La conduite à tenir devant un utérus cicatriciel est actuellement l’un des sujets les plus controversés en obstétrique, du fait de la croissance importante des taux d’accouchement par césarienne de par le monde [2, 3,4]. La césarienne est devenue un acte obstétrical de pratique courante. Ainsi, aux USA le CDC comptait, en 1991, près de 24% d’accouchement par césarienne [5]. En France, en 1988, le taux moyen était de 10% avec des extrêmes à 7 et 15% [1]. Le taux de césarienne était de 32% en 1990 au Brésil [9]. En Afrique noire, les données étaient fragmentaires, variant de 5,2% en 1998 à Bangui [6], à 11,6% à Ouagadougou en 1995 [10] et 19,5% à Enugu en 1990 [55]. Au Sénégal, à la Clinique Gynécologique et Obstétricale du CHU Aristide Le Dantec [18], entre 1988 et 2001, on a observé une augmentation progressive du nombre de césariennes qui a triplé; alors que pendant la même période le nombre total d’accouchements n’a pas beaucoup varié, tournant en moyenne autour de 5000 par an. Ce taux est ainsi passé de 12% en 1992 à 17,5% en 1996 et à 25,2% en 2001. Si l’aphorisme émis par CRAIGIN en 1916 « Césarienne un jour, césarienne toujours » [7], avait beaucoup d’adepte le siècle dernier, il est aujourd’hui abandonné. Une meilleure direction du travail et la généralisation des césariennes segmentaires ont rendu possible l’accouchement par voie basse chez les patientes antérieurement césarisées [2].
L’essai d’accouchement par voie basse sur utérus cicatriciel ou épreuve utérine, a pris un essor important au début des années 80. Ses indications se sont étendues à la faveur de la volonté des équipes obstétricales de réduire les taux de césariennes et les dépenses de santé. Cependant, la crainte de rupture utérine, et l’absence d’attitude unanime face aux cicatrices utérines ont conduit par endroit et par moment à la diminution des taux d’épreuve utérine et des accouchements par voie basse chez les patientes antérieurement césarisées [4]. La difficulté réside dans l’appréciation du risque lié à l’épreuve utérine. Ce risque dépend de plusieurs facteurs. Certes, les facteurs obstétricaux sont plus faciles à évaluer, mais, la qualité de la cicatrice utérine, qui est un facteur déterminant, est plus difficile à apprécier. En effet, LEPAGE avait insisté sur «l’absence de critères cliniques satisfaisants permettant d’apprécier la valeur d’une cicatrice utérine, donc d’évaluer les risques de rupture lors d’une grossesse ou d’un accouchement ultérieur ». En milieu africain, comme dans les pays développés, l’accouchement sur utérus cicatriciel est une éventualité de plus en plus fréquente. Elle n’augmente pas significativement les risques maternels et néonatals par rapport à la césarienne systématique [21]. Même dans nos conditions d’exercice, en l’absence de cardiotocographe, l’épreuve utérine peut-être conduite avec sécurité.
Définition de l’utérus cicatriciel
L’utérus cicatriciel est un utérus portant en un endroit quelconque du corps ou de l’isthme, une ou plusieurs cicatrices myométriales. Cette définition, donnée par PAPIERNICK [9], exclut :
– les cicatrices purement séreuses de myomectomie pour myomes sous séreux,
– les cicatrices de cure de malformations ou de synéchies,
– les cicatrices de résections de polypes sans effraction du myométre.
Historique de l’accouchement sur utérus cicatriciel
La plupart des études concernant l’accouchement sur utérus cicatriciel sont anglo-saxonnes et reflètent l’évolution des pratiques obstétricales selon trois grandes périodes. La première est initiée en 1916 par Edwin B. CRAGIN [7] dont l’aphorisme « une césarienne une fois, une césarienne toujours » a influencé la pratique obstétricale aux Etats- Unis puis dans le monde jusqu’au début des années 80. La conférence de consensus sur la naissance par césarienne tenue en 1980 par le National Institute of Health a admis qu’une tentative d’accouchement par voie basse pouvait être envisagée dans certains cas [66]. Huit ans plus tard, le Collège des Gynécologues Obstétriciens Américains ACOG a soutenu pour la première fois l’option de l’essai de travail sous réserve d’une présentation céphalique fléchie et d’un consentement éclairé des patientes [68]. L’objectif était de diminuer le taux de césariennes qui avait enregistré un taux record de 24,7% aux USA en 1988. En 1990, the United State Public Health Service proposait en 2000 le taux de 35% d’accouchement par voie vaginale après césarienne et un taux global de 15% de césariennes toutes indications confondues [69]. Ces incitations ont eu pour conséquences d’augmenter le taux d’accouchement par voie vaginale après césarienne, ce taux est passé alors de 3% en 1981 à 31% en 1998 .
