DIFFERENTES PHASES DE LA CROISSANCE
Après une phase de croissance intra-utérine, la croissance staturale comporte plusieurs étapes :
– De la naissance à l’âge de 4 ans : la vitesse de croissance est importante puis décroit ensuite progressivement. Elle comprend en moyenne un gain de taille de 25 cm la première année, 12 cm la deuxième année et 8 cm la troisième année. On note un grand rôle des facteurs génétiques et nutritionnels lors de cette période. C’est également lors de cette phase que la taille rejoint progressivement son couloir génétique (en 2 ans en moyenne).
– De l’âge de 4 ans au début de la puberté : la vitesse de croissance est régulière autour de 5-6 cm par an. Cette phase est, quant à elle, sous le contrôle de facteurs hormonaux (hormone thyroïdienne puis hormone de croissance) et génétiques. L’enfant se situant désormais sur son couloir génétique, tout changement de couloir ou tout ralentissement excessif de la vitesse de croissance doivent alerter.
– Durant la puberté : le développement des caractères sexuels secondaires s’accompagne d’une nouvelle phase de croissance rapide. Elle est dépendante des stéroïdes sexuels et diffère chez les garçons et chez les filles.
✓ Chez le garçon, l’accélération de la vitesse de croissance est retardée d’environ un an par rapport aux premiers signes pubertaires et a lieu en moyenne vers l’âge de 12,5 ans. Le gain pubertaire moyen est de 25 à 30 cm avec un pic de vitesse de croissance de 10 cm par an vers l’âge de 14 ans. La taille adulte moyenne est à 177 cm chez les garçons en France.
✓ Chez la fille, la vitesse de croissance s’accélère en moyenne dès les premiers signes pubertaires vers l’âge de 10,5 ans, avec un pic de vitesse de croissance à 8 cm par an vers l’âge de 12 ans. Le gain pubertaire moyen est de 20 à 25 cm. La taille adulte moyenne est de 165 cm en France.
L’accélération de la vitesse de croissance s’accompagne d’une maturation du cartilage de croissance qui se soude progressivement, ce qui marque la fin de la croissance. Celle-ci est définie par une vitesse de croissance inférieure à 2 cm par an et un âge osseux, selon l’atlas de Greulich et Pyle, de plus de 15 ans chez la fille et 16 ans chez le garçon. (2, 39)
INTERROGATOIRE ET EXAMENS
A) Interrogatoire : Une fois le retard statural identifié, l’interrogatoire est l’une des étapes clés de la recherche de son étiologie. Il doit rechercher les mensurations de naissance pour ne pas méconnaitre un retard de croissance intra-utérin. Les antécédents doivent également être précisés avec notamment l’existence de pathologie chronique, les prises médicamenteuses éventuelles, la notion de traumatisme crânien ainsi que les étapes du développement neurocognitif. Les antécédents familiaux avec notamment les tailles parentales (qui permettront le calcul de la taille cible) mais également familiales ainsi que l’âge des premières ménarches chez les femmes et de manière plus générale la notion de retard pubertaire familial seront également demandés. Il faut également rechercher d’éventuels signes fonctionnels d’orientation (troubles alimentaires, troubles digestifs, céphalées, vomissements, troubles visuels, syndrome polyuro-polydipsique…). Enfin, une analyse du contexte psychoaffectif et du retentissement psychologique de la petite taille est réalisée mais reste toujours difficile en l’absence d’outil standardisé. (14, 19, 29).
B) Examen clinique : Après les différentes mesures de taille, poids, périmètre crânien, envergure, segments supérieur et inférieur, un examen clinique complet sera à réaliser. Outre l’examen de chaque appareil, des anomalies dysmorphiques (pouvant orienter vers une pathologie génétique), osseuses (pouvant évoquer une MOC) ou syndromique (pouvant être évocateur d’un déficit en hormone de croissance) seront recherchées (14, 29). Une évaluation du stade pubertaire (stade de Tanner) est également indispensable lors de cet examen.
C) Examens complémentaires
1) Bilan sanguin : Dans un premier temps, un bilan sanguin standard (pour rechercher une pathologie chronique) ainsi qu’un bilan hormonal de base seront à réaliser comprenant :
▪ NFS, ionogramme sanguin, fonction rénale, bilan phosphocalcique, bilan hépatique, bilan martial, vitesse de sédimentation, IgA totaux et antitransglutaminases (pour la recherche de la maladie cœliaque)
▪ Dosage de l’IGF-1 (qui sera interprété selon l’état nutritionnel et selon le stade pubertaire), bilan thyroïdien, selon l’âge : gonadotrophine et stéroïdes sexuels pour l’évaluation du stade pubertaire, cortisol à 8h (ou cortisol libre urinaire en cas de suspicion de syndrome de Cushing) (14, 16, 29)
▪ Un caryotype est à réaliser chez la fille pour rechercher un syndrome de Turner (25)
Dans un second temps pourra être réalisé si nécessaire, par un spécialiste, un test de stimulation de l’hormone de croissance en cas de suspicion de déficit en GH. En effet, l’hormone de croissance est sécrétée de façon pulsatile et nocturne. Par conséquent, un dosage statique de GH n’est pas interprétable. Pour confirmer ou infirmer le diagnostic de déficit en hormone de croissance, un test de stimulation de celle-ci sera donc indispensable. Il consiste à stimuler l’axe somatotrope en provoquant des hypoglycémies. L’hormone de croissance étant hyperglycémiante, elle devra alors s’activer pour permettre la régulation du taux de glycémie. Différents tests de stimulation peuvent être réalisés, les plus fréquents consistant à injecter de l’insuline (seule ou couplée avec de l’arginine) ou du glucagon (couplé à du Betaxolol). Des dosages sanguins réguliers de GH sont alors réalisés lors du test. Celui-ci est dit non déficitaire si le pic de GH obtenu est supérieur à 20 mUI/L. Si tel est le cas, le diagnostic de déficit en hormone de croissance pourra être exclu. Dans le cas contraire, il sera nécessaire de réaliser un deuxième de test de stimulation de la GH (différent du premier et couplé si cela est possible). Deux cas sont alors envisagés : le pic de GH est > 20 mUI/L et le diagnostic de déficit en GH est infirmé ou le pic de GH est inférieur à ce seuil et l’on peut alors conclure à un déficit en hormone de croissance.
2) Bilan radiologique :
➢ La détermination de l’âge osseux sera à réaliser dans un premier temps. Il s’agit d’un repère quant à la maturation du squelette. Il est lu à l’aide d’un atlas radiologique, l’atlas de Greulich et Pyle, contenant une base de données de normes à tous les âges pour les filles et pour les garçons. Sa détermination se réalise à partir d’une radiographie du poignet et de la main gauche de face. Il est comparé à l’âge chronologique. Il permet de déterminer le potentiel de croissance résiduelle et donc d’effectuer une prédiction de la taille finale de l’enfant. Il a donc une valeur plus pronostique que diagnostique et devra être répété régulièrement en cas de pathologie endocrinienne pour suivre son évolution. (55) Le début de la puberté correspond habituellement à un âge osseux de 13 ans chez le garçon, et de 11 ans chez la fille et est concomitant à l’apparition de l’os sésamoïde du pouce. (Annexe 9)
➢ Des radiographies du squelette comprenant un rachis lombaire de face et de profil, un bassin de face et un avant-bras de face et de profil ainsi que l’âge osseux seront réalisés dans le contexte de suspicion de maladie osseuse constitutionnelle.
➢ Enfin, une IRM cérébrale centrée sur l’hypophyse sera réalisée en cas de déficit en hormone de croissance confirmée par deux tests de stimulation de la GH déficitaire. Elle permettra de rechercher une pathologie tumorale mais également une anomalie de structure de l’hypophyse.
Déficit en hormone de croissance sur interruption de tige pituitaire
Dans la littérature, le délai diagnostic dans cette pathologie (calculé comme la différence entre l’âge d’apparition de l’anomalie de croissance staturale et l’âge au moment du diagnostic) est défini comme tardif s’il est supérieur à 1 an. Il est rapporté que plus de 80% des enfants ont un diagnostic tardif. L’âge médian au diagnostic est de 3,6 ans et le délai médian de diagnostic est de 2,3 ans (43). Dans notre étude, la médiane de l’âge lors de l’adressage est de 7,5 ans. Nous relevons également un adressage à une taille moyenne de – 2,64 DS avec un retard au diagnostic dans les ¾ des cas, calculé à 4,7 ans en moyenne. Nous constatons un retard de croissance staturale sévère lors de l’adressage au spécialiste chez 45% des enfants de ce groupe. Il existe un retentissement sur la taille finale de l’enfant dans près de 80% des cas. Ce retard est cependant moins important que dans les autres pathologies étudiées puisqu’il est de moins de 4 cm. Nous le constatons également sur la taille finale moyenne qui se situe entre – 0,5 et – 0,7 DS. Ces constatations peuvent découler du fait que tous les enfants présentant un déficit en hormone de croissance de notre étude ont pu bénéficier d’un traitement par hormone de croissance. Celui-ci a permis un rattrapage statural partiel et ainsi une différence moindre entre la taille cible et la taille finale de ces enfants malgré le fait que le diagnostic ait été posé à une taille inférieure. Nous constatons tout de même dans notre étude que plus de 75% des enfants avec un déficit en GH ont une taille finale inférieure à leur taille cible parentale. Ainsi, même avec un traitement par hormone de croissance, il existe une différence significative entre la taille cible génétique et la taille finale des enfants de ce groupe. Le diagnostic précoce de cette pathologie est donc indispensable pour la mise en place rapide d’un traitement par hormone de croissance et ainsi une limitation du retard statural sur la taille finale. Ce d’autant que le déficit somatotrope peut s’associer à d’autres déficits antéhypophysaires, notamment le déficit corticotrope dont la décompensation peut mettre en jeu le pronostic vital.
CONCLUSION
Chez l’enfant, le retard de croissance staturale est un bon indicateur diagnostic de nombreuses pathologies. En effet, un certain nombre d’entre elles, qu’elles soient endocriniennes ou non, se manifestent précocement par un ralentissement voire une cassure de la croissance staturale de l’enfant. Cette anomalie de croissance est visible rapidement sur les courbes présentes dans le carnet de santé, sous réserve d’un suivi rapproché de son évolution et de la connaissance des critères de croissance « anormale ». Le retard de croissance staturale est cependant rarement une conséquence isolée de la pathologie en cause, laquelle peut être responsable d’autres symptômes souvent plus tardifs et plus graves. La constatation du retard de croissance staturale peut donc permettre un diagnostic rapide de la pathologie et ainsi éviter de lourdes conséquences sur la santé de l’enfant. Cependant, il est encore trop souvent négligé ou mal suivi conduisant à des retards diagnostics importants. Le diagnostic des retards de croissance staturaux pathologiques pourrait donc reposer sur d’autres techniques de surveillance, déjà mis en place dans d’autre pays à l’image de la Finlande où il existe un dépistage automatisé de ces anomalies de croissance à l’aide de dossiers électroniques. Il reste bien sûr à étudier la possibilité de la mise en place d’un tel système en France.
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Table des matières
INTRODUCTION
GENERALITES
I. DIFFERENTES PHASES DE LA CROISSANCE
II. FACTEURS DE REGULATION DE LA CROISSANCE
A) Facteurs génétiques
B) Facteurs environnementaux
C) Facteurs hormonaux
D) Facteurs osseux
III. EVALUATIONS DE LA CROISSANCE
A) Mesures staturales
1) Taille
2) Vitesse de croissance
3) Envergure
4) Segment supérieur et inférieur
5) Taille cible
B) Mesures pondérales
C) Périmètre crânien
D) Courbes de croissance
IV. CAUSES DE RETARD DE CROISSANCE STATURALE
A) Pathologies chroniques
B) Pathologies tumorales
C) Pathologies endocriniennes
1) Déficit en hormone de croissance
2) Hypothyroïdie
3) Hypercorticisme
D) Pathologies génétiques
1) Syndrome de Turner
2) Maladies osseuses constitutionnelles
3) Syndrome de Prader-Willi
4) Syndrome de Noonan
5) Syndrome de Silver-Russel
6) Syndrome de Laron
E) Retard de croissance intra-utérin
F) Petite taille idiopathique
G) Autres étiologies
V. INTERROGATOIRE ET EXAMENS
A) Interrogatoire
B) Examen clinique
C) Examens complémentaires
1) Bilan sanguin
2) Bilan radiologique
VI. TRAITEMENT PAR HORMONE DE CROISSANCE
A) Indications
B) Effets secondaires et contre-indications
C) Modalités de traitement
ETUDE STATISTIQUE
I. Objectifs de l’étude
A) Objectif principal
B) Objectifs secondaires
II. Type d’étude
III. Méthode
IV. Caractéristiques de l’échantillon
V. Analyses statistiques des données
A) Age au moment de l’adressage
B) Mode de découverte
C) Mode d’adressage des enfants
D) Taille au moment de l’adressage
1) Taille au moment de l’adressage dans l’ensemble de l’échantillon
2) Taille au moment de l’adressage par pathologie
3) Retard de croissance staturale sévère
4) Comparaison syndrome de Turner / MOC
E) Délai entre l’apparition d’une anomalie sur la courbe de croissance et l’adressage
1) Dans l’ensemble de l’échantillon
2) Par pathologie
3) Comparaison syndrome de Turner / MOC
F) Conséquence sur la taille finale
1) Tailles finales moyennes
2) Différence entre la taille finale et la taille cible parentale
3) Comparaison des tailles finales
VI. Questionnaire aux médecins généralistes
VII. DISCUSSION
A) Analyse globale
B) Analyse par pathologie
1) Syndrome de Turner
2) Déficits en hormone de croissance sur interruption de tige pituitaire
3) Maladies osseuses constitutionnelles
4) Craniopharyngiome
5) Syndrome de Noonan
6) Syndrome de Cushing
C) Bilan
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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