Définition de la douleur chronique
L’International Association for the Study of Pain (IASP) définit la douleur comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion » (IASP, 1994). Pour sa part, la DC est définie comme une douleur présente de façon continue ou intermittente (Boulanger et al., 2007), qui persiste au-delà du temps normal de guérison (IASP, 1994).
La DC non cancéreuse est souvent définie comme une douleur qui persiste depuis au moins trois mois (A. M. Elliott, Smith, Hannaford et al., 2002; IASP, 1994; Pain, 1994) ou six mois (Boulanger et al., 2007) selon les différents auteurs. On a aussi défini la DC non cancéreuse comme une douleur non associée à la malignité ou à tout autre diagnostic terminal, persistant pendant plus que six mois (Porcelli, 2004). Plusieurs définitions de la DC sont proposées dans la littérature médicale, ce qui rend parfois difficile la comparaison des données épidémiologiques portant sur cette condition.
Épidémiologie de la douleur chronique
Au Canada, la DC touche environ un adulte sur cinq et cette prévalence augmente avec l’âge (Moulin et al., 2002). Selon une étude canadienne réalisée en 2001, la prévalence de la DC était de 29 %, alors que l’incidence était de 2 à 45 %, avec une durée moyenne de la douleur qui était de 10,7 ans (Moulin et al., 2002). Selon une deuxième étude faite en 2004 (Boulanger et al., 2007), la prévalence n’a pas véritablement changé depuis 2001.
Par la suite, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) réalisée entre 2007 et 2008 a démontré que la prévalence de la DC s’accroit avec l’âge et qu’elle était significativement plus élevée parmi les personnes sans emploi, avec un niveau de scolarité plus faible et parmi la population autochtone (Ramage-Morin et Gilmour, 2010).
Facteurs de risque de la douleur chronique
Il a été démontré que la fréquence et/ou la sévérité de la DC étaient influencées par les caractéristiques suivantes :
Le sexe : Les femmes sont plus touchées par la DC que les hommes (Moulin et al., 2002). Les études épidémiologiques démontrent que les femmes sont surreprésentées dans l’apparition et la persistance de la douleur (Gaumond et Marchand, 2009).
Facteurs psychologiques : Il existe une relation entre la dépression, les troubles de l’humeur et la DC (Garcia-Cebrian, Gandhi, Demyttenaere et al., 2006). La comorbidité entre la DC et la dépression a tendance à augmenter avec l’âge ou chez les personnes ayant un niveau d’éducation plus faible (Ho, Li, Ng et al.,2011).
Facteurs biologiques : Les études récentes suggèrent que certains facteurs génétiques tels que le polymorphisme des gènes dans les systèmes sérotoninergiques, dopaminergiques et catécholaminergiques peuvent expliquer la grande variabilité retrouvée dans la perception de la douleur et le développement de la DC (Buskila, 2007). Ces facteurs génétiques peuvent jouer un rôle dans le développement de la fibromyalgie et de certains syndromes du système nerveux central (syndrome de Guillain-Barré, sclérose en plaques, maladie de Parkinson,etc.) (Neumann et Buskila, 2003).
Facteurs psychosociaux : Le milieu social a une importance potentielle dans la communication, l’empathie, l’attachement et le rejet émotif d’une personne. Les émotions font partie intégrante de la conceptualisation, de l’évaluation et du traitement de la DC (Lumley, Cohen, Borszcz et al., 2011 ). Le niveau d’éducation, les traits de personnalité (ex: l’autonomie, la confiance, l’ambition, etc.), les conflits matrimoniaux ou familiaux, les expériences traumatisantes durant l’enfance et les expériences professionnelles défavorables peuvent jouer un rôle crucial dans le développement de la DC (Sertel Berk, 2010).
Impacts de la douleur chronique
La DC représente un impact biopsychosocial important qu’on retrouve au niveau de plusieurs incapacités physiques et psychologiques, du retrait social, de la perte de productivité et d’une augmentation de l’utilisation des ressources de santé (6.9 visites médicales/an) (Moulin et al., 2002). Au Canada, les résultats de l’étude STOP-PAIN réalisée en 2010 ont indiqué que le fardeau économique de la DC était étonnamment élevé (Guerriere, Choiniere, Dion et al., 2010). On a également rapporté des troubles du sommeil et une interférence avec les activités quotidiennes chez environ 66 % des répondants, une dépression modérée à sévère chez 50 % des répondants, des idées suicidaires chez 35 % des répondants et des détériorations profondes de la qualité de vie chez 40-70% des répondants (Choiniere, Dion, Peng et al., 2010). En ce qui a trait à la santé mentale, il existe une comorbidité entre la DC et les troubles psychiatriques, notamment en ce qui concerne les troubles dépressifs (Lemogne, Smagghe, Djian et al., 2004). Une étude faite par Miller et ses collègues a démontré que la prévalence de la dépression dans un groupe de personnes avec DC est de 11 à 20 % (Miller et Cano, 2009). La DC a été également associée à l’anxiété, à l’isolement, aux troubles paniques, aux idées suicidaires et au suicide (Casucci, Villani et Finocchi, 2010; Ratcliffe, Enns, Belik et al., 2008).
Mesures psychophysiques de la douleur
Les mesures psychophysiques de la douleur sont multiples:
Le seuil de douleur se définit comme la plus faible intensité de stimulation qui produit une douleur (IASP, 1994). Ce seuil est affecté par les fibres nociceptives et les centres supérieurs du système nerveux central. L’intensité des stimulations thermiques ou mécaniques pour le recrutement des fibres nociceptives est proche de celle qui est nécessaire pour produire le début d’une réponse de douleur chez les sujets (Priee et Browe, 1975). «Le seuil de douleur serait donc relié à la discrimination de l’aspect nociceptif de la stimulation.» (Marchand, 2005). Les patients avec une douleur lombo-sacrée chronique ou une douleur postopératoire ont des seuils de douleur légèrement plus élevés comparés aux sujets témoins en bonne santé (van Wijk et Veldhuijzen, 2010). Les seuils de douleur sont normalement inférieurs chez les sujets jeunes comparativement aux sujets âgés (van Wijk et Veldhuijzen, 2010).
Le seuil de tolérance à la douleur fait référence à l’intensité de stimulation maximale pour que le sujet veuille qu’elle se termine immédiatement (Marchand,2005). La mesure du seuil de tolérance se rapproche généralement plus des douleurs cliniques à cause de ses qualités toniques et phasiques. Ce seuil semble donc plus associé à la composante motivo-affective de la douleur qu’à la composante sensori-discriminative. Une incidence plus élevée des syndromes cliniques de DC a été rapportée chez les femmes et les études expérimentales de douleur démontrent généralement des seuils de douleur et des seuils de tolérance à la douleur inférieurs chez les femmes comparées aux hommes (van Wijk et Veldhuijzen, 2010).
L’efficacité des contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs (CIDN). Les CIDN sont un système endogène de contrôle de la douleur qui implique une voie spino-médulo-spinale qui envoie une information ascendante du quadrant ventro-latéral de la moelle épinière vers les centres supra-spinaux, et renvoie des projections descendantes des centres supra-spinaux par les funicules dorsolatéraux de la moelle épinière vers les neurones dans la corne dorsale (van Wijk et Veldhuijzen, 2010).
La caractéristique essentielle des CIDN réside dans le fait qu’ils peuvent être déclenchés par un stimulus nociceptif, depuis n’importe quel territoire corporel distinct du champ excitateur du neurone (stimulation hétérotopique) y compris à partir d’un territoire viscéral (Calvino et Grilo, 2006).
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Table des matières
PREMIER CHAPITRE -INTRODUCTION
1.1 Problématique
1.2 OBJECTIFS
1.3 RECENSION DES ÉCRITS
1.3.1 Définition de la douleur chronique
1.3.2 Épidémiologie de la douleur chronique
1.3.3 Facteurs de risque de la douleur chronique
1.3.4 Impacts de la douleur chronique
1.3.5 Prise en charge de la douleur chronique
1.3.6 Mesures psychophysiques de la douleur
DEUXIÈME CHAPITRE- MÉTHODOLOGIE
2.1 Devis de recherche
2.2 Population source
2.3 Sélection des sujets
2.3.1 Critères d’inclusion
2.3.2 Critères d’exclusion
2.4 Déroulement et collecte des données
2.4.1 Déroulement de l’étude
2.4. 2 Méthodes de collecte des données
2.5 Définition des variables
2.5.1 Caractéristiques psychophysiques de la douleur
2.5.2 Caractéristiques cliniques de la douleur
2.5.3 Autres variables
2.6. Procédures expérimentales (en ordre de réalisation)
2.6.1 Test de l’algomètre
2.6.2 Test de la thermode
2.6.3 Test de sommation temporelle
2.6.4 Test de l’immersion dans l’eau froide
2.7 Analyses statistiques
2.8 Considérations éthiques
TROISIÈME CHAPITRE- RÉSULTATS
3.1 Description du recrutement pour la séance expérimentale
3.2 Caractéristiques de la population à l’étude
3.2.1 Caractéristiques sociodémographiques
3.2.2 Caractéristiques de la DC
3.2.3 Conditions psychiatriques
3.2.4 Variables recueillies lors de la séance expérimentale
3.3 Comparaison des propriétés psychophysiques entre les sous-groupes
3.3.1 Douleur neuropathique VS pas de douleur neuropathique
3.3.2 DC post-traumatique VS pas de DC post-traumatique
3.3.3 Arthrose VS pas d’arthrose
3.3.4 Céphalée VS pas de céphalée
3.3.5 Cervicalgie VS pas de cervicalgie
3.3.6 Lombalgie VS pas de lombalgie
3.3.7 Migraine VS pas de migraine
3.3.8 Trouble d’anxiété généralisée VS pas de trouble d’anxiété généralisée
3.3.9 Trouble de l’humeur VS pas de trouble de l’humeur
3.3.10 Trouble unipolaire VS pas de trouble unipolaire
3.3.11 Sclérose en plaques (SEP) VS pas de sclérose en plaques
QUATRIÈME CHAPITRE- DISCUSSION
Remerciements
RÉFÉRENCES
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