Les avancées technologiques fulgurantes auxquelles nous assistons, sont accompagnées par un progrès considérable en termes de matériaux nouveaux et performants. Ces derniers sont le plus souvent des composites, avec des matrices choisies pour leur propriétés spécifiques, que l’on vient changer ou moduler (pour partie) par un renfort approprié. Les polymères, et plus particulièrement les époxydes, occupent une place de choix en tant que matériaux utilisés purs pour leurs propriétés thermomécaniques, ou en tant que matrice pour des composites. D’un point de vue rationnel, à caractéristiques et propriétés comparables, il faudrait s’attacher à privilégier deux aspects importants : i) le coût des matériaux servant de matrices comme de renfort et ii) la facilité de mise en œuvre, pour qu’elle puisse être compatible avec une étude ou une application à grande échelle. Utiliser comme matrice le Bisphenol A diglycidyl ether (C21H24O4) par exemple, avec 2 fonctions époxyde, reviendrait pratiquement 2,6 fois moins cher que d’utiliser le N,NDiglycidyl 4-glycidyloxyaniline (C15H19NO4) avec 3 fonctions époxyde ou encore le 4,4′- Methylenebis(N,N-diglycidylaniline) (C25H30N2O4) avec 4 fonctions époxydes. La grande majorité des travaux de recherche porte sur l’étude du Bisphenol A diglycidyl ether (2 fonctions époxydes au niveau du monomère) et vise généralement à étudier l’effet du durcisseur et/ou du catalyseur sur les propriétés du polymère obtenu. La contribution et l’effet sur les propriétés du polymère du nombre de fonctions époxy sont plus rarement investigués. Quant aux renforts et en se limitant aux seuls produits à base de carbone, il n’est même pas utile de rappeler la différence de prix entre, le graphène ou les nanotubes de carbones et le noir de carbone. Toutefois, au regard des quantités utilisées et au rapport propriétés/prix, le choix peut être largement en faveur des deux premiers pour des applications spécifiques.
Définition et classification des matériaux composites
Un composite est un matériau obtenu par le mélange de deux ou plusieurs composants non miscibles, dans la quête de performances supérieures à celles des composants de base pris séparément [1]. Les composites sont généralement réalisés à partir de deux composants : la matrice et le renfort. La matrice désigne la phase continue qui sert à lier les renforts répartis de façon homogène en phases discontinues. En variant la nature du renfort (particules, fibres, …) et le type de la matrice (polymère, céramique, métallique, verre…), il est possible d’obtenir une diversité de composites dont l’utilisation concerne pratiquement tous les domaines. Les composites présentent un intérêt majeur qui découle de leurs caractéristiques spécifiques. En les comparant aux matériaux traditionnels (les matériaux céramiques et métalliques par exemple), ils se distinguent par de nombreux avantages fonctionnels [2,3], tels que :
• Une meilleure résistance à la fatigue,
• Vieillissement moins accéléré sous l’action de l’humidité, de la chaleur, de la corrosion,
• Meilleure résistance aux produits chimiques, On distingue, généralement, trois types de composites [4], en les classifiant selon la nature de la matrice considérée : métallique, céramique ou polymère.
Les composites à matrice métallique
Les composites à matrice métallique ont été mis en œuvre pour la première fois dans les années 1960. Le cuivre, l’aluminium et dans une moindre mesure l’argent, de même que leurs alliages, sont couramment utilisés comme matrices [5,6]. Ce type de composites est particulièrement utilisé dans les domaines de l’aérospatial et de l’automobile ; cependant, les applications restent relativement limitées, compte tenu du prix élevé et de la difficulté de mise en œuvre de ces matériaux.
Les composites à matrice céramique
Les composites à matrice céramique sont constitués de céramiques à base d’oxydes, dont le plus utilisé est l’oxyde d’aluminium Al2O3. Ils sont principalement utilisés dans les applications à haute température (industrie spatiale et nucléaire par exemple) pour leur bonne stabilité thermique [7]. Ils sont néanmoins fragiles ce qui limite leur utilisation à grande échelle.
