Définition et mise en place d’un protocole de multiplication du Tsiperifery (Piper sp.) à Beforona en vue de sa domestication

Le terme Tsiperifery désigne les poivriers sauvages de Madagascar appartenant au genre Piper. Ces poivriers sauvages sont rencontrés dans la forêt orientale dense sempervirente malagasy. Les fruits du poivrier sauvage sont les parties de la plante utilisées. Depuis longtemps, pour la population locale, ces fruits sont autoconsommés en tant qu’accompagnement avec le riz par les familles  en difficulté lors des périodes de soudure ou en tant que ingrédient de piment pilé. Ces fruits servent également de remède contre la toux (RAZAFIMANDIMBY, 2011). En 2004, un gastronome, commerçant spécialiste des poivres, de renommée internationale, découvre le Tsiperifery. Ce produit est resté confidentiel jusqu’en 2008-2009, période où l’intérêt des distributeurs et des exportateurs pour le marché du poivre sauvage a commencé à croître. Le Tsiperifery est exporté à destination des épiceries fines et des restaurants gastronomiques d’Europe, des Etats-Unis et du Japon (TOUATI, 2012). Ces faits démontrent la notoriété du poivre sauvage sur le plan international,  notoriété qui vient de la rareté de ce produit. Depuis le développement de la filière Tsiperifery, les populations riveraines se sont consacrées à la collecte des fruits durant les campagnes. Le Tsiperifery devient donc une source de revenus pour la population proche des bassins de collecte (TOUATI, 2012). En tant que produit de la forêt cependant, le Tsiperifery n’est, à ce jour, pas enregistré en tant que PFNL, il est considéré comme produit agricole au même titre que le poivre noir (Piper nigrum). Il n’est donc pas régi à la règlementation appropriée (BENARD et al., 2014).

METHODOLOGIE

Problématique

En général, les menaces qui pèsent sur le Tsiperifery concernent la collecte des fruits. Etant donné que les tuteurs du Tsiperifery est lisse, l’escalade pour la cueillette est difficile sans équipement approprié. De ce fait, durant la cueillette, les collecteurs arrachent ou coupent la tige principale, voire son tuteur afin d’obtenir les fruits se trouvant à une dizaine de mètres de hauteur (RAZAFIMANDIMBY, 2011). L’une ou l’autre de ces techniques ne permet pas à la ressource de reprendre, compromettant sa régénération. Lors de la collecte, les cueilleurs prélèvent toutes les grappes, même celles qui ne sont pas encore mûres : cette pratique met également en cause la régénération de la plante. (BENARD et al., 2014) La pratique du tavy et la coupe illicite menacent l’existence du Tsiperifery. En effet, du fait de la dépendance de la population de Tsiperifery à la présence de la couverture forestière, la diminution de cette dernière a pour conséquence sa disparition (RAZAFIMANDIMBY, 2011). Le recul de la couverture forestière est évident à Madagascar, surtout dans la partie orientale de la Grande Île, avec un taux annuel de déforestation de 0,7% pour la période 2005-2010 (ONE et al., 2013). A ces menaces s’ajoute la transformation des bas-fonds pour l’installation des rizières. Outre ces menaces d’origine anthropique, les menaces naturelles existent aussi : les cyclones dont la conséquence principale est le déracinement des arbres tuteurs et les effets du changement climatique qui induisent un retard des pluies ayant une conséquence sur la phénologie de la plante. (LEVESQUE, 2012) L’intérêt des opérateurs pour le Tsiperifery a commencé à augmenter entre 2008 et 2009 (TOUATI, 2012). L’approvisionnement en fruits dans les bassins de collecte se fait de plus en plus difficile, tant au niveau de la qualité qu’au niveau de la quantité (BENARD et al., 2014). La seule explication est la diminution du stock de Tsiperifery. Outre les pratiques de cueillette des fruits destructrices, le développement de la filière a eu également des conséquences négatives sur le stock de Tsiperifery. Du fait des revenus engendrés par l’exploitation et la commercialisation du Tsiperifery, le nombre d’acteurs et la concurrence augmentent à tous les maillons de la filière, la demande croît également. L’approvisionnement devient de plus en plus difficile. A l’exemple du bassin d’Anjozorobe, qui a vu naître la filière, celle-ci a connu une forte augmentation des agents commerciaux s’y approvisionnant entre 2009-2011 : le nombre d’exportateurs est passé de 4 à 6, celui des collecteurs de 4 à 12 (TOUATI, 2012). L’accès à la ressource est libre en raison de la catégorisation du Tsiperifery en tant que produit agricole et non produit forestier. Les règlementations en vigueur ne sont donc pas appropriées d’où la mauvaise exploitation de la ressource. Par ailleurs, les études entreprises par RAZAFIMANDIMBY en 2011 montrent que le taux de régénération de la population de Tsiperifery est au-dessous de la moyenne, soit 141,6% contre 300% : la population de Tsiperifery est donc une population instable, son exploitation est déconseillée et le renforcement de la population est obligatoire.

