L’infection du liquide d’ascite se définit comme l’envahissement du liquide d’ascite initialement stérile par un ou plusieurs germes. Cette infection peut être spontanée, c’est-à-dire qu’elle peut se faire en dehors d’un foyer infectieux intraabdominal et d’une tuberculose péritonéale ou secondaire à un foyer infectieux intraabdominal. Le mécanisme physiopathologique le plus incriminé est la translocation bactérienne qui est plus accrue chez le patient cirrhotique à cause d’une altération de ses mécanismes de défense immunitaire (1) (2). L’infection du liquide d’ascite est une complication fréquente de la cirrhose car elle touche 8 à 30% des patients cirrhotiques hospitalisés avec une ascite (3). Elle est grave dans la mesure où à un an, elle est responsable de 30 à 50% de mortalité hospitalière et récidive dans 40 à 70% des cas sans prophylaxie (3) (4). Sa gravité potentielle impose un diagnostic rapide, un traitement urgent et adapté et la prévention des récidives.
Généralités
Définition de l’infection du liquide d’ascite
L’infection du liquide d’ascite est définie comme l’envahissement du liquide d’ascite par un ou des microbes. Il en existe deux types : L’infection spontanée du liquide d’ascite qui se définit comme l’infection d’un liquide d’ascite initialement stérile en l’absence d’un foyer infectieux intra-abdominal chirurgicalement traitable. L’infection du liquide d’ascite secondaire à un foyer infectieux intra-abdominal.
Rappels sur la cirrhose et l’ascite
La cirrhose est un syndrome anatomo-pathologique qui correspond à l’évolution de la plupart des maladies chroniques du foie. Elle se définit comme une atteinte diffuse du foie par un processus associant fibrose annulaire, nodules de régénération et modification de l’architecture vasculaire. La perte de la masse fonctionnelle du foie entraîne une insuffisance hépatocellulaire. La déformation vasculaire et la fibrose produisent une hypertension portale. Ces deux phénomènes à savoir l’insuffisance hépatocellulaire et l’hypertension portale vont être à l’origine de nombreuses complications parmi lesquelles l’ascite. L’ascite est définie comme une collection liquidienne intra-péritonéale. Elle n’apparait que si deux conditions sont réunies : une hypertension portale et une rétention hydrosodée. Sa formation fait suite à la vasodilatation splanchnique qui est à l’origine d’une augmentation de la pression capillaire et d’une fuite de l’excès de lymphe dans le péritoine, et d’une production du facteur anti-natriurétique à l’origine d’une rétention hydrosodée.
Epidémiologie
L’infection du liquide d’ascite est fréquente chez le cirrhotique. Huit à 30% des patients cirrhotiques hospitalisés avec une ascite présentent une infection du liquide d’ascite. Elle est grave avec une mortalité hospitalière de 30 à 50% et elle récidive dans 40 à 70% des cas sans prophylaxie à un an. Le taux de survie à un an est de 30 à 50%, s’abaissant à 25 à 30% à deux ans.
Physiopathologie
Il existe deux types d’infection du liquide d’ascite :
– l’infection primitive ou spontanée du liquide d’ascite retrouvée dans 95% des cas,
– l’infection secondaire du liquide d’ascite retrouvée dans 5% des cas. Cette infection peut être secondaire à un foyer septique intra-abdominal ou à une perforation digestive.
L’infection spontanée du liquide d’ascite se fait suivant deux mécanismes : Le premier mécanisme qui est le plus fréquemment impliqué est la translocation bactérienne (1) (13) (14). La translocation bactérienne se définit comme la migration de bactéries viables depuis la lumière intestinale jusque dans les ganglions lymphatiques mésentériques ou d’autres sites extra-intestinaux (2).Trois facteurs sont impliqués dans la pathogénie de cette translocation bactérienne au cours de la cirrhose :
• Une pullulation bactérienne intestinale due à l’hypomotricité intestinale. Cette dernière est la conséquence :
– d’une hyperactivité adrénergique,
– d’une hyperproduction de monoxyde d’azote,
– et d’une altération structurale intestinale liée au stress oxydatif et à l’hypertension portale.
Cette hypomotricité intestinale est réversible après transplantation hépatique.
• Une altération de la barrière muqueuse intestinale à type d’hyperperméabilité due à l’hypertension portale et au stress oxydatif. Cette hyperperméabilité intestinale est d’autant plus marquée que la cirrhose est sévère.
• Une altération de l’immunité de la muqueuse intestinale ; car les macrophages qui devraient normalement détruire toute bactérie qui parvient à traverser l’épithélium intestinal avant que celle n’atteigne le courant sanguin, ne le font plus.
Les bactéries les plus aptes à transloquer sont les bacilles Gram négatif de la famille des entérobactéries (notamment Escherichia coli et Klebsiella Spp.), les entérocoques et autres espèces de streptocoques. A l’inverse, les bactéries anaérobies transloquent rarement (2) (16). Ceci explique la fréquence des infections à bacilles gram négatif et le caractère monomicrobien habituel (16) (17). La diffusion des germes à travers la paroi digestive est favorisée par un choc hémorragique, une lésion pariétale (chirurgie abdominale), et une dénutrition (2) (17). Après la translocation bactérienne, les bactéries rejoignent la circulation sanguine par voie lymphatique, avec un relais au niveau des ganglions mésentériques (18). Ces germes vont persister plus longtemps dans le sang à cause des altérations des mécanismes de défense immunitaire spécifiques et non spécifiques dues à la cirrhose. Ce premier mécanisme explique qu’une bactériémie contemporaine de l’épisode de l’infection du liquide d’ascite soit mise en évidence dans 30 à 50 % des cas (19). Puis , grâce aux échanges constants de fluide entre le sang et l’ascite, les bactéries vont passer du sang à l’ascite et l’ensemencer .
