être de leur enfant. La guidance parentale se définit donc par un accompagnement des parents, par les professionnels de santé, dans l’aide éducative de leur enfant (Giannone, 2009). Cette guidance permet également de les soutenir dans leur accession à la parentalité définie par le conseil de l’Europe en 2006, comme l’ensemble des réaménagements psychiques et affectifs permettant à des adultes de jouer leur rôle de parents, c’est-à-dire de répondre aux besoins de leur enfant sur le plan physique, affectif, intellectuel et social (INPES, 2010). Concernant le peau à peau, plusieurs stratégies d’implantation ont été décrites dans la littérature pour qu’il soit effectué en toute sécurité. L’information et la guidance constituent à chaque fois une étape clé. Le peau à peau a été décrit pour la première fois pour les nouveau-nés prématurés dans les années 1970 par une équipe médicale colombienne sous la forme de « méthode kangourou», consistant en un portage des nouveau-nés de petit poids de naissance, peau à peau contre la poitrine de leur mère, 24 heures sur 24 (Charpak et al, 1997). Cette pratique s’est progressivement répandue de par les bénéfices majeurs qui en découlent autant pour la mère que pour son nouveau-né, jusqu’à faire partie des recommandations françaises depuis 2002 (HAS, 2002).
Il s’adresse aux nouveau-nés à terme mais aussi aux prématurés, qui ont présenté une bonne adaptation à la vie extra-utérine, sans pathologie ni malformation apparente ainsi qu’aux mères se portant bien après l’accouchement, sans pathologie.
Il a été observé que le contact peau à peau déclenche chez le nouveau-né un comportement caractéristique décrit en neuf étapes que sont :
– le cri à la naissance
– une phase de relaxation
– une phase d’éveil où le nouveau-né commence à regarder avec une grande concentration, prêtant attention au visage, aux yeux et au sein de sa mère
– l’activation, le visage de celui-ci s’anime, il commence à faire des grimaces avec sa bouche, à bouger ses lèvres et sa langue
– le ramper vers la poitrine de sa mère, guidé par l’odeur du mamelon (réflexe de fouissement)
– une phase de détente
– une activité orale accrue et notamment la découverte du sein
– la succion
– l’endormissement (Widström et al, 2010).
Il découle de ce contact peau à peau précoce et prolongé de nombreux effets bénéfiques décrits dans la littérature depuis plusieurs années. C’est pourquoi, chaque dyade mèreenfant doit pouvoir en bénéficier, même les mères ne souhaitant pas allaiter. En effet, on peut retrouver dans un excellent article de Laurence Girard paru dans les dossiers de l’obstétrique en 2015, que des chercheurs suédois ont démontré le phénomène de synchronisation thermique lors du peau à peau. Cela s’explique par une augmentation de la sécrétion d’ocytocine chez la mère suite au contact avec son nouveau-né, entraînant un débit de sang plus important au niveau de son thorax et donc une source de chaleur plus importante permettant de réchauffer son nouveau-né (Bergström, Okong et al, 2007). De même, Takahashi et al (2011) ont mis en évidence un taux de cortisol salivaire plus faible chez des nouveau-nés placés en peau à peau pendant plus de 60 minutes et dans les 5 premières minutes de vie, ce qui se traduit par des épisodes de stress moins importants et une adaptation facilitée lors de la naissance. Ces mêmes enfants présentaient une stabilité cardiaque 2,5 fois plus élevée que ceux qui avaient bénéficié du peau à peau plus tardivement. Plusieurs études ont également mis en évidence l’effet positif des séances de peau à peau pour la résolution d’un ictère néonatal ou pour diminuer la douleur chez le nouveau-né lors de gestes invasifs. Gomes Chermont et al (2009) ont pu observer une diminution des cris de plus de 70% et des grimaces de plus de 30% lors d’une ponction capillaire au talon. De plus, le peau à peau constitue un précieux allié dans la mise en place de l’allaitement. En effet, ce contact stimule la sécrétion d’ocytocine et de prolactine chez la mère, nécessaires à l’élaboration de la lactation. Une étude de 2013 montre que les femmes qui en ont effectué