Le paludisme àPlasmodiumfalciparum est la maladie parasitaire humaine la plus fréquente et une des plus redoutables au monde. Selon le rapport mondial de 2019 publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 219 millions des cas et 405 mille décès sont dus au paludisme. Près de 94% de ces décès sont à la charge de l’Afrique subsaharienne. Les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes demeurent les plus vulnérables [1]. Cependant, la lecture retrospective des cas rapportés ces 20 dernières années fait état d’une baisse considérable à la fois de l’incidence et de la mortalité liées au paludisme dans le monde [1-4]. En Afrique sub saharienne, grâce aux stratégies de lutte proposées par l’OMS, le niveau d’endémicité palustre est devenu tellement basse que les classiques zones de forte transmission dites « zones holo- et hyperedémiques », ont quasiment disparues [ 4]. Le Sénégal, du fait de l’intensification et la mise à l’échelle des mesures de lutte, n’échappe pas à cette tendance épidémiologique. La prévalence parasitaire y est passée de 3% en 2012 à 0,4% en 2017 [5]. Cette baisse du niveau d’endémicité palustre dans le monde a par ailleurs, suscité un nouveau défi. En effet, il a été prouvé qu’une diminution de l’intensité de la transmission interfère avec l’ acquisition de la prémunition, un des déterminants majeurs de la rareté des formes graves de paludisme chez l’adulte en zones de forte endémicité [6]. Il s’agit d’une immunité relative dépendante des anticorps, acquise à la suite des réinfections itératives. Elle s’installe d’autant plus précocement que la transmission est forte et stable dans la région [3,6]. Ce défaut de protection expose par conséquent, les adultes et les grands enfants aux formes graves et mortelles de la maladie [6,7]. Cette authentique transition épidémiologique est corroborée par plusieurs études [3,7]. Au Sénégal comme dans plusieurs autres pays à ressources limitées, le paludisme grave de l’adulte est de plus en plus préoccupant avec des taux de létalité variant entre 16 et 30% selon les séries [8,9]. Des études visant à déterminer les facteurs associés à cette létalité s’imposent. A cette ère où le monde s’inscrit dans la dynamique d’élimination du paludisme, le vaccin s’illustre comme un des moyens préventifs le plus prometteur [6,10,11].
Les protéines de surface des mérozoïtes (MSP) constituent des candidats antigènes les plus attractifs [6]. Plusieurs études sénégalaises ont confirmé le rapport significatif entre les taux élevés d’anticorps (Ac) anti- MSP1, MSP4-20, MSP4-40 et une faible morbidités palustres [10,11]. Cependant, peu d’entre elles se sont intéressées aux implications qu’auraient les variations de ces anticorps sur l’évolution et les formes clinico-biologiques du paludisme graves. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre présente étude dont l’objectifprincipal est d’étudier les variations de la réponse Ac de type IgG dirigée contre les antigènes MSP1, MSP4-20 et MSP4-40 de P. falciparum, selon la gravité des accès et l’issue du paludisme sévère.
GENERALITES
Définition du paludisme grave
Selon l’OMS, le paludisme grave se définit par la mise en évidence clinique ou au laboratoire du dysfonctionnement d’un organe vital. Ceci revient sur le plan opérationnel .
Epidémiologie du Paludisme
Morbidité et Mortalité du paludisme dans le monde
Selon le rapport mondial de 2019 publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 219 millions de cas et 405 000 décès sont dus au paludisme (Figure 1). Dix-neuf pays d’Afrique subsaharienne et l’Inde ont concentré quasiment 85 % du nombre total de cas de paludisme dans le monde. Six pays ont enregistré à eux seuls, plus de la moitié de l’ ensemble des cas : le Nigeria (25 % ), la République démocratique du Congo (12 %), l’Ouganda (5 %) ainsi que la Cote d’Ivoire, le Mozambique et le Niger qui ont représenté 4% chacun. En outre, près de 94% des décès au monde sont à la charge de l’ Afrique subsaharienne où le fardeau le plus lourd des formes graves et mortelles de la maladie concerne les enfants [ 1]. Depuis 2000, la mise à l’ échelle des interventions de lutte contre le paludisme a considérablement réduit la morbidité et la mortalité liées au paludisme dans le monde [1-4], alimentant ainsi l’objectif audacieux d’élimination de la maladie comme problème de santé publique. La région Afrique de l’OMS est passée de 294 cas incident pour 1000 en 2010 à 229 cas en 2018 ( -22 %) [ 1].
Toutefois, il a été prouvé qu’une telle diminution de l’intensité de la transmission du paludisme pourrait exposer les grands enfants et les adultes au risque des formes graves du paludisme, résultat de ! »interférence avec l’acquisition de la prémunition [3,6,7]. Dans un tel décore, l’incidence annuelle mondiale du paludisme grave qui a été estimée à 2 millions [15], semble sous-évaluer la réalité. En effet, dans les pays à faibles ressources, l’accès aux services de santé souvent très limité, constitue une contrainte majeure à la survie [ 1, 16]. Moins de la moitié des personnes souffrant de paludisme grave accède à un établissement de santé. Selon Thwing et al, un tel contexte peut supposer des taux de létalité autours de 90% à domicile contre 20% seulement rapporté à l’hôpital [16].
Situation épidémiologique du paludisme au Sénégal
Au Sénégal, entre 2018 et 2019, l’incidence palustre a baissé de 35,4%. La prévalence parasitaire de 0,4% (2017) traduit une faible transmission palustre dans la population. La mortalité proportionnelle palustre est passée de 3,52% en 2015 à 1,66% en 2019, soit une réduction de 52,7% .
Le Sénégal fait partie des 6 pays africains identifiés comme ayant le potentiel d’éliminer le paludisme d’ici 2030 [17]. La stratification y constitue le pilier de la stratégie de lutte, vu le caractère hétérogène de la répartition des cas. Quartes zones (strates) sont ainsi définies selon 1′ incidence palustre :
● Zone de contrôle : Incidence ≥ 25 %o
● Zone de consolidation de contrôle: 15 ≤ Incidence ≤ 25 %o
● Zone intermédiaire : 5 ≤ Incidence ≤ 15 %o
● Zone de pré-élimination : ≤ 5 %o
Agents pathogènes
Germes
Le paludisme est une erythropathie due à un hématozoaire du genre Plasmodium, transmis par un moustique, l’ anophèle femelle. Il s’agit des protozoaires intracellulaires dont la multiplication est asexuée chez l’homme et sexué chez le moustique vecteur. Cinq espèces sont pathogènes pour l’homme:
• Plasmodium falciparum est le plus prévalent dans la région Afrique de l’OMS (99,7% des cas en 2018) et demeure le plus pathogène susceptible de causer des accès aigus mortels en l’ absence d’une prise en charge précoce et adéquate. Il sévit toute l’année dans les régions équatoriales et pendant la période chaude et humide dans les régions subtropicales. Son incubation est en moyenne de 13,1 ± 2,8 jours. Il est responsable de la fièvre tierce maligne et des accès graves pernicieux.
• Plasmodium vivax déborde les régions intertropicales pour intéresser aussi les zones tempérées. Il prédomine dans la région Amériques de l’OMS (environ 75 %des cas). Il est absent en Afrique centrale et de l’Ouest. Il entraîne exceptionnellement des formes graves, voire le décès. Son incubation est en moyenne de 13,4 ± 2,7 jours. P. viva.x est responsable d’une fièvre tierce bénigne et des rechutes jusqu’ à 3 à 5 ans (accès de reviviscence).
• Plasmodium malariae est retrouvé sous forme de foyers dans toutes les régions d’ endémie palustre. Son incubation est en moyenne de 34,7 jours. Il est responsable d’une fièvre intermittente quarte bénigne et des rechutes tardives jusqu’à 3 à 20 ans.
• Plasmodium ovale est retrouvé essentiellement en Afrique intertropicale ; il est plus rare et constitue l’espèce le moins pathogène. Son incubation dure en moyenne 14,1 jours. Il entraine une fièvre tierce bénigne et des rechutes tardives jusqu’à 5 ans.
• Plasmodium knowlesi, morphologiquement proche de P. malaria, est un agent du paludisme simien reconnu récemment en Asie du Sud-Est, responsable des rares cas humains, parfois fatals. Il se différencie des autres espèces par un cycle érythrocytaire de 24 heures responsable d’une fièvre quotidienne [1, 18, 19].
Plasmodium falciparum (99%) et P. malariae (1 %) constituent les principales espèces plasmodiales au Sénégal [20]. En dehors des espèces plasmodiales susmentionnées, plusieurs passages des parasites animaux à l’homme ont été rapportés. Il s’agit entre autres des cas dus au Plasmodium cynomolgi en Asie et Plasmodium brasilianum en Amérique du Sud [21,22]. Ces évidences suggèrent le paludisme comme une véritable zoonose.
Mode de transmission
Les femelles des certaines espèces d’anophèles assurent seules la transmission du paludisme d’homme à homme par leur piqûre. Elles sont plus actives le soir et surtout la nuit. Une seule piqure infectante suffit pour développer le paludisme. Ces vecteurs sont repartis en trois groupes en fonction de leur capacité vectorielle:
• Les vecteurs majeurs : Anopheles gambiae, An. coluzzii, An. Arabiensis, An. Funestus ensemble ils constituent le complexe gambiae
• Les vecteurs d’importance locale :An. nili, An. Moucheti
• Les vecteurs secondaires: An. me/as, An. pharoensis.
Cycle évolutif
Il s’agit d’un cycle hétéroxène, comprenant deux phases (Figure 4) :
• La schizogonie ou cycle asexué se déroule chez l’homme (hôte intermédiaire). Le moustique inocule des sporozoites qui vont se multiplier dans le foie avant d’être largués sous forme de mérozoïtes dans le sang. Ces derniers vont se transformer en trophozoïtes à la suite du cycle de maturation intra-érythrocytaire. La persistance dans le foie des formes latentes (hypnozoites) explique des recrudescences tardives observées au cours du paludisme à P. vivax, P. ovale et P. malariae.
• La sporogonie ou cycle sexué se déroule chez l’anophèle femelle (vecteur et hôte définitif). Lors d’une piqure chez une personne impaludée, le moustique absorbe les gamétocytes qui vont se transformer en sporozoites. Ces derniers seront transmis à l’homme au cours du prochain repas sanguin.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. GENERALITES
1.1. Définition du paludisme grave
1.2. Epidémiologie du Paludisme
1.1.1 Morbidité et Mortalité du paludisme dans le monde
1.1.2 Situation épidémiologique du paludisme au Sénégal
1.3 Physiopathologie du paludisme grave
1.4 Immunologie antiplasmodiale et susceptibilité à la maladie
2 SIGNES
2.1 Type de description : Neuropaludisme de l’adulte jeune dans sa forme comateuse fébrile
2.1.1 Signes cliniques
2.1.2 Signes paracliniques
2.1.3 Evolution
2.2 Autres formes cliniques du paludisme grave
2.2.1 Formes symptomatiques
2.2.2 Formes selon le terrain
2.2.3 Formes associées
2.3 Autres formes compliquées
2.3 .1 Fièvre bilieuse hémoglobinurique
2.3.2 Rupture splénique
3 DIAGNOSTIC
3.1 Diagnostic positif
3.2 Diagnostic différentiel
3.3 Diagnostic étiologique
4 TRAITEMENT
4.1 Traitement curatif
4.1.1 But
4.1.2 Moyens
4.1.3 Indications
4.2 Traitement préventif
4.2.1 Les moyens préventifs individuels
4.2.2 Mesures collectives
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
1. CADRE DE L’ETUDE
1.1 Description des lieux
1.2 Circuits des patients avec paludisme grave au CHU de Fann
2. MATERIELS ET METHODES
2.1 Type et période d’étude
2.2 Population d’étude
2.2.1 Critères d’inclusion
2.2.2 Critères de non inclusion
2.3 Recueil des données
2.4 Antigènes étudiés
2.5 Méthodes de laboratoire
2.6 Définition des variables
2. 7 Saisie et analyse des données
2.8 Aspects éthiques
3. RESULTATS
3.1 Etude descriptive
3.1.1 Résultats globaux
3.1.2 Aspects socio-démographiques
3.1.3 Aspects cliniques et paracliniques (critère de gravité OMS)
3 .1.4 Répartition des patients selon les aspects thérapeutiques
3.1.5 Aspects évolutifs et pronostiques
3.2 Etude analytique
3.2.1 Répartition des cas de décès selon l’âge et le sexe
3.2.2 Répartition des cas de décès selon les antécédents thérapeutiques, les co morbidités et les diagnostics associés
3.2.3 Répartition des cas de décès en fonction des signes cliniques
3.2.4 Répartition des cas de décès selon les signes paracliniques
3.2.5 Répartition des cas de décès selon le nombre de signes de gravité
3.2.6 Analyse multivariée des facteurs associés au décès
3.2.7 Analyses des variations des réponses IgG
4. DISCUSSION
4.1 Aspects épidémiologiques
4.2 Aspects cliniques et paracliniques
4.3 Aspects thérapeutiques, évolutifs et pronostiques
4.4 Facteurs associés à la létalité
4.5 Analyses des variations des réponses IgG
5. FORCES ET LIMITES DE L’ETUDE
CONCLUSION ET RECOMMADATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES