Déformations élastiques des presses de forgeage et calcul parallèle

MODÈLES DE RAIDEUR DES PRESSES DE FORGEAGE

   Le problème lié à la raideur des presses de forgeage qui montre une presse avec une pièce à forger et l’ensemble des outillages. Une déviation quelconque des conditions symétriques de chargement conduit à l’apparition de forces décentrées dans la presse qui sont à l’origine de forces latérales, de flexion et souvent de torsions. Elles conduisent à différents déplacements des outils de forgeage difficiles à contrôler et par conséquent à une diminution de la précision de forgeage et du respect des tolérances. En outre, des effets nuisibles à la durée de vie de la presse et de l’outillage peuvent se manifester. Des études sur différentes machines industrielles de mise en forme des métaux montrent que le déplacement horizontal et la rotation de la table de la presse peuvent respectivement atteindre des valeurs de 5mm et 6mm/m [Doege 1990]. En général, ces problèmes sont présents dans les procédés avec des outils non-symétriques complexes, ou lors du forgeage de plusieurs opérations en un seul coup de presse, ou pour un positionnement non symétrique de la pièce dans les outils, et causent tout naturellement des complications dans la production des pièces à haute précision, tout particulièrement en forge à froid où les efforts sont très importants et la précision recherchée très grande. Même si plusieurs logiciels de conception et de calcul sont maintenant à la disposition des ingénieurs pour la préparation et la mise en projet des outils de forgeage à froid, la qualité et les tolérances des composantes dépendent toujours de facteurs importants qui sont les conditions de frottement, l’écoulement de la matière, la température, les déformations de la machine et des outils. On observe que les déformations de la presse peuvent être tout à fait significatives vis-à-vis des tolérances voulues [Bockel 1980].

Implémentation dans Forge3®

   Pour pouvoir prendre en compte les déformations de la presse, l’un des outils rigides est autorisé à avoir des mouvements en translation, ou en rotation, ou les deux. Pour cela, on crée des éléments fictifs associés à cet outil. La création de ces éléments commence par la création d’un nœud associé habituellement au centre de gravité de l’outil choisi. Si l’outil est libre en translation et en rotation, deux nœuds sont alors créés. Physiquement, ils ont les mêmes coordonnées, mais le maillage est tout de même élargi à ces deux nœuds supplémentaires. De cette manière, six vitesses additionnelles associées à ces nœuds fournissent la description des déflections de la presse recherchée. Puisque le maillage a été enrichi, de nouveaux éléments sont créés pour connecter chacun de ces nœuds à tous les nœuds de la surface de la pièce en contact avec cet outil (c.f. Figure I.10). Un autre élément « dégénéré » est créé entre les deux nœuds fictifs.

Le contenuCalcul sur 2 sous-domaines

   La résolution du système linéaire a été effectuée avec un critère de convergence de 6 10− . Les résultats des calculs pour les trois méthodes de décomposition de domaine, sans préconditionnement et avec les deux types de préconditionneurs, sont donnés dans le Tableau IV.5. Pour les trois méthodes et tous les préconditionneurs (sauf le préconditionneur complet de la méthode primale-duale) les normes des résidus finaux correspondent bien à la précision voulue. Dans la méthode du complément de Schur, l’utilisation des préconditionneurs par la diagonale et de Neumann réduit le nombre d’itérations de 70% et 90% respectivement par rapport au calcul sans préconditionnement. La performance du préconditionneur de Neumann qui est le préconditionneur optimal de la méthode primale, est spectaculaire. Même si le temps d’une itération augmente par un facteur deux par rapport au préconditionneur allégé, le gain de 66% en nombre d’itérations se traduit par un gain en temps complet de la résolution du système. Pour la méthode FETI, les résultats sont un peu moins brillants. En utilisant le préconditionneur de Dirichlet, on gagne 71% en nombre d’itérations par rapport au cas sans préconditionneur. Cependant, l’augmentation du temps d’une itération avec ce préconditionneur coûteux anéantit les 15% de gain par rapport au calcul avec le préconditionneur allégé. Quant à la méthode primale-duale, l’utilisation du préconditionneur simple réduit le nombre d’itérations de 88% sans pour autant augmenter le temps d’une itération. Par ailleurs, le comportement du préconditionneur complet n’est pas du tout satisfaisant. Non seulement le résidu final n’atteint pas le critère de convergence, mais en plus le nombre d’itérations augmente par rapport au préconditionneur simple. Néanmoins, la méthode primale-duale se comporte assez bien et voire mieux (avec le préconditionneur simple) que les deux méthodes classiques.

Cas Vaccari

   Ce cas test a été proposé par une société de forge italienne, Vaccari, dans le cadre du projet IMPRESS. Il est relatif au forgeage d’une aube de compresseur. C’est un cas de grande taille pour les calculs, car la pièce est maillée assez finement, le nombre de nœuds étant de 18 278 au début du forgeage et le nombre d’éléments de 82 517. La pièce est en acier X20CrMo13, sa rhéologie est modélisée par la loi visco plastique de Norton-Hoff (I.22) avec l’écrouissage de type Hansel et Spittel (I.26), dont les paramètres sont donnés dans le Tableau V.1. Ce cas de forgeage est réalisé à chaud, avec une température initiale de la pièce de 1 1500C. Celles des outils supérieur et inférieur sont de 2400 C et 1600 C, respectivement.

Cas Smetek

   Ce cas industriel, fourni par la compagnie danoise Smetek dans le cadre du projet IMPRESS, est constitué de trois passes de forgeage et d’une passe d’ébavurage, effectuées en une seule opération sur une unique presse. La première passe est la réalisation d’une collerette sur la partie supérieure du lopin, qui correspond à la collerette de la pièce finale. La deuxième passe est une opération durant laquelle l’ensemble de la géométrie est préformé. La troisième passe est la finition de la collerette avec la formation des 18 dents. Pour terminer, l’enlèvement de la bavure est effectué. Cette dernière étape d’ébavurage n’a pas été considérée lors de la simulation, car elle porte sur des efforts de forgeage très faibles vis-à-vis des autres opérations. Pour pouvoir réaliser la simulation simultanée des trois passes, il a fallu d’abord effectuer les calculs séparés de chaque pièce afin d’obtenir les géométries initiales des deuxième et troisième lopins. Ces deux simulations consécutives ont aussi permis de calculer les champs de déformation, contrainte, température, etc… dans les préformes.

Cas Iskra Avtoelektrika

   Ce cas test a été proposé par une société slovène, Iskra Avtoelektrika, dans le cadre du projet IMPRESS. Il est relatif au forgeage d’une pièce de démarreur d’automobile. En considérant la symétrie du problème, on se contente d’effectuer le calcul sur seulement 1 des corps.  Les dimensions des différents maillages au début de la simulation sont données dans le Tableau V.4. Au cours du calcul, suite aux remaillages de la pièce et de l’outil supérieur, ces valeurs sont légèrement modifiées.

CAS DU TRIAXE : CONFRONTATION FORGE3 VS. FETI

   Afin de confronter le solveur FETI à celui de Forge3, nous retenons le problème du triaxe, présenté dans le chapitre précédant IV.2. Cet exemple est caractéristique du forgeage 3D avec un matériau non linéaire, le contact traité par pénalisation, la formation d’une bavure et l’apparition de replis de matière. Les calculs sont effectués sur des maillages de différentes tailles et pour des instants de forgeage différents (début du calcul, comme fin de la simulation) afin de tester les capacités de la méthode FETI à gérer les différents aspects associés aux problèmes résolus par Forge3 (matériau non linéaire, frottement, formulation mixte en vitesse/pression, et surtout le contact pénalisé). FETI s’est alors montré suffisamment robuste pour résoudre l’ensemble de ces systèmes issus de Forge3. En outre, pour une précision du calcul imposée, la méthode FETI converge généralement avec un résidu plus petit que celui de Forge3, et donc avec une solution plus précise. Ceci étant, la principale question qui nous a occupée est la suivante : est-ce que FETI est plus rapide que le solveur actuel de Forge3 ? Une série de tests a été réalisée sur un cluster de calcul constitué de 32 bi-processeurs PentiumIV (2,8GHz, 3Go) avec le réseau myrinet 2000.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

