Théorie des poutres, plaques et coques en grands déplacements
Dans le cadre général des grands déplacements, l’approximation (1.12) n’est plus valable, mais s’exprime au moyen d’opérateurs de rotations. On utilise alors l’expression complète du champ de déplacement pour le calcul des déformations de Green-Lagrange. Différentes approches ont été développées dans [Simo 85, Reissner 72] pour les poutres en grands déplacements et rotations, ainsi que dans [Simmonds 72, Valid 95, Ramm 99, Koiter 80, Libai 88, Hughes 81a] et dans [Hughes 81b] pour les structures de plaques et coques. Elles aboutissent en général à des développement relativement complexes. Comme nous le verrons par la suite, moyennant des hypothèses de petites déformations locales, un choix pertinent de configuration de référence et une décomposition appropriée du mouvement, les théories linéaires pourront être réutilisées pour le calcul en grands déplacements
Eléments de poutres
Pour les poutres de Navier-Bernoulli, on peut citer les éléments classiques à deux noeuds avec un choix de fonctions d’interpolation cubiques de Hermite pour les déplacements transverses, et linéaires pour le déplacement axial et la torsion. Les poutres plus épaisses sont en général modélisées par des éléments de poutres de Timoshenko avec des fonctions d’interpolation de même ordre pour le déplacement transverse et la rotation associée. Ces éléments présentent cependant un phénomène de blocage en cisaillement transverse lorsque l’épaisseur devient petite et que l’on réalise une intégration exacte de l’opérateur de raideur. Les solutions couramment apportées proposent soit d’effectuer une sous-intégration numérique du terme de raideur en cisaillement, soit de postuler une forme approchée pour les déformations. Il existe aussi des éléments dits mixtes, basés sur un principe variationnel à deux champs (Hellinger-Reissner [Reissner 50] ) ou à trois champs (Hu-Washizu [Washizu 82]), obtenus en relaxant le relation déformationdéplacement ou la relation de comportement. Il est alors possible de faire des hypothèses indépendantes sur les champs de déplacement et de déformation, et de postuler une forme particulière pour ces derniers. Les éléments de poutres de Navier-Bernoulli, utilisés par la suite dans ces travaux, sont présentés plus en détails dans l’annexe A.
L’analyse de sensibilité aux imperfections
Le flambage, et en particulier les charges critiques, peuvent être très sensibles aux défauts de géométrie des structures étudiées. En présence de tels défauts, les chemins d’équilibre de la structure sont modifiés (lignes discontinues sur la figure 1.6). Pour certaines catégories de structures, la charge limite peut être fortement réduite. C’est donc un phénomène important qui doit être pris en compte dans la conception. Ce problème de flambage des structures imparfaites a été formalisé dans [Koiter 45] pour les structures élastiques. Un exemple peut être trouvé dans [Arbocz 69] pour les coques cylindriques. Le cas des structures plastiques a été étudié entre autres dans [Hutchinson 74]. Une étude du flambage non-linéaire de cylindres sous pression avec des imperfections d’épaisseur est présenté dans [Combescure 01]. Les défauts généralement introduits comme imperfections initiales peuvent être de plusieurs types : il peut s’agir soit des modes de flambage, obtenus pas une analyse de stabilité préalable et particulièrement pénalisants, soit de défauts aléatoires, soir encore de défauts liés au procédé de fabrication et obtenus par une mesure sur les structures réelles.
Méthode LaTIn
La méthode LaTIn (pour « Large Time Increment Method ») est une stratégie de calcul originale pour la résolution des problèmes non-linéaires d’évolution, décrite en détails dans [Ladevèze 85, Ladevèze 99a]. Sa particularité réside dans le fait qu’il ne s’agit pas d’une méthode incrémentale : la résolution se fait itérativement sur tout l’intervalle de temps et tout l’espace. On a donc à chaque itération une approximation de la solution complète de la structure. Elle repose sur trois principes de mise en oeuvre :
1. la séparation des difficultés, et une répartition des équations du problème en deux groupes : les équations linéaires, éventuellement globales (équations de liaison et d’équilibre, loi d’état) et les équations locales, éventuellement non-linéaires (loi d’évolution des matériaux non-linéaires, contact, etc.).
2. une résolution itérative à deux étapes : on cherche les solutions successives des deux groupes d’équations précédents au moyen de directions de recherches E+ et E−. La solution est cherchée sur tout l’espace et sur tout le temps à chaque itération.
