Définitions et approches des soins palliatifs
L’étymologie du mot palliatif vient du latin pallium, qui désignait dans la Rome antique un long manteau de laine venant recouvrir le corps des hommes et ainsi l’habiller, le cacher. Le terme médical de soins palliatifs relève de cette étymologie dans le sens où l’approche médicale « palliative » tente non pas de traiter la pathologie, mais de traiter les inconforts et difficultés qu’elle génère. En quelque sorte, il s’agit de mettre un manteau sur la souffrance, de diminuer au mieux son expression. Contrairement au « pallium », l’accompagnement ne cherche pas à «faire taire » chimiquement l’expression de la souffrance psychique, mais à proposer une relation adaptée, aidante, envers la personne en souffrance. « Soins palliatifs » et « accompagnement » sont donc à distinguer, mais se veulent indissociables dans une approche médicale soucieuse de répondre au mieux aux attentes des patients. En 2021, l’OMS définit les soins palliatifs comme des soins actifs et complets, donnés aux malades dont l’affection ne répond plus au traitement curatif. La SFAP complète cette définition en précisant la nécessité d’une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale. L’OMS définit les objectifs des soins palliatifs (1) : améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, en prévenant et soulageant les souffrances physiques, psychologiques et spirituelles. La SFAP ajoute la souffrance sociale. L’OMS insiste sur l’importance d’une prise en charge précoce et précise des douleurs. Le soignant de soins palliatifs considère la mort comme un processus normal. En phase terminale de la maladie, il ne cherche ni à l’accélérer ni à repousser la survenue du décès. L’approche pluridisciplinaire, avec des professionnels soignants (médecin, infirmière, aidesoignant, kinésithérapeute, diététicien, psychomotricien) et non soignants (psychologue, travailleur social, art-thérapeute, représentant du culte, esthéticien, agent des services hospitaliers, bénévoles) est garante d’un accompagnement global de la personne, dans ses dimensions physique, psychique, sociale et spirituelle. La famille est membre à part entière de la relation de soin, en particulier lorsque le patient est pris en charge à son domicile.
Des thérapies venant des soins oncologiques curatifs tels que la chimiothérapie ou la radiothérapie, peuvent s’inscrire dans une prise en charge palliative, afin de traiter certains inconforts. De même pour des investigations d’imagerie, de biologie, ou des gestes interventionnels (pose de pompe intrathécale, d’endoprothèse…). Cette distinction classique entre palliatif et curatif, est désignée dans le monde anglo saxon par deux termes différents : « cure » (guérir) et « care » (prendre soin). Ces deux façons de soigner sont complémentaires. Dans sa définition des soins palliatifs, la SFAP précise que la mort est considérée comme un processus naturel, faisant partie de la vie. Les soignants doivent être vigilants à ne pas initier de traitement déraisonnable, ils privilégient la qualité de vie du sujet, et accompagnent les proches y compris dans leur période de deuil. L’interdit de tuer est fondamental, les soins doivent être proportionnés aux symptômes. Les soins palliatifs peuvent être pratiqués dans des structures de soins : unité de soins palliatifs (USP) ou lits identifiés soins palliatifs (LISP) au sein d’un service conventionnel, ou à domicile si les conditions sont réunies. Nous reviendrons sur les particularités du domicile.
Evolution de la vision de la mort dans la société au cours de l’Histoire
Il est intéressant d’observer l’évolution de la place de la mort dans nos sociétés au cours de l’Histoire. Philippe Ariès distingue 4 périodes (2) :
Première partie du Moyen Âge (Vème au XIème siècle)
Durant cette période, la mort est un événement qui concerne toute la communauté. Philippe Ariès parle de mort à visage ouvert, caractérisée par une relation naturelle des membres de la communauté concernée avec celui qui va mourir. Le corps du défunt est transporté sans en cacher le visage.
Seconde moitié du Moyen Âge (XIème au XIVème siècle)
Cette période est marquée par la grande épidémie de peste noire (qui a tué 30 à 50% de la population européenne en 5 ans). Philippe Ariès parle de mort « ensauvagée » : la mort renvoie à la peur de la dégradation du corps et à celle du jugement dernier.
Siècle du Romantisme (XIXème)
Ce siècle est marqué par l’âge d’or des sentiments, la tristesse de la séparation est au premier plan. Les deuils durent plusieurs années et l’on fera volontiers des petites chapelles de souvenirs dans les maisons. L’autre ne meurt pas tant que l’on pense à lui.
Epoque contemporaine (XXème et XXIème siècle)
Notre société est marquée par la science et la technique. Au cours du XXème siècle s’est installée peu à peu une « expulsion » de la mort en dehors des foyers. Nous sommes entrés dans une société marquée par une mort interdite, aboutissant à un déni de la mort, devenue un tabou. Dans cette vision contemporaine de la mort et de la souffrance, le soignant est face à 3 impasses :
• l’abandon du malade : la prise en charge du patient devient complexe et sort du champ de la médecine habituelle, le soignant déserte alors la chambre du patient.
