Décrochage scolaire et risque de décrochage scolaire
Prévalence de l’intimidation
L’ intimidation est présente et mesurée dans plusieurs pays du monde. Cependant, il demeure important de rester prudent dans notre comparaison des résultats d’un pays à l’ autre compte tenu du manque d’uniformité dans la définition du phénomène souvent pris à des niveaux scolaires et des âges différents les uns des autres (Beaumont, 2012; Carra & Faggianelli, 2003). Toutefois, utilisées prudemment, les statistiques demeurent des éléments de comparaison intéressants afin de comprendre davantage l’ampleur du phénomène de l’intimidation dans le monde.
D’un point de vue plus global, une étude (Craig & Harel, 2004) rapporte les données du Health Behavior in school-age children (HBSC), une organisation de santé mondiale qui collabore à des sondages sur la santé des enfants d’âge scolaire auprès de plusieurs pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Leur recherche a rapporté des résultats sur la fréquence d’intimidation et de victimisation (occasionnelle et fréquente) pour trois groupes d’âge (11 , 13 et 15 ans) en fonction du genre. Leurs données proviennent majoritairement d’Europe. Cependant, dans les 35 pays et régions à l’étude, se retrouve entre autres, le Canada et les États-Unis. Craig et Harel (2004), rapportent des pourcentages qui varient considérablement d’un endroit à l’ autre mais mentionnent que de façon générale, il y a beaucoup plus d’intimidateurs occasionnels que d’ intimidateurs fréquents et plus de victimes occasionnelles que de victimes fréquentes. Aussi, plus de garçons que de filles sont intimidateurs occasionnels et fréquents. Par contre, pour la victimisation, les résultats des filles et des garçons sont davantage similaires et varient très peu les uns des autres. En moyenne, pour tous les pays à l’ étude, 35 % sont intimidateurs occasionnels, Il % sont intimidateurs fréquents, 34% sont victimes occasionnelles et Il % victimes fréquentes.
Décrochage scolaire et risque de décrochage scolaire
L’accès à la scolarisation pour tous est une valeur importante de notre société. La scolarité jusqu’à l’obtention du diplôme d’études secondaires est vue comme un droit obligatoire. En effet, la Loi sur l’instruction publique au Québec à l’article 14, intitulée « obligation de fréquentation scolaire », indique que tous les enfants résidents du Québec doivent fréquenter l’école de l’âge de 6 ans à l’âge de 16 ans ou jusqu’au terme de l’obtention d’un diplôme (Loi sur l’instruction publique, art.14, 1990).
Or, il est relativement récent que le décrochage scolaire soit reconnu comme une problématique. En effet, auparavant, dans les années 1950 par exemple, plusieurs élèves devenaient des «décrocheurs » et n’ en vivaient pas de conséquences particulièrement difficiles. Les gens pouvaient tout de même accéder à des emplois, s’intégrer à la société et avoir un niveau de vie décent. Par contre, de nos jours, avec une économie qui repose de plus en plus sur les connaissances e! l’expertise, le décrochage scolaire est associé à de plus lourdes conséquences. En ce sens, le décrochage scolaire est maintenant considéré comme une problématique importante pour notre société puisque cela représente un grand coût, à la fois monétaire et humain (Fagan & Pabon, 1990; Janosz & LeBlanc, 1996; Janosz, LeBlanc, Boulerice, & Tremblay, 2000; McCaul, Donaldson, Coladarci, & Davis, 1992).
Formes et trajectoires du décrochage et du risque de décrochage scolaire
Lorsqu’il s’agit de savoir qui sont concernés par le décrochage scolaire et de connaitre le parcours particulier de ces élèves, force est de constater qu’ il n’existe pas un seul profil type de décrocheur, mais bien plusieurs. De façon générale, il est reconnu que les garçons sont statistiquement plus nombreux à décrocher que les filles, mais au-delà de ce constat, existe-t-il des profils différents?
Chaque décrocheur semble se distinguer par la nature et l’intensité des difficultés (individuelles, scolaires, sociales et familiales) auxquelles il fait face, ainsi qu’ au niveau d’adaptation psychosociale qui lui est propre. En effet, la grande diversité des facteurs associés au décrochage scolaire suggère que ce phénomène est d’origine multidimensionnelle et provient d’une accumulation de facteurs qui contribue à un désengagement progressif de l’école et de ses structures (Fortin, 2012; Fortin, Marcotte, Diallo, Potvin, & Royer, 2012; Janosz, et al., 1997; Janosz, et al., 2000; Lessard et al., 2006). C’est pourquoi certains auteurs (Bowers & Sprott, 2012; Janosz, et al., 2000) cherchent à faire ressortir des trajectoires qui se distinguent entres elles et décrivent le parcours des décrocheurs. Des typologies ont été documentées à partir d’échantillons de jeunes qui ont décroché de l’école, qui sont alors considérés comme des « décrocheurs avérés ». Certains autres auteurs (Fortin, 2012; Fortin, et al., 2012; Fortin, et al., 2006; Lessard, et al., 2013), pour leur part, se sont penchés sur une typologie d’élèves qui n’ont pas décroché de l’école, mais qui présente un risque élevé de décrocher.
Pourcentage des élèves qui sont victimes ou intimidateurs
La présente étude cherche à documenter à quel fréquence un élève se trouve être victime ou intimidateur. Cette fréquence, testée sur un échantillon de 479 élèves, est regroupée en trois énoncés: «Jamais» qui signifie que l’ élève reconnait n’ avoir jamais été victime ou intimidateur depuis le début de l’ année scolaire; «Occasionnelle» qui signifie que l’élève reconnait avoir été victime ou intimidateur une ou deux fois depuis le début de l’ année scolaire et «Fréquente» qui signifie que l’ élève reconnaît avoir été victime ou intimidateur quelques fois à plusieurs fois par semaine depuis le début de l’année scolaire.
Pour ce qui est du fait d’ être un ou une victime, au total 278 élèves (58 %) ont rapporté n’ avoir jamais été victime d’intimidation, 128 (26,7 %) sont identifiés comme victimes occasionnelles et 73 (15,2 %) comme victimes fréquentes. Parmi les 271 filles de l’échantillon, 61,2 % d’ entre elles rapportent n’ avoir jamais été victime d’ intimidation depuis le début de l’année scolaire. Il y a 25,5% des filles qui disent avoir été victime de manière occasionnelle et 13,3 % sur une base fréquente. Parmi les 208 garçons de l’ échantillon, 53,8 % d’ entre eux rapportent n’ avoir jamais été victime d’ intimidation depuis le début de l’ année scolaire. Il y a 28,3 % qui disent avoir été victime de manière occasionnelle et 17,9 % sur une base fréquente. Le test du chi-deux(X2(2, N=479)=3,05 , p=0,22) montre qu’ il n’ y a aucune différence significative entre la prévalence des victimes et le sexe des élèves.
Comparaison des moyennes aux troubles de la conduite et au risque de décrochage
scolaire et ses dimensions
Une des hypothèses propose qu’il y aurait des différences entre les différents groupes de l’échantillon selon la fréquence de victimisation ou de l’intimidation (Jamais, Occasionnelle et Fréquente), et aussi selon le rôle joué (Aucun rôle, Victime, Intimidateur, Double-rôle). Ces différents groupes sont utilisés pour comparer les moyennes des résultats obtenus au niveau des troubles intériorisés de la conduite (anxiété et dépression) et des troubles extériorisés de la conduite (agressivité et délinquance) et les résultats obtenus au risque de décrochage scolaire et les dimensions qui le composent par des tests statistiques anova de type oneway. Les tableaux 2, 3 et 4 présentent les résultats des analyses de variance. Le test a posteriori Gabriel a été fait afin de vérifier (s’il y a lieu) quel(s) groupe(s) diffère(nt) des autres. Ce test a été préféré aux autres tests post-hoc car il se montre plus efficace dans des situations où la taille (n) des groupes diverge beaucoup entre eux (IBM, 2012).
Fréquence de victimisation
Premièrement, des analyses ont été faites afin de vérifier si la fréquence de victimisation influence les troubles de la conduite et le risque de décrocher. Des différences significatives ont été retrouvées en fonction de la fréquence de victimisation pour le risque de décrochage et deux des cinq sous échelles servant à évaluer ce risque. Ces différences touchent le risque global de décrochage scolaire F(2 ,457)= 4,833 , p<O,OI, la sous-échelle liée à la perception de la réussite scolaire F(2,462)= 4,800, p<O,OI et celle liée à l’ implication parentale F(2,456)= 4,741 , p <O,Ol.
Un score élevé au niveau du risque global de décrochage scolaire et des cinq sous-échelles du risque signifie un risque plus élevé de décrochage scolaire. En ce sens, le test a posteriori de Gabriel montre que les élèves victimes d’intimidation de façon fréquente (M= 99,74, ET= 19,24) ont significativement plus de risques de décrocher de l’ école que les élèves qui n’ont jamais été intimidés (M= 93,36, ET= 16,05).
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Intimidation
Définition
Prévalence de l’intimidation
Formes, trajectoires et acteurs impliqués
Variables associées aux victimes et aux intimidateurs
Variables associées à la notion de doubles rôles
Décrochage scolaire et risque de décrochage scolaire
Définition
Prévalence du décrochage
Formes et Trajectoires du décrochage et du risque de décrochage scolaire
Variables associées aux décrocheurs
Variables associées aux élèves à risque de décrochage scolaire
Intimidation et décrochage: Manques et objectifs
Études sur l’intimidation et le risque de décrochage scolaire
Résumé des liens entre les problématiques
Hypothèses
Méthode
Participants
Instruments de mesure
Questionnaire sur l ‘intimidation en milieu scolaire d ‘Olweus (1989)
DEMS, Questionnaire de dépistage des élèves à risque de décrochage scolaire
(Potvin, et al. , 2007)
L ‘lnventaire d ‘anxiété et l ‘inventaire de dépression de Beck, (1988,1996)
L ‘lnventaire des comportements d ‘Achenbach, Youth self-report (1991)
Résultats
Prévalence de l’intimidation et du risque de décrochage dans l’échantillon
Comparaison des moyennes aux troubles de la conduite et au risque de décrochage
scolaire et ses dimensions
Fréquence de victimisation
Fréquence d’intimidation
Rôle joué dans l’intimidation
Corrélation
Régression
Proportion du risque de décrochage expliqué par les troubles de la conduite
Effets modérateurs
Discussion
Analyse des résultats de recherche en fonction des connaissances actuelles
Conséquences et retombées possibles
Limites et forces de la recherche
Conclusion
Références
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