Néanmoins, dès 1999, plusieurs auteurs ont rapporté une augmentation de la fréquence des ruptures utérines et souligné la gravité des complications fœtales et maternelles qu’elles causaient [71]. En 2000, l’ACOG a limité l’accouchement par voie vaginale après césarienne au cas présentant un seul antécédent de césarienne, tandis que l’essai de travail était réservé aux établissements capables de réaliser une césarienne en urgence [68]. Ces recommandations et la pression médico-légale ont conduit à une diminution substantielle du taux de naissance par voie vaginale qui a chuté à 12,7% en 2002 .
Les types anatomiques de cicatrices utérines
Les cicatrices obstétricales
La cicatrice corporéale
La section utérine peut être longitudinale ou transversale au niveau de la face antérieure, sur le fond voire même sur la face postérieure. L’évolution de cette cicatrice dans les suites opératoires est habituellement simple. Mais, pour diverses raisons (infection, mauvaise réparation, fibrose), il peut se produire une désunion ou une mauvaise qualité de la cicatrice. Il est important à retenir, que même si l’évolution post opératoire est simple, la mauvaise qualité habituelle de la cicatrice expose à la rupture utérine lors des accouchements ultérieurs. Ce risque serait de l’ordre de 12% .
La cicatrice segmentaire
Le segment inférieur, développé en fin de grossesse, est une zone mince et peu contractile, de structure lamellaire, recouverte de péritoine décollable. On peut y réaliser 2 types d’incisions : transversale ou verticale.
Cicatrice segmentaire transversale
Elle a l’avantage d’être purement segmentaire. Le tracé de l’incision est légèrement arciforme à concavité supérieure et ne risque pas de se prolonger vers le haut.
Cicatrice segmentaire verticale
L’incision verticale présente un avantage théorique lorsqu’on opère un utérus malformé, de type unicorne ; ou bien encore lorsqu’on doit aborder un placenta antérieur. Cette incision a l’avantage de mettre à l’abri les pédicules vasculaires utérins de même que les uretères, notamment l’uretère gauche, qui sont parfois menacés par l’hystérotomie transversale. Cette technique est cependant un peu plus délicate que l’hystérotomie transversale, puisqu’il faut effectuer un décollement péritonéal plus étendu d’abord vers le haut, puis surtout vers le bas. Une prolongation corporéale de l’incision segmentaire verticale est le principal inconvénient de ce type d’incision. La blessure de la vessie constitue un autre de ces inconvénients. Ces deux types de cicatrice segmentaire ont comme particularité le fait qu’elles sont plus solides que les cicatrices corporéales; elles autorisent en principe l’accouchement par voie basse lors des grossesses ultérieures. La fréquence des déhiscences utérines de cicatrices segmentaires est très faible, de l’ordre de 1% [13, 14, 15]. Ces déhiscences sont en général de meilleur pronostic, aussi bien pour la mère que pour le fœtus.
La cicatrice segmento-corporéale
L’incision est longitudinale, elle est commencée le plus bas possible, puis elle remonte à la demande sur le corps utérin pour obtenir l’ouverture nécessaire et suffisante à l’extraction fœtale. Ce type de cicatrice a un pronostic comparable à celui de la cicatrice corporéale .
Les cicatrices gynécologiques
Intervenant en dehors de la gravidité, elles ont toutes la réputation d’être plus solides que les cicatrices de césarienne. Il en existe plusieurs types :
La cicatrice de myomectomie
Les myomectomies s’adressent essentiellement aux femmes en âge de procréer dont les myomes sont symptomatiques. Il est à noter cependant que de plus en plus de patientes au-delà de 40 ans refusent un traitement radical et demandent un traitement conservateur. Elle permet comme nous l’avons dit de préserver la possibilité d’une grossesse ultérieure [17]. Les cicatrices de myomectomie sont généralement solide même celles qui sont corporéales.
La cicatrice d’hystéroplastie (exclus par la définition)
Les hystéroplasties de BRET PALMER ou de STRAUSSMEN s’adressent surtout aux degrés moyens de malformations utérines (utérus bicorne ou cloisonné). L’intervention de BRET, bien codifiée, a l’avantage en cas d’utérus cloisonné de conserver les tissus de cette cloison afin de renforcer les parois de l’utérus. Elles doivent être réalisées au moins 3 mois avant le début de la grossesse et sont très souvent d’excellente qualité. Elles n’imposent pas à elles seules la réalisation d’une césarienne lors de l’accouchement qui suit.
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Table des matières
Introduction
I. Définition de l’utérus cicatriciel
II. Historique de l’accouchement sur utérus cicatriciel
III. Les types anatomiques de cicatrices utérines
III.1. Les cicatrices obstétricales
III.1.1. La cicatrice corporéale
III.1.2 La cicatrice segmentaire
III.1.2.1 Cicatrice segmentaire transversale
III.1.2.2 Cicatrice segmentaire verticale
III.1.3 La cicatrice segmento-corporéale
III.2. Les cicatrices gynécologiques
III.2.1. La cicatrice de myomectomie
III.2.2 La cicatrice d’hystéroplastie
IV. Appréciation de la qualité de la cicatrice
IV.1. Les critères anamnestiques
IV.1.1. Les critères en rapport avec la cicatrice de césarienne
IV.1.1.1. Le type d’hystérotomie
IV.1.1.2.Antécédent d’accouchement par voie basse et indication de la césarienne antérieure
IV.1.1.3. L’intervalle intergénésique
IV.1.1.4. La durée de travail lors de la première césarienne
IV.1.1.5. Les suites opératoires de la première césarienne
IV.1.1.6. Les éléments liés au terrain
IV.1.1.6.1. L’âge et la multiparité
IV.1.1.6.2. Utérus multicicatriciel
IV.1.2.les critères en rapport avec les cicatrices gynécologiques
IV.2. Les critères cliniques
IV.3. Les critères paracliniques
IV.3.1. L’hystérographie
IV.3.2. Echographie
V. Pronostic materno-fœtal
VI. Gestion de l’accouchement sur utérus cicatriciel
VI.1. Césarienne prophylactique
VI.1.1. Indications
VI.1.2. Date de la césarienne
VI.1.3. Particularités techniques
VI.2. Epreuve utérine
VI.2.1. Définition
VI.2.2. Conditions de réalisation
VI.2.3. Surveillance
VI.2.3.1. Prise en charge de la parturiente à l’entrée en salle de travail
VI.2.3.2. Eléments de surveillance
VI.2.3.3. Conduite à tenir durant les deux premières phases du travail
VI.2.3.3.1. Tocométrie interne
VI.2.3.3.2. Perfusion d’ocytociques
VI.2.3.3.3. Analgésie péridurale
VI.2.3.3.4. Phase expulsive
VI.2.3.3.5. Délivrance – Révision utérine
VI.2.4. Les complications
VI.2.4.1. Les ruptures utérines
VI.2.4.1.1. Définition et classification
VI.2.4.1.2. Epidémiologie et pronostic de la rupture utérine
VI.2.4.1.3. Les circonstances de découverte
VI.2.4.1.4. Les manifestations cliniques
VI.2.4.1.5. Complications de la rupture utérine
VI.2.4.1.5.1.Maternelles
VI.2.4.1.5.2. Fœtales
VI.2.4.2. Placenta prævia
VI.2.4.3. Endométriose
VI.2.4.3.1.Définition
VI.2.4.3.2. Clinique
VI.2.4.3.3. Paraclinique
VI.2.4.3.3.1. L’Echographie
VI.2.4.3.3.2. Biologie
VI.2.4.3.3.3. Histologie
Conclusion