Présente dans la vie de la classe pour l’enseignant et les élèves, la dictée apparaît comme un rituel très attendu par les parents. Bien qu’elle soit controversée par certains chercheurs, elle occupe une place importante dans les activités hebdomadaires de la classe. En 2004, François Fillon, ministre de l’Éducation, annonçait une circulaire visant « à remettre fortement au goût du jour les exercices traditionnels qui ont fait la preuve de leur efficacité », à savoir : « La lecture, la dictée, la récitation, la rédaction, tous les exercices qui demandent un effort personnel » .
En outre, Jean-Michel Blanquer le ministre de l’Education Nationale évoquait dans le Bulletin Officiel du 26 avril 2018, l’importante de la dictée quotidienne qui selon lui « offre aux élèves l’occasion de se concentrer exclusivement sur la réflexion logique et la vigilance orthographique que nécessite la transcription d’un texte qui leur est lu ».
Avec ma binôme nous avons longuement discuté de la mise en place d’un système quotidien de dictées dans notre classe de CM1-CM2. Nous avons opté pour celui-ci : dictée de mots – dictée de groupes nominaux – dictée de phrases – dictée bilan avec la liberté d’utiliser les modalités de travail et les formes de dictées que l’on voulait. Nous donnions à nos élèves en amont une liste de mots à apprendre, qui a été adaptée pour trois d’entre eux, en lien avec notre projet d’année « Voyage autour du monde ».
De plus, lors des visites de mes tuteurs, ces derniers m’ont fait remarquer qu’il fallait que je prenne davantage le temps d’observer mes élèves, par conséquent j’ai décidé en période 3 de modifier ma dictée bilan traditionnelle en dictée négociée. Cette pratique a laissé plus de place aux interactions entre élèves, a rendu les élèves acteurs de leurs apprentissages et m’a permis d’être en retrait pour observer les discussions au sein des différents groupes. Durant les deux premières périodes, beaucoup d’éléments relatifs à cet exercice qu’est la dictée ont été installés comme notamment la technique de dictée et la correction argumentée.
La dictée
Définition et importance de la dictée
La dictée est définie par le dictionnaire Larousse comme étant un « exercice scolaire ayant pur but l’enseignement et le contrôle de l’orthographe ». Le dictionnaire Le Robert, quant à lui, donne la définition suivante de ce concept : « exercice consistant en un texte lu à haute voix qui doit être transcrit selon les règles de l’orthographe ». Ces deux définitions sont regroupées en une seule formulée par l’Académie en 1986 qui stipule que la dictée est un « exercice scolaire au cours duquel le maître dicte un texte à ses élèves en vue de leur enseigner l’orthographe ou de contrôler la connaissance qu’ils en ont ».
La dictée est un exercice compliqué car au cours de celle-ci, « un élève doit transformer un matériau phonique en un matériau graphique, c’est-à-dire faire correspondre des sons et des lettres » (Académie de Grenoble, s.d., diapositive 7). Lors de ce travail, l’élève doit mettre en œuvre diverses compétences comme l’écoute, la réflexion, la mémorisation, l’attention et la correspondance graphiephonie pour développer ses habiletés orthographiques. De plus, c’est un exercice qui est important pour les élèves mais aussi pour les enseignants car il permet de révéler et de vérifier de nombreuses informations. Il faut voir la dictée comme une activité de recherche, de réflexion mais aussi comme un exercice d’entraînement plutôt que comme une évaluation pour que les élèves acquièrent l’orthographe de mots nouveaux.
Du côté des élèves, la dictée permet de revoir des compétences, des connaissances, des règles apprises mais aussi de confronter des points de vue, de réfléchir sur la manière d’écrire un mot en fonction du contexte et en essayant d’expliciter son orthographe. Cet exercice permet également d’augmenter le nombre de mots mémorisés orthographiquement, d’émettre des hypothèses sur l’écriture possible de certains mots en faisant des rapprochements analogiques pour « trouver l’orthographe de mots inconnus » (Académie de Toulouse, s.d., p. 2).
