Déforestation et pauvreté : une relation destructrice

INTRODUCTION

Pour l’être humain, vivre indépendamment des ressources naturelles reste peu envisageable. En fait, ces ressources déterminent les performances des systèmes de production et assurent la sécurité alimentaire, les revenus monétaires et l’approvisionnement énergétique de la population, surtout dans les pays en développement. Pourtant elles ne cessent de se dégrader dans ces zones. Ce problème de dégradation s’explique par le fait que la population en est particulièrement tributaire (EISSING et GTZ, 2008) à cause de la pauvreté que par l’inefficacité des politiques en matière de conservation. A Madagascar, d’un côté, la pauvreté touche la majorité de la population et elle ne cesse de s’aggraver dramatiquement tant en milieu rural qu’en milieu urbain (RANDRIANJA, 2012). Les ressources subissent ainsi une pression croissante des activités humaines et économiques (BANQUE MONDIALE, 2013).

De l’autre côté, la politique de l’Etat ; qui se positionnait comme étant le seul propriétaire et garant de la conservation des forêts n’a pas amoindrit ces pressions car elle excluait la population riveraine. En effet, ces approches protectionnistes et excluant, du fait du pouvoir local limité (BARROW et MURPHREE, 2001; DEBROUX et al., 2007), s’étaient avérées inefficaces pour la conservation (YANOGO, 2006). Les efforts de conservation suscitaient alors de plus en plus d’inquiétude du fait d’impacts négatifs (ROE et al., 2009) observés à partir de ces méthodes. Dès lors, l’approche participative, un outil privilégié permettant l’association active et responsable des populations, est née (FAO, 1995). Cette approche s’accorde avec la notion de développement durable, centré sur les gens, qui impose de nouvelles modes de gouvernance (BLANC-PAMARD et RAMIARANTSOA, 2010). Par le biais de la gestion durable des ressources naturelles incluant la collaboration de la population locale, apporter des actions en faveur de la conservation des ressources naturelles pour en faire un atout du développement économique et social, est devenu le principe de base de toutes actions menées.

Dans ce cadre, la politique appliquée inspire une double volonté: réduire la pauvreté (développement local, protéger ressources naturelles) et étendre les sites de conservation des forêts (SERPANTIE et al., 2009). Néanmoins, il a été constaté que cette stratégie demeure complexe (KUJIRAKWINJA et al., 2013). Quoi qu’il en soit, le concept de développement durable a pris le devant de la scène environnementale et est devenu une des exigences (SERPENTIE et RASOLOFOHARINORO, 2006) des interventions actuelles.

Comme c’est une approche innovatrice qui permet de concilier la préservation des ressources naturelles avec l’amélioration du niveau de vie (FFEM, 2010), il permet dans ce cas de lutter contre la pauvreté (BANQUE MONDIALE, 2003b) . En adéquation avec ces objectifs, la plupart des organismes nationaux de développement forestier privilégient les projets axés sur l’amélioration directe de condition de vie des ruraux outre la préservation de l’environnement (GREGERSEN et al., 1995). Cependant, la réalisation de ces objectifs demande une participation effective de la population locale (MAATSURA et al., 2013). La considération de cet aspect social est devenue une des conditions essentielles pour la réussite de la conservation. Cet aspect est perçu comme un facteur qui contribue puissamment au succès d’un projet de gestion forestière durable en Afrique et ailleurs (GREGERSEN et al., 1995; LAWANI, 2007).A cet égard, la présente étude se place dans le cadre de cette préoccupation pour la gestion durable des ressources, notamment celle de la forêt. D’où le thème axé sur l’« Etude d’impacts des projets de conservation et de développement sur les moyens d’existence et sur la motivation à la conservation de la population locale». Pour cela, il est à se demander « Quels impacts ont été générés par les interventions, menées dans le cadre de la gestion durable des ressources naturelles, sur la population locale? ». Aussi, les hypothèses émises, dans un premier temps stipule que « les actions menées ont influencées de manière positive les moyens d’existence de la population locale ». Dans un second temps, elle suppose que « les interventions ont affecté la motivation de la population vis-à-vis de la conservation des ressources naturelles».

Le présent travail se propose donc de mettre en évidence, à travers l’étude du cas de Mandraka,les principaux impacts pouvant être induits par les projets en termes de moyens d’existence mais également le changement de perception face à la conservation. Sur ce, la méthodologie utilisée s’est surtout basée sur les enquêtes socio-économiques basées respectivement sur les approches moyen d’existence durable (AMED) et approche qualitative.