   La première partie de ce travail a consisté à développer un modèle de raideur des presses de forgeage. Les déformations de la structure de la presse sont le résultat combiné du système pièceoutillage-presse qui évolue pendant le procédé de forgeage puisque la géométrie de la pièce évolueaussi. Pour calculer les réactions sur les outils et sur la presse, nous avons choisi de coupler fortement les calculs dans la pièce et dans l’outillage. Le modèle proposé se présente comme une généralisation des outils flottants pilotés à forces et à couples imposés où ces forces et couples suivent une loi de type élastique. En premier temps, l’implémentation du modèle a été validée par une comparaison des résultats de calcul avec une solution analytique connue pour un cas d’écrasement d’un cube. Ensuite, une étude a été menée sur quelques applications industrielles. La prise en compte de la raideur de presse dans ces applications s’est avérée justifiée et efficace. En effet, si la presse n’est pas assez rigide, l’écoulement de matière peut être très perturbé par rapport à la forme finale voulue. Par ailleurs, la comparaison des résultats de simulation avec les données expérimentales a montré une excellente concordance, validant ainsi l’approche du projet IMPRESS pour la raideur des presses de forgeage, et son implémentation dans Forge3®. En outre, la prise en compte de ce modèle lors des simulations des applications industrielles ne perturbe pas la convergence de la méthode, ni l’efficacité du logiciel en parallèle. En deuxième partie de notre travail, nous nous sommes intéressés au calcul parallèle, et plus précisément aux méthodes de décomposition de domaine. La question que nous nous sommes posée a été : est-ce que l’on peut améliorer les performances parallèles du solveur Forge3® en utilisant ces méthodes réputées pour leurs efficacité ? À partir du code FETI, nous avons développé la méthode primale de décomposition de domaine, la méthode du complément de Schur, ainsi qu’une nouvelle approche hybride. Cette nouvelle méthode se présente comme une généralisation des deux méthodes classiques, en étant mieux adaptée à la formulation mixte en vitesse/pression caractéristique de Forge3®. Les aspects du préconditionnement et des modes de corps rigides ont été également abordés. L’étude des performances de ces trois méthodes a montré leur convergence pour des problèmes issus de Forge3®, à savoir, une formulation mixte en vitesse/pression, un matériau non-linéaire, un contact pénalisé, la formation de bavures et de replis de matière. Dans les exemples étudiés, la nouvelle méthode hybride dotée d’un préconditionneur allégé s’est montrée plus efficace que les deux autres méthodes. En outre, les résultats montrent que les préconditionneurs simples sont efficaces, voire, dans le cas de la méthode FETI, plus efficace que le préconditionneur optimal de Dirichlet. D’autre part, la confrontation du solveur Forge3® à celui de FETI n’a pas été tout à fait favorable à FETI. Un point très positif réside dans la convergence de la méthode FETI vers une solution plus précise que celle de Forge3®, pour un même critère d’arrêt donné. Un autre résultat très encourageant est obtenu lors du forgeage du triaxe à 10 602 nœuds, où le temps de résolution du problème par la méthode FETI est inférieur à celui de Forge3®. Néanmoins,nous pouvons conclure que FETI est mieux adapté aux problèmes plus raides que ceux résolus par Forge3®. Nous avons aussi mis en avant une condition nécessaire pour que la méthode FETI soit efficace : le temps de factorisation des matrices locales doit être équivalent