Définition générale du droit international
Le droit international peut être public ou privé. Défini comme l’ensemble des normes qui régissent les relations juridiques entre les états, le droit international public, qui nous intéresse dans ce travail de recherche, s’adresse aux états. D’où le caractère public de ce droit qui signifie que « l’état est […] à la fois auteur de la règle de droit et […] sujet de la règle de droit » (Ranjeva, R., Cadoux, C., 1992.). Dans certains cas, le droit international public s’adresse également aux Organisations Intergouvernementales (OIG). En effet, les états peuvent agir à travers les OIG « en leur conférant une personnalité juridique autonome » (Dupuy, 2002). On assiste ainsi, selon Pierre-Marie Dupuy, à une « diversification des acteurs des relations internationales ». Mais, « même concurrencés […] les états souverains demeurent aujourd’hui les sujets primaires ou fondamentaux du droit international et […] en sont les premiers agents d’exécution » (Dupuy, 2002). Ainsi, de par les sujets à qui il s’adresse, le droit international public se distingue du droit international privé qui s’applique aux particuliers. Chaque état disposant d’une égale souveraineté, les sujets du droit international sont donc formellement égaux.
Mais cette souveraineté peut aussi « limiter l’efficacité du droit international » (Dupuy, 2002) dans la mesure où chaque état peut choisir de se soumettre ou non au droit international en fonction de la conception qu’il a de sa souveraineté. La mondialisation, phénomène croissant depuis quelques années, et les différents flux qu’elle engendre (échanges économiques, humains, etc) pousse les états à davantage de coopération et de solidarité pour gérer au mieux les situations qui s’imposent communément à eux. Ceux-ci sont ainsi amenés à légiférer, à établir des règles communes, etc. pour définir les responsabilités juridiques de chacun. Ce qui entraine une multiplication des lois, traités, règles et instances internationales, dans les divers domaines que couvre le droit international, tels que les migrations, l’environnement, le commerce mondial, les droits de l’homme, etc. La mondialisation amène donc à une réorganisation du droit international et de cette manière renforce les relations entre les différents états, « ainsi appelés à ressentir de plus en plus leur appartenance commune à une véritable communauté internationale […] » (Dupuy, 2002).
On peut malgré tout nuancer cette relation de cause à effet dans la mesure où, face aux phénomènes de mondialisation voire de « globalisation », les états sont aussi amenés à renforcer leur souveraineté pour maintenir et sauvegarder certaines de leurs caractéristiques nationales. Nous nous intéresserons dans ce travail au droit international public relatif aux droits de l’enfant, domaine en perpétuelle évolution depuis l’adoption de la Déclaration de Genève en 1924, la Déclaration des Droits de l’Enfant de 1959 ou encore l’adoption de la CDE en 1989.
Un exemple : le droit international relatif aux droits de l’enfant
En 1924, Eglantine Jebb, fondatrice de Save the Children établit la Déclaration de Genève pour mettre en avant les obligations de l’état envers les enfants à travers cinq objectifs fondamentaux. La déclaration, adoptée par la Société Des Nations constitue le « premier instrument international des droits de l’homme se rapportant à l’enfant » (Verhellen, 1999) et devient la base de toutes autres législations internationales en matière de droits de l’enfant.
En 1959, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la Déclaration des Droits de l’Enfant. Avec douze articles qui reprennent les principes fondamentaux des droits de l’enfant, elle est relativement plus détaillée que la Déclaration de Genève et considère que « l’humanité se doit de donner à l’enfant le meilleur d’elle-même » (Déclaration des Droits de l’Enfant, 1959) en reconnaissant notamment des droits aux enfants. Mais elle n’est pas contraignante pour les états. En 1989, l’adoption de la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) des Nations unies propulse les droits de l’enfant sur le devant de la scène.
Elle modifie en profondeur la place et le statut de l’enfant en apportant une vision nouvelle : l’enfant est considéré comme un acteur à part entière, sujet de droits et n’est donc plus un « enfant-objet » (Zermatten, 2013). Et ce au travers de quatre principes fondamentaux : prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3, CDE) ; respect de l’opinion de l’enfant (art. 12, CDE) ; droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6, CDE) ; non-discrimination (art. 2, CDE). L’enfant devient ainsi un être unique et capable qui a des droits, qui peut participer et qu’il ne faut plus seulement protéger. On retrouve ici la classification liée aux obligations en trois « P » : « protection, participation, prestation » (Cantwell, 2013). Ainsi les articles de la CDE sont classés en fonction de ce qu’ils participent à la protection, à la participation ou aux prestations de l’enfant. Les obligations en « 3P » renvoient à un contexte plus large en montrant qu’il faut dépasser le clivage traditionnel des droits humains : les droits sociaux et culturels d’un côté et les droits civils et politiques d’un autre côté. Mais cette catégorisation en « 3P » peut être nuancée.
En effet, elle constitue pour certains auteurs une « catégorisation arbitraire » et sans fondement théorique. Selon Ann Quennerstedt, le modèle des 3 P « détache les droits de l’enfant des droits humains » en donnant à l’enfant des droits que les « adultes » n’ont pas et en leur offrant certains droits humains mais seulement dans une version légère (par exemple la participation) (Quennerstedt, 2010). Ann Quennerstedt propose donc de « mettre l’accent sur les droits humains en général plutôt que sur quelque chose de spécifique » en conceptualisant les droits de l’enfant à travers le langage des droits humains, à savoir les droits civils, les droits politiques et les droits sociaux. Ce qui permettrait ainsi de considérer les enfants du point de vue de leur statut humain et non du point de vue de leur statut d’enfant, puisqu’ils sont avant tout des êtres humains. Lansdown, de son côté, relie les « 3P » aux droits humains auxquels ils correspondent. Ainsi par exemple, la participation des enfants (art. 12 CDE, 1989) doit être plus largement reliée aux droits civil et politique des enfants (Lansdown, in Quennerstedt, 2010). Lansdown, contrairement à Quennerstedt, ne rejette pas le modèle des « 3 P » mais « l’intègre […] aux vocabulaires des droits humains ».
