Définitions et classification des procédés de soudage
Dans sa définition la plus générale, le soudage consiste à réunir de façon permanente deux ou plusieurs éléments, en assurant la continuité de la matière des parties assemblées soit par chauffage, soit par pression, soit par combinaison de l’un et l’autre, avec ou sans emploi d’un matériau d’apport. L’utilisation d’un métal d’apport répond à deux besoins : il permet d’une part de combler le jeu entre les pièces assemblées, et d’autre part de changer la composition chimique et la structure cristalline de la zone fondue afin d’obtenir les performances recherchées. De manière générale, le terme « soudage » désigne l’ensemble des techniques mises en œuvre pour la réalisation d’un assemblage, et celui de « soudure » désigne le joint formé [3, 4]. Le champ d’application du soudage ne se limite pas aux matériaux métalliques puisque l’on soude du verre, des céramiques ou des matières plastiques. Dans le cas le plus courant des matériaux métalliques, on peut distinguer le soudage autogène (assemblage de deux matériaux de base de même composition sans métal d’apport), le soudage homogène (les deux matériaux de base et le métal d’apport sont de même nature), et le soudage hétérogène (l’un au moins des trois matériaux, d’apport ou de base, est différent des autres) [1]. On associe aussi souvent au soudage deux autres techniques d’assemblage voisines, faisant appel à des mécanismes physiques de liaison de natures différentes :
– le brasage consiste à lier les surfaces de deux pièces métalliques dans un joint à recouvrement avec jeu contrôlé (inférieur à 0,5 mm) par capillarité d’un métal d’apport fondu. Le métal d’apport utilisé doit avoir un point de fusion inférieur à celui des métaux de base, qui ne fondent pas pendant l’opération ;
– le soudo-brasage se rapproche du soudage par son mode opératoire (le joint est réalisé en position bout à bout ou en angle), et du brasage par l’utilisation d’un métal d’apport dont la température de fusion est plus basse que celle de l’un au moins des métaux de base. Il existe de nombreux procédés de soudage dont les principes et la mise en œuvre sont très différents. La classification de ces différents procédés (Figure I.1) peut s’effectuer selon le mode d’apport de l’énergie nécessaire pour réaliser la jonction. Pour certains, l’assemblage est obtenu par fusion locale des éléments à assembler, sans action mécanique volontaire, en utilisant une source de chaleur telle qu’une flamme ou un arc électrique. Pour d’autres, la continuité métallique est obtenue par une action mécanique (frottement, pression), éventuellement associée à une fusion ou un échauffement localisé. Soudage par pression : Cette catégorie regroupe tous les procédés de soudage dans lesquels on obtient une soudure, en général sans métal d’apport, par l’application d’une pression ou d’une friction suivie d’une pression, suffisante pour provoquer une déformation plastique à froid ou à chaud, assurant la continuité atomique entre les bords de la soudure. Soudage par pression et fusion : On retrouve dans cette catégorie le procédé de soudage par étincelage, qui consiste à fondre les surfaces à assembler à l’aide d’une décharge électrique avant d’appliquer une pression de contact, et surtout les procédés de soudage par résistance, pour lesquels le contact électrique entre les pièces est assuré par l’application d’une pression à l’aide d’électrodes de géométries variables, qui permettent ensuite de faire passer un courant de forte intensité à l’endroit du contact entre les pièces, entraînant par effet joule leur fusion. Soudage par fusion sans pression : La technique de soudage par fusion, la plus courante, consiste à fondre les bords des pièces à assembler, sans application de pression volontaire, à l’aide d’une source d’énergie produite par une flamme, un arc électrique ou un faisceau de particules. Le métal des deux pièces se mélange alors à l’état liquide, et constitue après solidification la soudure. Cette famille comprend un grand nombre de procédés, parmi lesquels les procédés de soudage à l’arc, qui sont les plus utilisés.