Pour l’enseignant, la dictée lui permettra de vérifier dans un premier temps, si l’élève connait les mots qu’il avait à apprendre mais aussi l’application des règles de grammaire, de conjugaison et d’orthographe étudiées en classe. Cela sera aussi l’occasion « d’amener les enfants à réfléchir sur l’orthographe des mots en les mettant en relation les uns avec les autres, dans un certain contexte » (Académie de Toulouse, s.d., p.3). L’enseignant pourra également observer les confusions possibles chez quelques élèves et ainsi proposer des exercices de remédiation pour combler leurs lacunes. Lors de la relecture et de la correction, le maître se doit d’amener les élèves à se questionner, à s’interroger et donc à utiliser des outils pour vérifier l’orthographe de certains mots.
Historique de la dictée
La première forme de dictée datant du début du XIXème siècle est la cacographie où les élèves doivent corriger les erreurs présentes dans un texte. Elle est par la suite abandonnée car les élèves risquent d’apprendre des formes fautives. La dictée est connue depuis le XVIIème siècle, mais prend son essor à partir des années 1830. A partir de cette période tous les cours, les règles et les textes à traduire sont dictés mais lettre par lettre car sinon les enfants seraient incapables de tout transcrire. En 1837, la dictée d’orthographe fait son apparition dans les écoles normales et devient quotidienne à partir de 1851. Cet exercice subit plusieurs transformations au cours du temps. Comme l’indique Brissaud et Cogis (2011, p.113), « La première forme de dictée repose sur l’orthographe passive » : le maître dicte, un bon élève copie sur le tableau noir en épelant chaque mot et les autres copient ce qu’il épèle ou recopient ce qui est écrit au tableau. Ensuite, la deuxième forme de dictée correspond à la dictée de règles où un corpus de phrases est constitué autour d’une règle grammaticale. Puis, vient une troisième forme de dictée : un texte plus ou moins cohérent qui propose un grand nombre de difficultés au sein d’une phrase comme dans l’exemple suivant : « une petite rivière dont ils n’ont pas pu trouver le gué, ce qui n’était pas gai, car les ennemis faisaient le guet » d’après Brissaud et Cogis (2011, p.113). Enfin, la qualité des textes doit être prise en compte, c’est pourquoi des textes littéraires sont dictés. L’autodictée fait également son apparition alors que la dictée préparée s’est développée au XXème siècle. A cette époque, la dictée a pris une place prépondérante et tous les autres cours faits dans la semaine devaient contribuer à préparer la dictée de contrôle hebdomadaire. Avec la loi de Jules Ferry de 1882, la dictée prend tout son sens. Le certificat d’études primaires est instauré et si l’élève commet plus de 5 fautes il est éliminé même s’il est bon dans les autres disciplines. Ce n’est qu’en 1989, que cela change : le certificat d’études primaires est supprimé et remplacé par le Brevet des collèges où la dictée reste tout de même présente.
La dictée, un exercice sujet à des controverses
Dicter des phrases dénuées de sens pour contenir le maximum de difficultés de la langue française est fortement critiqué. Lunel (s.d., cité par Chervel, 2006) parle même de « lambeaux de phrases toujours sans intérêt ». Les dictées quotidiennes décousues, sans lien avec la précédente et ne s’inscrivant pas dans une progression en lien avec l’étude de la grammaire et de la conjugaison donnent également lieu à des reproches virulents. Pour réagir face à ces critiques, la réforme de l’instruction primaire de 1880 préconise la codification de l’exercice de dictée avec la présence de cohérence entre les textes dictés et de textes issus de la littérature classique. Avec les réformes et une meilleure formation des enseignants sur le sujet, le niveau général en orthographe des élèves a augmenté. De plus, d’après Léon Bérard (1923, p.327), « […] on leur donnera des dictées. Mais ces dictées seront des dictées préparées : on n’obligera pas les enfants à inventer ou à deviner l’orthographe de mots inconnus, on la leur fera connaître d’avance ». En outre, Charles Defodon (s.d., cité par Buisson, 1887, p.703-704) stipule que « C’est l’orthographe de tout le monde, et celle là seulement, qu’il faut enseigner à l’école primaire. Ce serait grand dommage, à nos yeux, que de retenir de longues heures un futur ouvrier ou un pauvre enfant de la campagne sur la question de savoir s’il devra écrire à comptes en deux mots ou bien acomptes en un seul mot, comme le veut aujourd’hui l’académie (…). Nous ne voudrions pas non plus le voir se préoccuper outre mesure de la présence ou de l’absence d’un s quand il s’agit d’écrire de la confiture de groseilles ou de la marmelade d’abricot…». A cette controverse sont venues s’ajouter deux questions: la notation de la dictée et l’acquisition de connaissances orthographiques à travers l’exercice de dictée. Concernant la première question portant sur la notation, il est vrai qu’elle est souvent sanctionnée par la négative : on met en exergue les fautes sans valoriser ce qui est bon. Aujourd’hui, en dictée, on ne parle plus de fautes mais d’erreurs d’orthographe dans le but de valoriser les productions des élèves. Lors de cet exercice, il est également important de donner en amont aux élèves les objectifs lexicaux et/ou grammaticaux sur lesquels ils seront interrogés. De plus, lors de la correction de celle-ci, les enseignants peuvent utiliser la grille de Nina Catach qui recense et classe les erreurs d’orthographe. A travers cette grille, les professeurs des écoles peuvent observer les types d’erreurs commises par les élèves et leur récurrence pour par la suite y remédier à travers des explications et des exercices d’entraînements. Nina Catach distingue deux grands types d’erreurs (cf. grille page suivante) :
– Les erreurs extragraphiques regroupant les erreurs calligraphiques, les erreurs de coupure de mots et les erreurs de confusions (de sons, de voyelles, de consonnes). Dans ce cas de figure, l’écrit est erroné parce que l’oral l’est également.
– Les erreurs graphiques constituées des erreurs à dominante phonogrammique, des erreurs à dominante morphogrammique, des erreurs à dominante logogrammique et des erreurs à dominante idéogrammique. Ici, l’oral est juste mais l’écrit est erroné à cause de règles fondamentales de transcription de position non acquises, de confusion entre les homophones, d’omission d’accords et de défaut de lexique notamment.
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Table des matières
Introduction
1. La dictée
1.1. Définition et importance de la dictée
1.2. Historique de la dictée
1.3. La dictée, un exercice sujet à controverses
2. La dictée, un outil d’apprentissage de l’orthographe
2.1. La complexité de l’orthographe française
2.2. Le statut de l’erreur
2.3. Liens entre l’orthographe et la dictée
2.4. Les différents types de dictées
2.4.1. Les dictées à but orthographique
2.4.1.1. L’orthographe lexicale
2.4.1.2. L’orthographe grammaticale
2.4.2. Les dictées qui mènent à la discussion
3. Problématique
4. La mise en œuvre
4.1. En période 1
4.2. En période 2
4.3. En période 3
5. Analyse des résultats
5.1. Analyse des erreurs avec la grille de N. Catach
5.1.1. 1ère dictée négociée
5.1.1.1. Analyse individuelle
5.1.1.2. Analyse par groupe
5.1.2. 6ème dictée négociée
5.1.2.1. Analyse individuelle
5.1.2.2. Analyse par groupe
5.1.3. 7ème dictée
5.2. Analyse des enregistrements audio
5.2.1. Posture réflexive des élèves
5.2.1.1. Dictée négociée n°1
5.2.1.2. Dictée négociée n°6
5.2.2. Concernant les groupes hétérogènes et homogènes
6. Discussion
Bibliographie
Annexe 1 : Les textes des dictées négociées de la période
Annexe 2 : Dictée négociée n°1
Annexe 3 : Dictée négociée n°6
Annexe 4 : Dictée bilan individuelle n°7
4ème de couverture