Le processus de croissance se déroule inévitablement sous la dépendance de facteurs socio-économiques, sanitaires et surtout nutritionnels. L’évolution de la croissance au cours du temps se manifeste ainsi par des changements systématiques à long terme sur une gamme de variables anthropométriques et biologiques. [29] Les influences du milieu et de l’hérédité s’exercent sur la croissance de façon conjointe. C’est pourquoi, depuis longtemps maintenant, l’étude de la croissance des individus revêt une importance particulière, tant pour le praticien désireux de s’enquérir de l’état de santé d’un enfant que pour l’anthropologue qui tente de mieux cerner la complexité de l’homme. [31] Aussi la sous-alimentation a toujours été un fardeau dans les pays en développement [23,24]. Dans le monde en développement, 30% de la population et presque un tiers des enfants est sous alimentée de façon chronique, soit un total de 777 millions d’individus. [7] Ses causes sont multiples et bien connues : pauvreté, faibles disponibilités alimentaires, insuffisance d’hygiène, inégalité de distributions des richesses, etc… Ses conséquences sont plus néfastes quand celles-ci se manifestent au cours des premières années de la vie où la croissance est maximale et les besoins nutritionnels sont élevés.
Ainsi la malnutrition demeure un problème d’actualité et figure parmi les problèmes de santé publique les plus préoccupants. Selon l’Unicef, elle frappe plus du tiers des enfants de moins de 5 ans dans le monde en développement et elle est responsable de plus de la moitié des 13 millions de décès chaque année. Au Sénégal, la prévalence de la malnutrition aigue est passée de 6 % en 1986 à 12 % en 1993, celle de la malnutrition chronique de 22 % à 29 % durant la même période [22]. On constate que par rapport à 1992-93, les niveaux de malnutrition ont globalement baissé au Sénégal. Les prévalences de l’insuffisance pondérale et du retard de croissance sont tombées respectivement de 20 % à 17 % et de 22 % à 16 % entre 1992 et 2005. La prévalence de la maigreur est restée quasiment inchangée (9 % à 8 %) [37]. Néanmoins, c’est dans le milieu urbain dakarois que l’on observe la plus grande disparité en termes de statut nutritionnel des enfants. C’est ainsi que le taux de malnutrition sévère (5,5%) est le même à Dakar (capitale) et Diourbel (commune rurale en voie de désertification) selon l’EDSIV 2005.
RAPPEL DE PHYSIOLOGIE DE LA CROISSANCE
Définition du développement, de la croissance et de la maturation
Développement
Le développement est l’ensemble des transformations qualitatives et quantitatives assurant, dans un organisme vivant, le passage de l’état embryonnaire à l’état adulte. Chez l’homme la phase de développement est relativement longue. Outre la vie fœtale, elle comprend l’enfance, l’adolescence et se poursuit jusqu’à vingt et un ans, voire même vingt-trois ans. Dans le développement des êtres vivants deux processus complémentaires agissent de manière concomitante : la croissance et la maturation.
Croissance
En Biologie, la croissance est définie par l’augmentation de poids et de volume d’une cellule, d’un élément anatomique, d’un organe ou d’un individu vivant. En général, la croissance suit une loi exponentielle exprimée par la formule : y b (1-e-rt) n dans laquelle y est le poids ou le volume au bout du temps t et, r, n et b sont des constantes. La croissance est conditionnée par des facteurs externes physiques ou chimiques (lumière, chaleur, nourriture, vitamine, etc.), et par des facteurs internes (hormones, gènes etc…).[1] En Anthropométrie, la croissance correspond au développement pondéral et statural de l’individu. L’appréciation de la croissance se fait principalement à partir d’indicateurs anthropométriques : indice poids/âge, poids/taille et taille/âge. On peut également utiliser l’indice de Quételet qui permet d’apprécier la normalité du poids d’un individu.
Maturation
La maturation est un phénomène qualitatif qui traduit de profondes modifications biologiques à la fois microscopiques et macroscopiques. Elle correspond à des processus de différenciations cellulaires et biochimiques, à des transformations de structure, de composition et de morphologie corporelle. [2] Différents indicateurs caractérisent la maturation. Il existe une maturation osseuse et une maturation sexuelle.
La maturation osseuse
L’ossification des os débute au 5ème mois de la vie fœtale et se déroule jusqu’à l’adolescence. L’évaluation de la maturité osseuse se fait par radiographie, ce qui permet de mettre en évidence le nombre de points d’ossification. [3] La maturation osseuse commence avant la naissance et se poursuit après et pendant l’enfance puis l’adolescence. 8 semaines après la conception, les os de l’embryon ont leur forme définitive mais la plupart d’entre eux sont en tissus cartilagineux. L’ossification a déjà débuté pour la colonne vertébrale et le crâne. Notons que chez le fœtus de 3 mois, l’ossification permet de voir à la radiographie les côtes et la cage thoracique. L’ossification s’effectue ensuite progressivement, suivant les os, tout au long de l’enfance parfois au-delà. Ainsi l’ossification du calcanéum (os du talon) se poursuit chez l’enfant jusqu’à l’adolescence. L’âge de maturation des différents os est en grande partie dépendant de l’hérédité. Il a ainsi été mis en évidence chez de vrais jumeaux (monozygotes) une forte corrélation (0,71) entre les âges où apparaît la maturation des mêmes os. Ce coefficient n’est que de 0,28 entre frères ou entre sœurs non jumeaux, de 0,12 entre cousins du premier degré et de –0,01 entre personnes non apparentées. Cependant l’âge de maturation est aussi fortement influencé par le milieu. Ainsi il a été montré que des bébés vivant en Afrique (Sénégal) dont l’allaitement maternel dure plus longtemps, sont en avance pendant les 18 premiers mois de leur croissance en comparaison avec des bébés américains (Boston). A partir de deux ans, les bébés américains rattrapent leur retard et prennent à leur tour de l’avance sur les bébés sénégalais (selon les auteurs, ceux-ci ont alors une nourriture nutritionnellement moins adaptée que les bébés américains). De manière générale, l’ossification est en moyenne plus précoce chez les filles que chez les garçons.
La maturation dentaire
L’éruption des dents au niveau des gencives est le phénomène spectaculaire aisément visible d’une maturation qui s’effectue en plusieurs stades « stades successifs de calcification, éruption au niveau du rebord alvéolaire, éruption clinique au niveau de la gencive». Cette éruption des dents s’effectue entre 6 mois et 2 ans pour les dents de lait et entre 6 ans et 13 ans pour la dentition permanente. L’âge d’apparition des différentes dents est lié à l’hérédité (par exemple plus proche chez les vrais jumeaux). Cependant l’influence du milieu est aussi importante ; l’apparition des dents est plus précoce lorsque les conditions de vie de l’enfant sont meilleures. [33] La dentition temporaire (dentition de lait) est de 20 dents ; la dentition définitive comprend 32 dents.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : REVUE DE LA LITTÉRATURE
1. RAPPEL DE PHYSIOLOGIE DE LA CROISSANCE
1.1. Définition du développement, de la croissance et de la maturation
1.1.1. Développement
1.1.2. Croissance
1.1.3. Maturation
1.1.3.1. Maturation osseuse
1.1.3.2. Maturation sexuelle
1.1.3.3. Maturation dentaire
1.2. Etude synthétique de la croissance
1.2.1. La vitesse de croissance
1.2.2. La croissance prénatale
1.2.3. La croissance au cours de la petite enfance
1.2.4. La croissance au cours de l’enfance
1.2.5. La croissance au cours de l’adolescence
1.3. Etude analytique de la croissance
1.3.1. Les facteurs intrinsèques
1.3.1.1. Les facteurs endocriniens
1.3.1.2. Les facteurs génétiques
1.3.2. Les facteurs extrinsèques
1.3.2.1. L’alimentation : besoin nutritionnels du jeune enfant
1.3.2.2. Les facteurs socio-économiques
1.3.2.3. Les facteurs psycho-sociaux
2. LA MALNUTRITION
2.1. Définitions
2.2. Evaluation de l’état nutritionnel
2.3. Etiologie de la malnutrition
2.4. Traitement de la malnutrition
2.4.1. Le traitement curatif de la malnutrition protéino-énergétique aiguë de l’enfant
2.4.2. Traitement curatif du kwashiorkor
2.4.3. Traitement de l’infection
2.4.4. Traitement de consolidation
2.4.5. Traitement du marasme
2.5. Prévention de la malnutrition
3. LA POPULATION DU DÉPARTEMENT DE PIKINE
3.1. Contexte géographique
3.2. Contexte démographique
3.3. Contexte socio-économique
3.4. Contexte socio-sanitaire
DEUXIÈME PARTIE : POPULATION D’ETUDE ET MÉTHODES
1. POPULATION D’ÉTUDE
1.1. Cadre d’étude
1.2. Echantillon de population
1.2.1. Population cible
1.2.2. Critères d’inclusion et d’exclusion
1.2.3. Constitution de l’échantillon de population
1.2.4. Matériel de l’enquête
2. MÉTHODES
2.1. Recueil des données
2.1.1.Les entretiens
2.1.2.Protocole de prise de mesure
2.2. Interprétation et analyse des données
2.2.1.Indices retenus pour caractériser l’état nutritionnel de l’enfant
2.2.2.Les courbes individuelles de croissance
2.2.2.1. Courbe individuelle du poids
2.2.2.2. Courbe individuelle de la taille
2.3. Analyses statistiques
TROISIÈME PARTIE : RÉSULTATS
1. CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGAPHIQUES DE LA POPULATION DU DÉPARTEMENT DE PIKINE
1.1. Les individus exclus
1.2. Les enfants
1.3. Les mères
2. CARACTÉRISTIQUES SOCIO-SANITAIRES DE L’ÉCHANTILLON
2.1. Parcours médical de la femme enceinte
2.2. Choix du soignant pour la mère et pour l’enfant
2.3. Histoire clinique de l’enfant
3. CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DE LA CROISSANCE DES ENFANTS DANS LE DÉPARTEMENT DE PIKINE ET DE GUÉDIAWAYE
3.1. L’indice Poids-pour-âge
3.1.1. Répartition de l’indice poids-pour-âge en fonction des différentes classes
3.1.2. Répartition de l’indice poids-pour-âge en fonction de l’âge
3.1.3. Répartition de l’indice poids-pour-âge en fonction du sexe
3.2. L’indice Taille-pour-âge
3.2.1. Répartition de l’indice taille-pour-âge en fonction des différentes classes
3.2.2. Répartition de l’indice taille-pour-âge en fonction de l’âge
3.2.3. Répartition de l’indice taille-pour-âge en fonction du sexe
3.3. L’indice Poids-pour-taille
3.3.1. Répartition de l’indice poids-pour-taille en fonction des différentes classes
3.3.2. Répartition de l’indice poids-pour-taille en fonction de l’âge
3.3.3. Répartition de l’indice poids-pour-taille en fonction du sexe
CONCLUSION