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Définition des critères d’imagerie
La réponse au traitement était évaluée par un radiologue exerçant en centre expert d’imagerie abdominale avec 8 ans d’expérience et un radiologue généraliste avec 12 ans d’expérience. Une troisième relecture a été effectuée par un clinicien non senior, formé 6 mois en service de radiologie, avec une pratique régulière de lecture de scanners dans son exercice médical quotidien. Toutes les relectures étaient indépendantes et en aveugle des données de survie des patients. Après 2 à 3 mois de traitement, la réponse était tout d’abord évaluée selon les critères RECIST (figure 1) : une réponse complète était définie par la disparition des toutes les lésions ; une réponse partielle par une diminution >30% de la somme des plus grands diamètres des lésions cibles ; une stabilité par l’absence de réponse ou de progression ; une progression par l’augmentation >20% de la somme des plus grands diamètres des lésions cibles, ou l’apparition de nouvelles lésions non cibles, hépatiques ou extra-hépatiques.
Puis les lésions hépatiques étaient évaluées selon les critères dits morphologiques (figure 2) en les classant en trois groupes : le groupe 1 était constitué de lésions de densité homogène avec une interface tumeur-foie sain fine et bien définie ; le groupe 3 rassemblait les lésions de densité hétérogène avec une interface tumeur-foie sain épaisse et mal définie, ainsi qu’une possible prise de contraste annulaire ; le groupe 2 regroupait les lésions ne correspondant à aucun des deux autres. La réponse complète selon ces critères d’évaluation morphologique était définie par le passage des lésions du groupe 3 ou 2 au groupe 1 ; la réponse incomplète par le passage du groupe 3 au groupe 2 ; la stabilité par l’absence de changement d’aspect ; la progression par le passage à un groupe numériquement supérieur, ou par l’apparition d’une ou plusieurs nouvelles lésions. Pour un patient multi métastatique, l’évolution de la majorité des lésions était considérée afin de définir son groupe d’appartenance. Sur le scanner de pré traitement, on mesurait également le plus grand diamètre de la plus grosse lésion hépatique visible.
Définition des critères de suivi cliniques et biologiques
Les données d’une évaluation clinique et biologique étaient récupérées aux mêmes temps que les scanners. En consultation, étaient évalués l’état général selon l’échelle de Performans status de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (tableau 1) et le poids avec calcul de l’indice de masse corporel (IMC). La recherche de douleurs abdominales et d’une hépatomégalie permettait de classer les patients en fonction de leur réponse clinique au cours du traitement : régression, stable ou progression. Un dosage d’antigène carcinoembryonnaire (ACE) était réalisé. Etaient également relevés la numération de formule sanguine avec le taux d’hémoglobine, le nombre de globules blancs et de plaquettes ainsi que la créatininémie, les transaminases, les phosphatases alcalines et gamma-GT, l’albuminémie.
Analyse statistique
Les analyses de survie pour chacun des critères étaient menées dans un premier temps pour chaque type de réponse possible prise indépendamment des autres. Secondairement, pour les critères RECIST, elles étaient menées en identifiant les patients répondeurs (regroupant les réponses complètes et partielles), et les patients non répondeurs (regroupant les maladies stables et en progression). De même, les répondeurs optimaux en critères morphologiques étaient comparés aux patients en réponses incomplètes ou non répondeurs. L’interprétation du radiologue 1, considéré comme spécialisé et référent, a été utilisée pour les analyses de survie. La survie globale était définie comme la période comprise entre la première imagerie et le décès, l’arrêt de l’étude, ou le fait que le patient soit perdu de vue. La survie sans progression était définie comme la période débutant à la réalisation de la première imagerie et s’étendant jusqu’au changement de traitement pour progression de la maladie ou toxicité majeure.
La reproductibilité inter-observateurs a été estimée par un coefficient de corrélation intra classe (ICC) ou kappa pour les variables binaires. La valeur de ces coefficients était définie comme telle : < 0 désaccord ; 0,0-0,4 accord faible ; 0,4-0,6 accord moyen ; 0,6-0,8 accord fort ; 0,8-1,0 accord excellent.
Le test non paramétrique de Wilcoxon apparié était utilisé pour tester une tendance à la sous-ou surestimation des différents observateurs. Les estimations de survie ont été réalisées par la méthode de Kaplan Meier, avec une estimation de la différence statistique par le test du logrank, et la comparaison des fréquences par le test du Khi-deux. Afin d’identifier les facteurs prédictifs pour la survie globale et sans progression, des analyses univariées et multivariées ont été réalisées, utilisant le modèle de Cox pour estimer le Hazard Ratio (HR). Tous les tests étaient de nature bilatérale, et un p < 0,05 était considérée comme statistiquement significatif. Les données ont été saisies en tableaux sous Microsoft Office Excel 2017. Le traitement statistique a été effectué avec le logiciel IBM SPSS Statistics 18.0 (IBM Inc., New York, NY, USA).
RESULTATS
Caractéristiques de la population
Nous avons inclus 68 patients dont les caractéristiques principales sont présentées dans le tableau 2. La médiane de suivi était de 17,8 mois. La population comportait 52 (76,5%) hommes avec un âge médian de 65,9 ans. Parmi les 68 patients, 12 (17,6%) présentaient une tumeur primitive rectale, et 56 (82,4%) une tumeur colique, dont 22 (32,4%) avec une lésion colique droite et 34 (50%) avec une lésion colique gauche. Plusieurs patients avaient reçu des traitements antérieurs ; une chirurgie du primitif pour 50 d’entre eux (73,5%), pour 12 (17,6%) une chirurgie de métastase hépatique et 4 (5,9%) une radiofréquence hépatique. Vingt-cinq patients (36,7%) avaient reçu au préalable une chimiothérapie adjuvante. A l’inclusion dans notre étude, 16 patients (23,5%) présentaient une métastase hépatique unique, 22 (32,4%) entre 2 et 4 métastases hépatiques et 30 patients (44,1%) en présentaient plus de cinq. Les métastases étaient bi lobaires chez 43 patients (63,2%), et pour 44 patients (64, 7%) des métastases extra hépatiques étaient associées. L’état général des patients était globalement bon, avec une majorité de patients OMS 0-1 (n= 61 ; 89,7%) au début du traitement. Les différents protocoles administrés, en association au bevacizumab, étaient les suivants : FOLFIRI (n=57 ; 83,8%), LV5FU2 simplifié (n=6, 8,8%), FOLFOX (n=3 ; 4,4%), XELOX (n=1 ; 1,5%), FOLFIRINOX (n=1 ; 1,5%). Le nombre moyen de cure de chimiothérapie entre les deux scanners était de 5,2 (3 à 8) ; 91,2% des patients (n=62) avaient reçu entre 4 et 6 cures sur une période 3,2 mois en moyenne (1,4 à 5,5).
Au cours du suivi après notre période d’étude, 12 patients (17,6%) ont pu bénéficier secondairement d’une résection de tout ou partie de leurs métastases hépatiques. Le nombre moyen de lignes de chimiothérapies reçues par patient pour la maladie métastatique était de 2,3 (entre 1 et 5).
Objectif principal
La médiane de survie globale était de 20,5 mois [IC 95% ; 16,09-24,91] dans notre travail. Selon RECIST, aucune réponse complète n’a été observée ; vingt patients (29,4%) étaient en réponse partielle, trente-huit (55,9%) stables et dix (14,7%) en progression. Au total il y avait donc 29,4% de répondeurs et 70,6% de non répondeurs. Selon les critères morphologiques, on observait dix-sept (25%) réponses complètes, dix-huit (26,5%) réponses incomplètes, vingt-six patients (36,8%) avec une maladie stable et sept (11,8%) en progression. Soit 25% de réponse optimale et 75,1% de réponse incomplète/absente.
Le tableau 3 présente la répartition des patients selon leur réponse à chacun des critères étudiés. Parmi les réponses optimales en critères morphologiques, 6 patients (8,8%) étaient considérés comme non répondeurs en RECIST (5 patients stables et une progression). Parmi les patients répondeurs en RECIST, 9 patients étaient non répondeurs morphologiques (6 réponses incomplètes, 3 patients stables).
En répartissant les patients selon leur évaluation RECIST, la survie globale médiane était de 25,56 mois [14,40-36,71] en cas de réponse partielle, de 20,40 mois [12,34-28,47] en cas de maladie stable et 9,52 mois [0,16-18,90] en cas de progression (Figure 3a ; p=0,012). En identifiant deux groupes opposant les patients répondeurs (réponse complète et partielle) aux patients non répondeurs (stable ou en progression), la survie globale médiane était de 25,56 mois [14,40-36,72] contre 18,76 mois [12,52-25,00] (Figure 3a ; p=0,081).
Selon les critères morphologiques, la médiane de survie globale était de 57,03 mois [26,05-88,02] si réponse optimale ; 15,93 mois [12,97-18,90] si réponse incomplète ; 20,40 mois [18,09-22,71] pour les maladies stables et 5,48 mois [0,00-11,09] en cas de progression (Figure 3b ; p <0,001). En identifiant deux groupes opposant les patients en réponse optimale aux autres patients (réponse incomplète, stable ou progression), la médiane de survie globale était de 57,03 mois [26,05-88,02] contre 16,42 mois [13,28-19,58] (Figure 3b ; p <0,001).
Le tableau 4 présente les résultats des analyses univariée et multivariée réalisées. En analyse multivariée, seuls la réponse morphologique optimale (p=0,001) et un taux d’ACE initial inférieur à 200ng/ml (p=0,004) ressortaient comme facteurs prédictifs indépendants de l’amélioration de la survie globale. Les critères RECIST n’apparaissaient pas comme significatifs (p=0,378).
Objectifs secondaires
Survie sans progression
La médiane de survie sans progression était de 9,92 mois [7,41-12,43] dans notre population. Selon l’évaluation par RECIST, elle était de 13,1 mois [6,12-20,09] pour les répondeurs partiels, de 9,88 mois [6,17-13,60]) en cas de maladie stable et de 3,87 mois [1,18-6,57]) en cas de progression (Figure 4a ; p=0,80). Les patients répondeurs présentaient une médiane de survie sans progression de 13,109 mois [6,12-20,09] contre 9,101 mois [7,351-10,850] pour les patients non répondeurs (Figure 4a ; p=0,96).
La médiane de survie sans progression pour les critères morphologiques étaient les suivantes : 24,41 mois [17,04-31,78] si réponse optimale ; 7,85 mois [4,29-11,42] si réponse incomplète ; 9,23 mois [8,02-10,45] pour les malades stables et 3,87 mois [1,46-6,29]) en cas de progression (Figure 4b ; p <0,001). Concernant les répondeurs optimaux la médiane était de 24,41 mois [17,04-31,78] contre 8,31 mois [6,97-9,65] pour les non répondeurs (Figure 4b ; p <0,001).
Le tableau 5 présente les résultats des analyses univariée et multivariée réalisées. Seule une réponse optimale morphologique était prédictive de manière indépendante de la survie sans progression (p=0,003). De nouveau, les critères RECIST n’apparaissaient pas comme statistiquement significatifs (p=0, 220).
Corrélation à la réponse clinique
Après 2 à 3 mois de traitement, 18 patients (26,5%) présentaient une régression des signes cliniques, 42 patients (61,8%) restaient stables et 8 (11,8%) étaient en progression. Il n’existait pas de concordance fiable entre la présence d’une réponse clinique évaluée par le clinicien en consultation et la réponse suivant les critères RECIST (kappa=0,406) et morphologiques (kappa=0,115).
Reproductibilité inter observateur
La concordance générale entre les trois relectures était globalement bonne avec un ICC=0,874 pour les critères RECIST et ICC=0,695 pour les critères morphologiques. Concernant les seuls critères morphologiques, entre les radiologues 1 et 2 ICC=0,644 avec discordance pour 25 patients dont 14 classés stables par le radiologue 2 mais en réponse partielle ou complète par le radiologue 1 (p=0,029) ; entre le radiologue 2 et le clinicien ICC=0,675 avec discordance sur 22 patients dont 13 classés stables par le radiologue 2 mais en réponse par le clinicien (p=0,034) ; entre le radiologue 1 et le clinicien ICC=0,786 avec discordance pour 20 patients avec également tendance à la sous-estimation pour 7 patients classés stables par le clinicien et en réponse par le radiologue 1 (p=0,840).
Reproductibilité inter observateur selon la taille
Quarante-neuf patients (72,1%) avaient un plus grand diamètre de la plus grosse lésion supérieur ou égal à 25mm au premier scanner d’évaluation. La reproductibilité inter observateurs était bonne concernant les critères RECIST avec un ICC=0,877 pour un diamètre supérieur ou égal à 25mm et ICC=0,864 pour un diamètre de 10-25mm. Pour les critères morphologiques, respectivement ICC=0,757 et ICC=0,571. En comparant les radiologues 1 et 2 pour les mêmes sous-groupes ICC=0,697 et ICC=0,553; le radiologue 2 et le clinicien : ICC=0,722 et ICC=0,567 ; le radiologue 1 et le clinicien : ICC=0,861 et ICC=0,644. Seule l’évaluation du radiologue 2 pour les lésions de 10-25mm comparée à celle du radiologue 1 présentait une discordance significative (p=0,045) avec une même tendance à la sous-estimation que précédemment.
Comparaison colon droit et colon gauche
Il n’existait dans notre étude aucune différence significative en survie globale entre les tumeurs du colon droit avec une médiane de survie de 25,19 mois [18,06-32,34] et du colon gauche avec 18,76 mois [13,62-23,90] (p=0,382, tableau 4), ou en survie sans progression : 12,55 mois [8,14-16,97] contre 9,23 mois [7,08-11,39] (p=0,558, tableau 5).
DISCUSSION
La population choisie pour notre étude est celle de patients atteints d’un cancer colorectal de stade IV (11) non opérables d’emblée de leurs métastases hépatiques. La chimiothérapie est donc intégrée à un ensemble de soins de support, dont le but est d’améliorer la qualité de vie du patient et de prolonger la survie. Notre population est étudiée de manière rétrospective depuis 2009, et comprend notamment une proportion importante de patient RAS-sauvage (26,9%) traités en première ligne métastatique par bevacizumab. Ceci est expliqué par l’absence de connaissance avant 2006 de l’importance de la détermination du statut mutationnel de l’exon 2 du gène KRAS (12,13) et avant 2013 de celle des exons 3 et 4 du gène KRAS, ainsi que de NRAS (14), et donc de l’absence d’un traitement par anti-EGFR en première ligne, comme le préconisent les recommandations actuelles pour les patients non mutés (15). On remarque également l’absence de différence de survie globale entre les patients suivis pour une lésion primitive du colon droit ou gauche. Ceci est probablement expliqué par la petite taille de l’échantillon, ne permettant pas de mettre en évidence une différence significative, ainsi que par la présence dans notre population d’un nombre conséquent de patients non muté sur le gène RAS. Certains patients (17,6%) ont également pu, secondairement, bénéficier de la résection d’une ou plusieurs métastases hépatiques, témoignant de la difficulté à estimer initialement de manière définitive la non résécabilité des lésions hépatiques et de l’importance d’évaluer au mieux leur réponse sous traitement.