Les composites à matrice polymère organique
Les composites à matrice polymère forment les volumes les plus importants à l’échelle industrielle, avec des applications qui concernent presque tous les domaines (transports, bâtiments, sports, électricité, électroniques, etc…) [1,8]. Ces composites sont classés selon la nature de la matrice : thermoplastiques ou thermodurcissables. Ces derniers sont généralement obtenus à partir du mélange d’un prépolymère, ou résine, et d’un durcisseur. La réaction, appelée réticulation, pouvant être initiée par un apport énergétique de chaleur ou de radiation, ou par l’addition d’un catalyseur. Différents types de résines peuvent être utilisées pour la réalisation de thermodurcissables : des époxydes des vinylesters, des phénoliques ou encore des polyamides. De même, divers types de réticulants peuvent être utilisés pour assurer le pontage du prépolymère. Les polymères ainsi formés sont des composés macromoléculaires tridimensionnels et amorphes. Les matrices organiques les plus fréquemment utilisées dans la fabrication de composites sont à base de résines époxydes, et ce grâce à la facilité de leur mise en œuvre, leur faible retrait au cours du durcissement, la bonne résistance chimique, la stabilité thermique et leur bonne adhésion à de nombreux substrats. Les propriétés thermiques, mécaniques, électriques, diélectriques et optiques de ces polymères époxydes peuvent cependant être améliorées par l’ajout de renforts (charges, fibres, nanoparticules …) rendant ainsi possible leur utilisation dans divers domaines de pointes comme l’électronique flexible [9,10], l’automobile [11,12] et l’aéronautique [13,14]. Un des buts ultimes étant de réduire l’impact environnemental des produits issus de ces différents domaines. Les équipes du LMEEM (anciennement PIMSI) et du SATIE ont acquis depuis plusieurs années une expertise et un savoir-faire dans le domaine des polymères et composites à base de résine époxyde [15-20]. Ce travail s’inscrit dans la continuité de cette thématique de recherche, et concerne la réalisation et la caractérisation de composites à base d’époxydes. La partie suivante est donc dédiée aux polymères époxydes.
Le renfort (ou charge)
Lorsqu’on parle de composites, deux notions doivent être prises en considération : la matrice et le renfort (ou charge). Alors que la section précédente était consacrée à une brève présentation des résines époxydes pouvant servir pour la réalisation de composites, cette section sera dédiée à la présentation de quelques renforts à base de carbone couramment utilisés dans l’industrie ou fréquemment reportés dans la littérature. Plusieurs types de renforts peuvent être ajoutés aux polymères thermodurcissables dans l’objectif d’améliorer certaines de leurs propriétés, tout en gardant la facilité de la mise en œuvre et en réduisant les coûts de la production ou, à défaut, ne pas les augmenter. Le choix des renforts à base de carbone s’impose naturellement car ils allient la grande stabilité thermique aux faibles coûts, pour une partie d’entre eux. Le carbone peut en effet se présenter sous de nombreuses formes allotropiques, de tailles et de formes différentes, dont le noir de carbone, les nanotubes de carbone, le graphite et le graphène. Une description brève de ces composés sera présentée dans le paragraphe qui suit.
Le noir de carbone
Le noir de carbone est un matériau qui se présente sous la forme d’une poudre ou de granulés noirs(figure.1.3) dont la taille des particules varie de 10 à 100 nm [35]. Il est formé de particules provenant de la combustion incomplète ou de la décomposition thermique d’hydrocarbures gazeux ou de liquides dans des conditions contrôlées [36].
La structure interne du noir de carbone est assez complexe. Les particules se lient en effet entre elles par des liaisons covalentes et s’organisent en agrégats, qui a leur tour s’agrègent pour former des amas, par l’action des forces attractives du type Van der Waals, dont la taille pourrait atteindre plusieurs dizaines de microns [37]. Les systèmes de composites polymère/noir de carbone peuvent être utilisés en tant que conducteurs à faible courant (interconnexions, claviers, etc.…), revêtements antistatiques, électrodes pour les piles à combustible, supercondensateurs ou encore comme résistances et potentiomètres en carbone [38-43]. L’inconvénient majeur du noir de carbone reste cependant sa faible conductivité intrinsèque, qui limite la conductivité des composites obtenus.
Nanotubes de carbone
Les nanotubes de carbone, découverts en 1991 par Sumio Iijima [44] sont des allotropes de carbone présentant une nanostructure cylindrique. On distingue les nanotubes à paroi simple (SWCNT pour Single Walled Carbon NanoTube) et les nanotubes à parois multiple (MWCNT pour Multi Walled Carbon NanoTube) .
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : État de l’art
1.1. Introduction
1.2. Définition et classification des matériaux composites
1.2.1. Les composites à matrice métallique
1.2.2. Les composites à matrice céramique
1.2.3. Les composites à matrice polymère organique
1.3. Les polymères époxydes
1.4. Le renfort (ou charge)
1.4.1. Le noir de carbone
1.4.2. Nanotubes de carbone
1.4.3. Le graphite
1.4.4. Le graphène
1.4.5. Comparaison entre les différents renforts carboniques
1.5. Propriétés fonctionnelles dans les matrices polymères et les composites
1.5.1. Propriétés optiques
1.5.2. Propriétés thermiques et mécaniques
1.5.2.1. Les paramètres influençant les propriétés mécaniques
1.5.2.2. Comportement du polymère et la transition vitreuse
1.5.3. Propriétés diélectriques
1.6. Conclusion
Références
Chapitre 2 : Techniques de préparation et caractérisations des composites
2.1. Introduction
2.2. Préparation des polymères et des composites
2.2.1. Matériaux utilisés
a. Résines Epoxy
b. Durcisseur DETA
c. Le Graphite
2.2.2. Méthode de préparation des polymères et des composites
2.3. Techniques de caractérisations
2.3.1 Diffraction des rayons X (DRX)
2.3.2. Spectroscopie infrarouge à transformer de Fourier (FTIR)
2.3.3. Analyse thermogravimétrique (ATG)
2.3.4. Calorimétrie différentielle à balayage (DSC)
2.3.5. Analyse dynamique thermomécanique (DMTA)
2.3.6. Spectroscopie UV-VIS-NIR
2.3.7. Spectroscopie diélectrique
a. Les types de polarisation
b. Les mécanismes de relaxation
c. Module électrique
d. Relation entre la fréquence de la relaxation et la température
e. La conductivité
2.4. Conclusion
Références
Chapitre 3 : Impact de la troisième fonction époxy : comparaison structurale, thermique, mécanique, optique et diélectrique des polymères DGEBA et TGAP
3.1 Introduction
3.2 Caractérisation structurale
3.2.1 Analyse par spectroscopie infrarouge à transformée de fourier (FTIR)
3.3.2 Analyse par diffraction des rayons X
3.3 Caractérisation thermique
3.3.1 Analyse par thermogravimétrique (ATG)
3.3.2 Analyse par calorimétrie différentielle à balayage (DSC)
3.4 Caractérisation thermomécanique
3.4.1 Module de stockage G’
3.4.2 Facteur de perte mécanique tan(δ)
3.5 Caractérisation optique
3.5.1 Spectres d’absorption et transmission
3.5.2 Estimation d’énergie du gap
3.6 Caractérisation diélectrique
3.6.1 Permittivité
3.6.2 Facteur de perte électrique tan(δ) et processus de relaxation
3.6.3 Module électrique
3.6.4 Conductivité
3.6.5 Energie d’activation
3.6.5.1 Les relaxations
3.6.5.2 La conduction
3.7 Conclusion
Références
Conclusion générale