Définition et généralités de la méiose
Le mot ‘’méiose’’ est un mot grec qui signifie « réduction ». Depuis sa découverte en 1883 par Van Beneden chez le nématode Pascaris Equorum, la méiose a été mise en évidence dans toutes les espèces animales et végétales à reproduction sexuée. La méiose est un mécanisme de division cellulaire propre à la lignée germinale, qui joue un rôle capital en assurant la réduction du nombre de chromosome et le brassage des informations génétiques maternelle et paternelle dans les cellules germinales. On peut définir la méiose comme la succession de deux divisions cellulaires qui suivent une seule phase de réplication de l’ADN conduisant en théorie à la formation de quatre cellules haploïdes pour une cellule diploïde qui entre en méiose. Ce mécanisme propre à la gamétogenèse permet la production des gamètes haploïdes afin que soit rétabli le nombre de chromosomes spécifiques de l’espèce lors de la fécondation. La finalité de la méiose est triple :
(1) Elle assure la transmission de l’information génétique d’une génération à la suivante.
(2) Elle assure la réduction du nombre de chromosomes qui de diploïde (2n) devient haploïde (n). La méiose constitue un phénomène de régulation préalable à la fécondation grâce auquel le nombre de chromosomes reste constant d’une génération à l’autre dans une espèce donnée.
(3) Elle assure le brassage des informations génétiques paternelles et maternelles, faisant ensorte que chaque gamète contient un patrimoine génétique unique. Ceci aboutit à la diversification maximale des individus au sein de l’espèce. Au cours de la première division méiotique appelée << méiose réductionnelle>> se produisent deux événements indispensables à la survie des espèces à reproduction sexuée: la réduction du capital génétique et le brassage de l’information génétique. La cellule germinale possède au début de la méiose 2n chromosomes et une quantité d’ADN égale à 4C (C= unité arbitraire qui permet d’apprécier la quantité d’ADN dans les cellules germinales et qui correspond au nombre de chromatides par numéro chromosomique dans une cellule). A la fin de cette étape, les chromosomes se séparent en deux lots homologues, leur nombre passe de 2n à n et la quantité d’ADN de 4C à 2C. Lors de la deuxième division méiotique dite <<équationnelle>> le nombre de chromosomes ne varie pas, cependant, le clivage des centromères sépare les deux chromatides sœurs qui migrent chacune dans une cellule fille différente. Ainsi la quantité d’ADN est réduite à nouveau par deux au cours de cette division,elle passe de 2C à C. La cellule germinale est donc une cellule haploïde vraie qui ne possède qu’une seule copie de chaque gène (Fig. 1). Le brassage des informations génétiques maternelle et paternelle est réalisé selon deux mécanismes, la ségrégation au hasard des chromosomes et la recombinaison génétique. Une cellule qui subit la méiose peut donc donner un nombre infini de gamètes génétiquement différents ; ainsi la probabilité que deux gamètes issus du même individu soient identiques est en pratique nulle. Le déroulement de la méiose se fait selon un programme bien ordonné et contrôlé par de nombreux gènes. Si les aspects cytogénétiques de la méiose sont bien connus dans l’espèce humaine, les progrès réalisés dans le domaine du contrôle génétique de la méiose résultent des travaux réalisés chez la levure Saccharomyces Cerevisae où plus de 300 gènes contrôlant la méiose dans cette espèce ont été identifiés.
Les différents stades de la méiose spermatocytaire
Nous allons décrire ici la méiose spermatocytaire des mammifères. Contrairement à la méiose ovocytaire, la méiose chez le mâle est un phénomène continu et qui s’achève avant la fin de la spermatogenèse. Ils sont définis à partir des aspects présentés par les chromosomes méiotiques. La méiose est un phénomène continu depuis la puberté jusqu’à un âge très avancé de la vie, elle dure 24 jours chez l’homme et 19 jours chez le rat, elle fait suite à la phase de prolifération des spermatogonies. Avant que ces dernières entament leur division méiotique, elles se différencient, augmentent de volume et se transforment en spermatocytes I qui entrent en méiose (Fig. 2). Théoriquement, chaque spermatocyte I donnera quatre spermatozoïdes après la phase de maturation des spermatides. En réalité, le processus est moins efficace car le phénomène d’apoptose joue un rôle très important dans la régulation de la spermatogenèse, il a été estimé que 25 à 55% des spermatogonies atteindront le stade de spermatozoïde, une dégénérescence cellulaire se produisant en partie au cours de l’étape méiotique. L’efficacité de la spermatogenèse est le résultat d’un équilibre entre la multiplication des spermatogonies et la dégénérescence cellulaire. La méiose est précédée d’une longue phase de réplication des chromosomes appelée stade préleptotène (Stahl et Luciani 1971). A la fin de cette phase, chacun des deux chromosomes homologues, l’un d’origine paternelle, l’autre d’origine maternelle, est constitué de deux chromatides sœurs, étroitement accolées par leurs bras et leurs centromères. Chaque division méiotique est subdivisée en quatre stades: une prophase, une métaphase, une anaphase et une télophase.
Prophase I
Cette phase occupe la presque totalité de la méiose (90% du temps de la méiose (Heller et Clermont 1963, Bennet 1977). Elle est subdivisée en cinq stades, définis par les aspects chromosomiques observés au cours de cette étape : les stades leptotène, zygotène, pachytène, diplotène et diacinèse (Fig. 3).
Le stade leptotène Les chromosomes s’individualisent sous la forme de longs filaments attachés par leurs extrémités à la membrane nucléaire (Scherthan et coll.1996). Chaque filament est constitué de deux chromatides sœurs étroitement accolées l’une à l’autre. Lors de ce stade, la recherche de l’homologue permettra les appariements <<gène à gène>> des chromosomes.
Le stade zygotène Il est marqué par le début des appariements chromosomiques appelés synapsis. Au cours de ce stade, les extrémités des chromosomes se réunissent à un pôle du noyau (Bass et coll. 1997), c’est pour cette raison que ce stade est appelé « stade en bouquet ». L’appariement se propage sur toute la longueur des deux homologues, il débute le plus souvent au niveau des télomères puis s’étend progressivement à toute la longueur des chromosomes. Plus rarement, le synapsis débute dans la région interstitielle des chromosomes et progresse de part et d’autre jusqu’à leurs extrémités, cette éventualité accompagne généralement une anomalie chromosomique (Guichaoua et coll. 1986).
Le stade pachytène Il est marqué par l’achèvement du synapsis. Les chromosomes homologues sont appariés sur toute leur longueur, constituant les bivalents (n bivalents dont n-1 bivalents autosomiques et 1 bivalent sexuel XY) qui apparaît comme une structure dense formée de la condensation des chromosomes X et Y. Cette structure est appelée « corps XY ». Chez l’homme, le stade pachytène a été subdivisé en quatre sous-stades, sur la base du degré de condensation des bivalents sexuels grâce à l’étude immunocytochimique des CS à l’aide de l’anticorps SCP3 (Guichaoua et coll 2005). Ces sous-stades ont définis à partir des travaux réalisés par Solari en microscopie électronique (1983) :
Pachytène 1 (P1) : les chromosomes X et Y sont réunis par la région speudoautosomale 1 et ne sont pas condensés.
Pachytène 2 (P2) : les chromosomes X et Y sont réunis par les deux régions pseudo-autosomales 1 et 2 et se recoupent une ou deux fois en formant une ou deux boucles.
Pachytène 3 (P3) : les chromosomes X et Y sont condensés formant des boucles entremêlées.
Pachytène 4 (P4) : les chromosomes X et Y sont complètement condensés et forment une masse compacte. Ce travail a permis de distinguer deux sous-stades précoces : P1 et P2 et deux sousstades tardifs P3 et P4, il a aussi permis de localiser le point de contrôle du pachytène entre le P 2 et le P 3. Depuis le stade leptotène jusqu’au milieu du stade pachytène, les chromosomes méiotiques se condensent progressivement puis se décondensent au pachytène tardif (Guichaoua et coll. 1986).
Le stade diplotène Au cours du stade diplotène, il se produit une dissociation des bivalents ou désynapsis par séparation des chromosomes homologues (Fang et Jagiello 1988). Ceux-ci restent attachés les uns aux autres par les chiasmas qui sont des témoins des crossing-over. Il existe au moins un chiasma par bivalent, c’est le chiasma obligatoire qui assure la ségrégation normale des chromosomes homologues à l’anaphase I. Le phénomène de décondensation des bivalents, amorcé au stade pachytène tardif, se continue au stade diplotène, il se manifeste aussi au niveau du bivalent XY. Les chromosomes X et Y restent liés par un chiasma situé au niveau de leurs bras courts. Les chromosomes se condensent à nouveau alors que la cellule évolue vers la métaphase I. Le stade diplotène est très fugace chez l’homme, il est très rarement observé sur les étalements méiotiques, alors qu’il est très fréquemment observé dans la méiose de rat.
