Définitions des troubles du comportement et crise clastique
Le comportement correspond à la manière d’agir, de réagir des personnes (1). Les troubles du comportement se définissent par des agissements qui correspondent à une déviation d’une norme, c’est à dire en excès (état d’agitation, d’agressivité etc.) ou au contraire en défaut (inhibition, etc). Ce symptôme peut être révélateur d’une souffrance psychique ainsi il est important de le comprendre, de l’expliquer et de le soulager (2). Le trouble du comportement peut être en lien avec l’environnement culturel et social. Il ne renvoie pas à un diagnostic spécifique. Il peut être associé aux troubles des conduites, au trouble oppositionnel avec provocation (TOP), au trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), aux troubles de la personnalité et les troubles du l’humeur (3).
La crise clastique est un mode d’expression d’un trouble du comportement. D’après Stéphane LAUDRIN et Mario SPERANZA (4), la crise renvoie à la rupture de l’équilibre d’un système confronté à un changement. D’après le dictionnaire Larousse (5), la crise représente un « brusque accès, forte manifestation d’un sentiment, d’un état d’esprit ». Le terme « clastique » renvoie au « grec klastos, brisé, se dit d’une crise violente marquée par des bris d’objets » (6). A l’adolescence, trois pistes peuvent être évoquées :
• les crises à l’adolescence avec des passages à l’acte, incluant la crise d’identité ou les crises juvéniles (7). Pour Eric ERIKSON (8), les crises sont un processus tout au long du développement psycho-affectif.
• la dépression (7)
• les conduites externalisées .
Sur le plan physiologique, les accès de colère apparaissent couramment vers la fin de la première année de vie, ils sont très fréquents entre 2 et 4 ans et rares après 5 ans (9). Quand la symptomatologie persiste, les troubles du comportement peuvent être dits « externalisés ». Ils se manifestent par de l’agressivité, de l’impulsivité, de l’agitation, un manque de respect des limites qui sont établies et/ou un défaut d’obéissance (10). Ils regroupent les fugues, l’auto-agressivité (scarifications, automutilations), les prises de toxiques, les tentatives d’autolyse (TA), les comportements hétéro-agressifs, les vols, les mensonges, les troubles des conduites sexuelles, les conduites d’opposition et les crises clastiques .
Les plaintes des parents varient en fonction de l’âge. Avant l’âge de six ans, elles sont principalement sur le manque d’obéissance, l’agitation, l’hétéro-agressivité envers les adultes et les pairs et l’impulsivité. Après l’âge de six ans, les difficultés scolaires sont au premier plan avec des plaintes sur la concentration, les comportements inadaptés en classe et également les performances scolaires (10). Ces troubles externalisés du comportement sont associés à différents syndromes. D’après le DSM-IV (12), ils font partie des symptômes du TDAH, des troubles des conduites et du TOP. Dans la CIM-10 (10), ils apparaissent dans les « troubles hyperkinétiques», dans les « troubles mixtes des conduites et des émotions » et dans les « troubles des conduites ». Les troubles du comportement sont aussi dits « internalisés » quand ils sont définis par des attitudes d’hyper-contrôle et d’inhibition. Ils se manifestent et se contiennent sans déborder sur le monde extérieur contrairement aux problèmes d’externalisation qui sont tournés vers autrui .
Les motifs de passage aux urgences pédiatriques et pédopsychiatriques
Nous retrouvons un nombre important de motif de consultation aux urgences pour trouble du comportement et la majorité des patients ne bénéficie pas de suivi psychologique et est prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) (16) (17). L’urgence en pédopsychiatrie se définit par une situation de crise pathologique présentant un risque vital ou un danger imminent pour le jeune et/ou l’entourage. La crise peut venir d’un événement externe de type (naissance, traumatisme, deuil, rupture de liens familiaux, éducatifs, etc.) ou être liée au développement de l’enfant ou de l’adolescent (4). En 2018, le travail de thèse de GLOMOT (18) revient sur les motifs de consultation aux urgences pédiatriques et aux urgences pédopsychiatriques qui sont :
• Tentative d’autolyse ou idées suicidaires
• Trouble du comportement, agitation, violence
• Symptôme psychotique
• Trouble du comportement alimentaire
• Agression sexuelle et physique
• Trouble du sommeil
• Plaintes somatiques.
En 2014, l’étude de PODLIPSKI et al. (19) met en avant quatre motifs principaux de consultation correspondant à plus de la moitié des cas : les syndromes dépressifs (11,7%), les troubles du comportement (15,3 %), l’anxiété (21,2 %) et les tentatives de suicide (27,7 %). En 2013, l’étude de CHATAGNER et al. (20) sur le motif de consultation provoquant une situation d’urgence, reprise en 1992 et en 2002, concerne dans la majorité des cas les conduites agies (agitation, tentative de suicide, violence fugues, agressivité). Les motifs diffèrent selon le genre d’après PODLIPSKI et al. (19) en 2014, et KENNEDY et al. (21) en 2009, on note une prédominance de l’agressivité et des symptômes psychotiques chez les garçons, et une prédominance des symptômes dépressifs, des comportements suicidaires, des comportements sexualisés et des scarifications chez les filles. En effet, les troubles du comportement chez le garçon correspondent au premier motif de consultation avec 28%. En revanche, pour les filles, 32 % des consultations sont en lien avec des tentatives d’autolyse .
Définition de l’irritabilité et le lien avec «la polémique» du trouble bipolaire pédiatrique
Selon le dictionnaire Larousse (22), il s’agit du caractère, de l’état de quelqu’un qui s’emporte facilement. L’irritabilité correspond à une hyper-réactivité aux légères provocations et aux mésententes dans les relations interpersonnelles, avec une tendance à des réactions excessives à celles-ci. Sur le plan du comportement, elle se rapproche de l’agressivité physique. Sur le plan affectif, elle tend vers la colère (23). Le concept d’irritabilité a beaucoup questionné dans le champ de la psychopathologie pédiatrique avec l’augmentation des diagnostics de trouble bipolaire pédiatrique (TBP) posés chez les enfants et les adolescents. Le TBP est un trouble de l’humeur qui entraîne un impact fonctionnel important (24). L’irritabilité est fréquemment associée au TBP .
Selon le DSM-IV (12), le trouble bipolaire est décrit par des épisodes de manie ou d’hypomanie, c’est-à-dire une période distincte d’humeur anormalement et constamment élevée, expansive ou irritable (symptômes A) accompagnée d’un certain nombre de symptômes cognitifs, comportementaux et physiques (symptômes B) tels que la grandiosité, diminution du besoin de sommeil, pression de la parole, augmentation des activités axées sur les objectifs, fuite des idées, distractibilité et agitation psychomotrice. La présence simultanée de symptômes A et B définit un épisode de manie ou d’hypomanie; la différence entre les deux dépend de l’intensité et de la durée des symptômes (12). Entre le milieu des années 1990 et le début années 2000, il y a eu une inflation du diagnostic de TBP créant une polémique (23)(24)(25). Aux Etats-Unis, en 8 ans, les enfants sortants d’hospitalisation psychiatrique avec un diagnostic de TBP sont passés de 10 à 34%, et de 10 à 49 % chez les adolescents. Respectivement en 1996 et en 2004, il y avait 1,3 diagnostic de sortie de TBP pour 10000 enfants et adolescents contre 7,3 pour 10000, représentant une majoration par 5 (26). Il existe plusieurs explications possibles pour comprendre cette augmentation de diagnostic de TBP. En effet il peut avoir été sous diagnostiqué auparavant ou avoir eu des modifications dans la manière d’appliquer les critères de diagnostic amenant à une erreur de diagnostic (24). Un des aspects de la polémique concerne la place et la valeur clinique de l’irritabilité chronique et non-épisodique en tant que présentation développementale du TBP (27). Ainsi il y a eu une intégration de l’irritabilité chronique dans le diagnostic du TBP alors que la symptomatologie se décrit par des épisodes. Dans ces conditions, la manie a pu être évoquée sur de l’irritabilité chronique, ayant pour conséquence de créer une superposition avec d’autres diagnostics comme le TDAH. En effet, dans leTDAH, nous retrouvons une agitation psychomotrice, des accès de colère et des difficultés à se réguler sur le plan émotionnel amenant à une irritabilité chronique. Par conséquent, associer l’irritabilité chronique au TBP a majoré le taux de diagnostic .
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Table des matières
I-Introduction
a) Définitions des troubles du comportement et crise clastique
b) Les motifs de passage aux urgences pédiatriques et pédopsychiatriques
c) Définition de l’irritabilité et le lien avec « la polémique » du trouble bipolaire pédiatrique
d) Concept et controverse de la dysrégulation sévère de l’humeur et du TDDE
e) Définition du TDDE et différences avec la dysrégulation sévère de l’ humeur
f) Epidémiologie
g) Physiopathologie
h) Comorbidités
i) Thérapeutiques
j) Evolution
k) Généralités sur l’étude
l) Objectifs de l’étude
II-Matériel et méthode
a) Schéma de l’étude
b) Population de l’étude
c) Mode de recueil des données
d) Différentes données recueillies
e) Analyse statistique
f) Mention légale et éthique
III-Résultats
1. Objectifs principaux
a) Prévalence
b) Stabilité du diagnostic TDDE
2. Objectif secondaire
a) Caractéristiques sociodémographiques
b) Caractéristiques scolaires
c) Caractéristiques des PEC extérieures
d) Caractéristiques anamnestiques
e) Caractéristiques des ATCD
f) Caractéristiques développementales
g) Caractéristiques de l’hospitalisation
h) Caractéristiques diagnostiques
i) Caractéristiques thérapeutiques
j) Caractéristiques cliniques
IV-Discussion
1. Prévalence, stabilité et évolution du TDDE
2. Les aspects thérapeutiques de notre population
3. L’aspect neurodéveloppemental du TDDE
4. Les forces, les limites de l’étude et les perspectives
5. Profil majoritaire et « type » des enfants et adolescents avec TDDE de l’étude
V-Conclusion
VI-Bibliographie
VII-Annexes
VIII-Résumé