3. une représentation adaptée des inconnues, par exemple comme une somme de chargements radiaux (produits d’une fonction du temps par une fonction d’espace). Elle est particulièrement bien adaptée à la résolution des problémes mettant en oeuvre des matériaux non-linéaires où les non-linéarités sont locales. Cette approche a ainsi été appliquée aux problèmes d’élasto-plasticité [Boisse 89] et visco-plasticité [Cognard 89], à des problèmes de dynamique [Royer 90, Ladevèze 96] ou pour l’analyse du délaminage [Allix 87]. Elle a aussi été mise en oeuvre pour les grandes transformations [Bussy 90] Elle apporte aussi une réponse intéressante à la problématique des études paramétriques, la méthode pouvant être initialisée par une solution d’un calcul précédent, et les fonctions d’espace pouvant être réutilisés [Boucard 99, Boucard 01]. Enfin, nous verrons dans le chapitre suivant une mise en oeuvre de la méthode LaTIn dans le cadre des méthodes de décomposition de domaine.
Techniques de raffinement local
Une deuxième méthode que l’on peut rencontrer dans les bureaux d’étude, en particulier dans les zones les plus complexes, est la méthode de raffinement local par collage de modèles : le modèle fin de la zone d’intérêt est » collé » au modèle grossier du reste de la structure par l’intermédiaire d’éléments d’interface. Le calcul est réalisé sur l’ensemble de la structure et permet de prendre en compte un réel couplage entre les modèles. On peut citer notamment les techniques de collage cinématique, où on introduit des contraintes cinématiques au moyen de multiplicateurs de Lagrange pour assurer que les déplacements des noeuds du maillage fin, dit « esclaves », vont suivre la cinématique des noeuds, arêtes ou facettes du maillage global, dit « maître ». L’approche permet ainsi de coupler des modèles ayant un raffinement différent sans avoir à réaliser une adaptation des maillages sur les zones de collage, étape souvent fastidieuse.
Méthode de Projection de Dirichlet Hiérarchique
Introduite par Oden et Zohdi [Zohdi 96, Oden 97, Oden 99], la méthode de Projection de Dirichlet Hiérarchique (HDPM) consiste à résoudre un problème homogénéisé macroscopique, sur un maillage régulier dont un élément correspond à une cellule représentative du matériau considéré. Le comportement homogénéisé est déterminé par une technique d’homogénéisation quelconque (par exemple la théorie de l’homogénéisation des milieux périodiques). Un estimateur de sensibilité construit sur la solution macroscopique permet de localiser les zones du maillage macroscopique nécessitant une ré-analyse. Une correction microscopique est alors déterminée dans ces zones en résolvant sur les cellules concernées des problèmes locaux prenant en compte la microstructure pour des conditions aux limites homogènes de type Dirichlet provenant du problème macroscopique. La solution corrigée est ensuite le prolongement des contributions locales sur la structure complète. Un estimateur d’erreur a posteriori permet alors de déterminer la qualitéde la solution corrigée. Si le critère d’erreur n’est pas satisfait, l’opérateur homogénéisé est amélioré pour certaines cellules et on résout à nouveau le problème micro-macro, on peut aussi modifier le maillage macroscopique dans certaines zones si l’erreur n’est toujours pas satisfaisante. Le lien de parenté de cette approche avec les méthodes adaptatives est évident : un premier calcul macroscopique étant proposé, un estimateur de qualité a posteriori construit à partir de la solution macroscopique permet de détecter les zones les plus erronées. Si, dans les démarches adaptatives, diminuer l’erreur consiste à raffiner le maillage dans ces zones, dans l’approche proposée par Zohdi et Oden, cela consiste à adapter non pas la taille de maille mais plutôt l’échelle de modélisation du matériau : ce qui constitue toute la force de l’approche. Cependant, la théorie de l’homogénéisation étant classiquement utilisée pour définir l’opérateur macroscopique KM, on est confronté à la même difficulté de séparation des échelles.
Méthodes de décomposition de domaine
Les premiers travaux sur les méthodes de décomposition de domaine sont généralement attribués à H. Schwarz, qui dès 1869 proposa une méthode de résolution d’équations aux dérivées partielles en séparant le domaine d’étude en deux sous domaines se recouvrant partiellement. L’avènement des ordinateurs dans la deuxième moitiée du XXième siècle, et en particulier des ordinateurs parallèles, a fortement relancé l’étude de ces méthodes, et permis de nouveaux développements. En calcul des structures, on privilégie souvent les méthodes dites « sans recouvrement », plus faciles à mettre en oeuvre. Elle reposent pour la plupart sur la condensation sur les interfaces de chaque problème posé par sous-structure, et conduisent à un problème posé uniquement en termes d’inconnues d’interfaces de plus petite taille. Par ailleurs, ce problème n’est en général pas résolu directement mais au moyen d’un solveur itératif adapté, n’exigeant pas l’assemblage du problème global. Cette décomposition, associée à un choix judicieux de solveur itératif, est particulièrement bien adaptée aux architectures des calculateurs parallèles. Les seuls problèmes devant être assemblés sont les problèmes locaux par sous-structure, dont le traitement numérique reste abordable. Les méthodes de décomposition de domaine sans recouvrement peuvent être classées en trois familles : les approches primales (Balancing Domain Decomposition Method [Mandel 93]), les approches duales (Finite Element Tearing and Interconnecting (FETI) [Farhat 91]) et les approches mixtes (Méthode du Lagrangien augmenté [Glowinski 90], LaTin Micro/Macro [Ladevèze 00a]). Les premières approches proposées n’étaient cependant pas numériquement extensibles, c’est-à-dire qu’elles ne conservaient par leur efficacité pour un nombre croissant de sous-structures. La question de la propagation d’une information globale lors de la résolution itérative s’est ainsi naturellement posée. Elle a conduit à la mise en place de problèmes grossiers variés issus de la vérification partielle des conditions de transmission entre les sous-structures. Nous en présentons les principes de base dans les paragraphes suivants. Pour plus de détails, une revue quasi-exhaustive des différentes approches peut être trouvée dans [Gosselet 06], dont nous reprenons ici les notations.
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Table des matières
Table des matières
Table des figures
Liste des tableaux
Introduction
Partie I Modélisation et Simulation Numérique des Structures Elancées
1 Contexte et outils pour l’analyse des structures élancées
1 Structures élancées et non-linéarités géométriques
1.1 Problème de référence en grandes transformations
1.1.1 Cinématique et notion de configuration
1.1.2 Principe des puissances virtuelles
1.2 Descriptions des structures élancées
1.2.1 Modélisation
1.2.2 Eléments finis pour les structures élancées
1.3 Formulation du problème non-linéaire discrétisé
1.3.1 Formulation lagrangienne totale
1.3.2 Formulation lagrangienne réactualisée
1.3.3 Formulations corotationnelles
1.4 Flambage des structures élancées
2 Méthodes de résolution des problèmes non-linéaires
2.1 Méthodes de Newton
2.1.1 Principes de base
2.1.2 Application au calcul de structures non-linéaires
2.1.3 Méthodes dérivées
2.2 Méthodes de continuation
2.3 Méthodes alternatives
2.3.1 Méthode asymptotique numérique
2.3.2 Méthode LaTIn
3 Bilan du chapitre
2 Stratégies de Calcul Avancées pour la Résolution de Problèmes de Grande Taille
1 Problématique
2 Etude préliminaire de quelques approches classiques : Intérêts et limites
2.1 Quelques approches utilisées en bureau d’étude
2.1.1 Approches descendantes
2.1.2 Techniques de raffinement local
2.2 Illustration
2.2.1 Présentation du modèle retenu
2.2.2 Calcul non-linéaire de référence
2.2.3 Présentation des méthodes alternatives
2.2.4 Déroulement des calculs
2.2.5 Analyse qualitative des résultats
2.2.6 Bilan
3 Les stratégies de calcul multiéchelles
3.1 Méthodes basées sur la théorie de l’homogénéisation
3.1.1 Théorie de l’homogénéisation des milieux périodiques
3.1.2 Extensions de la théorie de l’homogénéisation au nonlinéaire
3.2 Méthodes de superposition et d’enrichissement
3.2.1 Méthode de Projection de Dirichlet Hiérarchique
3.2.2 Méthode Arlequin
3.2.3 Méthodes multigrilles
3.2.4 Méthodes basées sur la Partition de l’Unité : GFEM, XFEM
4 Les méthodes de sous-structuration et de décomposition de domaine
4.1 Principes généraux de sous-structuration
4.1.1 Problème de référence
4.1.2 Décomposition de domaine
4.1.3 Condensation, Super-éléments
4.2 Méthodes de décomposition de domaine
4.2.1 Approches primales
4.2.2 Approches duales
4.2.3 Préconditionneurs et problèmes grossiers
4.2.4 Approches mixtes
4.3 Les Méthodes Newton-Krylov-Schur
