Déconstruction instrumentale et déconstruction dimensionnelle dans le contexte de la géométrie dynamique tridimensionnelle

Des géométries dans l’enseignement secondaire

Des géométries ? 

Si la géométrie contextualise traditionnellement l’apprentissage de la démonstration, c’est aussi un lieu où il est possible d’observer les difficultés accompagnant l’émergence de cette démonstration, et plus généralement d’un discours mathématique. Le statut des objets étudiés, aux yeux des élèves, apparaît souvent comme un point névralgique. Les problèmes de géométrie mettent en jeu l’étude de représentations graphiques d’objets abstraits. Parzysz (1988) propose d’opérer une distinction entre la figure, objet théorique défini par un texte qui la décrit, et le dessin qui n’est qu’une illustration de la figure. Laborde et Capponi (1994) précisent cette distinction, sur laquelle nous nous appuierons :

En tant qu’entité matérielle sur un support, le dessin peut être considéré comme un signifiant d’un référent théorique (objet d’une théorie géométrique comme celle de la géométrie euclidienne, ou de la géométrie projective). La figure géométrique consiste en l’appariement d’un référent donné à tous ses dessins, elle est alors définie comme l’ensemble des couples formés de deux termes, le premier terme étant le référent, le deuxième terme étant un des dessins qui le représente. Le deuxième terme est pris dans l’univers de tous les dessins possibles du référent. Le terme figure géométrique renvoie dans cette acception à l’établissement d’une relation entre un objet géométrique et ses représentations possibles. Dans cette approche, les rapports entre un dessin et son référent construits par un sujet, lecteur ou producteur du dessin, constituent le signifié de la figure géométrique associée pour ce sujet.

Il apparaît dès lors que cette distinction est essentielle dans la construction de la démonstration, puisque l’accès à des preuves intellectuelles (Balacheff, 1999) suppose que l’expérience sensible et l’ostension soient subordonnées à un travail théorique. Mais au delà, elle détermine le point de vue qu’offrent les mathématiques sur les objets géométriques, point de vue que l’institution scolaire vise à faire acquérir aux élèves au cours de l’enseignement secondaire.

Si la distinction opérée est claire pour le mathématicien dont l’activité est, suivant l’adage, de raisonner juste sur une figure fausse, elle s’avère cependant plus problématique pour les élèves. Les représentations graphiques ont généralement été un support privilégié pour l’introduction des concepts au cours de la scolarité antérieure, et occupent un rôle important dans les problèmes de géométrie. Leur statut, et l’emploi qui doit en être fait, peut de fait prêter à confusion (Parzysz, 2006, p. 128) : [. . . ] bien [que la représentation] constitue une aide précieuse dans les conjectures, elle peut également constituer un obstacle à la démonstration, car “l’évidence de la figure” peut être source de confusion dans l’utilisation des données.

Il devient alors essentiel pour l’enseignement d’inciter les étudiants à dépasser l’évidence perceptive afin que leur activité géométrique s’exerce sur des objets théoriques dont l’existence est assurée, non plus par leur représentation, mais par un système axiomatique plus ou moins explicité. Pourtant, il est généralement difficile de motiver ce passage et de clarifier le statut des objets, et c’est bien souvent par un effet de contrat que se résout l’apparition de la démonstration, ce qui n’est pas sans soulever certaines difficultés : L’enseignement des mathématiques le sait bien, et en est bien embarrassé, lorsqu’il cherche le passage d’une approche “empirique” (les propriétés se voient bien sur la figure) à une approche “déductive” (d’un genre implicitement axiomatique) lors de l’introduction de la démonstration dans le cours de l’enseignement (en général vers 13 ans). Mais il ne suffit pas d’exhorter l’élève à ne voir dans le triangle dessiné que la représentation d’un triangle, alors que c’est bien ce dessin qui est le lieu des expérimentations et des opérations nécessaires à la résolution d’un problème de géométrie.

En l’absence d’une motivation “épistémologique” à abandonner l’étude du dessin, une dichotomie s’opère entre deux modes de fonctionnement : d’un côté, l’élève cherche à observer des propriétés sur le dessin pour se convaincre, et de l’autre, il respecte un contrat en vigueur qui lui demande de résoudre le problème à l’aide de la démonstration. On peut alors comprendre les difficultés de certains à concilier ces deux formes de résolution. Il est donc primordial pour l’enseignement de chercher à supprimer cette dichotomie, c’est-à-dire à inclure le travail sur le dessin et hors du dessin comme deux éléments dialectiques d’un même processus de résolution. Cet objectif constituera notre horizon pour la suite de cette étude. Pour proposer une caractérisation plus précise de l’opposition entre ces deux modes de fonctionnement, nous nous proposons de concilier deux approches complémentaires. La notion de paradigme géométrique proposée par Houdement et Kuzniak (2006) nous permet d’étudier le référentiel théorique — du point de vue mathématique — dans lequel s’inscrivent différentes approches, et de caractériser les évolutions que nous cherchons à susciter chez les élèves. Les travaux de Duval (2005) offrent un point de vue, plus cognitiviste, qui nous permet d’interpréter certains modes de fonctionnement. Nous serons alors en mesure d’expliciter des blocages d’élèves dans une activité géométrique, et de fait, d’envisager des modes d’action permettant une telle évolution.

