« Aujourd’hui, 97 % des élèves de 3 ans sont scolarisés à l’école maternelle. Ils le sont cependant selon des modalités imparfaites. L’enjeu est que l’école maternelle permette à tous les élèves de s’épanouir et de maîtriser la langue. Pour cette raison, nous abaissons l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans » (Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Éducation Nationale, Assises de la maternelle, 27 et 28 mars 2018). L’abaissement de l’âge obligatoire de la scolarisation doit permettre un épanouissement de tous les élèves, ainsi qu’une maîtrise de la langue par l’ensemble des élèves. Toutefois, pour rendre cet épanouissement possible, une prise en compte du climat scolaire et des diverses problématiques qui y sont rattachées doit se faire, et ce rapidement puisque cette mesure entrerait en vigueur dès la rentrée de septembre 2019.
De nos jours, la problématique de la violence scolaire a une place importante au sein du débat public. Elle reste étroitement liée à celle du climat scolaire. C’est pourquoi divers chercheurs tentent de mettre en exergue certains faits concernant ces deux thématiques. Parmi ces derniers, il est inévitable de citer Éric Debarbieux, docteur en philosophie mais aussi professeur en Sciences de l’éducation. Il a notamment élaboré un certain nombre de travaux autour de la violence, il est l’un des présidents de l’Observatoire International de la Violence à l’École (OIVE) et membre important de l’Observatoire Universitaire International Éducation et Prévention. Debarbieux a également présidé les États généraux de la Sécurité à l’école ainsi que les Assises nationales contre le harcèlement. Ses recherches s’appuient sur d’autres travaux de chercheurs parmi lesquels Catherine Blaya (présidente de l’OIVE et professeure en ESPE). Marie-Odile Le Masson, quant à elle, a très largement contribué à la recherche sur le climat scolaire, notamment par le biais de son ouvrage Le climat scolaire : Pour une école bientraitante (2014). Le Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a mis en œuvre un grand nombre de ressources concernant ces deux thématiques par le biais de divers moyens comme le site d’Éduscol ou encore celui du Réseau de Création et d’Accompagnement Pédagogiques (CANOPE), ce dernier ayant d’ailleurs mis en place un site internet spécifiquement consacré au climat scolaire.
Afin d’aborder au mieux la thématique des violences scolaires et du climat scolaire à l’école primaire, il sera nécessaire dans un premier temps de s’intéresser au cadre théorique. Ce dernier s’articulera autour de quatre grands axes. En premier lieu, il s’agira de définir la notion de « climat scolaire » et de « violences scolaires ». Le second axe s’attachera à montrer les éventuels liens qui existent entre ces deux concepts clefs. Le troisième et quatrième axes seront respectivement dédiés à la présentation des moyens de prévention et de remédiation à élaborer pour garantir un meilleur climat de classe et favoriser le bien-être des élèves, mais aussi de voir le lien qu’il existe entre l’enfant et la violence. À la suite de la partie théorique, seront présentées la problématique et les hypothèses de recherche dans une deuxième partie. Ces deux premières parties permettront d’introduire la troisième partie qui aura pour objectif de présenter la méthodologie de cette recherche permettant le recueil de données. Ces diverses parties seront suivies d’une partie permettant la présentation des résultats et d’une autre se consacrant à la discussion.
DÉFINITIONS DU CLIMAT SCOLAIRE ET DE LA VIOLENCE SCOLAIRE
DÉFINITION DU CLIMAT SCOLAIRE
Il est d’abord important de souligner que la notion de « climat scolaire » entretient des liens étroits avec celle du « bien-être à l’école ». Ainsi, d’après l’article « Climat scolaire et bien-être à l’école » du MEN (2015), le bien-être renvoie « à un degré de satisfaction individuel, des élèves ou des professionnels, dans différents aspects de la vie scolaire (activités pédagogiques, relations amicales, etc.) » (Murat & Simonis-Sueur, 2015, p. 3 ; cité par MEN, 2015).
Le climat scolaire semble donc être un concept très large qui « touche l’ensemble des domaines auxquels on peut s’intéresser dans un établissement scolaire et qui concerne toutes les personnes : un climat scolaire serein et bienveillant participe au bien-être de chacun et à l’amélioration des résultats scolaire » (Le Masson, 2014, p. 11). Le guide «Agir sur le climat scolaire à l’école primaire » proposé par le MEN (2013) et disponible sur le site Éduscol propose des pistes visant l’amélioration de la vie à l’école. Ce dernier tente de définir la notion de climat scolaire en précisant qu’il « concerne toute la communauté éducative » et qu’il « renvoie à l’analyse du contexte d’apprentissages et de vie, et à la construction du bien vivre, du bien-être pour les élèves, et pour les personnels de l’école » (MEN, 2013, p. 5). D’après ce même document, le climat scolaire relèverait de sept facteurs interdépendants : le premier faisant référence à la dynamique et aux stratégies d’équipe, dans le but de briser la solitude qui pourrait apparaître au sein de la classe ; le second axe se traduit en termes de stratégies pédagogiques et de coopération, celles-ci se mettant en œuvre en faveur de l’engagement et de la motivation des élèves ; puis, la justice scolaire joue un rôle majeur dans la nécessité de mettre en place un cadre et des règles explicites, mais aussi explicitées ; le quatrième facteur s’appuie sur la prévention des violences et du harcèlement ; la coéducation avec les familles fait également partie intégrante des axes importants à considérer lorsque l’on aborde la problématique du climat scolaire, tout comme les pratiques partenariales, c’est-à-dire le lien qui peut s’établir entre les partenaires gravitant autour du milieu scolaire ; enfin, la qualité de vie à l’école doit être prise en compte en tant que facteur du climat scolaire, notamment en se basant sur l’organisation du temps et de l’espace de l’école (MEN, 2013).
Par conséquent, le climat scolaire regroupe diverses dimensions puisqu’il prend en compte les différents acteurs et/ou intervenants présents au sein d’un établissement. Il s’intéresse également à l’évaluation, au règlement intérieur, aux pratiques pédagogiques, ainsi qu’aux relations avec les parents, mais aussi au caractère éducatif des sanctions, à la qualité des enseignements, à l’organisation des emplois du temps, etc. Le climat scolaire concerne tout aussi bien les enseignants, les élèves, les personnels d’entretien et de restauration scolaire, que les parents (Le Masson, 2014, p. 19), ce qui est également précisé par le site mis en place en collaboration avec le MEN et Réseau Canopé, qui souligne que le climat scolaire « concerne toute la communauté éducative : élèves, personnels, parents. […] C’est la construction du bien vivre et du bien-être pour les élèves et le personnel de l’école ». Le climat scolaire relève donc d’une responsabilité collective (MEN, 2013). Grâce aux différents axes qui composent le climat scolaire, on peut souligner qu’agir sur ce dernier permettrait ainsi de diminuer l’absentéisme, ainsi que les violences et le harcèlement, tout en diminuant également les inégalités scolaires et en améliorant aussi bien les résultats scolaires que le bien-être des élèves et des personnels.
Divers chercheurs ont tenté de définir le concept de climat scolaire. Pour Thiébaud (2005 ; cité par Le Masson, 2014, p. 46), « la notion de climat scolaire renvoie à la qualité de vie et de communication perçue au sein de l’école. On peut considérer que le climat d’une école correspond à l’atmosphère qui règne dans les rapports sociaux et aux valeurs, attitudes, sentiments partagés par les acteurs dans un établissement scolaire ». Tandis que pour Debarbieux (2012 ; cité par Le Masson, 2014, p. 46), « le climat scolaire reflète le jugement qu’ont les parents, les éducateurs et leurs élèves de leur expérience de la vie et du travail au sein de l’école ». Une majorité des auteurs ayant abordé cette thématique s’accorde pour dire « qu’un climat positif, perçu comme bon, se caractérise par : la chaleur des relations personnelles (domaine des sentiments), par un système de règles claires appliquées avec cohérence (domaine des pratiques), par un faible taux de victimation (domaine des problèmes) » (Le Masson, 2014, p. 48) et que ces trois aspects sont incontestablement liés. En d’autres termes, le climat scolaire tient compte de l’atmosphère générale qui règne dans les rapports sociaux, mais aussi de la valeur accordée aux personnes. Cela engendre des dispositions plus ou moins favorables pour enseigner, apprendre et travailler au sein d’un établissement scolaire.
Le Masson (2014, p. 50) met en avant divers indices impactant le climat scolaire de manière négative « le stress et l’épuisement des enseignants, le peu de travail en équipe, les plaintes des parents, les faibles performances des élèves, des locaux dégradés ; la multiplication des conseils de discipline, des journées pédagogiques peu efficaces, un taux de redoublement important, le décrochage scolaire, l’absentéisme ; le peu d’innovations pédagogiques, les conflits entre élèves, les conflits entre adultes, les conflits entre enseignants et élèves, la faible motivation des élèves, le vandalisme de la part des élèves, les problèmes de discipline ».
Le rapport intitulé « Refondons l’école de la République » datant de décembre 2012 (cité par Le Masson, 2014, p. 51) met en exergue que « seuls 45% des élèves français se déclarent d’accord ou tout à fait d’accord avec l’affirmation : l’école est un lieu où je me sens bien, contre 85% en moyenne dans les pays de l’OCDE ». Mais également que « au-delà du stress, ce mal-être scolaire contribue à la montée des incivilités, voire des actes de violence qui se trouvent concentrés dans certains établissement. Ils touchent majoritairement les élèves mais aussi le personnel éducatif (le mal-être scolaire se fait aussi sentir chez les enseignants) ».