La diacinèse C’est une transition entre le diplotène et la métaphase I ; ce stade marque la fin de la prophase I, les chromosomes se condensent à nouveau, la membrane nucléaire disparaît. La prophase de première division méiotique est achevée.
Les mécanismes moléculaires de la recombinaison méiotique
La recombinaison génétique joue un rôle essentiel au cours de la première division méiotique en assurant la diversité du patrimoine génétique dans les gamètes et la ségrégation ordonnée des chromosomes lors de la première division méiotique. Elle est initiée dès le début du stade le ptotène et s’effectue par l’intermédiaire d’échanges de matériel entre deux molécules d’ADN. Elle implique toujours deux des quatre brins d’ADN appartenant aux deux chromosomes homologues appariés formant un bivalent. Il semble que la recombinaison génétique méiotique soit localisée au niveau des nodules de recombinaisons (NR) présents sur l’élément central du CS et décelés pour la première fois chez la drosophile par A. Carpenter (1994). Ce sont des structures constituées de protéiques enzymatiques dont le nombre et la localisation sont identiques au nombre et la localisation des chiasmas observés à la métaphase I chez la levure et la drosophile. Ces structures, bien que de morphologies différentes ont été aussi observées dans l’espèce humaine, mais leur nombre reste toujours inférieur au nombre des chiasmas dans cette espèce. Il est probable que la durée de vie de ces nodules soit inférieure à la durée de la recombinaison génétique dans l’espèce humaine et qu’il existe un ‘’ turn-over ‘’ des nodules de recombinaisons dans cette espèce ; alors qu’il n’existe pas d’études des nodules de recombinaisons (NR) chez le rat. Lors de la méiose chez les eucaryotes, les chromosomes homologues recombinent avec une fréquence élevée, environ 10 à 1000 fois supérieure à celle des cellules somatiques. Deux types de recombinaison génétique se produisent lors de la méiose : la conversion de gène, recombinaison non spécifique, qui aboutit à l’échange de quelques milliers de paires de bases, et le crossing-over avec échange réciproque des régions chromosomiques situées de part et d’autre du site de la recombinaison génétique (Fig. 6). Les mécanismes moléculaires de la recombinaison méiotique commencent être mieux compris grâce aux travaux réalisés chez la levure Saccharomyces Cerevisiae (Mézard et coll. 1999). Il est maintenant clairement établi que, chez S. Cerevisiae, la recombinaison méiotique est initiée par la formation de cassures double-brin (CDBs) de l’ADN. Leur réparation est à l’origine des événements de recombinaison méiotique (conversion génique associée ou non à un crossing-over). Plusieurs observations suggèrent que l’un des facteurs stimulant la recombinaison génétique serait une modification programmée de la structure chromatinienne en début de la méiose. Des études génétiques ont permis d’identifier au moins 11 gènes impliqués dans la formation des CDBs méiotiques : SPO11, RAD50, XRS2, MRE11, MRE2, MRE1, MER2, ME14, REC102, REC104, REC114. Spo11 est la protéine candidate pour l’initiation des CDBs méiotiques. Les protéines Rad50, Mre11 et Xrs2 forment un complexe impliqué à la fois dans la recombinaison mitotique et méiotique. Lors de la méiose, ce complexe module à la fois la modification de la structure de la chromatine en prophase et la formation des CDBs méiotiques. La réparation des CDBs méiotiques a lieu par recombinaison avec le chromosome homologue. Chez la levure, on peut détecter physiquement des intermédiaires de recombinaisons dans lequels les deux molécules d’ADN, provenant des deux chromosomes homologues sont liées par des échanges de brins d’ADN, on les appelle << jonctions de Holliday >> . Des complexes multiprotéiques tels que les complexes Rad51 et Dmc1 interviennent dans la formation de ces molécules jointes. Tandis que Dcm1 est spécifique de la méiose, Rad51 a un rôle dans la recombinaison mitotique et méiotique. In vitro, il permet la recherche de l’ADN duplexe homologue et la formation d’une jonction de Holliday par échange de brin (Sung P, Roberson D et coll.1995). En effet, à chacun de ces sites, c’est-àdire à chaque DSBs se produit une conversion génique mais seul un petit nombre de ces conversions géniques seront associées à un crossing-over par isomérisation de la molécule à ce niveau. L’utilisation combinée de la génétique, de la cytologie, de la biologie moléculaire devrait permettre de résoudre un grand nombre de problèmes encore mal connus concernant les mécanismes de la recombinaison génétique méiotique.
La spermatogenèse du rat
La spermatogenèse est un processus unique de différenciation cellulaire qui aboutit, à partir de cellules souches diploïdes, les spermatogonies, à la formation de cellules haploïdes hautement spécialisées, les spermatozoïdes. Elle implique la réalisation d’un programme génétique précis, qui ne peut se réaliser que dans un environnement spécifique, et se déroule en trois phases :
la 1ère est une phase de prolifération mitotique des spermatogonies dont la finalité est de produire un grand nombre de cellules germinales ;
la 2ème est la méiose responsable de la diversité génétique et la réduction de nombre de chromosomes. C’est la phase de différenciation des cellules germinales ;
la 3ème est une phase de maturation ou spermiogenèse par laquelle les modifications des spermatides aboutissent à la formation de cellules hautement différenciées, les spermatozoïdes. A la fin de ces trois phases, les spermatozoïdes se détachent des cellules de Sertoli et sont libérés dans la lumière des tubes séminifères, c’est la spermiation.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. DESCRIPTION DE LA MEIOSE NORMALE
A. Définition et les généralités sur la méiose
B. Les différents stades de la méiose spermatocytaire
1. La première division méiotique
1. a. La prophase
1. a. 1. le stade leptotène
1. a. 2. le stade zygotène
1. a. 3. le stade pachytène
1. a. 4. le stade diplotène
1. a. 5. la diacinèse
1. b. La métaphase I
1. c. Anaphase I
1. d. Télophase I
1. e. Intercinèse entre les divisions méiotiques
2. La deuxième division méiotique
C. Les grands événements de la méiose spermatocytaire
1. Appariements des chromosomes homologues
i. la cohésion des chromatides sœurs
ii. appariements des chromosomes homologues
2. La recombinaison génétique et formation des chiasmas
i. les mécanismes moléculaires de la recombinaison méiotique
ii. les chiasmas
II. PLACE DE LA MÉIOSE DANS LA SPERMATOGENÈSE
A. La spermatogenèse du rat
1. La prolifération mitotique
2. La méiose
3. La spermiogenèse
B. Le contrôle neuro-endocrinien de la spermatogenèse
1. Le niveau hypothalamique
2. Le niveau hypophysaire
i. les rôles de la FSH et la LH
ii. le rôle de la prolactine
3. Le niveau testiculaire
i. effets des hormones gonadotropes
ii. les effets des sécrétions testiculaires
C. La cellule de Sertoli
1. Caractéristiques structurales et sécrétoires
2. La barrière hémato-testiculaire
i. la BTH subit des modifications structurales au cours de la méiose
ii. la BTH assure la régulation du transport des hormones
iii. rôle immunitaire de la BTH
III. LE CADMIUM
A. Caractéristiques
B. Place du cadmium dans la classification du toxique ayant un impact sur la reproduction
C. Les sources d’exposition du cadmium
D. La toxicocinétique
E. Mécanismes d’action toxique
F. Cadmium et fertilité
IV. MATÉRIEL ET MÉTHODE
A. Les animaux
B. Le modèle de culture
C. Préparation des étalements et fixation
D. Technique d’immunocytochimie
E. Etude au microscope
F. Analyse statistique
V. RÉSULTATS
A. Description de la prophase de première division méiotique chez le rat in vivo
1- Rat adulte (100 jours)
a- les aspects cytogénétiques
b- les aspects quantitatifs de la prophase I
c- comportement des chromosomes sexuels au cours du stade pachytène
d- analyse des anomalies des CS au cours du stade pachytène
2- Rat de 25 Jours
B. Etude de la prophase de la première division méiotique dans les cultures de tubes séminifères (ex vivo)
1- Nombre total de cellules par puits dans les cultures sans et avec cadmium
2- Culture sans cadmium
a- les aspects cytogénétiques
b- les aspects quantitatifs de la prophase I
c- comportement des chromosomes sexuels au cours du stade pachytène
d- anomalies des CS
3- Culture en présence de cadmium
a- les aspects cytogénétiques
b- les aspects quantitatifs de la prophase I
c- comportement des chromosomes sexuels au cours du stade pachytène
d- anomalies des CS
VI. DISCUSSION
A. Choix du modèle de culture des cellules germinales cellulaire et du toxique
B. Etude de la méiose chez le rat de 25 jours et le rat de100 jours
C. Validation du système de culture de tubes séminifères pour les études méiotiques. La méiose ex vivo
D. Effet du cadmium sur les cultures de tubes séminifères
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
GLOSSAIRE
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