Les procédés de soudage à l’arc
Le soudage à l’arc est un terme générique qui caractérise l’ensemble des procédés de soudage utilisant un arc électrique comme source de chaleur pour fondre et lier les matériaux métalliques. On retrouve dans cette famille quatre principaux procédés, qui se distinguent par des natures différentes d’électrodes (baguette ou fil fusible, électrode réfractaire) et par la nature du milieu protecteur vis-à-vis de l’atmosphère ambiante (laitier ou gaz). Soudage à l’électrode enrobée : L’électrode enrobée est formée d’une âme métallique constituant le métal d’apport, de composition généralement proche de celle des matériaux constituant les pièces à souder, entourée d’un enrobage, de nature différente selon la qualité de soudure recherchée (oxydant, acide, basique, cellulosique ou rutile). L’enrobage a pour but de faciliter l’amorçage de l’arc, d’empêcher le métal de la soudure de s’oxyder au contact de l’air ambiant en formant un laitier protecteur, et de stabiliser et guider l’arc grâce à un retard à la fusion par rapport à l’âme de l’électrode. Soudage à l’arc submergé ou sous flux en poudre : Ce procédé utilise comme électrode un fil métallique fusible se déroulant de façon continue. Un flux en poudre est amené au niveau de l’extrémité du fil électrode, et recouvre totalement l’arc électrique. Sous la chaleur de l’arc, le flux fond en partie et forme un laitier qui recouvre le cordon et le protège de l’oxydation. Soudage à électrode de tungstène non fusible (Tungsten Inert Gas, TIG) : Dans ce procédé souvent utilisé dans la construction aéronautique, l’électrode, non fusible, est constituée d’un matériau réfractaire, généralement du tungstène pur ou thorié (allié à 1 ou 2 % de thorium), qui permet de maintenir un arc très stable. L’électrode est fixée au centre d’une torche de soudage dotée d’une arrivée annulaire de gaz inerte (argon ou hélium) protégeant la soudure de l’oxydation à haute température. Un métal d’apport peut être utilisé, sous la forme d’une tige métallique amenée manuellement ou automatiquement dans le bain fondu. Soudage sous flux gazeux avec électrode fusible (MIG/MAG) : L’arc est entretenu entre le métal à souder et un fil-électrode fusible entrainé automatiquement depuis un dévidoir, qui fournit le métal d’apport nécessaire à la réalisation de la soudure. La zone chauffée est protégée par un gaz inerte canalisé par la buse de soudage (on parle alors de soudage MIG, Metal Inert Gas). Dans le cas des aciers, on peut aussi utiliser un gaz actif (on parle alors de soudage MAG, Metal Active Gas), généralement du CO2 ou un mélange argon-CO2, qui améliore la pénétration de la soudure. C’est une variante du procédé MIG que nous retiendrons pour réaliser les assemblages de cette étude.
Développement récents du procédé MIG
Les développements récents du procédé MIG/MAG portent essentiellement sur l’amélioration du contrôle de la forme d’onde du générateur de soudage, pour augmenter la productivité du procédé et/ou élargir ses possibilités d’utilisation. Le procédé T.I.M.E. (Transferred Ionised Molten Energy) est une variante à haute puissance du procédé MIG/MAG développée par la société Fronius. Il permet d’atteindre des taux de dépôt supérieurs de près de 30 % au MAG classique, ce qui autorise des vitesses de soudage plus élevées, en utilisant le transfert de métal par veine rotative grâce à une longueur de stick-out plus élevée (15 à 25 mm) et un mélange de gaz particulier à base d’argon et de gaz actif (argon/CO2 ou argon/CO2/O2/hélium) [9]. Le taux de dépôt de métal dépasse alors 8 kg/h, ce qui correspond à des vitesses de dévidage de fil au moins égales à 15 m/min pour un fil d’acier de diamètre 1,2 mm. Le principe de la variante ForceArc est basé sur la forte limitation de la longueur de l’arc, de sorte que la pression exercée par le plasma sur le bain de fusion favorise la pénétration, tout en maintenant un faible apport calorifique pour minimiser les déformations (Figure I.9). Le transfert de métal se fait par pulvérisation axiale de gouttelettes de tailles fines à moyennes qui se succèdent à grande fréquence, entrecoupé de phases de court circuit au cours desquelles la montée en intensité est régulée pour éviter l’augmentation excessive de la hauteur d’arc au moment du réamorçage [10, 11]. Plusieurs variantes du procédé MIG/MAG en régime de transfert par court-circuit contrôlé, permettant de limiter les projections au moment du réamorçage de l’arc et l’augmentation d’énergie associée, ont aussi été développées au cours des dernières années.
Assemblage par procédé MIG-CMT
Quelques études récentes portant sur l’assemblage de tôles d’acier et d’aluminium avec le procédé MIG-CMT ont révélé des résultats très prometteurs. Ce procédé permet en effet de limiter la température du métal liquide déposé, et donc de réduire les épaisseurs de composés intermétalliques formés. Les essais sont généralement réalisés en configuration à clin, avec la tôle d’aluminium placée au dessus d’une tôle d’acier galvanisé (Figure I.27). Agudo et al [56, 57] ont utilisé un fil d’aluminium pur, et ont observé une couche de réaction de très fine épaisseur (inférieure à 4 µm), constituée de grains de Fe2Al5 contenant de nombreuses dislocations et micro-macles, et de grains de forme lamellaires de FeAl3, pénétrant dans le cordon d’aluminium. Zhang et al [58, 59] ont utilisé un fil d’apport Al-Si, pour assembler l’aluminium 1060 avec un acier galvanisé, mais n’ont pas observé l’effet bénéfique du silicium sur l’épaisseur d’intermétallique formé. En effet, si les énergies moyennes employées sont élevées, des couches de réaction d’épaisseur supérieure à 40 µm peuvent se former, alors que pour de plus faibles énergies, les épaisseurs sont sensiblement identiques à celles observées par Agudo avec de l’aluminium pur [56, 57]. Même les couches de réaction les plus épaisses ne présentent pas de fissures après soudage, et la rupture se produit alors dans l’aluminium de base, qui possède une faible résistance. En utilisant une tôle d’aluminium d’alliage 6061 d’épaisseur 2 mm et le même métal d’apport Al-5Si, Lin et al. [60] ont amélioré la résistance de l’assemblage, qui se produit toujours dans la tôle d’aluminium. Yang et al [61] se sont intéressés notamment à l’influence du jeu inter-tôles et de « l’offset », caractérisé par l’écart entre l’axe du fil d’apport et le bord de la tôle supérieure d’aluminium (Figure I.32), sur les caractéristiques des assemblages obtenus avec un fil d’apport Al-5Si. Ils observent que la vaporisation du zinc recouvrant la tôle d’acier réduit la résistance des assemblages, et que l’augmentation du jeu inter-tôle, en favorisant l’évacuation des vapeurs de zinc, est donc favorable. La vaporisation du zinc conduit aussi à un mouillage irrégulier de l’aluminium sur l’acier. L’augmentation du jeu, en éloignant la surface de l’acier de l’extrémité du fil d’apport, limite aussi la vaporisation du zinc, ce qui permet d’observer pour des jeux supérieurs à 0,5 mm de nouvelles phases Fe-Zn et/ou Fe-Al-Si qui remplacent les phases FexAly. Les résistances sont alors améliorées, sous l’effet simultané de l’évolution des intermétalliques et de l’augmentation de la largeur de liaison, le métal d’apport s’insérant par capillarité dans le jeu et augmentant la surface de contact cordon/acier. Le décalage du fil vers l’intérieur de la tôle d’aluminium a un effet défavorable sur la résistance, les cordons obtenus mouillant bien moins la surface de l’acier que pour un offset égal à zéro (Figure I.32).
