L’histoire de l’uranium est relativement jeune puisque ce minerai ne fut découvert qu’en 1789.Par contre ce n’est qu’en 1896 que l’on remarqua sa capacité à émettre un rayonnement radioactif. L’intérêt pour cet élément survient au début du 20e siècle puisqu’on y extrait le radium, métal recherché, qui favorisera l’exploitation de l’uranium dans plusieurs pays [45]. Par la suite, les applications militaires de ce métal lors d’une course à l’armement contre les forces de l’axe, pendant la seconde guerre mondiale, et contre l’union soviétique lors de la guerre froide, donnèrent à l’uranium une importance stratégique .De plus en 1956, l’avènement de l’énergie nucléaire à des fins d’application civiles, permis à l’uranium de prendre une place prépondérante dans le secteur de l’énergie. Ce contexte favorisera aussi grandement l’exploitation de ce minerai [45]. L’exploitation de l’uranium comporte certains atouts, comme les revenus de l’exploitation et la création d’emplois (quoique dangereux et relativement éphémère).Toutefois, les effets négatifs de l’exploitation sur l’environnement et la santé deviennent de plus en plus non négligeables. Lorsqu’il se désintègre, l’uranium émet de l’énergie et se transforme en substances diverses qui se désintègrent à leur tour. Ces matières émettent des radiations de faible intensité capables de pénétrer les cellules et de modifier les molécules nécessaires à un fonctionnement normal. C’est cela qui pose le risque le plus important pour la santé .
Les Rayonnements ionisants
Définition et sources des rayonnements ionisants
Définition
Un rayonnement est la propagation de l’énergie dans l’espace suivant un rayon qui détermine la direction et disposant d’un double aspect corpusculaire et ondulatoire. Les rayonnements sont constitués, soit de particules (rayonnement alpha, bêta, neutrons) soit d’ondes électromagnétiques (rayonnement UV, gamma, X).Un rayonnement est dit ionisant lorsqu’il est capable de transférer une énergie suffisante pour arracher un ou plusieurs électrons aux atomes de la matière qu’il rencontre. La désintégration spontanée des atomes est appelée radioactivité et l’énergie en excès est émise sous forme de rayonnements. Les éléments instables qui se désintègrent en émettant des rayonnements sont appelés radionucléides. Les rayonnements ionisants sont capables d’altérer les liaisons chimiques des molécules constituants les cellules vivantes et peuvent de ce fait entraîner à la longue des effets biologiques nocifs de gravité variable [3].
Sources
Les êtres humains sont exposés quotidiennement à des rayonnements d’origine naturelle. Ceux-ci proviennent de nombreuses sources parmi lesquelles plus de 60 radioéléments naturellement présents dans le sol, l’air et l’eau. Le radon, un gaz d’origine naturelle, s’échappe des roches et du sol et constitue la principale source de rayonnement naturelle. Chaque jour, les êtres humains inhalent et ingèrent des radionucléides provenant de l’air, des aliments et de l’eau. Les êtres humains sont également exposés aux rayonnements naturels d’origine cosmique, en particulier à haute altitude. En moyenne, 80% de la dose annuelle de rayonnement de fond que reçoit une personne provient de sources de rayonnements terrestres et cosmiques. Les niveaux de rayonnements de fond varient en fonction de facteurs géologiques. Dans certaines zones, l’exposition peut être 200 fois plus intense que la valeur moyenne. L’exposition humaine aux rayonnements provient aussi de sources artificielles allant des installations produisant de l’énergie nucléaire aux usages médicaux des rayonnements pour le diagnostic ou le traitement. Aujourd’hui, les sources artificielles les plus courantes de rayonnements ionisants sont les appareils de radiographie X et autres dispositifs médicaux .
Natures des rayonnements ionisants
Il existe différents types de rayonnements ionisants : les rayonnements particulaires (alpha, bêta ainsi que les neutrons) et électromagnétiques (gamma et X) [50]. La nocivité biologique de ces rayonnements dépend de la manière dont la quantité d’énergie est transférée aux cellules et aux tissus. Celle-ci ne se répartit pas de la même façon selon le type de rayonnement car elle dépend du pouvoir d’ionisation de chaque type de rayonnement et de son parcours dans la matière traversée (figure 2). Les rayonnements alpha (α), de nature particulaire, sont des noyaux d’hélium constitués de deux protons et de deux neutrons. Ces particules sont libérées lors de la désintégration de différents radionucléides, par exemple l’uranium, le plutonium ou le radon. Elles sont hautement ionisantes mais leur parcours dans la matière est court ; ainsi une feuille de papier ou une main suffit pour les arrêter. Le parcours dans la matière vivante est de quelques dizaines de microns. En pratique, elles ont une action biologique seulement lorsque les radionucléides sont incorporés dans l’organisme par ingestion ou inhalation. Les particules alpha font partie des rayonnements qui présentent la nocivité la plus élevée [58], dans un contexte d’exposition interne. Les rayonnements bêta (β), également de nature particulaire, sont issus de la transformation dans le noyau d’un neutron en proton (radioactivité β-) ou d’un proton en neutron (radioactivité β+). Ces particules sont faiblement ionisantes par rapport aux particules alpha. Le parcours des particules bêta dans la matière dépend de leur énergie mais elles cèdent toute leur énergie au long d’un parcours de moins d’un centimètre dans la matière vivante. Elles traverseront donc une feuille de papier ou une main mais seront stoppées par une feuille d’aluminium (figure 2). Les rayonnements gamma (γ), de nature électromagnétique, sont le plus souvent précédés de l’émission de particules alpha ou bêta qui laissent le noyau dans un état excité. Le retour vers un état plus stable du noyau se fait par l’émission de rayonnements gamma. Les rayonnements gamma sont aussi produits par des transitions nucléaires, c’est-à-dire lors du réagencement des nucléons dans les couches nucléaires. Les rayons X proviennent de la désexcitation au niveau du cortège électronique. Les rayons gamma et X sont plus pénétrants que les rayonnements alpha et bêta mais sont moins ionisants. Ils peuvent parcourir des centaines de mètres dans l’air et il faut du plomb ou du béton pour les arrêter (figure 2). Les neutrons, de nature particulaire, ne présentent aucune charge électrique. Une des caractéristiques des mécanismes d’interactions des neutrons est qu’ils peuvent rendre radioactifs certains atomes de la matière traversée. Les neutrons ne sont pas des rayonnements directement ionisants mais, puisqu’ils induisent des rayonnements ionisants par les particules secondaires crées lors de leurs interactions avec la matière, ils sont classés parmi les rayonnements ionisants. La nocivité biologique des neutrons dépend fortement de leur énergie. Il faut du béton pour atténuer les neutrons .
Modes d’exposition humaine
L’exposition aux rayonnements peut être interne ou externe et reçue par différentes voies . Une exposition interne aux rayonnements ionisants se produit lorsqu’un radionucléide est inhalé, ingéré ou pénètre d’une quelconque autre façon dans la circulation sanguine (injection, plaies, par exemple). L’exposition interne s’arrête lorsque ce radionucléide est éliminé de l’organisme, soit spontanément (par le biais des excréta, par exemple) ou sous l’effet d’un traitement. Une contamination externe peut intervenir en cas de dépôt de matières radioactives en suspension dans l’air (poussières, liquide, aérosols) sur la peau ou les vêtements. Ce type de matières radioactives peut souvent être éliminé de l’organisme par un simple lavage. L’exposition aux rayonnements ionisants peut aussi résulter d’une irradiation externe (exposition dans le cadre médical aux rayons X, par exemple). L’irradiation externe s’arrête lorsque la source de rayonnements est écartée ou lorsque la personne sort du champ de rayonnements .
Effets biologiques des rayonnements ionisants
Etape physique de l’interaction des rayonnements ionisants avec la matière
L’interaction des rayonnements ionisants avec la matière provoque des phénomènes physiques, que la matière soit inerte ou vivante. Les processus ultérieurs tels les phénomènes radiochimiques, cellulaires ou tissulaires n’existent que pour les tissus vivants. Le phénomène physique élémentaire, qui est rare sur la matière vivante, est amplifié de façon considérable par les phénomènes biologiques caractéristiques du tissu vivant. On verra qu’une dose absorbée de 10 grays est une dose létale à 100%, c’est-àdire qu’elle produit la mort de façon inévitable, si la dose est reçue en une seule fois, au corps entier et lors d’une irradiation à haut débit de dose. Cette dose absorbée correspond à l’ionisation d’une molécule sur 10 millions, ce qui illustre le phénomène d’amplification biologique. Le transfert énergétique est réalisé en un temps très bref de l’ordre de 10-14 s, en réalité de 10-10 à 10-16 s. La quasi-totalité de l’énergie incidente se transforme en énergie cinétique électronique, responsable en bout de course d’une modification de l’énergie interne des molécules d’intérêt biologique, ces dernières devenant instables. Contrairement aux rayonnements non-ionisants, les effets thermiques sont négligeables, ou du moins de second ordre [46].
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. Les Rayonnements ionisants
I.1. Définition et sources des rayonnements ionisants
I.1.1. Définition
I.1.2. Sources
I.2. Natures des rayonnements ionisants
I.3. Modes d’exposition humaine
II. Effets biologiques des rayonnements ionisants
II.1. Etape physique de l’interaction des rayonnements ionisants avec la matière
II.2. Etape chimique de l’interaction des rayonnements ionisants avec la matière
II.2.1. Effets moléculaires des rayonnements ionisants
II.2.1.1. Radiolyse de l’eau
II.2.1.2. Effets des rayonnements en solution aqueuse
II.2.1.3. L’effet oxygène
II.2.2. Effets des rayonnements sur les molécules d’ADN et sur les chromosomes
II.2.2.1. Structure de l’acide désoxyribonucléique-généralités
II.2.2.2. Les ruptures de chaines
II.2.2.3. Altération des bases
II.2.2.4. Pontage ADN- protéine
II.2.2.5. Altération des sucres
II.2.2.6. Les aberrations chromosomiques
II.2.2.7. Les mécanismes de réparation de l’ADN
II.2.3. Effets des rayonnements sur les autres molécules cibles
II.2.3.1. Les protéines
II.2.3.2. Les lipides
II.2.3.3. Les effets cellulaires des rayonnements ionisants
II.2.3.4. La mort cellulaire
II.2.3.5. Facteurs influençants l’effet biologique des radiations ionisantes
II.2.4. Effets des rayonnements ionisants sur les tissus humains
II.2.4.1. Les effets déterministes
II.2.4.1.1. Irradiation globale : le syndrome d’irradiation aigue
II.2.4.1.2. Effets sur la peau
II.2.4.1.3. Effets sur les gonades
II.2.4.2. Les effets stochastiques
III. Protection contre les rayonnements ionisants
III.1. Définition de la radioprotection
III.2. Règles de base en radioprotection
III.3. Principes généraux de radioprotection
III.3.1. Comment le principe de justification s’applique t’il ?
III.3.2. Comment le principe d’optimisation est-il mis en pratique ?
III.3.3. Comment le principe de limitation se concrétise t’il ?
III.4. Organismes de radioprotection
III.4.1. L’UNSCEAR
III.4.2. La CIPR
III.4.3. L’IAEA ou AIEA
III.4.4. Les experts article 31 Euratom
III.4.5. D’autres organismes
III.5. Règlementation
III.6. Appareils et unités de mesure
III.6.1. Appareils de mesure
III.6.2. Unités de mesure du système international
CONCLUSION