• l’acharnement thérapeutique : face aux symptômes d’inconfort, le médecin propose une réponse avant tout technicienne et disproportionnée.
• l’euthanasie, définie par la HAS comme :
o une intention : répondre à une demande de mort du patient.
o un moyen : donner la mort.
o une procédure : injecter un produit létal.
o une temporalité : la mort est provoquée rapidement par un produit létal.
o une législation : elle est illégale en droit français. L’auteur d’une euthanasie peut être condamné pour homicide ou empoisonnement. En France l’euthanasie est parfois déguisée : arrêt précoce de l’hydratation, augmentation des doses de médicaments antalgiques ou sédatifs avec l’intention d’accélérer la survenue du décès.
Elle est à distinguer de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, légale depuis la Loi Leonetti Claeys de 2016.
Les soins palliatifs sont nés en réaction à ces impasses, afin de proposer une autre façon de prendre soin (to care) des malades incurables (le « cure » n’est plus possible).
Histoire des soins palliatifs
Aux origines du « prendre soin »
L’Homme prend soin des malades depuis les fondements de notre humanité. Yves Coppens, paléontologue français ayant participé à la découverte de Lucy, racontait devant le collège de France en septembre 2000, la découverte d’une sépulture datant de -100 000 ans dans le désert irakien. La dépouille appartenait à un homme dont l’examen du squelette permettait d’affirmer la présence de multiples fractures consolidées de son vivant, ainsi qu’une cécité monoculaire. Malgré son lourd handicap et les contraintes liées au nomadisme, cet homme avait survécu grâce à sa communauté qui avait pris soin de lui .
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : SOINS PALLIATIFS : DEFINITIONS, HISTOIRE ET PRINCIPES FONDAMENTAUX
1.1. Définitions et approches des soins palliatifs
1.2. Evolution de la vision de la mort dans la société au cours de l’Histoire
1.2.1 Première partie du Moyen Âge (Vème au XIème siècle)
1.2.2 Seconde moitié du Moyen Âge (XIème au XIVème siècle)
1.2.3 Siècle du Romantisme (XIXème)
1.2.4 Epoque contemporaine (XXème et XXIème siècle)
1.3. Histoire des soins palliatifs
1.3.1. Aux origines du « prendre soin »
1.3.2. Le Moyen Âge
1.3.3. Fin XIXème – début XXème siècle
1.3.4. Seconde moitié du XXème siècle en occident
1.3.5. Emergence des soins palliatifs en France
1.4. Valeurs et principes fondamentaux des soins palliatifs
1.4.1. Le concept théorique
1.4.2. La pratique
1.5. Les particularités des soins palliatifs au domicile
1.5.1 Absence de soignant disponible en permanence
1.5.2. Un environnement non conçu pour les soins
1.5.3 Coût des aides humaines et matérielles
PARTIE 2 : LE TRAITEMENT DE L’ANXIETE A L’AUNE DES VALEURS DES SOINS PALLIATIFS
2.1 Souffrance psychique des patients en fin de vie : anxiété, tristesse, révolte
2.1.1 L’anxiété : un sentiment qui a trait au futur, produit par l’imaginaire
2.1.2 La tristesse : qui a trait au passé qui n’est plus, à la perte
2.1.3 La révolte : qui a trait au sentiment d’injustice, de non-sens
2.2 Soulager la souffrance en prenant soin des « capacités de vie » de la personne
2.2.1 Une réponse médicale centrée sur la demande du patient
2.3 Nécessité d’anticiper la survenue des symptômes d’inconforts
2.4 Nécessité d’une démarche médicale rigoureuse
2.5 Approche médicamenteuse de l’anxiolyse : pharmacologie des benzodiazépines
2.5.1 Structure et propriétés physico-chimiques des benzodiazépines
2.5.2 Pharmacodynamie des benzodiazépines
2.5.3 Pharmacocinétique des benzodiazépines
2.5.4 Indications des benzodiazépines
2.5.5 Principaux effets secondaires
2.5.6 Surdosage
2.6 Les enjeux de la forme galénique habituellement utilisée pour le traitement de l’anxiété en soins palliatifs
2.5.1 La voie orale
2.5.2 Les voies injectables
2.5.3 La voie gingivo-labiale
PARTIE 3 : Etude quantitative de la faisabilité, de l’acceptabilité et l’efficacité de l’alprazolam XANAX© par voie gingivo-labiale dans le traitement de l’anxiété aiguë en soins palliatifs
3.1. Introduction
3.2. Méthodologie
3.3. Résultats
3.3.2. Critère de jugement principal
3.4. Discussion
3.4.2. Rappel des principaux résultats
3.4.3. Implication des résultats dans la pratique clinique
3.4.4. Validité interne
3.4.5. Validité externe
3.4.6. Suggestions pour les futures recherches
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES