Physiopathologie
Définition de l’asthme du nourrisson
Les manifestations immuno-allergiques hautes (rhinite ou conjonctivite allergiques) ou basses (asthme) sont très fréquentes dans l’enfance. L’asthme est une maladie variable dans le temps, marquée par des épisodes de dyspnée aiguë, représentant la maladie chronique la plus fréquente chez l’enfant (1). La prévalence de l’asthme est estimée à 300 millions de personnes à travers le monde. Avant l’âge de 3 ans, on parle d’« asthme du nourrisson » (« preschool wheezing » chez les Anglo-Saxons). A la différence de l’asthme de l’enfant de plus de 3 ans, dont une définition physiopathologique existe, l’asthme du nourrisson est surtout défini sur le plan clinique : on parle d’asthme du nourrisson devant tout épisode dyspnéique avec sibilants qui se produit au moins 3 fois avant l’âge de 2 ans, quel que soit l’âge de début, l’existence ou non de stigmates d’atopie, et le facteur déclenchant. Ceci regroupe les nourrissons qui ne présenteront pas d’asthme ultérieurement, mais également ceux qui continueront à présenter des exacerbations (environ 50%) (2). Cette définition permet de poser l’indication aux traitements adaptés.
Une physiopathologie dont les connaissances sont limitées
L’inflammation, pilier connu de l’asthme chez le grand enfant et l’adulte (3), a été peu étudiée chez l’enfant en âge dit préscolaire, et peut être absente chez les très jeunes enfants qui sifflent (3). La communauté internationale parle donc de «preschool wheezing illness », tant qu’aucune preuve concernant une physiopathologie commune avec l’asthme n’a été démontrée .
Chez l’adulte, les polynucléaires éosinophiles (PNE) sont considérés comme les cellules clés dans la physiopathologie. Il existe une augmentation des PNE circulants, liée ou non à l’allergie, d’où une réponse immunitaire inappropriée aux aéro-allergènes avec une susceptibilité individuelle. Chez l’adulte et l’enfant, les PNE sanguins sont associés à la sévérité des symptômes de l’asthme (5), au degré de limitation ventilatoire et à la réactivité bronchique (6). Chez les enfants d’âge préscolaire, des taux élevés de PNE sanguins ont été associés à la persistance de l’asthme à l’âge scolaire (7). Il existe peu d’études des PNE dans le lavage broncho-alvéolaire (LBA) des jeunes enfants, mais elles suggèrent qu’il existe une augmentation de ceux-ci (8) (9). Cependant, une étude sur les biopsies bronchiques d’enfants admis pour fibroscopie bronchique devant des symptômes respiratoires sévères ne retrouve pas de lien entre la sévérité clinique et l’importance de l’inflammation au niveau histologique (remodelage de la membrane épithéliale et inflammation éosinophilique) (3). Il est décrit également une augmentation des polynucléaires neutrophiles (PNN) chez les enfants siffleurs (9); cependant très peu d’études existent chez l’enfant de moins de 6 ans .
Diagnostic clinique
Il peut être compliqué de poser le diagnostic d’asthme chez l’enfant de moins de 5 ans, car des symptômes épisodiques comme les sifflements ou la toux sont très communs, même chez des enfants non asthmatiques, surtout chez les très jeunes enfants (0-2 ans). De plus, il est impossible d’évaluer la limitation de la capacité respiratoire dans ce groupe d’âge, permettant de poser objectivement le diagnostic, et le degré de l’atteinte, comme chez l’enfant plus âgé. Le diagnostic repose donc sur un faisceau d’arguments, et sur la probabilité pour chaque enfant d’être asthmatique, et de répondre aux traitements. Un contrôle de la maladie est l’objectif principal ; une évaluation de l’efficacité du traitement doit donc être réalisée tous les 2 à 3 mois (GINA (global initiative for asthma) 2017). Cette approche a été précisée par les recommandations françaises (10) établies par le Groupe de Recherche sur les Avancées en Pneumologie Pédiatrique (GRAPP) .
Les symptômes rapportés par les parents, surtout les sifflements, doivent être objectivés par le clinicien, car ceux-ci représentent un motif de consultation fréquent. En 1990, Thornton a questionné des mères d’enfants de 6 mois sur la présence de « bruits respiratoires » chez leur enfant au cours des premiers mois de vie; 80% répondaient positivement (11). La discrimination entre râles, sifflements, stridor, obstruction nasale, est importante pour poser le diagnostic
La toux asthmatique est classiquement non productive, récurrente ou persistante, nocturne ou diurne, et accompagnée de sifflements ou de difficultés respiratoires. L’impact sur la vie quotidienne de l’enfant doit être demandé lors de l’interrogatoire à chaque consultation, car les répercussions permettent d’évaluer l’efficacité des traitements mis en œuvre .
