Définition d’un microsystème

Définition d’un microsystème

Un microsystème est un système composé de divers éléments interagissant entre eux et remplissant des fonctions complémentaires. L’ensemble ainsi constitué doit avoir des dimensions caractéristiques extérieures de l’ordre du millimètre, ce qui implique que certains éléments le composant soient de taille micrométrique. Ces éléments ont pour fonction :
– la perception de l’environnement extérieur : mesure de grandeurs physiques ou chimiques (microcapteurs de pression, microaccéléromètres, microcapteurs de température, microdébitmètres ….),
– le traitement du signal : analyse des données puis prise de décision (puces logiques),
– le transfert des informations aux différents organes internes (circuits électriques,optiques ou fluidiques, liaisons mécaniques),
– la réaction sur l’environnement (microactionneurs).

Pour que le microsystème soit totalement autonome, il doit aussi comporter une source d’énergie, adaptée en puissance et en dimensions (piles, microgénérateurs…). Les microsystèmes fluidiques sont des microdispositifs utilisant ou véhiculant des fluides liquides, gazeux, mono ou polyphasiques. Ils connaissent un essor considérable depuis ces dernières années car ils permettent l’accès à de nouvelles applications où la miniaturisation des systèmes est primordiale ; c’est le cas notamment des dispositifs biomédicaux implantables dans le corps humain et des µTAS (Micro Total Analyzing Systems) qui prélèvent et analysent chimiquement de petites quantités de fluide. De plus, grâce aux techniques de gravures sur support silicium, développées dans les années 80 pour la microélectronique, les coûts de production sont considérablement diminués par rapport à des procédés classiques. En effet, l’aspect collectif de ces techniques permet la réalisation simultanée d’un grand nombre de microsystèmes identiques, sur le même support silicium. Ce facteur est déterminant dans les applications industrielles nécessitant une fabrication en grandes séries. Ainsi, nous rencontrons aujourd’hui dans le secteur automobile des capteurs de pression pour l’injection dans les moteurs, ainsi que des capteurs de crevaison. Dans un autre  domaine grand public, les injecteurs d’encre pour têtes d’imprimantes se sont considérablement développés. Les microsystèmes fluidiques sont aussi utilisés dans le domaine aéronautique.

Les caractéristiques du silicium permettent la réalisation d’organesmécaniques fiables pour une taille réduite et donc un faible poids (capteurs silicium pour les mesures d’altitude et le contrôle des commandes hydrauliques, systèmes de mesures locales de turbulence ou de cisaillement, actionneurs pour la modification des écoulements le long d’une aile d’avion).De nombreux laboratoires de recherche travaillent dans le monde sur les microsystèmes et notamment sur les microsystèmes à fluides. Les plus importants se situent au Japon, en Europe et aux USA, où divers programmes de Recherche et Développement sontsubventionnées par le secteur industriel. Sur le plan Européen, le projet NEXUS (Network of EXcellence on mUltifonctional microSystems) a débuté en 1992, financé par le programme ESPRIT de la Commission Européenne ; il regroupe plus de deux cents partenaires industriels et centres de recherche. En 1993, le projet BARMINT (BAsic Research of Microsystem INTegration ) a été lancé dans le cadre des recherches de base financées par la Commission des Communautés Européennes. Il s’insérait dans le cadre du programme ESPRIT du IV Programme Cadre de Recherche et Développement (IV PCRD). Il regroupait le L.A.A.S.1, leC.N.M.2,le N.M.R.C.3, l’I.N.P.G.4dontT.I.M.A.5, T.I.M.C.6, T.H.D7, l’U.K.A.8, L’U.B.9, laT .U.L.10 et enfin T.U.B.11. Son objectif était de contribuer à la définition des méthodes, desoutils informatiques et des techniques génériques nécessaires à l’intégration d’un microsystème. Les propositions devaient être validées par la réalisation d’un démonstrateur commun à toutes les équipes. Une micropompe volumétrique sur support silicium a joué ce rôle .

