Déformations différées des bétons en compression et en traction, du jeune au long terme

Simulation thermo-chimique d’une structure massive au jeune âge

   La structure étudiée dans cette partie est la première maquette du projet ECOBA 12 (Étude du Confinement des Ouvrages en Béton Armé). L’objectif de ce projet est de mettre au point des outils numériques capables d’évaluer des fuites à travers une paroi en béton d’un ouvrage de confinement. Afin de valider ces modélisations numériques, une expérimentation sur un volume représentatif des ouvrages de confinement est réalisée 13. La géométrie de la maquette est présentée sur la figure 1.17(a). La fabrication de cette maquette se déroule en deux phases : dans un premier temps, les semelles latérales sont réalisées, 24 h après, la partie centrale de la maquette est réalisée, le coffrage en bois contreplaqué reste en place durant un mois. Le matériau utilisé en partie centrale est un béton B11 reconstitué, les semelles sont réalisées avec un béton à hautes performances dont les caractéristiques thermo-chimiques ne sont pas connues.

Les pores capillaires

   À l’état frais, le béton est très poreux. Le volume global des produits hydratés est supérieur à celui du ciment anhydre consommé par la réaction d’hydratation. Cependant, le bilan volumique de la réaction est négatif : le volume des hydrates est inférieur à celui des réactifs (eau + ciment) [Chatelier, 1900]. Dès lors, dès que la pâte de ciment s’est solidifiée, un réseau de vides se crée dans la pâte que l’on nomme réseau capillaire. Le volume de ces pores augmente avec le rapport e/c. Selon Powers et Brownyard (1947), ce réseau capillaire n’existe plus pour e/c<0.4. Le diamètre de ces pores est compris entre 10nm et 1000nm [Mehta et Monteiro, 2005]. Les valeurs minimum et maximum ainsi que la distribution des diamètres de ces pores sont dépendantes du moyen de mesure utilisé. En effet, historiquement, la porosimétrie mercure est le moyen le plus utilisé mais cette mesure comporte de nombreux biais [Diamond et Leeman, 1994]. Les pores capillaires sont généralement séparés en deux catégories :
— les macropores ont un diamètre supérieur à 50nm et influencent les propriétés de perméabilité et de résistance mécanique.
— les mésopores ont un diamètre inférieur à 50nm et l’eau qu’elles contiennent est en partie à l’origine des phénomènes de retrait et de fluage.

Les pores des hydrates

   Les hydrates comme les C-S-H ont une structure poreuse. La taille de cette porosité est de l’ordre de la dizaine d’Å. Sa description varie, dans le modèle de Feldman et Sereda (1970), les C-S-H ont une structure en feuillets et la porosité représente l’espace entre ces feuillets. Elle est considérée comme une propriété intrinsèque des hydrates : la structure des C-S-H serait caractérisée par un espace inter-lamellaire de 18 Ået une porosité de 28% selon Powers, Feldman et Sereda propose une taille comprise entre 5 et 25 Å. Plus récemment, un modèle colloïdal a été introduit où la densité de ces hydrates n’est plus uniforme et où la porosité est soit surfacique soit interne [Thomas et Jennings, 2006][Jennings, 2008]. Cette porosité est sans effet sur la perméabilité du béton mais l’eau qu’elle contient joue un rôle dans les mécanismes de fluage et de retrait.

Perméabilité et diffusion dans un milieu poreux non saturé

   La non-saturation du réseau poreux complexifie la modélisation des mécanismes de transfert, les relations proposées précédemment doivent être modifiées en conséquence. Le facteur déterminant à considérer est le degré de saturation du matériau. S’il est élevé, le réseau est majoritairement occupé par la phase liquide, un large chemin de perméabilité permet à l’eau de partir vers le milieu extérieur. Inversement, si le degré de saturation est faible, la diffusivité sera le principal moteur. En conséquence, les équations 2.8 et 2.9 sont modifiées : les coefficients de diffusivité et de perméabilité ne sont plus constants, ils dépendent de l’état de saturation et de la porosité du matériau.