Différents phénotypes décrits
Plusieurs classifications en « phénotypes d’asthme » ont été décrites, afin d’essayer de déterminer le devenir de ces jeunes enfants siffleurs, et d’élaborer une stratégie thérapeutique adaptée :
– Une classification basée sur les symptômes (4): celle-ci est basée sur les enfants qui ne présentent que des « episodic wheeze» (sifflements pendant des périodes courtes, souvent en association à des infections des voies respiratoires hautes, sans symptôme entre les exacerbations), et les enfants présentant des « multiple-trigger wheeze » (sifflements entre les périodes d’infection, par exemple lors du sommeil, à l’effort, aux pleurs ou aux rires).
– Une classification par périodes : initiée par la cohorte de Tucson en 2005 (12). Elle sépare les siffleurs transitoires (« transcient early wheezers », dont les symptômes débutent et se terminent avant l’âge de 3 ans), les siffleurs persistants (« persistent wheezers », dont les symptômes débutent avant l’âge de 3 ans et persistent à l’âge de 6 ans), et les siffleurs tardifs (« late-onset wheezers », dont les symptômes débutent après 3 ans). Lowe et al. ont montré que des fonctions respiratoires altérées à l’âge de 3 ans (augmentation des résistances sRaw) pouvaient prédire une persistance de sifflements chez l’enfant plus âgé (13). Beaucoup de cohortes ont été décrites pour identifier ces « phénotypes », et comparer ainsi les différences trouvées (14). Cependant, il est toujours trouvé une notion d’asthme transitoire, et d’asthme persistant dans l’enfance voire l’adolescence.
De plus, une étude réalisée en 2014 par Raghani ne retrouve pas de corrélation entre le profil cellulaire du lavage broncho-alvéolaire réalisé lors d’une fibroscopie bronchique et le phénotype présenté par les patients. En fonction de la présence ou non d’une atopie (dermatite atopique (DA)), les siffleurs persistants sont séparés en « siffleurs atopiques » et « siffleurs non atopiques ».
Sifflements viro-induits
Les sifflements récurrents existent le plus souvent chez des enfants âgés de moins de 5 ans. Ils sont typiquement associés à des infections respiratoires hautes, à une fréquence de 6 à 8 par an en moyenne (15). Certains virus (dont le Virus Respiratoire Syncitial (VRS) et le rhinovirus (16)) sont associés à ces sifflements récurrents pendant l’enfance (17). Une étude parue en 2014 incluant 313 nourrissons hospitalisés pour bronchiolite a permis de montrer que le risque de sifflements chroniques après une bronchiolite à rhinovirus était multiplié par 3 par rapport à une bronchiolite due à d’autres virus (VRS, métapneumovirus…) (18). Le développement récent des tests diagnostiques rapides (Polymerase Chain Reaction Multiplex) a permis l’identification du ou des virus dans plus de 90% des cas chez des nourrissons hospitalisés pour une première bronchiolite .
Beaucoup d’enfants présentant des sifflements viro-induits ne développeront pas d’asthme. Affirmer l’existence d’un asthme chez un jeune enfant sifflant sur une virose respiratoire est donc difficile (15). Martinez a montré que 20% d’enfants d’une cohorte de naissance avaient présenté des sifflements lors d’une virose respiratoire avant 3 ans, et n’avaient aucun symptôme à 6 ans (20). Dans cette même étude, 14% des enfants ayant présenté une virose respiratoire avec sifflements avant 3 ans décrivaient encore des sifflements à l’âge de 6 ans.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Physiopathologie
1. Définition de l’asthme du nourrisson
2. Une physiopathologie dont les connaissances sont limitées
3. Diagnostic clinique
4. Différents phénotypes décrits
5. Sifflements viro-induits
6. Place de l’allergie dans l’asthme du nourrisson
7. Prédire l’évolution de l’asthme du nourrisson
II. Bilan participant au diagnostic positif
III. Sévérité de l’asthme
IV. Diagnostics différentiels
V. Traitement de fond
VI. Traitement des exacerbations
RATIONNEL DE L’ETUDE
PATIENTS ET METHODES
I. Méthodologie de l’étude
1. Critères d’inclusion
2. Critères de non-inclusion
II. Objectifs de l’étude
III. Recueil des données
IV. Analyse statistique
RESULTATS
I. Flow chart de la population étudiée
II. Description de la population
1. Données démographiques
2. Résultats de la fibroscopie
3. Résultats des examens radiologiques
4. Résultats des examens biologiques
5. Résultats concernant les traitements à l’inclusion
III. Résultats au cours du suivi des patients
1. Asthme non contrôlé
2. Nombre d’exacerbations au cours du temps
3. CSI
4. Autres traitements
5. Retard de croissance staturo-pondéral
6. Allergie et dermatite atopique
IV. Résultats de l’analyse bivariée
DISCUSSION
I. Une population d’asthme sévère
II. Evolution du non-contrôle
III. Facteurs associés au non-contrôle
IV. Limites
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
RESUME