Découverte et exploration de Titan
Découverte de Titan
Titan fut découvert par hasard le 25 mars 1655 par l’astronome hollandais Christian Huygens. Ce dernier cherchait à étudier les anneaux de Saturne lorsqu’il observa un astre lumineux à 3 minutes d’arc de la planète. Pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une étoile, il répéta l’observation quelques jours plus tard et vérifia que l’astre avait bien bougé. Il appela cette nouvelle lune de Saturne simplement Saturni Luna. De par sa taille, on comprit vite qu’il s’agissait d’un objet important. On le pensait même plus gros que Ganymède mais c’était sans savoir qu’il était entouré d’une épaisse atmosphère. John Herschel (fils de William Herschel qui découvrit notamment Encelade et Mimas) proposa de rebaptiser cette lune Titan en référence aux Titans de la mythologie grecque, les frères et soeurs de Cronos (Saturne en grec). En 1908, l’astronome catalan Josep Comas i Solà observa un assombrissement centrebord sur Titan. Il interpréta cette observation comme la présence possible d’une atmosphère. Celle-ci fut vraiment confirmée en 1944 par Gerard Kuiper qui réalisa une analyse spectroscopique de Titan et révéla la présence de méthane (Kuiper, 1944). Titan fut alors considéré comme le seul satellite du système solaire à posséder une atmosphère, ce qui faisait de lui un objet unique.
Exploration de Titan par Voyager et Cassini/Huygens
Les observations de Titan depuis le sol ont permis d’obtenir des informations importantes sur la composition atmosphérique, les brumes organiques et les nuages de méthane ainsi que sur l’albédo de la surface. Cependant, la connaissance et la compréhension de Titan ont subit leurs plus grands bonds en avant grâce aux missions d’exploration spatiale. D’abord avec les sondes Voyager (en particulier Voyager 1) puis avec la mission Cassini-Huygens qui est encore en activité.
Les sondes Voyager
Le programme Voyager est certainement le programme d’exploration spatial qui a le plus fait progresser notre connaissance du système solaire. L’objectif était l’exploration des planètes extérieures du système solaire grâce à deux sondes spatiales identiques Voyager 1 et Voyager 2 lancées en 1977. Ces sondes ont profité d’une conjonction des planètes géantes exceptionnelle qui leur a permis, grâce à l’assistance gravitationnelle, de survoler Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ainsi que 48 de leurs lunes. Les observations obtenues ont permis de mieux connaître la composition et la dynamique des atmosphères de planètes géantes. Elles ont permis aussi de découvrir 33 nouvelles lunes, des détails dans la structure des anneaux de Saturne et le volcanisme par les forces de marées sur Io. La sonde Voyager 2 a survolé toutes les planètes géantes alors que la sonde Voyager 1 n’a exploré que Jupiter et Saturne afin de réaliser un survol proche de Titan. Les deux sondes ont atteint la vitesse de libération du Soleil et continueront leur course indéfiniment. Voyager 1 a franchi l’héliopause autour du 25 août 2012 (Gurnett et al., 2013) et se trouve maintenant dans le milieu interstellaire.