En effet, dans l’esprit de la CDE, tous les droits sont interdépendants et les droits de l’enfant ne sont pas distincts des droits humains. Les enfants ont donc les mêmes droits fondamentaux que les adultes avec certains droits renforcés du fait de leur spécificité et d’autres droits ajoutés propres à l’enfant, tel que l’éducation par exemple. Pourtant, les diverses conceptualisations des droits de l’enfant (dont celles présenter précédemment, lié aux « 3P » ou aux droits humains) amène au débat entre droits spéciaux et droits égaux. En effet, il s’agit de savoir si les enfants doivent 18 être considérés comme des adultes avec les mêmes droits que ceux-ci ou s’ils doivent être considérés comme des êtres spécifiques avec des droits spéciaux. Pour répondre à ce questionnement, le dilemme de la différence avance l’idée « d’évaluer les contextes réels en tenant compte des conditions générales et spécifiques des enfants » (Hanson, 2013). Il y aurait donc des droits spéciaux et des droits égaux.
Ainsi la CDE peut être considérée comme une petite révolution sur la scène internationale qui introduit un mouvement en faveur des droits de l’enfant et s’ancre profondément comme norme juridique internationale fondamentale des droits de l’enfant. Par la suite, la CDE a été complétée par trois protocoles facultatifs et par de nombreux traités, résolutions, observations générales, etc. Ces textes consolident la CDE et donnent aux états des informations sur la manière d’appliquer et de mettre en oeuvre les droits de l’enfant. La CDE a également influencé l’adoption de divers instruments régionaux relatifs aux droits de l’enfant. En Afrique, l’entrée en vigueur de la Charte Africaine des Droits et du Bien-Etre de l’Enfant (CADBE) en 1999 peut être un exemple. Sur le modèle de la CDE, elle s’attache à donner aux enfants africains des droits et des responsabilités tout en s’adaptant aux réalités locales pour « reflète[r] le fondement de la société africaine » (Lloyd, 2008).
Suite à cela, le Comité Africain d’Experts sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant est créé en 2001 et participe à l’application de la CADBE. Ainsi, le champ du droit international relatif aux droits de l’enfant, qui a pris de l’ampleur après l’adoption de la CDE, est en constante évolution. Et ce d’autant plus que l’ère actuelle des nouvelles technologies et des réseaux sociaux permet la mobilisation de davantage de ressources, de personnes et fait apparaître de nouvelles stratégies pour sensibiliser, promouvoir, défendre et mettre en oeuvre les droits de l’enfant. Cette partie ne constitue donc qu’un petit aperçu de la réalité du droit international relatif aux droits de l’enfant. En effet, les textes internationaux sont divers, nombreux et évoluent en permanence. Faire un résumé du droit international relatif aux droits de l’enfant serait donc trop ambitieux.
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Table des matières
Remerciements
Liste des abréviations
Mots clés
Résumé
1.Introduction
2.Cadre théorique
2.1 Aperçu du droit international
2.1.1 Définition générale du droit international
2.1.2 Un exemple : le droit international relatif aux droits de l’enfant
2.2 Aperçu du Droit national
2.2.1 Définition générale du droit national
2.2.2 Un exemple : Droit sénégalais relatif aux droits de l’enfant
2.3 Aperçu du lien entre droit international et droit national
2.3.1 Système dualiste vs. Système moniste
2.3.2 Processus de Traductions
2.4 Lien avec notre sujet
2.5 Synthèse
3.Cadre juridique
3.1 Aperçu de l’organisation familiale au Sénégal
3.1.1 Puissance maritale et puissance paternelle
3.1.2 Puissance paternelle vs. Autorité parentale
3.2 Approche juridique du droit aux liens familiaux des mineurs détenus
3.2.1 Textes internationaux
3.2.2 Textes législatifs nationaux
3.3 Synthèse
4.Cadre empirique
4.1 Questions de recherche
4.2 Analyse de la méthodologie
4.2.1 Méthodologie qualitative
4.2.2 Méthode de récolte des données
4.2.3 Logique interdisciplinaire du travail
4.2.4 Ethique de la recherche
4.3 Limites de la recherche
4.3.1 Déroulement des entretiens
4.3.2 Facteurs de biais
4.3.3 Entretiens avec les enfants
5.Analyse des entretiens
5.1 Analyse de contenu
5.2 Dispositif existant en milieu carcéral
5.2.1 Organisation du lien familial des mineurs détenus
5.2.2 Bases juridiques
5.3 Textes internationaux et réalités africaines
5.3.1 Principes juridiques VS. Pratiques culturelles
5.3.2 Nécessaire sensibilisation
5.4 Les principes internationaux : des normes utiles
5.4.1 Un livre de chevet
5.4.2 Rôle central de l’éducateur dans la procédure judiciaire
5.5 La situation socio-économique : un facteur non négligeable
6.Conclusion
7.Bibliographie
8.Annexes
8.1 Annexe 1 : Grille d’entretien 1 (Educateurs de la DAP travaillant dans les prisons)
8.2 Annexe 2 : Grille d’entretien 2 (Educateurs de la DESPS ayant des expériences dans les prisons)
8.3 Annexe 3 : Grille d’analyse des entretiens
8.4 Annexe 4 : Entretien 1
8.5 Annexe 5 : Entretien 2
8.6 Annexe 6 : entretien 3
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