Dans un tissu sain, l’angiogénèse, c’est-à-dire le phénomène physique permettant la formation de nouveaux vaisseaux à partir de vaisseaux existants, résulte de l’équilibre local des signaux pro-angiogéniques (le vascular endothelial growth factor de type A ou VEGF-A étant l’un des plus importants, avec d’autres facteurs de croissance comme le transforming grow factor ou TGF a et b, le tumor necrosis factor ou TNF a, ainsi que d’autres interleukines ou protéases) et anti-angiogenique (interféron a et b, thrombospondine, semaphorine). Dans un tissu tumoral, de nombreux changements génétiques et épigénétiques conduisent à un déséquilibre de cette balance en faveur de la néo-vascularisation, avec la création de nombreux vaisseaux anormaux (augmentation de la perméabilité interstitielle, circulation intermittente, modification du débit sanguin et création de shunt vasculaires). Cet environnement propre à la tumeur lui permet une résistance aux drogues systémiques thérapeutiques en partie grâce à l’inflammation locale et l’hypoxie induite (16,17). La néo-vascularisation est donc un élément indispensable dans la croissance des tumeurs et constitue la cible du bevacizumab, agent de biothérapie le plus ancien utilisé depuis 2004 dans la lutte anti-tumorale. Cet anticorps monoclonal de type IgG1 inhibe l’action du VEGF-A en empêchant sa liaison aux récepteurs membranaires VEGFR1 et 2 (vascular endothelial growth factor receptor). Son action sur cette vascularisation anarchique, en permettant un remodelage vasculaire et en réduisant l’hypoxie de l’environnement tumoral, potentialise l’effet d’un traitement adjoint par chimio-, radio- voire immunothérapie (17). Bien que son évaluation en monothérapie se soit avérée décevante, son association aux protocoles de chimiothérapie a permis d’améliorer les résultats de ces derniers dans plusieurs études randomisées : amélioration de la survie sans progression en association à l’irinotecan (18) mais également de la survie globale en association à l’oxaliplatine (FOLFOX ou XELOX) (19). L’apport des anti-angiogéniques ne repose donc pas sur un effet cytotoxique tissulaire, mais plutôt sur une modification de l’environnement tumoral et l’induction d’une nécrose tumorale, entraînant la stabilisation en taille des lésions le plus souvent. Pour cela, l’évaluation radiologique des tumeurs bénéficiant de ces traitements ne peut prendre en compte uniquement les variations de taille, mais doit également évaluer le remodelage induit.
Bien que les critères RECIST à l’origine n’aient été validés en 2000 puis révisés en 2009 (20) que pour permettre une évaluation objective dans les études cliniques, ils sont aujourd’hui utilisés en pratique courante dans le suivi de nombreuses néoplasies solides hors essai. Wilson et al. (21) ont récemment étudié la vision et l’utilisation qu’avaient les cliniciens de ces critères, dans une étude multicentrique menée sur 99 gynéco-obstétriciens hospitaliers de 13 pays différents. La connaissance des critères s’avère bonne pour 65% d’entre eux, avec une utilisation à la fois par le radiologue et par le clinicien dans 58% des cas, et 40% uniquement par l’un des deux. L’étude rapporte également que 68% des utilisateurs estiment que les critères RECIST améliorent l’objectivité de l’évaluation au quotidien, mais 81% les remettent en question de manière ponctuelle. Les auteurs insistent sur l’importance de l’évaluation clinique et de sa prise en compte dans la décision thérapeutique, spécialement pour les patients stables selon RECIST mais dans les extrêmes, en présentant par exemple une augmentation ou diminution symptomatique des lésions à l’imagerie de 19%, une augmentation de 21% d’une lésion cible asymptomatique.
Il est donc admis que dans certaines situations les critères RECIST ne suffisent pas, ou ne reflètent pas au plus près la réalité de l’effet d’un traitement sur la maladie tumorale et l’évolution de cette dernière. Plusieurs études rapportent par ailleurs une absence de corrélation à la survie globale et à la survie sans progression pour une population de patients métastatiques d’un cancer colorectal (6,9,22). A l’inverse, de nouveaux critères dits morphologiques décrits en 2009 par Chun et al (9), ont démontré une meilleure sensibilité pour prédire à la fois une réponse histologique majeure ou complète chez un groupe de 50 patients ayant secondairement bénéficié d’une résection hépatique, mais également une meilleure corrélation à la survie globale pour une population de 82 patients atteints d’un cancer colorectal de stade IV. Une autre étude rétrospective récente conduite par Yoshita et al (22) a également évalué ces mêmes critères sur une population de patients métastatiques hépatiques non opérables bénéficiant d’une chimiothérapie en association ou non au bevacizumab. Une réponse optimale morphologique était prédictive de l’amélioration de survie sans progression en analyse multi variée et supérieure aux critères RECIST 1.1. Nos résultats rejoignent les leurs, les critères morphologiques étant prédictifs d’une meilleure survie globale et sans progression en cas de réponse dite optimale. Dans notre travail à nouveau, les critères RECIST n’apparaissent pas comme un facteur significativement prédictif. Toutes ces études, ainsi que la nôtre, sont cependant rétrospectives, et ces critères demandent encore à être validés à plus grande échelle par une étude multicentrique internationale prospective.
Ensuite, la corrélation inter observateur dans notre travail est également bonne. Discrètement moindre pour l’évaluation morphologique en comparaison des critères RECIST, mais comparable à l’étude de Chun YS et al (9): coefficient kappa de 0,68 [IC 95% : 0,51-0,85] à 0,78 [IC 95% : 0,63-0,93] pour trois radiologues de 2, 15 et 20 ans d’expérience. On remarque également une différence significative entre l’interprétation du radiologue 2 et les deux autres relecteurs, avec une tendance à la sous-estimation de la réponse morphologique. Ceci peut expliquer le coefficient de corrélation observé pour les critères morphologiques, inférieur à celui du RECIST bien qu’acceptable. Il faut noter que dans notre travail, il n’y a pas eu de confrontation ou d’apprentissage commun des critères, aucune des relectures n’ayant été modifiée par relecture en commun et accord sur certains points litigieux. Et afin de ne pas modifier les résultats par un trop grand nombre de consensus, qui biaiseraient l’évaluation de la reproductibilité, aucune des relectures n’a été modifiée. En pratique clinique quotidienne en revanche, en cas de doute ou de difficulté d’interprétation, il semble logique de prendre l’avis d’un ou plusieurs confrères et ainsi d’augmenter la valeur et la sûreté de l’interprétation rendue. Cette reproductibilité semble d’ailleurs s’améliorer encore pour les lésions hépatiques dont le plus grand diamètre est supérieur à 25mm. Le coefficient de corrélation dans notre étude s’abaisse fortement pour les lésions de petite taille et s’améliore nettement pour les lésions supérieures à 25 mm, rejoignant les performances du RECIST. Ceci peut être expliqué en partie par la nécessité d’estimer la réponse en fonction de la réponse majoritaire, plus facile à observer pour des lésions de grande taille. La prise de contraste annulaire et le caractère hétérogène d’une lésion sont en effet très difficiles à évaluer sur une petite surface (Figures 5 et 6). Les critères morphologiques se basant sur des données subjectives sans données numériques de mesure au contraire de RECIST, il est d’autant plus important de rechercher et d’identifier les facteurs pouvant limiter la reproductibilité de ces derniers.
La proposition de nouveaux critères morphologiques prenant en compte l’aspect métabolique des variations tumorales sous anti-angiogénique, est donc intéressante. L’analyse morphologique permet d’une part de renforcer une impression favorable chez les répondeurs partiels selon RECIST. Elle permet également de trancher dans le sens d’une réponse pour des patients étiquetés stables qui bénéficient du traitement sans variation de taille.
