Définition et importance de l’humour dans l’enseignement
Définition et importance de l’humour dans l’enseignement
Dans le lien entre enseignant et élève, l’humour peut constituer un facilitateur important. Instaurer en classe un climat de confiance dans lequel on peut s’exprimer de manière légère permet de dédramatiser l’erreur et autorise indirectement l’élève à prendre la parole plus facilement « The idea of using humorous materials, gesticulations, anecdotes or jokes for example can seem appealing to teachers as a way to create a relaxed classroom environment with motivated learners. In fact, it has been shown that the incorporation of humor into […] classes and courses should, as one would expect, have just such positive effects on learning ». 4 Le fait de rire en classe pourrait avoir des répercussions directes sur les capacités à s’ouvrir aux apprentissages de l’élève. L’humour peut avoir de nombreux objectifs, dont les plus évidents sont sans doute de fixer l’attention sur soi en de détendant l’atmosphère, mais aussi de motiver les apprenants. « De manière non exhaustive, l’humour permet de se rendre interactionnellement visible en gagnant l’attention des autres participants, d’instaurer une plus forte collaboration entre ces derniers, d’intervenir dans la progression thématique de l’interaction et ce tout en mettant en scène une image positive de soi-même ».5 Mais l’humour, en plus de détendre, créer du lien et contribuer à une dynamique positive, permet aussi parfois de changer de paradigme et d’adopter un regard autre sur soi-même et sur les situations que l’on traverse. Dans le cadre d’une classe avec des élèves en situations personnelles compliquées et dans un rapport au scolaire qui, nous l’avons vu, les place souvent en situation de crainte, il est intéressant de souligner que l’humour peut avoir des implications directes sur leurs dispositions psychologiques. « L’humour offre des possibilités mutatives précieuses, parmi lesquelles on nommera l’assouplissement de l’organisation défensive, la prise de distance avec l’angoisse et la réassurance narcissique ». 6 Il est toutefois évident que faire rire sa classe à tout prix et pratiquer n’importe quelle sorte d’humour ne sauraient probablement pas représenter une solution acceptable pour un enseignement de qualité. Dès lors, il s’agit de mener une réflexion quant aux situations humoristiques qui semblent profitables pour l’élève et la classe et d’analyser les écueils à éviter et les répercussions que pourrait avoir un humour inadapté sur les élèves, l’enseignant et la dynamique générale. « A verbal attack from an authority figure (instructor) in a public context (classroom) violates classroom norms and expectations, making such behavior inappropriate by most standards. »
Etat de la question
Martin (1984) relève que l’humour dans l’enseignement a été particulièrement négligé jusqu’à la fin des années 1970, période à laquelle plusieurs auteurs ont commencé à se pencher sur la question de son usage au sein d’une classe. Jusque-là, l’humour y était perçu comme inadéquat : il ne s’agissait que d’une perte de temps sans lien aucun avec la pédagogie, portant atteinte à la morale et au sérieux nécessaires à l’apprentissage (Torok et al., 2004), cités par Shiyab, 2009). Considérée comme préjudiciable et honteuse, son utilisation était même perçue comme le signe d’une démagogie déplacée (Meyer, 2000). Les travaux de Ziv (1979) mêlant psychologie, enseignement et sociologie ont insisté sur l’importance de l’humour dans le lien entre enseignant et élève, postulant que son utilisation permettait d’améliorer leur relation et la dynamique générale de la classe, mais qu’il avait aussi un intérêt immédiat sur l’apprentissage des élèves, constat repris dans plusieurs études postérieures (Deiter, 2000 ; Bekelja-Wanzer, 2002 ; Ziyaeemehr et al., 2011). Si la vision positive d’un usage « sain » de l’humour semble faire l’unanimité parmi les chercheurs, Petitjean (2015) relève une particularité de cet outil pédagogique : « L’humour en classe souffre d’un positionnement relativement ambigu : objet de l’attention des didacticiens dont les études mettent en lumière son rôle dans les processus d’apprentissage, il est le grand absent des programmes scolaires, sans compter que le fonctionnement interactionnel de l’humour en classe reste aujourd’hui largement inexploré. » 13 En effet, les difficultés apparaissent assez rapidement quand on traite du sujet de l’humour et des différentes tentatives d’en définir le fonctionnement (Attardo, 1994 ; Priego-Valverde, 2003) : en effet, comment peut-on véritablement déceler les formes d’humour ? Le rire ou le sourire, qui viennent immédiatement à l’esprit, peuvent également être des signes de malaise ou de mépris (Glenn, 2003) et leur absence ne signifie pas forcément que l’on n’apprécie pas une occurrence humoristique (Hay, 2001 ; Tannen, 2005)… Dès lors, le simple fait de déceler les séquences humoristiques paraît très complexe (Holt, 2010) : il faudrait avoir un accès direct à l’esprit des personnes en interaction ou pouvoir les interroger à chaque soupçon d’une occurrence ! La classe constitue également un microcosme où toute interaction est régie par une structure particulière. Il ne s’agit donc pas d’y reproduire toutes les formes d’humour que l’on peut pratiquer dans d’autres contextes : Baider (2013) rappelle que « les stratégies de « faire rire » ont été apprises tout au long de l’enfance et tout au long des échanges quotidiens ; elles sont propres à une certaine culture ; des facteurs sociaux et contextuels (habitus de la communauté) doivent être acquis et compris pour que la plaisanterie soit réussie ». 14 Berger (2005) soulève également l’importance de l’humour pour permettre aux membres d’une même culture ou subculture de maintenir leur identité et réaffirmer leur appartenance au sein du groupe ou, au contraire, de s’en distinguer pour se créer une identité propre (Brown, 2000). Pour répondre aux objectifs pédagogiques ou relationnels de l’utilisation de l’humour, les réponses sont multiples dans la littérature : selon Baider (2013), « toute personne qui réussit à faire rire les autres contrôle momentanément l’interaction. » 15 L’humour permettrait donc de réaffirmer une position et un leadership, mais ses apports ne s’arrêtent pas là. En distinguant les différentes formes d’humour, Parrott (1994), Meyer (2000) et Shiyab (2009) relèvent notamment que l’humour en classe constitue un outil très efficace dans l’enseignement : il s’agit d’une stratégie pédagogique qui permet aux élèves de se motiver, d’améliorer leur attitude et leur productivité grâce au lien avec l’enseignant mais également grâce à la plaisanterie ou au moment humoristique qui fixeront l’apprentissage de manière particulièrement prégnante dans l’esprit de l’élève (Askildson 2005). La littérature ne s’accorde pas à définir uniformément quels types d’humour sont acceptables en classe : là où certaines de ses formes comme le sexisme ou le racisme semblent universellement proscrites (Shiyab, 2009 ; Banas et al, 2011 ; Barth, 2011, Bekelja-Wanzer et al., 2006, Priest, 2005 …), la limite n’est pas aussi claire dans les zones plus floues de l’humour, notamment l’ironie ou le sarcasme : certains auteurs n’y voient qu’un usage négatif (Robert, 2006 ; Korobkin, 1988), là où d’autres sont moins catégoriques et considèrent que le lien spécifique entre enseignant et élèves peut permettre un usage de formes d’humour particulières qui conserveront une valeur pédagogique positive (Banas et al, 2011 ; Bekelja-Wanzer et al. 2010). Il est d’ailleurs
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Table des matières
I. Remerciements
II. Résumé en mots-clefs
III. Liste des annexes
1. Introduction
2. Chapitre 1 – Problématique
1.1 – Définition et importance de l’humour dans l’enseignement
1.2 – Etat de la question
1.3 – Question de recherche / hypothèses / objectifs de recherche
Chapitre 2 – Méthodologie
2.1 – Fondement méthodologiques
2.2 – Nature du corpus
2.3 – Démarche d’analyse
Chapitre 3 – Analyse et résultats
3.1 – Humour pour recadrer
3.2 – Humour pour garder l’attention
3.3 – Humour pour ambiancer
3.4 – Humour pour souligner l’apprentissage
3.5 – Humour pour le lien
3.6 – Humour comme miroir
3.7 – Spécificités des classes de soutien
3.8 – Limites de l’humour
3.9 – Est-ce que l’humour fonctionne ?
3.10 – Comment réaborder ?
3.11 – Comment évoquer l’humour hors de la classe ??
3. Discussion
4. Conclusion
5. Références bibliographiques
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