Le deuxième mécanisme fait appel à la colonisation de l’ascite au cours d’un épisode de bactériémie lors d’une infection urinaire, ou pulmonaire, ou cutanée, voire gynécologique (19). L’infection secondaire du liquide d’ascite est due à la perforation d’un organe creux ou à l’existence d’une collection suppurée intra-abdominale en contiguïté avec l’ascite (21). Dans ce cas, la flore est polymicrobienne ou une bactérie anaérobie est retrouvée .
Facteurs de risque de l’infection du liquide d’ascite
Ces facteurs de risque sont regroupés en deux :
Dans le premier groupe, on retrouve les facteurs de risque liés à la maladie hépatique :
– Un score C de CHILD-PUGH qui est le reflet d’une insuffisance hépatocellulaire évoluée. Les critères de ce score sont en annexe 1,
– Une hémorragie digestive avec ou sans traitement endoscopique,
– Un carcinome hépatocellulaire.
Dans le deuxième groupe, on retrouve un facteur de risque lié à l’ascite. Ce facteur de risque est représenté par une concentration en protide dans le liquide d’ascite inférieure à 10 g/L. Cette concentration en protide traduit une altération des capacités d’opsonisation du liquide d’ascite c’est-à-dire une altération de sa capacité antibactérienne. La probabilité de survenue d’une infection du liquide d’ascite à un an est de 20 à 35% quand les protides sont inférieurs à 10 g/L contre 3% à trois ans pour une concentration supérieure à 10 g/L. La récidive de l’infection du liquide d’ascite est également plus fréquente si les protides sont inférieurs à 10 g/L.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1- Généralités
1.1- Définition de l’infection du liquide d’ascite
1.2- Rappels sur la cirrhose et l’ascite
1.3- Epidémiologie
1.4- Physiopathologie
Il existe deux types d’infection du liquide d’ascite
1.5- Facteurs de risque de l’infection du liquide d’ascite
2- Signes cliniques
2.1- Circonstances de découverte
2.3- Signes généraux
2.4- Signes physiques
3- Signes paracliniques
3.1- Bilan sanguin
3.2- Ponction d’ascite exploratrice
3.2.1- Technique
3.2.2- Résultats
3.3- Bandelettes urinaires
4- Evolution et pronostic
5- Diagnostic
5.1- Diagnostic positif
5.2- Diagnostic différentiel
5.2.1- Infection secondaire du liquide d’ascite
5.2.2- Bactérascitie
5.2.3- la tuberculisation de l’ascite
5.3- Diagnostic étiologique
6- Traitement
6.1- Traitement curatif
6.1.1- Buts
6.1.2- Moyens
Le traitement de l’infection du liquide d’ascite repose sur une antibiothérapie, une expansion volémique et la suppression des facteurs aggravants
6.1.3- Indications
6.1.4- Surveillance
6.2- Traitement préventif
6.2.1- Prévention primaire
6.2.2- Prévention secondaire
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I- Matériels et méthodes
1- Type d’étude
2- Cadre de l’étude
3- Recrutement des patients
3.1- Critères d’inclusion
3.2- Critères d’exclusion
4- Les paramètres de l’étude
4.1- Caractéristiques de la population
4.2- Signes cliniques
4.3- Les Signes biologiques
4.4. Le traitement entrepris
4.5. Le contrôle du liquide d’ascite 48 heures après le début du traitement
4.6. L’évolution du patient sous traitement
5- La collecte des données
5.1.- Outil de collecte des données
5.2- Techniques de récolte des données
5.3- Analyse et traitement des données
II- Résultats
1- Etude descriptive
1.1- Caractéristiques de la population
1.1.1- Les paramètres démographiques
1.1.1.1- Le sexe
1.1.1.2- L’âge
1.1.2- Le motif d’hospitalisation
1.1.3- La cause de la cirrhose
1.1.4- Le nombre de décompensation antérieure
1.1.5- L’existence d’antécédent d’infection du liquide d’ascite
1.1.6- L’existence d’un traitement prophylactique
1.1.7- Le score de CHILD-PUGH
1.2- Signes cliniques
1.3- Signes biologiques
1.3.1- Bilan sanguin
1.3.2- Bilan du liquide d’ascite
1.4- Traitement entrepris
1.5- Contrôle du liquide d’ascite après 48 heures
1.6- Evolution des patients sous traitement
2- Etude analytique
2.1- Relation entre décompensation antérieure de la cirrhose et décès
2.2- Relation entre antécédent d’infection du liquide d’ascite et décès
2.3- Relation entre antibiotique utilisé et issue
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION ET SUGGESTIONS
I- Discussion
1- Les caractéristiques de la population
1.1- Les paramètres démographiques
1.2- La cause de la cirrhose
1.3- Les antécédents d’infection du liquide d’ascite
1.4- L’existence d’un traitement prophylactique
1.5- Le score de CHILD-PUGH
2- Les signes cliniques
3- Les signes paracliniques
4- Le traitement entrepris
5- Le contrôle du liquide d’ascite après 48 heures de traitement
6- L’évolution sous traitement
II- Suggestions
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE