L’enseignement de l’anglais (et des langues étrangères en général) a beaucoup évolué au cours des années. En effet, j’ai pu constater lors de mes recherches, qu’il est passé progressivement d’une simple initiation à un véritable apprentissage. Cela a notamment amené à transformer les méthodes, les dispositifs pédagogiques mis en place pour favoriser son apprentissage par les élèves. Les modalités et les supports utilisés ont été repensés de manière à permettre une entrée progressive et compréhensible des élèves dans la langue étrangère. Parmi ces nouveaux supports utilisés se trouve la littérature de jeunesse. Ainsi, la priorité est donnée à l’expression et à la compréhension orale à l’école primaire à des fins de communication, ainsi qu’à l’aspect culturel (MEN, 2015 ; Conseil de l’Europe, 2001). De plus, les textes officiels insistent sur les bienfaits et sur l’utilité de prendre appui sur des documents authentiques comme la littérature de jeunesse en langue étrangère qui devient donc naturellement un outil d’apprentissage conseillé et de plus en plus utilisé en classe. Trouvant ce type de support intéressant d’un point de vue didactique, je me suis demandée dans quelles circonstances et pour quels objectifs la littérature de jeunesse pouvait être utilisée en classe de langue par les enseignants. En conséquence, j’ai décidé, dans un premier temps, d’axer ma recherche sur l’efficacité et l’utilité de son usage en classe pour favoriser l’apprentissage de l’anglais à l’école primaire en me demandant notamment dans quelles circonstances la littérature de jeunesse était un bon support d’apprentissage de la langue.
Définition de la littérature de jeunesse
Certaines de mes lectures m’ont tout d’abord permis de définir la littérature de jeunesse en général. De fait, il est difficile de définir précisément celle-ci. En effet, comme le souligne Elisabeth Bussienne (Cahiers pédagogiques, 2008), elle était parfois appelée « littérature enfantine », ce qui tendait à faire penser que ce n’était pas de la littérature en tant que telle mais plutôt une version simplifiée d’œuvres pour les enfants. Pourtant, les spécialistes démontrent que les frontières entre littérature (autrement dit pour adultes) et littérature de jeunesse (principalement définie comme étant dédiée aux enfants et aux adolescents) sont poreuses et évoluent en permanence. Danielle Thaler et Alain Jean-Bart (2002, cité par Belyasova, 2011) expliquent qu’il existe différentes définitions de la littérature de jeunesse selon que l’on se place du point de vue des auteurs, des éditeurs ou de l’institution scolaire. Pourtant, si l’on se place du côté du lecteur, Ganna Ottevaere-van Praag définit celle-ci comme « toute narration à caractère littéraire capable d’emporter l’adhésion des enfants et des adolescents, qu’elle soit ou non écrite à leur intention » (2000, cité par Belyasova, 2011, p.142). La littérature de jeunesse correspondrait donc à l’ensemble des écrits étant destinés ou pouvant être appréhendés par les enfants et adolescents. Celle-ci touche différents genres littéraires tels que le récit, la poésie ou encore le théâtre et se présente sous différentes formes comme le roman de jeunesse, la bande dessinée, les contes mais la plus illustre reste l’album (Lagache, 2006).
Ces écrits permettent donc d’établir que la littérature de jeunesse n’est pas une littérature à part entière. En effet, il ne s’agit pas d’œuvres uniquement destinées aux enfants mais d’écrits pouvant leur être accessibles. Ainsi, l’histoire et le langage utilisé dans les œuvres dites « de jeunesse » ne sont pas systématiquement simplifiés ou infantilisés, le but étant, pour les enfants, de rencontrer le langage écrit et oral en contexte mais aussi de développer leur culture littéraire et langagière. Ce qui explique notamment l’intérêt de son utilisation à l’école. En effet, la plupart de ces sources théoriques retracent également l’histoire de la littérature de jeunesse et notamment sa progressive entrée dans l’enseignement.
La place de la littérature de jeunesse à l’école
La littérature de jeunesse n’est inscrite dans les programmes de l’École que depuis une quinzaine d’années. Sa place a été longtemps questionnée au vu de l’enseignement de la lecture puis elle a progressivement été incorporée dans les classes, tout d’abord dans le but d’offrir des lectures dites « gratuites » ou « plaisir » aux élèves puis, comme support d’apprentissage de la lecture. C’est à partir des programmes de 2002 qu’elle devient une discipline, un « objet d’appropriation et d’étude en tant que tel » (Lagache, 2006, p.5). Son importance et son intérêt dans les apprentissages à l’École sont donc reconnus et ils sont notamment illustrés par le fait que le ministère de l’Éducation nationale publie une liste de livres recommandés, mais également par le fait qu’elle est citée comme support de travail et de réflexion dans différentes disciplines. En effet, la littérature de jeunesse est non seulement utilisée dans l’enseignement du français (lecture, compréhension, expression…) mais également dans d’autres domaines tels que l’enseignement moral et civique où elle sert de support pour les débats et pour éduquer à la citoyenneté ou à la tolérance par exemple (MEN, 2015). Gail Ellis et Jean Brewster illustrent également cette notion de transdisciplinarité de la littérature de jeunesse en donnant des exemples de thématiques disciplinaires pouvant être abordées avec des albums. Elles expliquent aussi l’intérêt de ce support en classe dans la mise en œuvre de compétences transversales telles que l’écoute ou l’établissement de stratégies d’apprentissage par les élèves (2007). Cependant, en plus de fournir une base à une multitude d’activités, la littérature de jeunesse est également un outil d’apprentissage motivant et attrayant pour les élèves de par son aspect (ex : les illustrations dans les albums) mais aussi par le fait qu’elle suscite leur intérêt en traitant de thèmes qui les touchent et en les amenant à imaginer (ex : les contes, les histoires fantastiques…) (Ellis & Brewster, 2007). Les élèves seraient donc plus impliqués, ce qui favoriserait l’acquisition et la mémorisation de connaissances nouvelles puisque les éléments présentés dans l’histoire leur serviraient de références sur lesquelles ils pourraient s’appuyer.
La littérature de jeunesse, dans toutes ses formes, occupe donc une place importante à l’école primaire et a un intérêt reconnu dans les apprentissages, notamment en classe d’anglais.
L’utilisation de la littérature de jeunesse en classe de langue
Au travers de mes lectures, j’ai pu, par la suite, constater l’intérêt et les bienfaits de l’utilisation de la littérature de jeunesse en classe d’anglais d’un point de vue psychologique tout d’abord mais également d’un point de vue didactique et langagier.
Un outil rassurant et motivant dans l’apprentissage d’une langue étrangère
Ainsi, l’utilisation d’histoires en langues étrangères joue sur la dimension psychologique des élèves apprenants. En effet, elle offre une entrée positive et rassurante dans la langue étudiée. La littérature de jeunesse est un élément familier pour les élèves puisque c’est un support dont ils ont l’habitude, pour la plupart (Ellis & Brewster, 2007 ; Martinez, 2014). C’est également un support qu’ils côtoient depuis l’école maternelle et qui fait donc partie de leur environnement scolaire (Choquet & Thieffry, 2013). Par conséquent, c’est un outil rassurant pour eux car, malgré la barrière de la langue, les élèves peuvent, dès le plus jeune âge, être en capacité de comprendre un texte authentique en anglais. De fait, ils peuvent s’aider de leurs connaissances préalables sur la littérature et les histoires qu’ils connaissent déjà, celles-ci présentant souvent entre elles des caractéristiques communes dans la structure ou bien dans le contenu. Ils peuvent également s’appuyer sur le support et les illustrations notamment lorsqu’il s’agit d’albums ou de bandes-dessinées (Ellis & Brewster, 2007 ; Choquet & Thieffry, 2013 ; Choquet & Thieffry, 2012). Comme l’explique l’éditeur Alan Maley, les élèves connaissent la « grammaire » commune à toutes les histoires et sont donc capables de comprendre le sens global du texte sans saisir la signification de tous les mots (Wright, 1995). Ceci influe donc sur l’affect des élèves puisqu’ils sont amenés à se rendre compte qu’ils peuvent comprendre un énoncé en anglais sans avoir toutes les connaissances linguistiques, ce qui les met en confiance et leur donne envie d’apprendre (Martinez, 2014 ; Wright, 1995). En outre, comme énoncé dans un paragraphe précédent, la littérature de jeunesse est un outil stimulant de par les illustrations et le contenu des histoires. Cela renforce donc une attitude positive des élèves envers la langue et la culture anglophone, ce qui est un déterminant essentiel pour son apprentissage (Choquet & Thieffry, 2013 ; Martinez, 2014). Cet aspect est souligné dans les programmes de l’école maternelle qui évoquent un « éveil à la diversité linguistique » au travers d’activités ludiques comme le contage, la lecture en langue étrangère (notamment en anglais) d’histoires déjà connues en français qui permettront de donner du sens à la langue pour les élèves puisqu’ils pourront s’appuyer sur leur connaissance de l’histoire ou sur les images, si le support en propose (MEN, 2015). Enfin, la littérature de jeunesse est également un outil de différenciation et de gestion de l’hétérogénéité des élèves notamment en classe de langue. En effet, les histoires visent des publics de niveaux différents puisque chacun peut les comprendre à une échelle différente (Martinez, 2014). Gail Ellis et Jean Brewster citent, par ailleurs, les « différents types d’intelligences » de Gardner afin de démontrer que la littérature de jeunesse s’adapte au niveau et à l’intelligence de chacun par le contenu des histoires, par les illustrations mais également par la diversité des activités qui peuvent être mises en place lors d’un travail sur un album (2007). Les histoires en langues étrangères permettent donc de développer la curiosité, l’attention, l’écoute et la confiance en soi qui font partie des comportements nécessaires à développer dans l’apprentissage d’une langue et qui doivent se construire dès le cycle 2 (MEN, 2015).
Par conséquent, la littérature de jeunesse en anglais est un outil favorable à l’entrée positive des élèves dans l’apprentissage de la langue parce qu’elle rassure les élèves quant à leurs compétences mais aussi, car elle développe leur curiosité envers la langue et la culture anglophone et favorise leur motivation. Ils seraient plus attentifs et plus impliqués et donc plus à même d’apprendre. Cela confirme ainsi l’une des idées de départ consistant à dire que la littérature de jeunesse anglaise et en particulier les albums constituent un outil adapté favorisant l’apprentissage de l’anglais. Cependant, en plus d’avoir un intérêt psychologique au niveau de l’approche de la langue étrangère, la littérature de jeunesse est également un support langagier riche permettant de travailler différents aspects de la langue ainsi que des compétences attendues par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL).
|
Table des matières
I. Remerciements
II. Introduction
III. Cadre théorique
A. Définition de la littérature de jeunesse
B. La place de la littérature de jeunesse à l’école
C. L’utilisation de la littérature de jeunesse en classe de langue
a. Un outil rassurant et motivant dans l’apprentissage d’une langue étrangère
b. Les apports didactiques et pédagogiques pour l’apprentissage d’une langue
c. L’utilisation de la littérature de jeunesse en anglais pour développer la compréhension orale
IV. Cadre méthodologique
A. Choix de la méthode de recueil de données
a. Le choix de l’expérimentation
b. Le lien entre le mode de recueil de données et les hypothèses
B. Présentation de la procédure de recueil de données
a. Présentation du terrain d’étude
c. Présentation des albums utilisés
d. Présentation générale des séquences
V. Les données
A. Résultats des observations
a. Le premier questionnaire
b. Les exercices de compréhension
c. Le deuxième questionnaire
d. Comparaison des deux questionnaires
B. Analyse et interprétations de ces résultats
a. La place de l’image dans la compréhension
b. Le rôle de l’enseignant
VI. Conclusion
A. Les réponses à nos questionnements de départ
a. Les élèves peuvent-ils comprendre un album en anglais directement ?
b. Quelles stratégies des élèves de cycle 2 mettent-ils en place pour comprendre un album en anglais ?
c. En quoi cela permet-il de développer les compétences attendues en compréhension orale ?
B. Quelles hypothèses à poursuivre ?
VII. Bibliographie / Sitographie
VIII. Annexes