Déforestation et pauvreté : une relation destructrice

Presque quinze millions d’hectares de forêts tropicales disparaissent chaque année dans le Monde (FFEM, 2010). Les principales causes de la disparition de ce type de forêt, qui concentre plus de 50% de la diversité biologique de la planète (FFEM, 2010) sont multiples. D’une manière générale, elles peuvent être liées à la pauvreté, la conversion des terres forestières en pâturages, l’utilisation du bois pour le charbon, les exportations de bois, la consommation de combustible par les ménages, l’insécurité rurale, les problèmes de propriété foncière et l’agriculture sur brûlis (BRAND et al., 2002). Hissée au deuxième rang des problématiques environnementales les plus préoccupantes, après les changements climatiques et avant les processus de désertification, la déforestation se pose avec acuité dans les pays en développement (BANQUE MONDIALE, 2003a). A Madagascar, la déforestation est même devenue un terme courant. Si la pauvreté peut être un facteur de dégradation de l’environnement, cette dernière agit aussi en retour sur le niveau de vie de la population (BALLET et al., 2011) du fait que ces personnes défavorisées dépendent d’activités qui dégradent les ressources (RICHARDS et al., 2011) pour survivre et pour satisfaire leur besoin. De plus, les régions riches en zones forestières ont été jugées, par certains auteurs avoir une forte incidence de la pauvreté (SUNDERLIN et al., 2008). Ce facteur favorise à son  tour l’exploitation forestière anarchique (MAHAZOU, 2003).

La problématique de conservation à Madagascar se pose alors du fait qu’une grande partie de la conservation doit se faire par l’utilisation durable des terres et de la lutte contre la pauvreté en milieu rural (MEF, 2000). Cette relation cyclique de cause à effet entre la pauvreté rurale et la dégradation de l’environnement a une conséquence évidente: tant que le problème de la dégradation ne sera pas traité directement, la pérennité des projets de développement rural – de même que les tentatives visant à faire reculer la pauvreté – sera compromise (FIDA, 2002). Généralement, les contraintes de la forêt de la Grande île se traduisent par des pratiques liées aux activités économiques de la population riveraine, telle l’agriculture, l’élevage et l’exploitation forestière (RAJOELISON et al., 2008). Toutefois, la culture itinérante sur brûlis communément appelée «tavy» est essentiellement perçue comme cause principale de la déforestation (MESSERLI, 1998 in RAJOELISON et al., 2008). En effet, le « tavy » est la continuation d’une technique traditionnelle, une forme de religion qui est adaptée au milieu physique (relief tourmenté, climat à forte pluviosité annuelle) et au milieu humain (population entichée de traditions ancestrales) (RATOVOSON, 1979). De ce fait, désormais, l’amélioration de la gestion des forêts dépend de la participation des populations riveraines (MAHAZOU, 2003). Autrement, il semble que la survie de la forêt dépend de la coopération de la population locale et les diverses entités existantes dans la zone. L’un des défis majeurs est l’encouragement des humains à se conduire de manière à promouvoir la conservation et la gestion durable des ressources naturelles (FERRARO et al., 1997).

Définition des approches théoriques de base

Approche de moyen d’existence durable (AMED)
L’approche basée sur les moyens d’existence durables a émergé ces dernières années, comme une alternative en réponse aux nouveaux questionnements relatifs à l’analyse de la pauvreté (LAWANI, 2007). L’expression «moyens d’existence» désigne non seulement les activités que les personnes pratiquent pour gagner leur vie, mais aussi les différents éléments qui leur permettent de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille, ou qui ont une incidence sur cette capacité de le faire (ENGEL et KORF, 2006). L’AMED a ses origines dans le «actifs/ processus/ activités» cadre qui est utilisé sous diverses formes par différents chercheurs concernés par la réduction de la pauvreté (CARNEY, 1998). Ces actifs de ménages concernent:

Le capital humain dont l’éducation, les compétences liées aux activités, la santé, les possibilités d’utilisation de main d’œuvre.

Le capital physique qui englobe les infrastructures locales de base (domicile, transport, CSB,…) ainsi que les outils et technologies en main (équipement agricole, TV, radio, moto,…) .

Le capital naturel qui est constitué de toutes les ressources dont ils disposent comme la terre et la production, l’eau, les autres ressources aquatiques, les arbres et les autres produits forestiers.

Le capital social incluant toutes les relations qui peuvent l’aider dans son existence, tels les réseaux sociaux, les associations à laquelle ils appartiennent, les relations de confiance.

Le capital financier comme les épargnes (nature ou liquide), les crédits, les revenus divers.

Ces actifs vont être usés dans diverses activités à partir desquelles les ménages satisfont leurs besoins et constituent ainsi leur stratégie d’existence. Pourtant, ils sont régis par divers facteurs comme la vulnérabilité, le choc ou les tendances nationales, la politique, les institutions ou le processus existants ou ayant existés.C’est à partir des relations que subissent les processus existants ou de nouvelles politiques sur les actifs et sur les contextes de vulnérabilité de la population que des résultats de moyen  d’existence peuvent être obtenus. Ces derniers peuvent être une amélioration du revenu, une plus grande sécurité alimentaire, un bien-être accru, une vulnérabilité réduite et enfin une utilisation plus durable des ressources naturelles. Cette approche est alors utilisable dans le cadre de l’évaluation des projets et ensuite de diriger à l’identification des priorités de développement et des nouvelles activités futures (DFID, 2000). Sur ce, elle a été utilisée comme source d’indicateurs dans l’élaboration des questionnaires afin d’analyser l’évolution d’existence dû à ce projet.

Approche qualitative
L’approche qualitative est un ensemble de techniques d’investigation dont l’usage est très répandu. Elle se base sur des indicateurs plus qualitatifs, tels la perception, le comportement et les motivations locales qui sont des éléments à travers lesquels la situation est mieux comprise. Elle donne un aperçu sur des pensées approfondies du sujet et permet d’étudier leurs opinions sur un sujet particulier, de façon plus approfondie (DIALLO, 2011) .

Test du questionnaire et conduite d’enquête

Le questionnaire établi suite aux investigations bibliographiques, et qui est en relation avec les objectifs à atteindre de l’étude, a fait l’objet d’un test auprès de deux ménages paysannes afin d’évaluer sa cohérence et sa pertinence. De ce fait, certaines questions ont fait l’objet de reformulation ou de changement voire une suppression dans le cas d’une redondance.

 Entretien non directif L’entretien non directif permet de recueillir un discours in situ sur les points de vue, les représentations, les expériences vécues ou les pratiques sociales permettant de produire du sens. Il ouvre la voie à une compréhension en profondeur de la logique de l’individu, de sa rationalité et permet de recenser la diversité des attitudes ou des opinions (COUVREUR et LEHUEDE, 2002). Elle s’insère dans des questions ouvertes soutenues par des phrases de relances de reformulation-clarification (Vous voulez dire que…), les marques d’écoute (Ah bon, je vois…), les demandes d’éclaircissement (Je ne comprends pas bien) (COUVREUR et LEHUEDE, 2002). Cette méthode a été combiné avec les questionnaires pour récolter les informations sur les enquêtés concernant les divers projets, leur motivation et les facteurs de participation. En effet, ici la personne est considérée comme un sujet exprimant, dans un climat de confiance, son expérience, ses convictions, ses points de vue et sa perception des situations vécues.

 Interview semi-structurée ou entretien Outre l’utilisation des enquêtes formelles à l’aide d’un questionnaire, l’interview semi-structurée mettant face à face l’enquêteur et le répondant a été utilisée. C’est une technique de recherche indiquée pour l’exploration des motivations profondes des individus ainsi que pour découvrir des causes communes à leurs comportements (ROCHAT, 2010). Cette méthode permet, généralement, d’obtenir des informations plus détaillées et plus fournies sur un à des  personnes clés. Elle a été utilisée pour la vérification de la seconde hypothèse.

Contexte originel de vulnérabilité des moyens d’existence de la population

Revenus faibles et fortement liés à l’utilisation des ressources forestières Les activités génératrices de revenu manquent cruellement dans cette zone. Les membres de la communauté gagnent leur vie dans la production de charbon et quelquefois dans l’agriculture à petite échelle. En effet, les activités d’exploitation (charbonnage, bois façonnés, cueillette) composent 87% de revenu des ménages. Autrement, par opposition aux autres régions de Madagascar, l’agriculture ne constituait pas la principale occupation et source de revenus des habitants à Mandraka du fait que c’est une zone à vocation forestière. Vu que cette source de revenu ne suffisait pas, l’agriculture venait alors en second lieu (RAJOELISON et al., 2007) comme complémentaire. Elles concernaient surtout le revenu issu de l’élevage car les cultures étaient principalement destinées à l’autosuffisance alimentaire d’où la dominance de la culture vivrière. Dans d’autres cas, les ménages devaient pratiquer d’autres activités telles le salariat ou le commerce pour combler les besoins annuels ou ils pouvaient se pencher de plus en plus sur l’exploitation forestière. En tout, la forêt est un milieu de vie habituel, forme une source permanente d’activités et de revenus de la population et contribue aux opportunités d’activités et aux conditions de vie de ses populations (BAH et al., 1996).

Insécurité alimentaire due aux faibles rendements Les activités effectuées ne produisant que des rendements faibles constituent une des difficultés majeures dans l’existence de la population locale. En général, les productions obtenues n’arrivent pas à subvenir au besoin des ménages (RABENASOLO, 1997). Ce problème a été causé par la grande variation des conditions climatiques marquée par la diminution du volume des pluies et leur mauvaise répartition, la baisse continue de la fertilité des sols, l’utilisation prépondérante des variétés traditionnelles à faible potentiel de rendement, la prédominance de pratiques culturales non respectueuses de l’environnement, etc. (ITRA, 2003). Ces trois derniers variables sont ceux sur lequel les acteurs de conservation à l’aide du développement pouvaient agir. A Mandraka, la  faible technicité des ruraux ainsi que l’insuffisance de moyen ont été des limites majeures. Ces faits s’apercevaient par les faibles rendements d’exploitation ou des pratiques agricoles et d’élevage. En effet, la riziculture dans cette localité ne donnait qu’un rendement de 1t/ha au maximum si dans d’autres zones, le plus faible s’élevait à 2t/ha. Les autres cultures plus rentables, comme la culture maraîchère et/ou fruitière, n’étaient destinés qu’à la consommation.L’élevage, par insuffisance des équipements modernes, n’arrive à une production intéressante qui pourrait permettre une valorisation réelle. En exemple, le cas de l’apiculture traditionnelle qui ne donne qu’un rendement de 2,5 litres/ ruche/an pour les apiculteurs.

Conclusion partielle L’activité de la population locale réside dans la pratique de l’exploitation forestière surtout dans la production de charbons de bois. Pour ce qui est de l’activité agricole, elle est destinée pour l’autoconsommation de ménages dont les rendements demeurent faibles. Elle n’arrive pas alors à satisfaire les besoins alimentaires annuels des ménages. Tout de même, par manque de moyen financier, elle est vendue afin de contribuer au revenu de ménages, surtout pour ceux qui n’œuvrent pas en totalité dans les activités d’exploitation. Cette contrainte se lie par le manque des activités génératrices de revenu dans le milieu.

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Table des matières

GLOSSAIRE
RESUME
SUMMARY
FAMINTINANANA
I.INTRODUCTION
II.PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
II.1 Contexte de la problématique
II.1.1 Déforestation et pauvreté : une relation destructrice
II.1.2 Dégradation des ressources à Mandraka
II.1.3 Mise en place des projets pour la conservation
II.2 Hypothèses, indicateurs de l’étude.
III.JUSTIFICATION DU THEME ET DE LA ZONE D’ETUDE
IV.METHODOLOGIE
IV.1 Phase préparatoire
IV.1.1 Investigation bibliographique
IV.1.2 Définition des approches théoriques de base
IV.2 Collecte de données
IV.2.1 Observation directe
IV.2.2 Enquêtes socio-économiques
IV.3 Traitement et analyse de données
IV.3.1 Mise en place de la base des données
IV.3.2 Outils d’analyse.
IV.4 Schéma méthodologique
IV.5 Contraintes de l’étude
IV.6 Cadre opératoire
V.RESULTATS ET INTERPRETATIONS
V.1 PROJETS ET MOYENS D’EXISTENCE DE LA POPULATION LOCALE
V.1.1 Contexte originel de vulnérabilité des moyens d’existence de la population
V.1.2 Actions développées pour l’amélioration de moyen d’existence
V.1.3 Impacts des actions développées sur les moyens d’existence

V.2 PROJETS ET MOTIVATION A LA CONSERVATION
V.2.1 Problématique initiale liée à la conservation des ressources
V.2.2 Incitation menée par les projets pour la participation à la conservation
V.2.3 Impacts des incitations sur la participation à la conservation
VI.DISCUSSION
VI.1 Discussion sur la méthodologie
VI.1.1 Sur les approches théoriques de base
VI.1.2 Sur les outils d’analyse de données
VI.2 Discussion sur les résultats et les hypothèses
VI.2.1 Intervention pour des moyens d’existence durable
VI.2.2 Modification des pratiques pour une conservation efficace
VI.2.3 Volonté à agir pour une participation réelle et effective
VI.2.4 Analyse FFOM des projets
VII.RECOMMANDATIONS
VII.1 Objectifs à atteindre
VII.2 Plan d’actions
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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