Fotinos (2006 ; cité par Le Masson, 2014, p. 52) met en avant que de manière générale et selon les directeurs et directrices des écoles primaires, le climat scolaire dans le premier degré se dégrade. De plus, cette dégradation semble plus marquée dans les écoles maternelles. Le rapport « La qualité de vie au travail dans les lycées et collèges : le « burn-out » des enseignants » (Fotinos & Horenstein, 2009 ; cité par Le Masson, 2014, p. 52-53) énonce le fait « que les enseignants du premier degré sont plus vulnérables à l’épuisement émotionnel mais moins vulnérables aux attitudes cyniques et à la perte du sentiment d’efficacité professionnelle que leurs collèges du second degré ». Ainsi, il faut souligner que le climat scolaire fait l’objet de définitions multidimensionnelles. Cependant, le National School Climate Center semble retenir une définition assez large de ce terme en avançant que « le climat scolaire renvoie à la qualité et au style de vie à l’école. Le climat scolaire repose sur les modèles qu’ont les personnes de leur expérience de vie à l’école. Il reflète les normes, les buts, les valeurs, les relations interpersonnelles, les pratiques d’enseignement, d’apprentissage, de management et la structure organisationnelle inclus dans la vie de l’école » (Debarbieux, Anton, Astor, Benbenishty, Bisson Vaivre, Cohen, Neulat & Vrand, 2012 ; cité par Le Masson, 2014, p. 154).
COMPOSANTES DU CLIMAT SCOLAIRE
Tout comme sa définition, les composantes du climat scolaire ne font pas consensus. Comme évoqué précédemment, on trouve ainsi divers éléments faisant partie intégrante du climat scolaire. Ainsi, pour le School Climate Center, cinq facteurs semblent être retenus. Parmi eux, les relations (parents, élèves, enseignants), les enseignements et les apprentissages, la sécurité, l’environnement physique et enfin, le sentiment d’appartenance (Le Masson, 2014). Par ailleurs, l’OCDE (2008, cité par Le Masson, 2014) met quant à elle en avant six facteurs différents : la qualité des bâtiments scolaires ; la relation entre les enseignants et les élèves ; le niveau du moral et de l’engagement des enseignants ; les problèmes de violence, de harcèlement, de brimades et d’intimidation ; la problématique de la discipline et de l’ordre ; et enfin, l’engagement des élèves. On remarque toutefois que certains éléments sont présents chez ces deux organismes.
Depuis les années 1990 et dans ses divers travaux, pour aborder le climat scolaire, Debarbieux prend en considération des indicateurs tels que la victimation et les délits (coups, vols, insultes), la qualité des relations des élèves entre eux ainsi que celle des élèves avec les adultes, tout comme les relations entre les adultes eux-mêmes, ainsi que des indicateurs touchant plus à l’insécurité comme la violence et l’agressivité perçues ou le sentiment d’injustice (Debarbieux, 1996, 1999, 2001, 2012 ; cité par Debarbieux, 2016, p. 188). Quant à Blaya (2006), le climat scolaire ferait selon elle « référence au climat relationnel ou social qui est la qualité des relations entre les différents membres de la communauté éducative, dont la qualité des contacts interpersonnels, le respect entre les individus et l’assurance du soutien d’autrui ; le climat éducatif (sens donné aux apprentissages) ; le climat de sécurité (ordre et sentiment d’insécurité) ; le climat de justice ; le climat d’appartenance qui dépend des autres aspects précédents du climat scolaire » (cité par Debarbieux, 2016, p. 189). Pour avancer ces divers critères, Blaya s’appuie sur une précédente recherche réalisée par Janosz (1998). En effet, ce dernier avait avancé l’idée que le climat d’un établissement s’appuyait sur différents climats, dont notamment le climat relationnel ou social, le climat éducatif, le climat de sécurité, le climat de justice (Janosz, 1998 ; cité par Debarbieux, 2016, p. 186).
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Table des matières
Introduction
I. Cadre théorique
I.1. Définitions du climat scolaire et de la violence scolaire
I.1.1. Définition du climat scolaire
I.1.1.1. Composantes du climat scolaire
I.1.1.2. Quelques chiffres liés au climat scolaire
I.1.2. Définition, typologie et conséquences de la violence scolaire
I.1.2.1. Typologie des violences
I.1.2.2. Conséquences des violences
I.1.2.3. Quelques chiffres sur la violence scolaire
I.2. Quels liens entre violences scolaires et climat scolaire ?
I.3. Prévention des violences et amélioration du climat scolaire
I.4. L’enfant et la violence
II. Problématique et hypothèses de recherche
III. Méthodologie
III.1. Présentation de l’échantillon
III.2. Outils et supports méthodologiques
IV. Présentation des résultats
IV.1. Les observations
IV.2. Les entretiens semi-directifs
IV.3. Analyse des résultats
V. Discussion des résultats
Conclusion
Bibliographie et sitographie
Annexes