Gravure par voie sèche

Si la gravure humide permet l’usinage de volume du silicium (sur plusieurs dizaines, voire centaines de microns de profondeur), cette technique est fortement dépendante de la structure du silicium, rendant impossible la réalisation de certaines géométries. Les techniques utilisées en gravure sèche (laser, plasma) attaquent verticalement le silicium, permettant la création de motifs courbes. Cependant la profondeur de gravure n’excède pas quelques microns (on parle d’usinage de surface) pour les procédés classiques, ce qui limite fortement leur champ d’application. La technique la plus répandue est la gravure par plasma. Le plasma utilisé est un gaz ionisé possédant sensiblement le même nombre de particules chargées positivement et négativement. La gravure est effectuée dans une chambre à vide à l’aide d’un bombardement d’ions qui arrachent des atomes de silicium sur les parties non protégées du wafer, la protection ayant été réalisée au préalable par microphotolithographie (fig. 1.2-5). Si ion protection espèce pulvérisée L’effet purement mécanique d’arrachement atomique n’engendre pas des vitesses de gravure importantes. Pour les augmenter, l’utilisation d’ions réactifs est nécessaire. C’est alors une gravure ionique réactive ou R.I.E. (Reactive Ion Etching). Le plasma peut être créé simplement entre deux électrodes ou encore par excitation micro-ondes. Cette dernière méthode est plus intéressante car elle permet d’augmenter considérablement la densité des ions réactifs et ainsi la vitesse de gravure. Les récentes techniques d’usinage à plasma, telles que la D.R.I.E. (Deep Reactive Ion Etching) ou encore l’A.D.R.I.E (ADvanced Reactive Ion Etching), permettent aujourd’hui d’augmenter les vitesses de gravure, de l’ordre de 6 µm par minute (Clerc et al. (1998)). Des géométries complexes peuvent alors être gravées à des profondeurs dépassant les 300 µm (figure 1.2-6). La physique des plasmas reste cependant extrêmement délicate à maîtriser. Les règles de gravure dépendent ainsi de nombreux paramètres : composition des gaz, configuration du réacteur, matériaux utilisés…

Scellement des substrats

Dans la majorité des cas, les microsystèmes se composent d’un empilement de couches de silicium gravées, associées à des couches de matériaux tels que l’alumine ou encore le Pyrex, dont le rôle est d’assurer la rigidité de l’ensemble. L’assemblage silicium-silicium est obtenu par collage atomique (bonding). Deux surfaces parfaitement polies sont mises en contact ; l’ensemble est ensuite porté à haute température (fig. 1.2-7). Le scellement anodique quant à lui est utilisé pour le bonding du silicium avec le Pyrex (Münzel (1994)). Il est nécessaire de chauffer à 400 °C puis d’appliquer une forte tension entre les deux plaques (fig. 1.2-8). Ces procédés permettent un assemblage totalement étanche, ce qui est indispensable pour les microdispositifs fluidiques. Certains dispositifs peuvent ainsi supporter des pressions de plusieurs dizaines de bar.

Les microsystèmes fluidiques

De tous les microsystèmes existant actuellement, les micro-pompes et les micro-valves sont de loin les plus présentes dans la littérature. En effet, leurs fonctions sont indispensables dans beaucoup d’applications microfluidiques puisqu’elles permettent de véhiculer les fluides et d’en contrôler le débit. Gravensen et al. (1993) ou encore Shoji et Esashi (1994) ont présenté une synthèse des différents dispositifs connus et de leurs principes de fonctionnement. Nous présentons dans ce paragraphe une liste non exhaustive mais représentative de l’état de l’art sur ces deux types de microdispositifs. L’objectif est simplement de montrer la diversité des microsystèmes à fluides qu’on peut être amené à concevoir ou à tester.

Les microvalves Les microvalves sont dérivées des valves classiques utilisées à l’échelle macroscopique. Elles permettent l’ouverture ou la fermeture d’un orifice, commandant ainsi le passage du fluide. Elles peuvent être de type passif ou actif, normalement ouvertes ou fermées. Dans le cas où elles sont passives (Van Lintel et al. (1988), Esashi et al. (1989), Tirén et al. (1989), Shoji et al. (1992), Rapp et al. (1994), Ulrich et Zengerle (1996), Yang et al. (1996), Koch et al. (1997) fig. 1.3-1, , Wang et al. (1998)), elles sont commandées directement par une différence de pression et laissent s’écouler le fluide dans un seul sens (fonction clapet antiretour). Elles ne nécessitent donc pas d’apport extérieur d’énergie, contrairement aux valves actives.

Dans ce second cas, elles peuvent être commandées par des actionneurs de type :
– piezoélectrique (Esashi et al. (1989) fig. 1.3-2) ;
– magnétique (Smith et al. (1990) fig. 1.3-3, Bosch et al. (1993), Yanagisawa et al. (1994), Adkins et Wong (1998)) ;
– électrostatique (Ohnstein et al. (1990) fig. 1.3-4, Wroblewski (1998)) ;
– pneumatique (Schomburg et al. (1994, 1998) fig. 1.3-5) ;
– thermo-pneumatique (Zdeblick et Angel (1987), Goll et al. (1996) fig. 1.3-6) ;
– thermo-électrique (Jerman (1990) fig. 1.3-7, Trah et al. (1993), Fahrenberg et al. (1995)).

Nous détaillons ci-dessous quelques exemples illustrant ces différents modes de fonctionnement. La différence de pression commande ici directement la flexion de la poutre. Ainsi, lorsqu’elle fléchit, l’écoulement a lieu. Cette microvalve est de type normalement fermée. De conception simple, elle peut être adaptée en forme et en dimensions pour couvrir différentes plages de débit. Cette microvalve est aussi de type normalement fermée. L’ouverture de celle-ci est obtenue en alimentant en tension un actionneur piézoélectrique. Afin obtenir des déplacements importants de l’obturateur et faciliter ainsi l’écoulement, il est cependant nécessaire d’empiler un certain nombre de disques de céramique piézoélectrique et d’alimenter sous forte tension.

Ces deux contraintes limitent les possibilités de miniaturisation de l’ensemble. Un champmagnétique, généré par unélectroaimant extérieur, commande l’obturateur polysilicium/métal de cette microvalve. Ainsi,en fonction du sens du champ magnétique, l’obturateur ferme l’orifice inférieur ousupérieur. Il est aussi possible, en utilisant deux champs magnétiques, de maintenir l’obturateur en position centrale, permettant au fluide desortir des deux cotés. Cependant cette configuration est assez instable. L’obturateur de cette microvalve est une lame flexible à l’intérieur de laquelle a été insérée une première électrode, la seconde électrode se situant dans le corps de l’ensemble. On peut alors créer une force électrostatique entre celles-ci, pour commander la flexion de la lame et obturer ou non l’orifice d’entrée. La plupart des microvalves actives nécessitent d’être alimentés en permanence pour rester dans leur état d’ouverture ou de fermeture. Schomburg et al. (1998) ont développé une microvalve pneumatique, qui ne nécessite de l’énergie que pendant le changement d’état. Une impulsion de pression permet de faire passer une membrane précontrainte d’un état d’équilibre à l’autre.

Le principe de fonctionnement est similaire à celui de la microvalve pneumatique précédente. L’impulsion dépression est ici générée à l’aide d’une résistance chauffante. Cette valve utilise une membrane de silicium sur laquelle sont placées des résistances chauffantes. En chauffant, les résistances déforment la membrane, il en résulte un déplacement de l’obturateur .

Les micropompes Le nombre croissant d’applications faisant intervenir la mise en circulation d’infimesquantités de fluide a nécessité le développement d’un nombre important de micropompes. Les techniques actuelles permettent de miniaturiser des pompes déjà existantes, telles que les pompes à engrenage (fig. 1.3-9), ou de concevoir des micropompes spécifiques faisant intervenir des caractéristiques de fluides particuliers. C’est le cas pour les micropompes électro-hydrodynamiques (fig. 1.3-10) ou encore pour les micropompes magnétohydrodynamiques (Jang et Lee (1998)). Le principe de la plupart des micropompes est cependant basé sur le fonctionnement d’une pompe mécanique volumétrique (fig. 1.3-8). Dans ce cas, un actionneur crée une variation de volume dans une chambre connectée à deux valves. Celles-ci fonctionnent en opposition et permettent, pour un cycle de fonctionnement, la création d’un débit et d’une surpression en sortie de la pompe. Les différences entre toutes ces micropompes se situent essentiellement au niveau de l’actionneur.