Modélisation des transferts hydriques dans le béton

   L’approche macroscopique est utilisée afin de considérer le milieu poreux. Plusieurs mécanismes sont à l’origine des départs d’eau et d’air au sein du béton. Plusieurs démarches sont envisageables dans la modélisation des transferts dans le béton :
— Dans des conditions de séchage classiques, les variations de masse observées lors dela dessiccation d’une éprouvette sont principalement dues aux transferts d’eau (liquide et vapeur). La résolution d’une équation de diffusion non linéaire globale permet de connaître la teneur en eau du béton . Cette approche simplifiée ne fait intervenir qu’un coefficient de transfert hydrique fonction de l’humidité relative [Bažant et Najjar, 1971] ou de la teneur en eau massique [Perrin et al., 1998]. À partir de résultats expérimentaux, une analyse inverse permet d’identifier ce coefficient.
— L’approche multi-phasique permet de décrire les transferts des phases gazeuses et liquides [Baroghel-Bouny et al., 1999][Thiery et al., 2007]. Trois constituants sont distingués : l’eau liquide, l’eau sous forme de vapeur et l’air sec. Leurs transferts sont gouvernés par des équations de diffusion et de perméation. Ces modélisations permettent de distinguer les processus physiques propres à chaque constituant et d’identifier les modes de transfert dominants. Cependant, chaque nouvelle loi de transfert implique l’identification de nouveaux paramètres.
— Des approches intermédiaires peuvent être utilisées [Witasse et al., 2002]. En fonction du type de béton et du milieu de dessiccation, les transferts de certaines phases peuvent être négligés [Thiery et al., 2007][Ranaivomanana et al., 2013a]. Cette démarche sera utilisée dans ce travail. Dans une première partie, les équations qui régissent le transport d’eau en milieu poreux sont présentées. Dans une seconde partie, les paramètres associés au modèle retenu sont décrits. Le séchage des bétons dans un environnement naturel ne concerne que l’eau comprise dans les micropores et les macropores qui ont un diamètre minimum de l’ordre de quelques nanomètres. Par conséquent, le volume d’eau transféré n’est contenu que dans la porosité capillaire, l’air inclus et lorsqu’elle existe la fissuration.

Déformation de retrait endogène

Mécanismes Le durcissement des ciments Portland s’accompagne de variations volumiques. En 1900, Henry Le Chatelier introduit les termes de volume apparent et de volume absolu [Chatelier, 1900]. Il observe que l’hydratation du ciment s’accompagne d’une augmentation du volume apparent en même temps que d’une contraction du volume absolu. En effet, le volume des hydrates produits est inférieur à la somme du volume des réactifs que sont l’eau et le ciment. Cette contraction est couramment appelée contraction de Le Chatelier, retrait chimique ou encore diminution de volume absolu. Avant la prise, les déformations volumiques apparentes et absolues de la pâte de ciment sont identiques compte tenu du comportement fluide du matériau. Après la prise, le retrait chimique est gêné par le squelette solide. Dès lors, la variation volumique apparente de la pâte de ciment est négligeable devant celle due à la contraction Le Chatelier. La composition de la porosité interne est alors dépendante de la réaction d’hydratation. Au moment de la prise, la porosité est quasi saturée en eau liquide. Avec l’avancement de la réaction, l’eau de gâchage est consommée pour l’hydratation des anhydres et la teneur en eau des pores capillaires diminue. En conséquence, l’humidité relative interne diminue et une dépression capillaire apparaît. La matrice cimentaire est alors sollicitée par des forces capillaires [Hua et al., 1995] et une contraction appelée retrait d’auto-dessiccation s’ensuit. Cette explication est parfois en contradiction avec certaines observations expérimentales [Abuhaikal et al., 2013]. Cependant, le mécanisme dominant semble être celui associé aux dépressions capillaires [Hua et al., 1995]. La terminologie désigne généralement le retrait endogène comme la somme du retrait chimique avant la prise et du retrait d’auto-dessication. Par conséquent, le problème mécanique considère uniquement le retrait d’auto-dessiccation puisque son évolution commence avec la solidification du matériau. Néanmoins, pour des bétons avec un rapport eau/ciment élevé, cette déformation est négligeable devant celle dues à la température (pour des structures massives) ou à la dessiccation (pour des structures minces). La prise en compte de cette déformation n’a de conséquence mécanique que pour des rapports eau/ciment inférieurs à 0.4-0.45 [Jensen et Hansen, 2001].

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Table des matières

Table des figures
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
I Interactions entre le béton et son environnement 
1 Problème thermique et hydratation du béton 
1.1 L’hydratation du béton : une source de chaleur au jeune âge
1.1.1 Avancement de la réaction d’hydratation et degré d’hydratation final
1.1.2 Exothermie et thermo-activation de la réaction d’hydratation
1.2 Transferts thermiques
1.2.1 Propriétés thermiques du béton
1.2.1.1 Conductivité thermique
1.2.1.2 Capacité thermique massique
1.2.1.3 Conclusions
1.2.2 Conditions aux limites du problème thermique
1.2.2.1 Conditions aux limites de type convectif
1.2.2.2 Conditions aux limites de type rayonnement
1.2.2.3 Influence des aciers en attente sur les conditions aux limites
1.2.2.4 Conclusions
1.3 Identification des paramètres du modèle thermo-chimique par calorimétrie semiadiabatique
1.3.1 Détermination des paramètres du modèle thermo-chimique
1.3.2 Étalonnage du dispositif
1.3.3 Résultats
1.4 Simulation thermo-chimique d’une structure massive au jeune âge
1.5 Conclusion
2 Dessiccation du béton 
2.1 Grandeurs et facteurs d’intêret du réseau poreux dans la dessiccation du béton
2.1.1 Porosité du béton
2.1.1.1 Distribution des tailles de pores
2.1.1.2 Porosité volumique totale
2.1.1.3 Autres paramètres
2.1.2 Teneur en eau du béton et grandeurs associées
2.1.2.1 La teneur en eau volumique ou massique et le degré de saturation
2.1.2.2 L’humidité relative interne
2.1.2.3 Conclusions
2.2 Mécanismes de transfert dans les milieux poreux
2.2.1 La diffusion
2.2.2 La perméabilité
2.2.3 Mécanismes de transferts dans un milieu poreux non saturé
2.2.3.1 Perméabilité et diffusion dans un milieu poreux non saturé
2.2.3.2 Isothermes d’adsorption/désorption
2.2.3.3 Conclusions
2.3 Modélisation des transferts hydriques dans le béton
2.3.1 Modélisation des transferts hydriques en milieu poreux
2.3.1.1 Conservation de la masse
2.3.1.2 Perméabilité et diffusivité effective
2.3.1.3 Mouvement Darcéen de l’eau liquide vs diffusion de la vapeur
2.3.1.4 Validation de la modélisation
2.3.1.5 Conclusion
2.4 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes de morphologies différentes
2.4.1 Influence de la taille et de la morphologie des éprouvettes sur la dessiccation du béton
2.4.1.1 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes cylindrique et prismatique
2.4.1.2 Comparaison des cinétiques de séchage unidirectionnel et bidirectionnel
2.4.2 Étude expérimentale
2.4.2.1 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes cylindrique et prismatique
2.4.2.2 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes avec des surfaces d’échanges différentes
2.4.2.3 Conclusion
2.5 Conclusion
II Comportement mécanique différé du béton 
3 Déformation thermique et retrait endogène 
3.1 Déformations thermiques
3.1.1 Coefficient de dilatation thermique au jeune âge
3.2 Déformation de retrait endogène
3.2.1 Mécanismes
3.2.2 Mesure du retrait endogène et du retrait d’auto-dessiccation du béton B11
3.2.2.1 Mesure du retrait endogène
3.2.2.2 Gonflement au très jeune âge
3.2.2.3 Mesure du retrait d’auto-dessiccation
3.3 Conclusion
4 Fluage propre du béton sous sollicitation uniaxiale 
4.1 Introduction
4.1.1 Influence de la composition du béton sur la déformation de fluage propre
4.1.1.1 Rapport granulat/ciment
4.1.1.2 Rapport eau/ciment
4.1.1.3 Type de granulats et présence de fibres
4.1.2 Micro-mécanismes à l’origine de fluage
4.2 Modélisation du fluage propre
4.2.1 Cinétique de fluage propre à long terme
4.2.2 Influence de l’âge de chargement sur la complaisance de fluage propre pour un béton mature
4.2.3 Cinétique de fluage propre durant l’hydratation du béton
4.2.3.1 Influence du degré d’hydratation sur la cinétique de fluage propre
4.2.3.2 Modélisation de la complaisance de fluage au jeune âge
4.2.4 Influence de la température sur la déformation de fluage propre
4.2.4.1 Fluage propre sous température constante d’un béton mature
4.2.5 Influence du degré de saturation sur la déformation de fluage propre
4.2.5.1 Modélisation de l’influence du degré de saturation sur la complaisance de fluage propre
4.2.6 Influence du chargement mécanique sur la déformation de fluage propre
4.2.6.1 Limites de la relation de linéarité entre le fluage propre et la contrainte
4.2.6.2 Couplages entre la déformation de fluage propre et l’endommagement
4.2.6.3 Modélisation du couplage fluage propre/endommagement
4.2.6.4 Rupture d’une éprouvette de béton sous chargement maintenu