au temps de résolution itérative du problème condensé aux interfaces. Une façon de remplir cette condition est de décomposer le domaine initial en un nombre assez élevé de sous-domaines. Dans ce cas nous risquons d’être confrontés à des difficultés de partitionnement, comme cela s’est produit lors du forgeage du triaxe à 58 628 nœuds. Les résultats obtenus à l’issu de cette étude sur les méthodes de décomposition de domaine sont prometteurs. Toutefois certains points sont encore à améliorer et de nombreux axes de travaux futurs apparaissent. En ce qui concerne la méthode primale-duale, le préconditionneur complet doit être amélioré. Le problème de contrôle du résidu est manifeste, ainsi que celui du nombre d’itérations trop élevé par rapport au préconditionneur allégé. Un traitement spécial des points multiples de partition doit également être implémenté afin de pouvoir gérer correctement les modes rigides dans des partitions arbitraires. Et certainement, il sera très intéressant d’effectuer des tests de plus grande taille sur les machines parallèles.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I. PRISE EN COMPTE DE LA RAIDEUR DES PRESSES DE FORGEAGE
I.1. MODÈLES DE RAIDEUR DES PRESSES DE FORGEAGE
I.1.1. Approche actuelle standardisée
I.1.2. Approche du projet NETTFORM
I.1.3. Approche du projet IMPRESS
I.1.4. Outils flottants dans Forge3®
I.2. FORMULATION DU PROBLÈME MÉCANIQUE
I.2.1. Équations d’équilibre et de conservation de la masse
I.2.2. Lois rhéologiques
I.2.3. Conditions aux limites mécaniques
I.2.4. Formulation faible
I.3. FORMULATION DU PROBLÈME DISCRET
I.3.1. Discrétisation temporelle et contact incrémental
I.3.2. Discrétisation spatiale
I.3.3. Modèle de presse
I.3.4. Linéarisation des équations discrètes
I.3.5. Implémentation dans Forge3®
I.4. VALIDATION PAR RAPPORT AU CAS ANALYTIQUE
I.5. CONCLUSION
CHAPITRE II. FORGE3® PARALLÈLE
II.1. STRATÉGIE S.P.M.D.
II.2. PARTITIONNEMENT
II.2.1. Partitionnement du maillage
II.2.2. Partitionnement des vecteurs et de la matrice
II.3. MÉTHODE DE RÉSIDU MINIMAL
II.4. PARTICULARITÉS PARALLÈLES
II.4.1. Produits matrice-vecteur
II.4.2. Produits scalaires
II.4.3. Calculs des normes infinies des vecteurs
II.4.4. Algorithme parallèle
II.4.5. Prise en compte de la raideur de presse
CHAPITRE III. MÉTHODES DE DÉCOMPOSITION DE DOMAINE
III.1. PRINCIPE DE BASE
III.2. MÉTHODE DU COMPLÉMENT DE SCHUR
III.3. MÉTHODE FETI
III.4. MÉTHODE PRIMALE-DUALE
III.5. PRECONDITIONNEMENT
III.5.1. Méthode du complément de Schur
III.5.2. Méthode FETI
III.5.3. Méthode primale-duale
III.6. PROBLÈME DES MODES RIGIDES
III.6.1. Extraction des modes rigides
III.6.2. Problème hybride aux interfaces
III.6.3. Méthode itérative projetée
III.6.4. Méthode primale-duale
III.7. SOLUTION DU PROBLÈME CONDENSÉ AUX INTERFACES
III.7.1. Méthode OrthoDir préconditionnée
III.7.2. Méthode OrthoDir projetée
III.7.3. Méthode OrthoDir projetée de la méthode primale-duale
III.8. CONCLUSION
CHAPITRE IV. MÉTHODES DE DÉCOMPOSITION DE DOMAINE : TESTS
IV.1. ÉCRASEMENT D’UNE BARRE LONGUE
IV.2. CAS DU TRIAXE
IV.2.1. Calcul sur 2 sous-domaines
IV.2.2. Calcul sur 3 sous-domaines
IV.3. UNE POUTRE ENCASTRÉE
IV.4. CONCLUSION
CHAPITRE V. RÉSULTATS D’APPLICATIONS
V.1. PRISE EN COMPTE DE LA RAIDEUR DE PRESSE
V.1.1. Cas Vaccari
V.1.2. Cas Smetek
V.1.3. Cas Iskra Avtoelektrika
V.2. FORGE3 PARALLÈLE
V.2.1. Cas Vaccari
V.2.2. Cas Iskra Avtoelektrika
V.3. CAS DU TRIAXE : CONFRONTATION FORGE3 VS. FETI
V.3.1. Cas à 10 602 nœuds
V.3.2. Cas à 58 626 nœuds
V.4. CONCLUSION
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

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