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Table des matières
Introduction
I Recherche bibliograhique
I.1 Généralités sur le soudage
I.1.1 Bref historique du soudage
I.1.2 Définitions et classification des procédés de soudage
I.1.3 Les procédés de soudage à l’arc
I.1.4 Transformations subies lors du soudage par fusion
I.2 Le procédé de soudage MIG
I.2.1 Technologie du procédé
I.2.2 L’arc électrique
I.2.3 Les principaux modes de transfert de métal en MIG
I.2.4 Développement récents du procédé MIG
I.3 La liaison acier/aluminium
I.3.1 Les composés intermétalliques formés
I.3.2 Mécanismes et cinétique de croissance des intermétalliques
I.3.3 Contrôle de la croissance de la couche de réaction
I.4 Procédés de soudage acier/aluminium
I.4.1 Assemblage par procédé laser
I.4.1.1 Soudage laser par transparence
I.4.1.2 Soudo-brasage laser
I.4.2 Soudage et soudo-brasage à l’arc
I.4.3 Assemblage par procédé MIG-CMT
I.5 Synthèse
II Caractérisation expérimentale du procédé CMT
II.1 Dispositif expérimental
II.1.1 Plateforme de soudage
II.1.2 Poste de soudage
II.1.3 Acquisition des paramètres électriques et de la vitesse de dévidage du fil
II.1.4 Visualisation du transfert de métal
II.2 Matériaux utilisés et géométrie des éprouvettes
II.2.1 L’acier galvanisé
II.2.2 Le métal d’apport
II.2.3 Les éprouvettes
II.3 Analyse du transfert de métal en CMT
II.3.1 Analyse des formes d’onde du cycle électrique
II.3.2 Etude du transfert de métal
II.4 Influence des paramètres de la forme d’onde sur le transfert
II.4.1 Description des paramètres caractérisant la forme d’onde
II.4.2 Evolution des paramètres de la forme d’onde et de la puissance pour les différents essais
II.4.3 Evolution du transfert de métal pour les différents essais
II.4.4 Mouillage du métal déposé et épaisseur d’intermétallique formé
II.4.5 Discussion
II.5 Conclusion
III Caractérisation métallurgique des assemblages acier/aluminium
III.1 Elaboration des assemblages
III.1.1 Les matériaux
III.1.2 Configuration de l’assemblage acier/aluminium
III.1.3 Choix des paramètres opératoires
III.1.4 Préparation des échantillons pour l’étude métallurgique
III.2 Observation des cordons
III.2.1 Aspect visuel des cordons
III.2.2 Macrographies des coupes transverses des cordons
III.2.3 Caractérisation métallurgique des assemblages
III.3 Composition chimique des cordons et des couches de réaction
III.4 Conclusion
IV Caractérisation mécanique des assemblages acier/aluminium
IV.1 Description des essais de traction monotone et de fatigue
IV.1.1 Les éprouvettes d’essais
IV.1.2 Conditions d’essais
IV.2 Comportement en traction monotone quasi-statique des assemblages
IV.2.1 Comportement en traction monotone quasi-statique des assemblages
IV.2.2 Caractérisation des assemblages acier/aluminium 1050
IV.2.3 Caractérisation des assemblages acier/aluminium 6016-T4
IV.3 Comportement en fatigue des assemblages
IV.3.1 Choix des conditions d’essai
IV.3.2 Analyse des courbes de fatigue
IV.3.3 Analyse de la rupture
IV.4 Caractérisation de la résistance des interfaces acier/ aluminium
IV.4.1 Principe de l’essai d’adhérence par choc laser
IV.4.2 Conditions opératoires et caractéristiques de la modélisation
IV.4.3 Validation du modèle numérique
IV.4.4 Résultats des essais de choc laser sur assemblages
IV.5 Conclusion
V Etude du transfert de chaleur en CMT 151
V.1 Mesure des températures
V.1.1 Description des essais
V.1.2 Résultats
V.2 Modèle analytique de l’évolution des températures
V.2.1 Modèle de Rosenthal
V.2.2 Comparaison des résultats issus du modèle analytique
V.3 Modélisation numérique du soudage
V.3.1 Modèle numérique
V.3.1.1 Résolution numérique de l’équation de la chaleur
V.3.1.2 Maillage
V.3.1.3 Modélisation de la source de chaleur
V.3.1.4 Conditions aux limites
V.3.1.5 Modélisation des propriétés thermiques de l’acier
V.3.2 Modélisation de la croissance de la couche de réaction
V.3.3 Résultats
V.4 Conclusion
Conclusion et perspectives
Annexe
Bibliographie
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