Un point de vue épistémologique : les paradigmes géométriques

La notion de paradigme géométrique que proposent Houdement et Kuzniak (2006) vise à éclairer les rapports que peut entretenir un individu avec un certain référentiel théorique, en caractérisant notamment ce référentiel. Elle s’appuie sur l’acception qu’en propose Kuhn (1962), selon deux points de vue principaux : d’un point de vue global, il s’agit “des croyances, des techniques et des valeurs que partage un groupe scientifique”, et d’un point de vue local, la notion de paradigme désigne “les exemples significatifs qui sont donnés aux étudiants pour leur apprendre à reconnaître [. . . ] les différentes entités constitutives du paradigme local” (Houdement et Kuzniak, 2006, p. 178). Ce point de vue double permet d’embrasser d’un même regard une communauté scientifique offrant une référence et les rapports personnels qu’entretient l’individu avec celle-ci.

Concernant les individus, ces paradigmes permettent d’étudier leur élaboration d’un modèle théorique de référence, la nature — plus ou moins axiomatique — de ce modèle, et les rapports qu’ils entretiennent avec ce modèle. L’hypothèse sous-jacente est qu’existent dans l’institution scolaire des différences de points de vue qui, faute d’être correctement caractérisées, sont sources de nombreux malentendus (ibid., p. 178) :

Étudiant(e)s, professeur(e)s, enseignant(e)s et élèves se situent implicitement fréquemment dans des paradigmes différents : cette différence de posture épistémologique est source de malentendus didactiques.

Signalons que, de fait, il ne s’agit pas d’étudier la nature du modèle théorique — on ne distinguera pas, par exemple, la géométrie euclidienne de la géométrie projective — mais plutôt les rapports qu’elle entretient avec le monde sensible, notamment en ce qui concerne la validation.

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Table des matières

Introduction
1 Géométries
1.1 Des géométries ?
1.1.1 Un point de vue épistémologique : les paradigmes géométriques
1.1.2 Un point de vue cognitif : statut et usage du dessin
1.1.3 Des réponses de l’enseignement : trois grandes orientations
1.1.4 Affaiblissement du dessin et déconstruction dimensionnelle
1.2 Géométrie dans l’espace
1.2.1 Qu’est-ce que « voir dans l’espace » ?
1.2.2 Fonctions des représentations d’objets de l’espace
1.2.3 Une complexité de lecture proche de la déconstruction dimensionnelle ?
1.2.4 Retour sur notre problématique
1.3 Géométrie dynamique 3D : potentialités
1.3.1 Une meilleure fonction d’illustration
1.3.2 Évolutions de la fonction d’expérimentation
1.3.3 Intérêt pour notre étude
1.4 Mise en œuvre du questionnement de recherche
2 Évolution : rôle de la déconstruction instrumentale
2.1 Parenthèse : Cabri 3D
2.1.1 Apparence graphique
2.1.2 Déplacement
2.1.3 Définition des objets
2.1.4 Construction
2.1.5 Mesure
2.2 Une première observation
2.2.1 Présentation de l’activité
2.2.2 Trois binômes
2.2.3 Retour sur les observation
2.3 L’ancrage instrumental
2.3.1 Artefact et schème : deux composantes fondamentales de l’instrument
2.3.2 Un regard instrumental sur Cabri 3D
2.3.3 La déconstruction instrumentale : une notion hétérogène ?
2.3.4 Des interactions imprévues
2.4 Retour sur nos questions de recherche
2.4.1 Un premier bilan
2.4.2 Positionnement de notre recherche
3 Méthodologie
3.1 cK6c : une mécanique de précision
3.1.1 Conception dans le modèle cK6c
3.1.2 Distinction entre opérateurs et contrôle
3.1.3 Opérateurs, contrôles et conceptions dans notre étude
3.2 Contrôles
3.2.1 Fonctions des contrôles
3.2.2 Un problème méthodologique : la temporalité
3.2.3 Caractérisation
3.2.4 Les différentes familles de contrôles envisagées dans cette étude
3.3 Opérateurs
3.3.1 Caractérisation
3.3.2 Opérateurs dans cette étude
3.4 Problèmes et systèmes de représentation
3.4.1 Systèmes de représentation
3.4.2 Interprétations des problèmes
3.5 Méthodologie d’analyse a priori
3.5.1 Quelques préalables
3.5.2 Analyse macroscopique
3.5.3 Analyse microscopique
3.5.4 Retour sur l’analyse a priori
3.6 Méthodologie d’analyse a posteriori
3.6.1 De quoi doit-elle rendre compte ?
3.6.2 Deux types d’analyses
3.6.3 Identification des opérateurs et contrôles
Conclusion

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