Définitions : les différents types de friches
Cette première étape ambitionne de dresser les principales caractéristiques des friches, qu’elles soient polluées ou non. L’objectif est d’offrir un tableau le plus complet possible de tout ce qui va conditionner le devenir de la friche, de sa nature à son degré de pollution en passant par la façon dont elle est perçue. L’entreprise consiste à analyser les éléments constitutifs d’une friche pour permettre leur caractérisation et comparaison, notamment dans la deuxième partie de ce travail.
Qu’est-ce qu’une friche ?
Définition et classification
La présence de friche est directement corrélée à l’activité humaine. A l’origine utilisé en agriculture pour désigner une terre qui est impropre à la culture, le terme s’étend aujourd’hui à d’autres espaces et s’applique sur tout un panel de sites non utilisés, avec notamment l’apparition de friches urbaines. Si la définition même d’une friche repose sur le fait que le terrain n’est pas exploité en raison de la cessation d’une activité, la temporalité a donc un rôle clef dans la définition des friches qui constituent une phase d’occupation du foncier. Dans les faits, la durée minimale pour qualifier un terrain de friche est d’un an d’abandon sans autre destination prévue, bien que le cadre légal ne prévoie pas explicitement de durée (CESER, 2015). L’Insee (l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) propose la définition suivante « [une friche est] un espace bâti ou non, anciennement utilisé pour des activités industrielles, commerciales ou autres, abandonné depuis 2 ans et de plus de 2000 m² ». À la dimension temporelle s’ajoute donc une idée de superficie qui fait de la friche un large espace non utilisé. Cet aspect peut avoir ses limites puisqu’en milieu urbain, les terrains sont soumis à des contraintes de consommation d’espace et de voisinage.
La localisation de la friche est également liée à l’activité qui était faite sur le site. Une classification fonctionnelle des différents types de friches s’appuie ainsi sur les anciennes activités qui ont eu lieu sur le site. Par ailleurs, l’appellation d’une friche « se décline selon l’ancienne affectation de l’espace sur lequel elle se trouve » (JANIN, ANDRES, 2008). Dans cette optique sont recensées les friches industrielles, ferroviaires, portuaires, militaires, agricoles, commerciales, minières, ou même religieuses. Ces friches ont pour implication une perte de cohérence entre le bâti et l’activité qui y règne (CHALINE, 1999). Souvent, la nature du terrain découle directement des anciennes activités du site. Ainsi, les aménagements et la modification de l’espace ne seront pas la même ampleur si le site comprend des infrastructures ou s’il est vierge. À cela s’ajoute que le fait que les différentes constructions en place peuvent demander des efforts très coûteux pour être détruits et remplacés. Le projet peut être amené à être repensé du fait de ces coûts. Par exemple, la destruction des bunkers dans les friches militaires est extrêmement onéreuse et le choix est souvent fait de revoir l’usage mais de garder la structure principale. Finalement, la friche urbaine est définie dans le dictionnaire de l’Urbanisme et de l’Aménagement comme des « terrains laissés à l’abandon en milieu urbain » (MERLIN, CHOAY, 2015). Cette définition fait allusion au niveau de désaffectation auquel la friche se situe. Il est possible d’estimer le gradient d’inutilisation de la friche entre abandon et utilisation temporaire en passant par sa sous-utilisation (THOMANN, 2005). Ce stade d’abandon et les autres critères cités plus haut vont entres autres influencer la façon donc les friches sont perçues par les habitants ou les instances politiques.
Perception et interventions
Il existe une grande variété de friches dont le devenir sera dépendant de plusieurs critères. A l’heure où la nécessité de lutter contre l’étalement urbain constitue un enjeu majeur, la requalification urbaine est un élément clef de l’aménagement du territoire. La requalification désigne une évolution de la ville qui se construit sur elle même en utilisant les ressources foncières dont elle dispose. Ce processus s’apparente à un recyclage du terrain, et donc des friches, pour limiter l’accroissement spatial de la ville. Le processus de requalification urbaine s’accompagne nécessairement d’une réhabilitation dont l’objectif est d’améliorer l’image du quartier et d’assurer son intégration à la ville. La réhabilitation va passer par l’emploi de mécanismes et de techniques s’adaptant au projet urbain et donc à un projet correspondant aux attentes des occupants. L’autre scénario est la rénovation urbaine où l’intégralité de la parcelle va être modifiée pour proposer un espace totalement nouveau. Cette opération beaucoup plus lourde va constituer en une démolition totale des infrastructures en présence et nécessite une intervention massive des pouvoirs publics (GÉOCONFLUENCES, 2005). Ce type de démarche de grande ampleur ne s’applique pas uniquement sur les friches mais a pour objectif de repenser en intégralité des quartiers de ville. Le procédé de rénovation urbaine a notamment été largement appliquée dans le cadre des contrats de ville au début du XXème siècle dans lesquels s’inscrivent des Opérations de Renouvellement Urbain (ORU). Il y a donc un double enjeu derrière les actions menées et à mener sur les friches urbaines : un enjeu spatial et un enjeu d’image. Le fait de laisser un terrain à l’abandon va limiter les possibilités de développement de la ville et constituer un « poids mort » au cœur même de la vie des citoyens. Ces derniers ont par ailleurs tendance à percevoir de façon négative la présence d’une friche dans leur quartier de par leur statut particulier. Anne Bataillon décrira la perception de ces espaces de la façon suivante : « le terrain vague est significatif de désordre et il semble logique qu’il active une angoisse » (SOULIER, 2006). Une des approches des friches voudraient donc qu’elles n’aient pas leur place dans un tissu urbain maîtrisé et un foncier précieux. N’ayant pas de fonction déterminée et donc présentant une appropriation difficile, les friches sont une perte d’espace. « Il existe un lien entre le jugement du manque d’intérêt de la friche avec son aspect laid, repoussant et marginal dans le quartier » (GHARBAGE, GODOF, 2015). Cette vision négative est corrélée à celle de Patrick Degeorges et Antoine Nochy pour lesquelles les friches sont « les restes d’une division qui ne tombe pas juste, les chutes du découpage fonctionnel de l’espace » (DEGEORGES et NOCHY, 2002). A noter le cas particulier des friches de longue date, laissées à l’abandon et reconquise par la nature. Il en résulte une réserve de biodiversité spontanée qui peut être perçue positivement par la population en tant qu’espace vert relativement sauvage, opposé aux jardins et parc publics (MATHEY, RINK, 2010). Des usages non anticipés de récréation sans restriction peuvent alors voir le jour comme « l’exploration urbaine » où chacun peut venir s’exprimer, artistes graffeurs comme amateurs .
Que sont les sites et sols pollués (SSP) ?
Définition
Les friches se sont multipliées dans le paysage urbain avec parfois la présence de pollution résultantes de l’activité qui était exercée sur le site. Rappelons ici que le terme de Site et Sols Pollués permet d’intégrer les activités menées en surface (le site) et la zone comprise entre la surface du sol et le niveau de la nappe phréatique (le sol). La dégradation du milieu peut être « du fait de négligence, de défaut de conception ou de maintenance ou du non-respect de la législation […] qui le rende impropre à un autre usage déterminé » (LALLEMANDE-BARRES, RICOUR, 1994). L’activité humaine et l’exploitation du site est donc au cœur de la pollution du site qui se définit comme « toute action (humaine) qui contribue à accroître le fond géochimique naturel (concentrations naturelles en éléments physico-chimiques du milieu récepteur), qui peut avoir un impact (néfaste) sur son environnement ». Ainsi, la dégradation de la zone va impacter directement l’environnement en modifiant son équilibre. Le Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM) propose la définition suivante : « un site pollué est un site présentant un risque pérenne, réel ou potentiel, pour la santé humaine ou l’environnement du fait d’une pollution de l’un ou l’autre des milieux, résultant de l’activité actuelle ou ancienne ». Cette définition va au-delà de la notion de friche puisqu’il peut s’agir d’une autre temporalité du site et présente l’intérêt de mettre en avant les risques sanitaires dus à la pollution.
Pour qu’un site pollué présente un risque pour la santé humaine, la conjugaison de 3 éléments est nécessaire (FIGURE 2) :
– Une source de pollution : potentiel de danger qui peut être le produit, la substance ou l’agent responsable de la pollution
– Un vecteur : voie de transfert du danger, il rend possible un déplacement de la source sous forme d’eau, de poussière, de vapeur ou encore de produits alimentaires
– Une cible : « la population prise dans son ensemble y compris les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées ou les personnes présentant des pathologiessoumises aux expositions par des pollutions provenant de l’environnement » (DIRECTION GÉNÉRALE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES, 2017). L’élimination d’un de ces facteurs permet de supprimer le risque et donc de rendre le site propice à l’accueil d’une nouvelle activité. La contamination du sol peut toutefois limiter les usages futurs si elle n’est pas traitée. Ce danger pour la santé est un des enjeux phares pour le devenir du terrain puisque la dépollution de ce dernier doit s’adapter à son usage futur.
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Table des matières
Introduction
I. Pollution et gestion des friches urbaines : état de l’art
A. Définitions : les différents types de friches
1. Qu’est-ce qu’une friche ?
2. Que sont les sites et sols pollués (SSP) ?
B. La gestion des projets de reconversion de friches urbaines polluées
1. Théorie de la gestion du projet de reconversion
2. Les acteurs concernés et impliqués dans les FUP et leurs interactions
C. Politiques et outils de réglementation
1. Vue d’ensemble et installations classées
2. Limites et nouvelles réglementations : la loi ALUR
3. Vision globale de la gestion des SSP en Europe
Conclusion partie 1
II. Enjeux de la requalification des FUP : exemples et apprentissages
A. Présentation de cas de requalification
1. Les usines GIAT à Saint-Chamont (42)
2. L’imprimerie Mame à Tours (37)
B. Facteurs déterminants au choix de requalification
1. Analyse des intérêts des cas d’étude
2. Un coût élevé parfois surévalué avec des bénéfices mal maîtrisés
3. Proposition d’une d’analyse des bénéfices identifiés
Conclusion partie 2
Conclusion
Bibliographie
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