Les fentes faciales sont une malformation congénitale assez courante, puisqu’elle touche environ un nouveau-né sur 700. Très rapidement, une intervention chirurgicale va refermer la fente, et le patient va être orienté chez une orthophoniste. Cette prise en charge des fentes est d’ailleurs un des fondements historiques de la profession, grâce aux travaux de Mme Borel-Maisonny, publiés dès 1929.
Près de 90 ans après ces premières recherches, en France la précocité du suivi, tant sur le plan chirurgical qu’orthophonique, font consensus, pour une meilleure récupération des séquelles de la fente sur l’alimentation, l’articulation ou encore l’audition. Cependant, ce qui semble évident en France ne l’est pas partout ailleurs. En effet, dans les pays en voie de développement, les calendriers chirurgicaux et les prises en charge post-opératoires sont très différents, voire inexistants. Les hôpitaux français voient de plus en plus entrer dans leurs services des enfants originaires de ces pays et adoptés par des familles françaises, dont le suivi ne correspond pas du tout aux standards français.
Définitions brèves et concises des fentes faciales et de leurs conséquences
Embryologie
De manière générale, une fente faciale est le résultat d’un défaut de fusion des bourgeons faciaux pendant l’embryogénèse. Dans le ventre de sa mère, l’embryon est formé d’amas cellulaires qui se différencient, migrent et se spécialisent peu à peu. Au niveau de l’extrémité céphalique, se trouvent notamment les cinq bourgeons faciaux, qui entre les cinquième et douzième semaines de gestation, fusionnent les uns avec les autres pour former la région du nez et de la bouche. Il peut néanmoins arriver que cette fusion ne se fasse pas totalement, ou pas du tout. Il en résulte alors une fente faciale, dont le résultat final dépendra de la localisation du défaut de fusion (article « Malformations de la face », tiré du manuel d’anatomie : www.embryology.ch).
Il est cependant intéressant de noter que dès la douzième semaine, la région bucconasale a un aspect très proche de celui observé à la naissance. De même, si la fente est présente à 12 semaines, elle le sera également à la naissance. Et s’il n’y a pas de fente à 12 semaines, il n’y en aura pas à la naissance (Bénateau, Taupin, Ory et Compère, 2012). La fente faciale est une malformation assez courante, puisque environ 1 enfant sur 700 naît avec.
Les différents types de fentes
Les fentes labiales simples
La fente labiale simple résulte d’un défaut de fusion partiel entre le bourgeon nasal interne et les bourgeons maxillaire supérieur droit ou gauche. Seule la lèvre apparaît comme fendue. Si seul l’un des deux côtés du bourgeon nasal, et un seul des bourgeons maxillaires sont touchés, on parle de fente unilatérale. Dans le cas contraire, si le défaut de fusion affecte les deux bourgeons maxillaires, et les deux côtés du bourgeon nasal, alors on parle de fente bilatérale (Vernel-Bonneau et Thibault, 1999).
Les fentes labio-alvéolaires
Il s’agit, comme pour une fente labiale, d’un défaut de fusion des bourgeons nasal et maxillaires supérieurs, mais cette fois-ci total. La fente traverse la lèvre et ouvre le maxillaire supérieur au niveau de l’incisive latérale. Elle peut être unilatérale (c’est ce que l’on appelait autrefois un « bec de lièvre ») ou bilatérale. Ces fentes sont dites « primaires » car elles ont lieu entre la 5ème et la 8ème semaine de gestation (Bénateau, Taupin, Ory et Compère, 2012). Dans le cas d’une fente labio-alvéolaire bilatérale, le tubercule médian, qui correspond au philtrum, est accroché au massif facial par le septum cartilagineux nasal, plus communément appelé cloison nasale (Thibault, 2007).
Les fentes vélo-palatines isolées ou palato-vélaires
Les fentes palatines sont dues à un défaut de fusion des bourgeons maxillaires. Elles vont de la bifidité simple de la luette jusqu’à la division complète du voile et du palais, et les lames palatines peuvent être plus ou moins écartées. Ces fentes sont dites secondaires car elles ont lieu entre les 8ème et 12ème semaines in utéro (Bénateau, Taupin, Ory et Compère, 2012). Il faut noter que l’agénésie vélaire, qu’elle soit partielle ou totale, reste exceptionnelle (Thibault, 2007).
Les fentes sous-muqueuses
Les fentes sous-muqueuses sont dites invisibles. Il s’agit d’un défaut de croisement des muscles palatopharyngés et péristaphylins. Il se traduit, lors d’un examen attentif, par une zone translucide à la jonction du palais et du voile, ou sur le voile seul. La luette est souvent bifide. La muqueuse est intacte, ce qui masque la fente (Vernel-Bonneau et Thibault, 1999 ; Thibault, 2007).
Les fentes labio-maxillo-palatines
On les appelle également fentes labio-palatines ou fentes totales. La fente part de la lèvre, traverse le maxillaire, et divise le palais et le voile. Elle peut être unilatérale ou bilatérale. Dans le cas d’une fente totale unilatérale, le massif facial est dit bipartite, car il est caractérisé par l’existence de deux fragments maxillaires, un petit fragment externe et un grand fragment interne. Dans le cas d’une fente totale bilatérale, on parle d’une tripartition du massif facial, car celui-ci est divisé en trois parties : les deux maxillaires latéraux et le tubercule médian rattaché à la cloison nasale (Vernel-Bonneau et Thibault, 1999).
Les conséquences des fentes
On comprend aisément qu’une fente, de par la modification anatomique qu’elle entraîne, aura forcément un impact sur de nombreux domaines, tels que l’alimentation de l’enfant, le développement de son langage ou encore son audition, chacune de ces fonctions étant reliée aux autres.
Conséquences sur l’alimentation
Par exemple, la présence d’une malformation de la sphère oro-faciale telle qu’une fente, même après une intervention chirurgicale précoce, entraîne des complications au niveau de l’alimentation. En effet, des études menées par Paradise et McWilliams (1974) et Ranalli et Mazaheri (1975), citées par Gilliot dans sa thèse (2010), démontrent que les bébés porteurs de fentes ont à un an un poids significativement inférieur à la normale. Une équipe japonaise, composée de Kani, Kawamura, Mizuno et Ueda montre en 2002 que les enfants avec une fente totale ont de très mauvaises capacités de succion. En 2007, Kilpatrick, Reid et Reilly ajoutent que la taille et le type de fente jouent un rôle dans les capacités du bébé à téter. Les enfants avec une fente labiale isolée ou une fente vélaire incomplète présentent des capacités de succion proches de la normale, tandis que ceux avec une fente vélo-palatine ont plus de difficultés. Les bébés avec fente présentent des schémas de déglutition altérés, des mouvements de langue désordonnés et ont un rythme de succion désordonné. Le volume ingéré est moins important, car ils ont des salves de succion plus courtes et plus rapides (Habel et al., 2007). Selon Buys Roessingh, Despars, Foglia, Hohlfeld et Jung (non daté), les reflux par le nez sont également fréquents du fait de la communication entre la cavité buccale et les fosses nasales.
Conséquences sur l’articulé dentaire et les dents
Les troubles de l’alimentation peuvent être corrélés, plus tard, à des malpositions de certaines dents et de l’articulé dentaire, qui vont gêner la fermeture buccale et le placement de la langue pour parler et déglutir. En 2007, lors du 43ème congrès de la Société Française de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-Faciale et Chirurgie Orale, Delcampe, Duret et Peron ont parlé des troubles et des thérapeutiques qui surviennent le plus souvent au niveau de l’articulé dentaire chez les enfants porteurs de fentes. Ils ont notamment relevé de fréquentes rétromaxillies (déformations de l’os maxillaire supérieur vers l’arrière), des hypoplasies maxillaires (développement insuffisant du maxillaire), des promandibulies (déformation de la mandibule vers l’avant, synonyme de prognathisme) ainsi que des articulés inversé. Deloffre et Le Guerch (2011) relèvent également des agénésies dentaires, des dents surnuméraires ainsi que des anomalies de formes et de position, qui concernent principalement les incisives et les canines supérieures.