Les deux sondes ont réalisé un survol de Titan permettant de le photographier . Voyager 1 effectua un survol très proche (à 3900 km d’altitude) en novembre 1980 et permit de réaliser une occultation radio. Celle-ci a permis d’obtenir un profil de température et de méthane (Lindal et al., 1983; Lellouch et al., 1989) et d’évaluer la pression atmosphérique (environ 1.5 bar) et la température de surface (environ 94 K). Les sondes Voyager ont profondément amélioré la connaissance des brumes organiques de Titan, à la fois pour leurs propriétés physiques et optiques (Rages et al., 1983; West and Smith, 1991; Cabane et al., 1993) que pour leurs distribution spatiale (Rages and Pollack, 1983; Rannou et al., 1997) avec notamment une couche détachée vers 350 km (voir Fig. 1.3 droite). Les images de Voyager ont également révélé une asymétrie nord-sud (Sromovsky et al., 1981) (voir Fig. 1.3 gauche) qui est reliée à des variations saisonnières de la composition atmosphérique ou des propriétés des brumes organiques (Coustenis and Bezard, 1995). Les analyses spectroscopiques de l’atmosphère de Titan par Voyager 1 et 2 ont confirmé la présence de méthane (CH4), de dihydrogène (H2), d’acétylène (C2HC), d’éthylène (C2H4) et d’éthane (C2H6). Elles ont aussi révélée la présence de nitriles (HCN, HC3N et C2N2), de monoxyde et dioxyde de carbone (CO et CO2) ainsi que de molécules d’hydrocarbures plus complexes (Kunde et al., 1981; Maguire et al., 1981; Samuelson et al., 1981; Courtin, 1982; Samuelson et al., 1983; Coustenis et al., 1989; Letourneur and Coustenis, 1993; Coustenis and Bezard, 1995; Coustenis et al., 1999).
La mission Cassini-Huygens
La mission Cassini-Huygens (en référence à Jean-Dominique Cassini, astronome français qui étudia la structure des anneaux de Saturne et à Christian Huygens qui découvrit Titan) est une mission d’exploration du système saturnien développée par la NASA (National Aeronautic and Space Agency) en collaboration avec l’ESA (European Space Agency) et l’ASI (Agenzia Spaziale Italiana). L’objectif était d’envoyer une sonde interplanétaire (l’orbiteur Cassini) en orbite autour de Saturne avec une trajectoire complexe afin de survoler les différents corps du système saturnien (Saturne, ses anneaux et ses lunes) ainsi que de déposer un module (le module Huygens) à la surface de Titan. Les objectifs initiaux de la mission en ce qui concerne Titan était (Coustenis and Taylor, 2008) :
– Déterminer les abondances des constituants de l’atmosphère (dont les gaz nobles).
– Etablir les rapports isotopiques des éléments les plus abondants, ce qui permet de mieux contraindre les différents scénarios de formation et d’évolution de l’atmosphère de Titan.
– Obtenir la distribution verticale et horizontale des gaz minoritaires.
– Rechercher des molécules organiques complexes.
– Etudier les sources d’énergie pour la chimie atmosphérique.
– Modéliser la photochimie stratosphérique.
– Etudier la formation, composition et distribution des aérosols.
– Déterminer les vents et obtenir des cartes globales de température, étudier la physique des nuages, la circulation générale et les effets saisonniers de l’atmosphère.
– Rechercher la présence d’éclairs.
– Déterminer la nature, la composition et la topographie de la surface.
– Déterminer la structure interne.
– Etudier la haute atmosphère, l’ionisation et son rôle comme source de matériaux neutres et ionisés pour la magnétosphère de Saturne.
Cassini-Huygens a été lancé en octobre 1997 avec une fusée Titan. Pour atteindre Saturne, la sonde a dû utiliser l’assistance gravitationnelle de Vénus (deux fois), la Terre et Jupiter. Après 7 ans de voyage, la sonde pénètre dans le système saturnien et s’insère en orbite autour de Saturne le 1 juillet 2004. Le 25 décembre 2004, le module Huygens se détache et plonge vers Titan qu’il atteint le 14 janvier 2005.
Cassini La sonde Cassini a été construite au Jet Propulsion Laboratory. Elle mesure 6.8 mètres de haut pour 4 mètres de large et pèse 2150 kg auxquels il faut ajouter les 3123 kg de carburant. Elle comporte en tout 12 instruments scientifiques. Les instruments permettant l’étude de l’atmosphère et de la surface de Titan sont (Coustenis and Taylor, 2008) :
– CAPS (Cassini Plasma Spectrometer) est un spectromètre de masse d’ions. Il mesure les flux d’ions en fonction de leur masse et de leur énergie et permet d’étudier la ionosphère et la magnétosphère de Titan.
– INMS (Ion and Neutral Mass Spectrometer) collecte les ions et particules neutres de la haute atmosphère de Titan (au-delà de 950 km d’altitude) et détermine leur nature et composition.