4.3.1 Principe et mise en œuvre
4.3.2 Techniques d’accélération
4.3.3 Inadaptation aux non-linéarités localisées
4.4 La méthode LaTIn micro/macro
4.4.1 Reformulation du problème de référence
4.4.2 Séparation d’échelle aux interfaces
4.4.3 Stratégie de résolution
4.5 Décomposition de domaine et dynamique transitoire
4.5.1 Equations de la dynamique transitoire
4.5.2 Dynamique explicite et sous-cyclage
4.5.3 Dynamique implicite et décomposition de domaine
4.5.4 Méthodes de couplage implicite/explicite
4.5.5 Méthodes de couplage fluide/structure
5 Bilan du chapitre
Partie II Proposition de Stratégies Adaptées à la Problématique des Grandes Structures Non-linéaires
3 Stratégies de relocalisation non-linéaire
1 Présentation des stratégies de relocalisation non-linéaire
1.1 Principe général
1.2 Comparaison avec d’autres approches
1.2.1 Analogie avec l’intégration de lois de comportement non-linéaires
1.2.2 Analogie avec les méthodes de zoom structural
1.2.3 Analogie avec les techniques de « sous-cyclage » et de couplage en dynamique transitoire
1.2.4 Analogie avec la méthode LaTIn
2 Stratégie de relocalisation non-linéaire à déplacements imposés
2.1 Description
2.2 Mise en œuvre numérique
2.2.1 Etape locale non-linéaire
2.2.2 Etape globale linéaire
2.2.3 Algorithme général
2.2.4 Détails sur le schéma incrémental dans les résolutions non-linéaires par sous-structure
2.3 Illustration dans le cas des structures de poutres
2.3.1 Description du cas d’étude
2.3.2 Solution de référence
2.3.3 Mise en oeuvre d’une stratégie Newton-Krylov-Schur
2.3.4 Mise en œuvre de la stratégie de relocalisation nonlinéaire
3 Stratégie de relocalisation non-linéaire mixte
3.1 Vers des conditions aux limites mixtes pour les problèmes locaux
3.2 Description de l’approche
3.3 Mise en œuvre numérique
3.3.1 Etape locale non-linéaire
3.3.2 Etape globale linéaire
3.3.3 Algorithme général
3.4 Application aux treillis de poutres
3.5 Influence du choix de la direction de recherche k
4 Analyses et performances des stratégies de relocalisation non-linéaire
4.1 Comparaison des différentes méthodes
4.2 Influence du critère d’arrêt local
4.3 Décomposition de domaine et non-linéarités localisées
4.4 Mise en œuvre parallèle et Performances
4.4.1 Parallélisme et équilibrage de charge
4.4.2 Granularité et speed-up
5 Bilan du chapitre
4 Mise en œuvre numérique pour les structures de plaques et coques
1 Plateforme de développement
1.1 Choix d’une plateforme
1.2 Librairie LMTpp
1.2.1 Principes de base et structure de la librairie
1.2.2 Programmation symbolique et Génération de code
1.2.3 Outils de calcul algébrique
1.2.4 Outils de méta-programmation pour la méthode des Eléments Finis
2 Implémentation de la méthode pour les plaques et coques
2.1 Structure générale du code de calcul
2.2 Formulation en grands déplacements pour les structures de plaques et coques
2.3 Décomposition de domaine
2.4 Calcul du paramètre de raideur d’interface k pour les plaques et coques
3 Illustration et résultats comparatifs sur un exemple de caisson aéronautique
3.1 Cas test de référence : Caisson raidi
3.2 Résultats comparatifs
4 Bilan du chapitre
5 Approche multi-échelle pour les structures de plaques et coques
1 Principe de la stratégie multi-échelle
1.1 Problème sous-structuré de référence
1.2 Séparation d’échelle aux interfaces
1.3 Stratégie de résolution
1.3.1 Etape locale par sous-structure
1.3.2 Etape de couplage aux interfaces
2 Mise en œuvre numérique
2.1 Discrétisation et séparation micro/macro
2.2 Etape locale par sous-structure
2.3 Etape de couplage aux interfaces
3 Définition de bases macro pour les structures élancées
3.1 Rappels pour les milieux continus classiques
3.2 Cas des plaques
3.3 Influence de la base macro sur la convergence de la stratégie
3.4 Cas des coques
3.4.1 Traitement du degré de rotation normal
3.4.2 Proposition de modes macros génériques pour les coques
3.4.3 Illustration
4 Sur la mise en œuvre dans le cadre non-linéaire
4.1 Description
4.2 Projecteurs macro et non-linéarité géométrique
4.3 Sur la mise à jour des directions de recherche
5 Bilan du chapitre
Conclusions et Perspectives
Bibliographie
Annexes
A Modèle et Elément de poutre de Navier-Bernoulli
1 Modèle de poutre de Navier-Bernoulli
2 Discrétisation et fonctions d’interpolations
3 Matrice de raideur élastique
4 Efforts intérieurs
B Formulation corotationnelle pour les éléments de poutres
1 Choix du repère corotationnel
2 Extraction des déplacements et rotations déformantes
3 Opérateurs corotationnels
4 Efforts internes
5 Opérateur de raideur tangent dans le repère global
C Modélisation des plaques
1 Cinématique de plaque
2 Puissances des Efforts Intérieurs
3 Lois de comportement généralisées
4 Prise en compte des rotations normales
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