Une des limites qui peut leur être cependant reprochée est de n’évaluer que les lésions secondaires hépatiques. Il n’a été observé aucune réponse discordante dans aucune des deux études précédemment citées (9,22), ni la nôtre, entre l’évolution de la maladie purement hépatique et celle en prenant en compte les éventuelles autres lésions associées. Une autre critique possible est de mal définir la progression. Là aussi, aucune différence n’a été observée, et tous les patients qui progressaient selon les critères morphologiques progressaient également selon RECIST. Cependant la progression morphologique était dans notre étude définie par l’apparition de nouvelles lésions ou le passage d’un groupe 1/2 à un groupe 3 ou d’un groupe 1 à un groupe 2, recoupant en partie la définition du RECIST.
En revanche, l’évaluation morphologique permet d’identifier certains patients étiquetés en progression selon RECIST mais en réponse complète (n=1, dans notre étude), incomplète (n=1) ou stable (n=1) selon ces nouveaux critères. Il est important chez ces derniers de s’assurer de l’absence d’une pseudo progression induite par un état inflammatoire (se manifestant par une augmentation de taille), masquant une réelle réponse au traitement. Chez les patients stables ou en réponse partielle selon RECIST, mais en réponse morphologique optimale (n=5 et n=11) ou incomplète (n=11 et n=6), une réévaluation précoce permettrait de suivre une potentielle réponse plus complète encore, y compris en taille. Ces patients pourraient alors bénéficier d’une intensification de traitement et pourquoi pas accéder à un traitement curateur pour certains, selon les caractéristiques tumorales.
Pour les patients stables morphologiquement mais en réponse partielle selon RECIST, avec des lésions de taille suffisante pour une évaluation correcte, une réévaluation attentive à 6 mois de traitement est nécessaire, afin de confirmer ou non une réponse au bevacizumab. En effet, la réponse en taille peut être due à l’action de la chimiothérapie sans bénéfice de l’anti angiogénique, n’induisant pas le remodelage caractéristique.
Il semble donc particulièrement intéressant d’associer les deux critères, et d’utiliser tout particulièrement l’évaluation morphologique en cas de réponse partielle ou de stabilité selon RECIST, afin de pister plus précocement la réponse au traitement.
Malheureusement, si ces critères semblent suffisamment aisés à manier, à apprendre et à mettre en œuvre au quotidien, ils ne reposent que sur une évaluation subjective du radiologue. Leur amélioration pourrait être obtenue par une mesure de densité tumorale, inspirée des critères décrits par Choi dans l’évaluation des tumeurs stromales gastro intestinales (GIST) (23), des carcinomes hépato-cellulaires, des tumeurs neuro endocrines mais également des métastases de cancer colorectal traitées par radiofréquence hépatique (24). Cependant, cette méthode nécessite de prendre une « Région of Interest » la plus large possible pour la mesure de densité, le logiciel de calcul effectuant une moyenne pixel par pixel et ne prenant alors pas en compte l’hétérogénéité tumorale fréquente dans notre population.
Le scanner bi-énergie quant à lui, permet de réduire l’exposition aux rayonnements en obtenant une haute résolution d’image via deux sources distinctes d’émission (émettant chacune sur deux spectres d’énergie différents) (25). Cette technique pourrait également être un apport majeur dans l’évaluation morphologique de la réponse aux anti-angiogéniques, en apportant une objectivité qui fait défaut, ce d’autant plus que l’évaluation morphologique implique la multiplication des séquences d’acquisition aux différents temps vasculaires, et donc l’irradiation des patients.
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Table des matières
RESUME
ABSTRACT
1. INTRODUCTION
2. MATERIELS ET METHODES
5.1 Population
5.2 Définition des critères d’imagerie
5.3 Définition des critères de suivi cliniques et biologiques
5.4 Analyse statistique
3. RESULTATS
6.1 Caractéristiques de la population
6.2 Objectif principal
6.3 Objectifs secondaires
6.3.1 Survie sans progression
6.3.2 Corrélation à la réponse clinique
6.3.3 Reproductibilité inter observateur
6.3.4 Reproductibilité inter observateur selon la taille
6.3.5 Comparaison colon droit et colon gauche
4. DISCUSSION
5. CONCLUSION
6. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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