– UVIS (Ultraviolet Imaging Spectrograph) est un spectromètre ultraviolet fonctionnant entre 0.2 et 0.5 nm. Il permet d’étudier la composition chimique et la température de la haute atmosphère.
– ISS (Imaging Science Subsystem) consiste en une caméra grand angle et une à ouverture plus étroite mais avec une meilleure résolution. Elles fonctionnent entre 0.2 et 1.1 µm. En observant dans une des fenêtre optiques du méthane (vers 0.94 µm), cet instrument permet d’observer les nuages et la surface de Titan.
– VIMS (Visual et Infrared Mapping Spectrometer) est un spectromètre fonctionnant dans le visible et le proche l’infrarouge (entre 0.3 et 5 µm). Cet instrument permet d’observer l’atmosphère de Titan, les aérosols et les nuages, ainsi que d’étudier la composition de la surface et la signature thermique de cryo-volcans.
– CIRS (Composite Infrared Spectrometer) est un spectromètre fonctionnant dans l’infrarouge thermique (entre 7 et 1000 µm). Il permet d’étudier la structure thermique et la composition chimique de l’atmosphère ainsi que déterminer la température de surface.
– RSS (Radio Science Subsystem) est le système de communication radio de Cassini. Il permet lors d’occultation-radio, de sonder l’atmosphère afin d’obtenir des profils de température, vent ou d’espèces chimiques.
– Cassini Radar est un radar multimode. Il possède un mode passif radiométrique qui mesure l’émission radiométrique de la surface de Titan (pour mesurer l’émissivité de la surface) et 3 modes actifs (diffusimètre, radiomètre et SAR). Il permet d’étudier le relief et la présence de surface liquide sur Titan.
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Table des matières
Introduction
1 Présentation de Titan
1 Découverte et exploration de Titan
1.1 Découverte de Titan
1.2 Place de Titan dans le système saturnien
1.3 Exploration de Titan par Voyager et Cassini/Huygens
2 Atmosphère
2.1 Composition et structure thermique
2.2 Cycle du méthane, brumes et nuages
2.3 Dynamique stratosphérique
2.4 Dynamique troposphérique
3 Surface et intérieur
3.1 Composition de la surface
3.2 Montagnes, cryovolcans et cratères
3.3 Vallées fluviales
3.4 Lacs polaires
3.5 Dunes équatoriales
3.6 Intérieur de Titan
4 Les grandes problématiques actuelles de la recherche sur Titan
4.1 Origine et évolution de l’atmosphère
4.2 Cycle du méthane : formation des nuages, des vallées fluviales et des lacs
4.3 Dynamique troposphérique et formation des dunes
4.4 Chimie et brumes organiques : formation, interaction avec la surface et intérêt astrobiologique
4.5 Objectifs de la thèse
2 Structure thermique et dynamique de la basse troposphère de Titan
1 Le GCM Titan de l’IPSL
1.1 Description générale d’un GCM
1.2 Spécificité du GCM Titan
2 Caractérisation de la couche limite de Titan
2.1 Observations de la structure thermique et motivations
2.2 Article : Two boundary layers in Titan’s lower troposphere inferred from a climate model
2.3 Analyses supplémentaires sur les variations saisonnières de la couche limite
2.4 Conclusion
3 Circulation de couche limite
3.1 Vents, ondes et formation de nuages dans la basse troposphère
3.2 Échanges de moment cinétique
4 Effets des marées gravitationnelles
4.1 Expression du potentiel de marée
4.2 Effets atmosphériques des marées gravitationnelles
5 Effets de la topographie
5.1 Création de cartes de topographie pour Titan
5.2 Vents de pentes
6 Discussion et conclusions
3 Formation des dunes de Titan
1 Motivations
2 Formation des dunes de Titan par les orages tropicaux
2.1 Article : Methane storms control Titan’s dune orientation
2.2 Document supplémentaire
3 Discussion et conclusions
Conclusion
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