Comme pour les microvalves, nous retrouvons des actionneurs :
– piezoélectriques (Van Lintel et al. (1988) fig. 1.3-11, Esashi et al. (1989), Shoji et al. (1990), Gass et al. (1993,1994), Stemme et Stemme (1993), Carroza et al. (1995),Forster et al. (1995), Gerlach et Wurmus (1995), Gerlach et al. (1995), Olsson et al. (1995,1997), Stehr et al (1996), Ederer et al. (1997), Koch et al. (1997,1998), Nguyen et al. (1998), Richter et al. (1998) ;
– électrostatiques (Zengerle et al. (1995, fig. 1.3-12), Bourouina et al. (1997), Français et al. (1997,1998), Nguyen et al. (1998), Richter et al. (1998), Voigt et al. (1998);
– pneumatiques (Rapp et al. (1994), fig. 1.3-13) ;
– thermo-pneumatiques (Van de Pol et al. (1989,1990), Schomburg et al. (1994), Comme dans le cas d’un système homologue macroscopique, le fluide est véhiculé entre les dents de deux pignons en rotation. En contrôlant leur vitesse, il est possible d’obtenir des débits précis. Cette micropompe est particulièrement adaptée pour des fluides fortement visqueux (Döpper et al. (1997)). Les micropompes électrohydrodynamiques (Richter et al. (1991), Ahn et Kim (1998)) présentent l’avantage de ne pas comporter de parties mobiles. En effet, la mise en mouvement du fluide se fait par l’intermédiaire de forces électriques (forces de Coulomb), générées entre deux grilles ou électrodes et agissant sur des fluides polarisés (alcools, acétone, eau distillée).

L’actionneur piézo-électrique ci-contre se compose d’une membrane de faible épaisseur sur laquelle sont collés un ou plusieurs disques de céramiques piézo-électriques. Il en résulte un élément bimorphe qui fléchit lorsqu’une tension est appliquée aux bornes des disques piézo-électriques. La variation de volume est ainsi générée. L’actionneur électrostatique présenté utilise deux électrodes, l’une fixée sur le corps de la micropompe, l’autre mobile, solidaire de la membrane. Par application d’une tension entre ces deux électrodes, la membrane fléchit et génère la variation de volume dans la chambre de la pompe. L’actionneur de cette micropompe pneumatique est un générateur de pression. Il commande directement la pression au niveau de la membrane et donc sa flexion. Le système est difficilement miniaturisable puisque ce générateur est extérieur à la micropompe. Cet actionneur thermopneumatique est constitué d’une cavité d’air fermée dans laquelle est placée une résistance chauffante. Celle-ci, en augmentant la température de l’air,permet l’augmentation de la pression et la flexion de la membrane.

Le temps de réponse dépend de la puissance fournie à la résistance. le temps de relaxation dépend de l’échange de chaleur avec le milieu extérieur. Pour compléter ce tour d’horizon, on peut également dire quelques mots à propos d’un type original de micropompe pour gaz, qui utilise une propriété intéressante : l’effusion thermique, ou thermal creep. Lorsque deux réservoirs contenant un même gaz, mais porté à des températures différentes, sont mis en communication par un microcanal, il apparaît un écoulement allant des plus basses vers les plus hautes températures (Kennard (1938)). Ce phénomène est lié au caractère raréfié de l’écoulement dans le microcanal, au sein duquel le libre parcours moyen des molécules n’est pas petit comparé au diamètre hydraulique. Une association judicieuse de microcanaux, reliant des chambres qui comportent des points de chauffage localisés, peut conduire à la réalisation d’une micropompe fonctionnant sans aucune partie mobile (Vargo et al. (1999), Vargo et Muntz (1999), Hudson et Bartel (1999)).

Influence de la miniaturisation sur les écoulements de fluides

Les microsystèmes fluidiques ont typiquement des dimensions caractéristiques comprises entre le micron et le millimètre. Dans ce cas, certains phénomènes physiques ne peuvent plus être négligés dans l’étude des écoulements internes de fluides, comme c’est souvent le cas à l’échelle macroscopique. Ceci est lié au fait que le rapport surface/volume est nettement supérieur dans les microsystèmes. En effet, pour un dispositif à l’échelle humaine, ce rapport est de l’ordre de 1 m-1, alors que pour un microsystème de dimensions caractéristiques de 1 µm, ce rapport atteint 106 m-1. Cette forte augmentation affecte sensiblement les flux de masse, de quantité de mouvement et d’énergie à travers les surfaces et notamment les interfaces fluide/fluide et fluide/paroi. L’importance des conditions limites et particulièrement des états de surfaces, s’en trouve fortement accrue. Ho et Tai (1998) et Gadel-Hak (1999) présentent l’état des connaissances sur les divers phénomènes liés aux microécoulements. Ils proposent une réflexion sur les différents modèles continus ou moléculaires utilisables pour l’analyse du comportement des microécoulements, en fonction de la nature du fluide et des conditions d’écoulement.

Ecoulements gazeux En ce qui concerne les microécoulements gazeux, la première conséquence du confinement est la raréfaction de l’écoulement. En effet, les parois se rapprochant, les collisions entre molécules gazeuses perdent de leur importance devant les collisions de cellesci avec la paroi. Un des pionniers dans ce domaine des écoulements raréfiés internes fut Knudsen qui, notamment, mit en évidence dès 1909 l’apparition de glissement à la paroi, dans certains écoulements de gaz raréfiés. De façon plus générale, il introduisit un nombre adimensionnel, auquel il donna son nom, qui permet de caractériser le taux de raréfaction de l’écoulement.  Typiquement, pour des nombres de Knudsen inférieurs à 3 10− , on se trouve dans un régime classique, convenablement modélisé par une approche de type milieu continu. On peut alors employer les équations de Navier-Stokes, associées à des conditions limites traduisant le nonglissement et la continuité de la température à la paroi.

En particulier, lorsque Kn tend vers 0,la diffusion moléculaire devient négligeable et les équations de Navier-Stokes dégénèrent en équations d’Euler, l’écoulement devenant alors non visqueux et isentropique. Il est à noter que le modèle d’Euler donne de très bon résultats pour des écoulements industriels dans des canalisations de dimensions millimétriques, en dehors des zones de fort changement de section ou de choc. On se trouve alors dans le domaine de la pneumatique. Pour des nombres de Knudsen supérieurs à 3 10− , les effets de raréfaction apparaissent et deux hypothèses vont être mises en défaut. Tout d’abord, les conditions aux limites ne sont plus correctement vérifiées par l’expérience. Ainsi, pour des valeurs de Kn comprises entre 10-3 et 10-1, l’écoulement est dit « glissant » : le concept de milieu continu et les équations de NavierStokes restent valables, à condition de les associer à des conditions traduisant un saut de vitesse (conditions de Maxwell) et de température (conditions de Smoluchowski) à la paroi. Ce type de régime est fréquemment qualifié de légèrement raréfié. Au-delà, pour des nombres de Knudsen compris entre 10-1 et 10, le régime devient modérément raréfié. Il s’agit en fait d’un régime de transition, pour lequel l’approche de type milieu continu n’est plus valable, car il n’y a plus de relation linéaire entre contraintes et vitesses de déformation (le fluide n’est plus newtonien) et entre flux de chaleur et gradient de température (le fluide ne répond plus à la loi de Fourier).

Toutefois, l’écoulement n’est pas suffisamment raréfié pour pouvoir être qualifié de moléculaire libre. C’est ce type de régime qui est à l’heure actuelle le moins bien modélisé, les approches testées pouvant être semianalytiques ou numériques. Lorsque Kn devient supérieur à 10, le régime est hautement raréfié. La modélisation est alors nécessairement numérique et peut être déterministe (Molecular Dynamics – MD) ou statistique (Equation de Boltzmann, Direct Simulation Monte Carlo – DSMC). Les simulations nécessitent cependant de puissants systèmes de calcul pour pouvoir traiter un nombre suffisant de particules représentatives de l’écoulement considéré. Les simulations DSMC semblent être les plus adaptées pour les écoulements internes de gaz raréfiés. Piekos et al. (1996), ou encore Oran et al. (1998) présentent les possibilités de telles simulations dans le domaine des écoulements au sein de microsystèmes. Elles permettent aussi de mettre en évidence les écoulements glissants ou le passage à un régime transitoire. Pour des écoulements en microcanal générés par gradient de pression, Kn étant fréquemment compris entre 10-3 et 10-1, le régime est glissant.

On constate bien expérimentalement (fig. 1.5-2) une augmentation du débit par rapport à la prévision d’un modèle continu associé à des conditions aux limites classiques.On vérifie également que le modèle de Navier-Stokes reste valable, à condition de lui associer des conditions limites de glissement et de saut de température à la paroi. Ces conditions sont établies à partir d’un bilan local de quantité de mouvement et d’énergie à proximité immédiate de la paroi. Elles sont malheureusement très sensibles à un coefficient d’accommodation, qui traduit le type de réflexion des particules à la paroi. De récentes études expérimentales ont permis de mettre en évidence ce régime glissant (Choi et al. (1991), Pfahler et al. (1991), Arkilic et al. (1994), Pong et al. (1994), Harley et al (1995), Shih et al. (1996)). Le fluide généralement utilisé est l’hélium. Il permet d’atteindre des nombres de Knudsen plus élevés qu’avec de l’air ou de l’azote.

Ecoulements liquides A l’échelle microscopique, les mécanismes de transport de masse, de quantité de mouvement et d’énergie sont très différents selon que le fluide est un liquide ou un gaz. Dansles écoulements gazeux, et plus particulièrement en écoulements gazeux raréfiés, les forces intermoléculaires sont négligeables du fait du faible taux de collision entre les molécules. Dans le cas d’un liquide, les distances intermoléculaires sont de l’ordre de grandeur des dimensions moléculaires. Les molécules sont alors toujours en « état de collision ». Les effets des forces intermoléculaires sont donc prépondérants dans le transport local de quantité de mouvement (Batchelor (1967)). A priori, pour des écoulements de liquides simples, rien ne laisse présager un comportement différent entre macro et microécoulement. En effet, les distances intermoléculaires restent toujours nettement inférieures auxdimensions caractéristiques du microsystème. En utilisant une approche dynamique moléculaire (MD), Koplik et al. (1989) retrouvent la condition limite de non glissement à la paroi solide, pour des écoulements de type Couette et Poiseuille.

Par contre, les résultats expérimentaux relatifs à des écoulements du même type sont souvent contradictoires. Ils sont généralement exploités à partir d’une analyse du nombre de Poiseuille Po , coefficient sans dimension défini comme le produit d’un facteur de frottement f (forme adimensionnalisée d’une moyenne τ p de la contrainte tangentielle à la paroi) et du nombre de Reynolds Re. Pour des écoulements de fluide newtonien unidirectionnels, supposés laminaires, pleinement développés et isothermes, dans des conduites cylindriques de section quelconque, ce coefficient reste constant et ne dépend que de la géométrie de lasection. Les différents auteurs comparent alors un coefficient Poexp obtenu expérimentalement à partir d’une mesure de débit et de gradient de pression, à un coefficient de Poiseuille théorique Poth calculé par différentes méthodes approchées, détaillées au chapitre III. Le résultat est ensuite souvent présenté sous la forme d’un coefficient réduit Po*, défini comme le rapport Po Poth exp , en fonction du nombre de Reynolds Re ou du diamètre hydraulique DH de la section. Ainsi, sous réserve que la mesure expérimentale soit fiable, lorsque Po* = 1, onpeut conclure que lathéorie de Poiseuille est vérifiée. Lorsque Po* < 1, la théorie sous-estime le débit passant dans la conduite pour un gradient de pression donné ; à l’inverse, si Po* > 1, le débit est surestimé. Dans ces deux cas, certaines hypothèses de l’écoulement de Poiseuille doivent être remises en cause. Nous avons rencontré les trois cas de figures dans la littérature.

– Po* = 1 : Flockhart et Dhariwal (1998) ont étudié les caractéristiques de l’écoulement dans des microcanaux de section trapézoïdale. Ils trouvent une bonne corrélation entre théorie et expérience pour des microcanaux de diamètre hydraulique compris entre 50 et 120 µm, dans le cas d’écoulements d’eau distillée. Différentes longueur L de microcanaux ont été testées, afin de mettre en évidence les effets d’entrée. Ceux-ci deviennent non négligeables lorsque le rapport L DH est inférieur 100.

– Po* < 1 : les premiers résultats relatifs à des microcanaux gravés sur silicium ont été réalisés par Harley et al. (1989). Les auteurs constatent un net écart entre les valeurs des nombres de Poiseuille expérimental et théorique, se traduisant par Po* = 0,8 pour des microcanaux de section rectangulaire. Harley et al. demeurent prudents quant à l’analyse de ce résultat, l’écart pouvant être selon eux dû à des erreurs expérimentales. Pfahler et al. (1991)ont continué cette étude. Leurs essais ont été réalisés avec de l’isopropanol (liquide polaire) et une huile silicone.

La figure 1.5-3 montre une diminution significative de Po* en fonction de la profondeur du microcanal, traduisant une augmentation du débit par rapport à la théorie. Profondeur du microcanal (µm)
Nombre de Poiseuille
Po* Nombre de Poiseuille Po*

Pfahler (1992) propose deux explications possibles pour justifier l’accroissement du débit dans le microcanal. Dans sa première hypothèse, il suppose que cette augmentation peut être causée par la réduction de la viscosité du liquide, lorsque les dimensions caractéristiques de l’écoulement sont très faibles. Il introduit alors une viscosité apparente µa qui dépend non seulement de la température, de la pression et de la nature du fluide, mais aussi de la distance à la paroi. Ce modèle n’est cependant pas prédictif puisqu’il nécessite un calage expérimental. La seconde hypothèse émise pour justifier l’augmentation du débit porte sur l’état de surface du microcanal. La mesure de la profondeur de celui-ci étant réalisée à partir des « pics » d’aspérité (fig. 1.5-4), Pfahler suppose que le fluide peut aussi s’écouler dans les »creux », ce qui augmente la section de passage, la zone de rugosité se comportant un peu comme un milieu poreux. Cette explication semble cependant n’avoir d’influence que pour de très faibles profondeurs.