4.2.6.5 Type de sollicitation : traction ou compression
4.2.7 Schéma numérique
4.3 Essais de fluage propre
4.3.1 Présentation des essais
4.3.2 Mesure de la déformation instantanée
4.3.3 Mesure de la déformation endogène et de la perte en masse « parasite »
4.3.4 Mesure des déformations de fluage propre
5 Fluage du béton sous sollicitation multiaxiale 
5.1 Fluage propre sous sollicitation multi-axiale
5.1.1 Extension du modèle uniaxial au cas 3D
5.1.2 Influence du coefficient de Poisson de fluage sur la déformation de fluage propre
5.1.3 Coefficient de Poisson de fluage propre
5.2 Essai de fluage propre en bi-compression
5.2.1 Protocole expérimental
5.2.2 Mise en charge de l’éprouvette
5.2.3 Mesure des déformations par corrélation d’images
5.2.4 Résultats
5.2.5 Identification indirecte du coefficient de Poisson
5.2.5.1 Méthode d’identification du coefficient de Poisson
5.2.5.2 Comparaison des méthodes d’identification du coefficient de Poisson
5.2.6 Conclusion
5.3 Fluage total du béton sous sollicitation multi-axiale
5.3.1 Dessiccation d’éprouvettes peintes préalablement
5.3.2 Retrait de dessiccation
5.4 Conclusion
6 Retrait de dessiccation 
6.1 Humidité relative interne et retrait de dessiccation
6.1.1 Mécanismes du retrait de dessiccation
6.1.2 Pression capillaire
6.1.3 Pression de disjonction
6.1.4 Énergie surfacique solide
6.1.5 Des mécanismes discutés
6.1.6 Modélisation du retrait de dessiccation
6.1.6.1 Modélisation phénoménologique
6.1.6.2 Modélisation poromécanique des milieux poreux
6.1.7 Validation de la modélisation du retrait de dessiccation
6.1.7.1 Modélisation de la perte en masse
6.1.7.2 Modélisation du retrait de dessiccation
6.2 Effet de la taille et de la morphologie des éprouvettes sur le retrait de dessiccation
6.2.1 Introduction
6.2.2 Résultats expérimentaux
6.2.3 Conclusion
6.3 Béton soumis à des cycles de séchage et d’imbibition : retrait de dessiccation
6.4 Comparatif des résultats obtenus lors des différentes campagnes expérimentales
6.5 Conclusion
7 Fluage de dessiccation 
7.1 Introduction
7.1.1 Mécanismes à l’origine du fluage de dessiccation
7.1.2 Résultat expérimentaux
7.2 Modélisation du fluage de dessiccation
7.2.1 Influence du chargement mécanique sur la complaisance de fluage de dessiccation pour un béton mature
7.2.2 Couplage fluage-retrait
7.2.3 Conclusion
8 Interactions fluage-fissuration-séchage 
8.1 Interactions fluage propre-fissuration-dessiccation
8.1.1 Influence d’un chargement de fluage sur les cinétiques de séchage et de retrait de dessiccation
8.1.1.1 Protocole
8.1.1.2 Influence d’un pré-chargement de fluage sur les cinétiques de séchage et de retrait de dessiccation
8.1.1.3 Influence de la micro-fissuration sur les cinétiques de séchage et de retrait de dessiccation
8.1.1.4 Conclusion
8.2 Fluage de dessiccation ou retrait de dessiccation sous charge ?
III Comportement différé de structures en béton sous chargement mécanique 
9 Influence de la complaisance de fluage propre sur le comportement de  structures massives au jeune âge 
9.1 Barreau encastré soumis à une variation de température
9.1.1 Présentation du problème
9.1.2 Résultats
9.2 Mur massif de Civaux
9.2.1 Modélisation thermo-chimique et modélisation du retrait endogène
9.2.2 Modélisation élastique endommageable
9.2.2.1 Modèle élastique
9.2.2.2 Modèle élastique endommageable
9.2.2.3 Simulation élastique avec fluage du mur de Civaux
9.2.2.4 Simulation avec fluage et endommagement du mur de Civaux
9.2.3 Influence du coefficient de Poisson de fluage propre
9.2.4 Influence du coefficient de dilatation thermique
10 Fluage d’une poutre en flexion 4 points 
10.1 Analyse numérique d’une poutre en flexion 4 points
10.1.1 Introduction
10.1.2 Modélisation
10.1.2.1 Paramètres élastiques et de fluage
10.1.2.2 Modélisation du fluage tertiaire
10.1.3 Résultats
10.1.3.1 Calcul visco-élastique
10.1.3.2 Calcul visco-élastique endommageable
10.1.4 Conclusions
11 Comportement d’une tranche d’enceinte de confinement du jeune âge au long terme 
11.1 Comportement d’une structure massive coulée en plusieurs levées au jeune âge
11.1.1 Introduction
11.1.2 Comportement thermo-chimique
11.1.3 Comportement mécanique
11.2 Comportement d’une structure précontrainte à long terme
Conclusions
Perspectives
A Composition du matériau étudié
B Validation de la mesure des déformations différées avec le déformètre à billes
C Validation du dispositif de fluage biaxial
D Schéma numérique pour le calcul de la déformation de retrait de dessiccation
Bibliographie
Abstract
Résumé

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