durant les deux heures suivant la naissance de leur enfant, présentent une plus grande aisance vis-à-vis de l’allaitement (Bramson et al, 2013). A cela s’ajoute une étude américaine de 2006 mettant en évidence une corrélation entre la durée du peau à peau et le taux d’allaitement maternel exclusif à la sortie de la maternité : un contact peau à peau supérieur à une heure multiplie par deux le taux d’allaitement exclusif à la sortie de la maternité (Bigelow et al, 2010). Par ailleurs, il est important de souligner les bienfaits du peau à peau chez le nouveau-né prématuré. Plusieurs heures de peau à peau par jour lui permettent de parvenir à téter au sein dès 31 SA et de bénéficier d’un allaitement maternel exclusif entre 32 et 38 SA (Nyqvist, 2001). Il permet également d’améliorer sa croissance et influence de façon positive son développement mental et cognitif jusqu’à l’âge de 10 ans (Feldman et al, 2014). De façon réciproque, le peau à peau influence le comportement de la mère vis-à-vis de son nouveau-né. En effet, la libération accrue d’ocytocine rend la mère plus calme, moins anxieuse, et lui permet d’interagir plus facilement avec son enfant. Elle réduit aussi les risques d’hémorragies en améliorant la contractilité utérine. De plus, Widström et al (1990) ont pu observer que si le nouveau-né touche le mamelon dans la demi-heure suivant la naissance, la mère passe plus de temps à lui parler, elle le porte plus fréquemment et le garde volontiers près d’elle.
A l’heure actuelle, l’HAS (2002) recommande qu’à la naissance, chaque nouveau-né soit séché, recouvert et immédiatement mis sur le ventre de sa mère et de reporter les soins essentiels au nouveau-né (administration de la vitamine, pesée..) qu’après une période de contact prolongée et ininterrompue. De plus, IHAB-France*, organisme qui a pour but d’améliorer l’information des femmes pendant la grossesse, la qualité d’accueil des nouveau-nés et l’accompagnement des parents selon les recommandations de l’OMS, a émis une recommandation concernant le peau à peau : « placer le nouveau-né en peau à peau avec sa mère immédiatement après la naissance pendant au moins une heure et encourager la mère à reconnaître quand son bébé est prêt à téter, en proposant de l’aide si besoin ».
Cependant, des cas de malaise graves et de morts subites ont été décrits dans la littérature au cours des dernières années chez des nouveaux nés à terme présumés sains et qui bénéficiaient du peau à peau. Il s’agissait d’arrêts cardio-respiratoires dont le principal facteur de risque semblait être une obstruction des voies aériennes par enfouissement du nouveau-né contre sa mère (Gatti et al, 2004). C’est pourquoi, pour parer à ce risque, IHAB-France a proposé des recommandations en 2013, sur l’installation de la mère et de son nouveau-né lors de la pratique du peau à peau :
– Installez le bébé et la maman correctement
– Mère légèrement redressée (pas à plat)
– Bébé à plat ventre contre sa mère
– Tête tournée sur le côté
– Visage bien visible, non enfoui
– Nez et bouche bien dégagés, non recouverts
– Cou non fléchi
– Avec une couverture sur le dos
Surveillez régulièrement la couleur et le comportement du bébé, ne laissez pas le bébé et sa maman seuls si elle s’endort ou risque de s’endormir. Si personne ne peut rester avec la maman et son bébé, surveillez la fréquence cardiaque et la saturation du bébé
La dyade mère-enfant ainsi positionné en peau à peau bénéficiera d’une surveillance par le personnel soignant toutes les quinze minutes, quant au comportement du nouveau-né, sa coloration, respiration, température, position et à l’état d’éveil et de vigilance de sa mère. Par ailleurs, E. Herlenius et P. Kuhn recommandent dans une étude parue en 2013, de procéder à une information systématique des parents sur les signes cliniques qui montrent que l’enfant va bien et sur la nécessité de maintenir une vigilance particulière durant toute la durée du peau à peau.
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Table des matières
Introduction à l’étude
Etat des connaissances
Matériels et méthode
Résultats
Analyse et discussion
Conclusion