– Po* > 1 : Migun et Prokhorenko (1988) présentent une étude de l’influence du rayon de microcapillaires, compris entre 0,4 et 1 µm, sur la mesure de la viscosité de liquides polarisés. Ils mettent en évidence une augmentation de la viscosité apparente du liquide en fonction de la diminution du rayon. Cette augmentation se traduit par un coefficient de frottement plus important, le débit expérimental étant alors inférieur au débit théorique de Poiseuille. Les auteurs justifient leurs résultats en s’appuyant sur la théorie des liquides polaires. Ils l’attribuent ainsi à l’apparition d’interactions moléculaires (sous forme de micromoments) qui ont un effet significatif lorsque le rayon du microtube devient suffisamment petit. Urbaneck et al. (1993) constatent de leur côté l’influence de la température sur le coefficient Po*. Ils trouvent que celui-ci augmente avec la température. Ils observent également qu’une diminution des dimensions des microcanaux se traduit par une augmentation de Po*. Plus récemment, Mala et al. (1997-a -b) mettent en évidence expérimentalement l’influence d’une couche électrique EDL (Electric Double Layer) sur un écoulement entre deux plans parallèles distants de 10 à 280 µm. Cette couche, dont l’épaisseur peut varier de 0,3 nm à 1 µm, se situe à l’interface solide-liquide.

Elle est due à des forces électrostatiques intermoléculaires, fonctions du potentiel électrique de la surface solide et de la nature du liquide. Elle a tendance à réduire la vitesse des ions proches de l’interface et donc celle des molécules. De ce fait, il apparaît un débit volumique inférieur à celui prédit par la théorie d’un écoulement de Poiseuille plan. Mala et Li (1999) ont réalisé une étude avec des microtubes de section circulaire, de diamètres compris entre 50 et 254 µm et réalisés avec différents matériaux (acier inoxydable et silice). Les résultats expérimentaux indiquent aussi une divergence par rapport à la prédiction théorique. Dans ce cas, ils expliquent la diminution du débit par l’influence des états de surface. Selon eux, la présence de la rugosité modifie le profil laminaire de vitesses et diminue le nombre de Reynolds de transition. Enfin, Weilin et al. (2000) ont étudié l’écoulement dans des microcanaux de section trapézoïdale dont les diamètres hydrauliques sont compris entre 51 et 169 µm. Ils ont aussi mis en évidence une différence significative entre les résultats expérimentaux et la théorie, qui va dans le mêmesens que les études précédentes.

Ils proposent alors un modèle comportemental rugosité/viscosité afin d’interpréter ces différences. La divergence des résultats expérimentaux publiés par divers auteurs n’est finalement pas clairement expliquée. La précision même des mesures est souvent difficilement quantifiée. D’autre part, il apparaît nettement un manque d’explications théoriques convaincantes. L’analyse plus fine des phénomènes passe notamment par l’étude des forces intermoléculaires à l’interface liquide-solide, cette étude n’étant pour l’instant qu’approchée numériquement. Les états de surfaces doivent aussi être analysés pour quantifier leur influence sur l’écoulement.Ainsi, une modélisation plus précise des microécoulements reste sans doute nécessaire afin de pouvoir concevoir et optimiser de nouveaux systèmes véhiculant des fluides, comme par exemple des micro-refroidisseurs pour circuit intégrés (Tuckerman et Pease (1981), Pieyi et Little (1983), Peng et Peterson (1996)) ou encore pour déterminer les pertes de charges dans des microcanaux reliant différents microsystèmes fluidiques sur une même puce (fig. 1.5-5).

Etanchéité

Le circuit de test doit être éprouvé afin de déterminer ses limites d’utilisation en pression ainsi que son niveau éventuel de fuite. Il se compose d’une succession de raccords Inox à filetage droit et de vannes de commande (série 40) Swagelok. Ces éléments ont été testés sans fuite, à l’Hélium, à des débits de 4 10-15 m3 s-1 (tests sous vide poussé réalisé par le constructeur). L’étanchéité de ces raccords par rapport aux différentes pièces du circuit de test est réalisée en respectant la norme DIN-ISO 228/1. Un joint métallique muni d’un anneau intérieur en Viton assure cette étanchéité. Les raccords Omnifit en Téflon, utilisés pour la connexion des pipettes calibrées en verre, possèdent de larges joints plats qui supportent facilement les variations de diamètres de celles-ci, en assurant une étanchéité parfaite.

L’ensemble du circuit de test ainsi constitué a été éprouvé jusqu’à des pressions de 0,5 MPa et aucune fuite n’a été détectée visuellement. Un second contrôle plus rigoureux de l’étanchéité du banc a été ensuite réalisé, le banc étant pressurisé, en contrôlant l’évolution de la pression mesurée dans le circuit pendant plusieurs jours. Nous n’avons pas constaté de baisse de pression sur toute la durée de mesure. Par contre, nous avons remarqué une légère fluctuation de cette pression pendant l’acquisition. Pour des raisons de conception de l’enceinte et de manipulation des vannes de commande du circuit de test, les accumulateurs ont été placés à l’extérieur de l’enceinte thermique, subissant alors les variations de la température ambiante au cours d’une journée. Ainsi, lorsque le temps de mesure dépasse quelques heures, ces fluctuations de pression, de l’ordre de 1,5 %, correspondent aux fluctuations de température (fig. 2.5-1) entre le jour et la nuit. Pour les mesures de longue durée, un caisson isolant a été prévu pour limiter l’influence de la température sur les accumulateurs et donc sur la pression de commande.

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Table des matières

Chapitre I – LES MICROSYSTEMES
1.1- Définition d’un microsystème 
1.2- Les techniques de gravure 
1.2.1- La microphotolithographie
1.2.2- Gravure par voie chimique
1.2.3- Gravure par voie sèche
1.2.4- Scellement des substrats
1.3- Les microsystèmes fluidiques 
1.3.1- Les microvalves
1.3.2- Les micropompes
1.4- Les différents systèmes de mesure de microdébit liquide 
1.4.1- Position du problème
1.4.2- Les microdispositifs
1.4.3- Les dispositifs macroscopiques
1.5- Influence de la miniaturisation sur les écoulements de fluides 
1.5.1- Ecoulements gazeux
1.5.2- Ecoulements liquides
Chapitre II – BANC DE MESURE DE MICRODEBITS LIQUIDES
2.1- Présentation 
2.2- Bancs de mesure existants 
2.3- Description du banc expérimental 
2.3.1- Moyens de mesures de pression
2.3.2- Moyens de mesures du débit
2.3.3- Régulation en température
2.4- Traitement du signal 
2.5- Validation 
2.5.1- Etanchéité
2.5.2- Influence de la température sur les mesures
2.5.3- Influence de la pression le volume des pipettes
2.5.4- Tests de validation
2.5.5- Incertitudes de mesure
2.6- Conclusion 
Chapitre III – ECOULEMENTS PERMANENTS DE LIQUIDES DANS LES MICROCANAUX GRAVES SUR SILICIUM
3.1- Ecoulement de Poiseuille 
3.1.1- Microcanaux de section circulaire
3.1.2- Microcanaux de section non-circulaire
3.2- Présentation des échantillons testés 
3.2.1- Fabrication des échantillons
3.2.2- Caractéristique des microcanaux
3.2.3- Montage d’essais
3.3- Exploitation des résultats 
3.3.1- Premiers résultats
3.3.2- Mesure des dimensions au MEB
3.3.3- Comparaison des différents résultats
3.4- Conclusion 
Chapitre IV – PROJETS CNRS : MICROMED II ET MICRODIODES
4.1- Présentation du projet MICROMED II 
4.1.1- Système global
4.1.2- La micropompe
4.2- Etude expérimentale des microclapets 
4.2.1- Procédure de fabrication
4.2.2- Analyse expérimentale
4.2.3- Conclusion de l’étude
4.3- Les microdiodes fluidiques 
4.3.1- Fonctionnement d’une microdiode
4.3.2- Micropompes à diodes fluidiques
4.3.3 – Microdiode fluidique Vortex
4.3.4- Simulation numérique
4.4- Conclusion 
CONCLUSION GENERALE
Annexe – REALISATION D’UN GENERATEUR PNEUMATIQUE  BASSES FREQUENCES POUR L’ETUDE D’ECOULEMENTS GAZEUX PULSES EN MICROCANAUX
BIBLIOGRAPHIE

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