Hypothèses

Compte tenu de la problématique, deux hypothèses sont émises :

Hypothèse 1 ; Le taux de réussite du bouturage de Tsiperifery est influencé par sa provenance et son morphotype
Les études sur le Tsiperifery n’ont pas encore identifiées toutes les espèces qui sont regroupées sous cette dénomination. Leur différenciation se porte sur la notion de morphotype ou de variabilité morphologique. La variabilité morphologique au sein d’une espèce varie selon son environnement (ASSOGBADJO, LOO, 2011). Des études menées par SLACK et FAVRE en 1990 montrent que la provenance des boutures a un effet sur les résultats du bouturage. Outre la provenance locale, d’autres provenances sont utilisées pour la vérification de cette hypothèse. Les morphotypes de chaque provenance sont pris en compte dans cette étude. Cette hypothèse veut déterminer si la provenance et le morphotype des boutures ont un effet sur la réussite du bouturage.

Hypothèse 2 : La reprise des boutures dépend de l’itinéraire technique suivi
L’itinéraire technique est défini comme étant la conduite cohérente de la culture tout au long de son cycle de végétation, dans un milieu naturel et social donné (CIRAD, GRET, 2002). Le social inclut les différentes ressources humaines (techniciens, paysans) impliqués dans la mise en place de la culture depuis sa mise en terre jusqu’à sa récolte. Les paramètres pris en compte dans l’itinéraire technique du Tsiperifery sont ceux qui sont impliqués lors de l’installation de la pépinière ainsi que des plants dans les parcelles. Il s’agit entre autres de la couverture, du substrat et du type de bouture. La couverture permet de contrôler les températures excessives. L’objectif de son utilisation est de donner la quantité optimale de lumière et de chaleur pour les boutures mises en pot (ANDRIANOELINA, 2014). Deux types de couverture ont été testés lors de l’expérimentation : la couverture de type naturel et la couverture de type artificiel. Le substrat contient les éléments minéraux dont la bouture a besoin pour croître. (HAUERT, 2012) L’utilisation de deux types de substrat (terre noire et substrat mélangé) est utile dans la détermination des conditions de réussite du bouturage du Tsiperifery. Qui dit type de bouture dit niveau de prélèvement des boutures qui, selon les travaux de SLACK et FAVRE en 1990, ont une influence sur la réussite du bouturage .

Cette seconde hypothèse veut analyser les effets de la couverture, du type de bouture et du substrat sur la reprise des boutures.

Aire de distribution et habitat

Les études effectuées par RAZAFIMANDIMBY (2011) ont délimité une zone de distribution large pour le Tsiperifery. Précisément, la niche écologique du Tsiperifery se superpose avec la forêt humide de l’Est qui se répartit dans la partie Moyen-Est et s’étend du Nord au Sud : de la Montagne d’Ambre à Andohahela. Selon cet auteur, Le Tsiperifery est une espèce dont l’existence dépend fortement de la présence de couverture forestière (CF ANNEXE 3).

Bouturage

Le bouturage consiste à multiplier une plante à l’aide de rameaux feuillés prélevés sur des pieds-mères sélectionnés. Il permet d’obtenir des copies des pieds-mères, c’est-à-dire qu’il y a conservation intégrale des caractères génotypiques (RAMAMONJISOA, 1995). Une réaction d’auto-défense permet à toute partie détachée d’un végétal de cicatriser la lésion existant au point de séparation. Une intense activité cellulaire, provoquée par des hormones spécifiques, obture rapidement la blessure d’une sorte de bourrelet appelé « cal » (masse de cellules indifférenciées) sur lequel, en conditions propices, des racines adventives ne tardent pas à apparaître. L’organe amputé devient dès lors capable de se nourrir et de se développer en croissant comme une plante nouvelle. Cette dernière reproduit fidèlement toutes les caractéristiques génétiques de la plante-mère (taille, port, couleur, duplicature de fleurs, etc.) ce que ne peut pas faire le semis (plant d’arbrisseau, de fleur, etc., ayant été semé en graine) (KHOUNI, 2014).

Milieu d’études
Le milieu d’étude abordé dans cette partie concerne les trois lieux de collecte ou les trois provenances de boutures qui sont : Mandraka, Beforona et Sandrangato. Ces lieux ne sont pas très éloignés les uns des autres (Carte 1). Cette proximité est supposée réduire les effets des longues heures de transport des boutures jusqu’à Beforona où est installé le dispositif expérimental. Pour le cas du site Beforona et de la forêt de Sandrangato, ces lieux abritent des pieds de Tsiperifery qui subissent des suivis effectués par le DRFP. Concernant Mandraka, la possibilité de collecte des boutures émane du partenariat avec l’exploitant qui travaille sur le bouturage à grande échelle du Tsiperifery.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. METHODOLOGIE
2.1. Problématique
2.2. Hypothèses
2.3. Objectifs
2.4. Etat des connaissances
2.4.1. Tsiperifery
2.4.1.1. Systématique
2.4.1.2. Description botanique
2.4.1.3. Aire de distribution et habitat
2.4.2. Bouturage
2.4.3. Milieu d’études
2.5. Méthodes
2.5.1. Dispositif expérimental
2.5.1.1. Dispositif 1 : facteurs provenance, morphotype et couverture
2.5.1.2. Dispositif 2 : facteurs types de bouture et substrat
2.5.2. Collecte des données
2.5.2.1. Indicateurs de réussite du bouturage
2.5.2.2. Paramètres environnementaux
2.5.3. Traitements et analyse des données
2.5.3.1. Arrangement des données
2.5.3.2. Paramètres à analyser
2.5.3.3. Analyse des données
2.6. Cadre opératoire
3. RESULTATS
3.1. Dispositif 1
3.1.1. Facteurs morphotype et provenance
3.1.2. Facteur couverture
3.1.2.1. Paramètre température
3.1.2.2. Luminosité
3.1.2.3. Taux de reprise et taux d’enracinement
3.2. Dispositif 2 : type de bouture, substrat
3.2.1. Facteur type de bouture
3.2.2. Facteur substrat
4. DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
4.1. Discussion
4.1.1. Sur la méthodologie
4.1.1.1. Choix du bouturage
4.1.1.2. Zone de collecte
4.1.1.3. Morphotype
4.1.1.4. Type de bouture
4.1.1.5. Substrat
4.1.1.6. Couverture
4.1.1.7. Collecte des boutures
4.1.1.8. Période de collecte et de mise en pot des boutures
4.1.1.9. Taux de reprise et taux d’enracinement
4.1.2. Sur les résultats
4.1.2.1. Fiabilité des résultats
4.1.2.2. Résultats par rapport au bouturage du Poivrier noir (Piper nigrum)
4.1.2.3. Résultats par rapport au bouturage d’autres espèces
4.1.3. Vérification des hypothèses
4.1.4. Protocole de multiplication du Tsiperifery à Beforona
4.2. Recommandations
5. CONCLUSION
6. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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