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Table des matières
Introduction
I. Assises théoriques
1. Définitions brèves et concises des fentes faciales et de leurs conséquences
a. Embryologie
b. Les différents types de fentes
Les fentes labiales simples
Les fentes labio-alvéolaires
Les fentes vélo-palatines isolées ou palato-vélaires
Les fentes sous-muqueuses
Les fentes labio-maxillo-palatines
c. Les conséquences des fentes
Conséquences sur l’alimentation
Conséquences sur l’articulé dentaire et les dents
Impact sur l’audition et la sphère ORL
Troubles du langage oral associés au fentes
Troubles de la voix
Erreurs de production des consonnes
Séquelles psychologiques
2. Le calendrier chirurgical des fentes
a. Chez l’enfant non-adopté
b. Chez l’enfant adopté
Avant l’adoption
Après l’arrivée dans le pays d’adoption
3. L’acquisition des sons et du phonétisme
a. Chez l’enfant francophone non adopté
b. Chez l’enfant avec fente, non-adopté
c. Chez l’enfant adopté, sans fente palatine
d. Chez l’enfant avec fente et adopté
4. Les spécificités de l’enfant adopté avec ou sans fente faciale, en lien avec l’orthophonie
a. Avant l’adoption, l’abandon
b. Comportement
c. Malnutrition
d. Carences affectives
e. Retards moteurs
5. Conclusion des éléments de la littérature
II. Partie expérimentale
1. Problématique
2. Objectifs
3. Population
Population d’intérêt : les enfants adoptés et porteurs d’une fente
Population contrôle : les enfants porteurs d’une fente, mais nonadoptés
4. Matériel et méthodes
5. Hypothèses
5. Résultats
Hypothèse 1 : l’âge d’opération a une influence sur la présence de troubles orthophoniques
Résultat global
Les troubles de l’articulation
Le souffle rauque
Les coups de glotte
Les postériorisations des consonnes antérieures
Les antériorisations des consonnes postérieures
Les déviations de la langue dans la fente alvéolaire
Les sigmatismes
L’effort articulatoire
Les troubles du voile
Le nasonnement
L’hyponasalité
Le ronflement
Les troubles de la voix : la raucité
Les troubles « autres »
L’articulé dentaire
Les troubles de l’alimentation
La déglutition primaire
L’audition
D’un point de vue quantitatif
Les troubles de l’articulation
Les troubles du voile
Les troubles de la voix
Les autres troubles
Hypothèse 2 : les enfants adoptés sont opérés plus tard que les enfants non-adoptés
Hypothèse 3 : les enfants adoptés présentent plus de troubles que les non-adoptés
Résultat global
Les troubles de l’articulation
Le souffle rauque
Les coups de glotte
La postériorisation des consonnes antérieures
L’antériorisation des consonnes postérieures
La déviation du point d’articulation dans la fente alvéolaire
Le sigmatisme
L’effort articulatoire
Les troubles du voile
Le nasonnement
L’hyponasalité
Le ronflement
Les troubles de la voix : la raucité
Les troubles autres
L’articulé dentaire
L’alimentation
La déglutition primaire
L’audition
D’un point de vue quantitatif
Les troubles de l’articulation
Les troubles du voile
Les troubles de la voix : la raucité
Les autres troubles
6. Discussion
Biais d’échantillonnage
Regard biaisé vers l’enfant adopté
L’enfant adopté et son adaptabilité
Vers un remise en cause de la prise en charge précoce ?
En résumé
Conclusion
Bibliographie