Décharges non-thermiques appliquées à la production d’espèces actives
Applications des décharges non-thermiques à pression atmosphérique en présence d’eau
Depuis dix ans, la mise au point des décharges plasma à basse température et à haute pression a ouvert la voie à de nombreuses applications qui étaient auparavant limitées à la basse pression ou aux hautes températures, c’est-à-dire à des gaz de faible densité. Cet aperçu met en évidence les nombreux domaines d’applications où les décharges plasmas sont produites en présence d’eau ou de vapeur d’eau.
Domaine médical
Dans un avenir proche, les instruments médicaux invasifs pourraient inclurent des dispositifs plasmas. En effet, les outils à base de plasma sont très prometteurs, car ils produisent des espèces actives qui agissent efficacement dans de nombreuses conditions, avec des technologies miniaturisables et de faible puissance. Les espèces produites par le plasma peuvent également être transportées dans les zones difficiles à atteindre. Comme les cellules vivantes de l’homme ne survivent pas à des températures supérieures à 37-40◦C, aux basses pressions ou aux chocs électriques, des décharges de type luminescente ou de type plasma jet/plasma bullet à la pression atmosphérique sont les plus adaptées. La recherche en médecine plasma s’est fortement intensifiée au cours de la dernière décennie comme indiqué en introduction de l’article de revue présenté récemment par Kong et al. (2009).
Les jets de plasma, constituent une technique prometteuse pour l’avancée des applications médicales des plasmas. Récemment, Walsh and Kong (2011) ont développé un jet de plasma d’air généré par des décharges NRP, i.e. la méthode de génération de plasma étudiée dans cette thèse. Un tel jet de plasma peut être utilisé pour la gravure ou la modification de surface polymère, mais également pour le traitement biomédical, en particulier la cicatrisation des plaies et la stérilisation. Un générateur d’impulsions délivrant des impulsions de 5 kV, de durée environ 150 ns et répétées à une fréquence de 5 kHz a été utilisé.
Le jet de plasma est créé grâce à une aiguille métallique d’un diamètre de 3 mm, connectée à la haute tension et maintenue à 5 mm de la sortie d’un tube relié à la terre. Le débit d’air dans le tube est d’environ 10 L/min. Un front d’ionisation se propage dans le tube et dans l’air ambiant, à une vitesse approximative de 100 km/s. Un autre exemple récent a été proposé par Fridman et al. (2006). Ces auteurs ont développé une méthode de traitement direct des tissus vivants à température ambiante et pression atmosphérique qui ne cause pas de dommages visibles ou à l’échelle microscopique aux tissus. Pour cela, ils ont utilisé une décharge à barrière diélectrique (DBD) à électrode flottante et ont montré qu’il était sans risque d’appliquer cette décharge à des sujets humains pour effectuer un traitement des tissus en quelques secondes.
Décontamination biologique
Les méthodes utilisées pour la décontamination de surface repose classiquement sur la chaleur humide ou le traitement chimique. Ce type de traitement est prohibé pour de nombreux matériaux (thermosensibles). L’utilisation de plasmas à pression atmosphérique pourrait être une alternative à certains de ces procédés de stérilisation. Bien que le mécanisme sous-jacent de la stérilisation ne sont pas encore bien compris, plusieurs équipes ont constaté que les espèces actives créées par le plasma interfèrent avec la membrane des cellules.
Kirkpatrick et al. (2007) ont effectué des mesures sur une décharge DBD dans l’argon humide à pression atmosphérique pour des applications en stérilisation. Les expériences ont porté sur l’inactivation de la bactérie E. Coli par les gaz de post-décharge .
Les résultats expérimentaux montrent que, dans les conditions étudiées, de l’hydrogène et de l’oxygène sont produits dans des quantités d’au moins un ordre de grandeur supérieur à celui du peroxyde d’hydrogène, H2O2. En combinant ce résultat à une simulation cinétique, il est démontré que cela provient de la dissociation du peroxyde d’hydrogène dans la zone de plasma. Cette simulation met également en évidence que le radical hydroperoxyle, HO2, est présent 10 ms en aval de la décharge, avec une fraction molaire de l’ordre de la centaine de ppb et que les fractions de O et OH sont de l’ordre de quelques ppb, suggérant un rôle possible de ces espèces dans la stérilisation de la surface. Les résultats des expériences de stérilisation (une diminution des colonies de cinq ordres de grandeur, pour l’inactivation de E. Coli) ont nécessité une durée de traitement de 20 minutes. À noter que cette stérilisation est locale.
Plus récemment, Machala et al. (2010) ont fait des essais de désactivation de la Salmonella typhimurium de l’eau et des surfaces contaminées avec deux régimes de décharges à courant continu positif (streamer corona SC et transient spark TS) dans une géométrie aiguille-plan. La technique utilisée est l’electrostatic spraying (electro-hydro-dynamic atomization, EHDA), qui consiste à appliquer une haute tension à une aiguille dans laquelle circule un liquide . Dans ces travaux, le stress oxydatif a été mesuré dans deux conditions : l’exposition directe et indirecte (i. e. l’eau seulement exposée à des espèces neutres). Ils ont ainsi montré que les deux méthodes avaient une efficacité similaire. Cependant, lorsque de l’eau contaminée est uniquement exposée à la lumière ultraviolette générée par la décharge, l’efficacité de la désactivation des bactéries est presque nulle, ce qui démontre le rôle de la chimie dans le traitement par plasma .
Décontamination chimique
Les décharges plasmas ont été particulièrement étudiées en vue de la décontamination de l’eau. De nombreuses études ont en effet porté sur les espèces chimiques créées par les décharges dans la phase gazeuse au-dessus de l’eau ainsi que sur l’interaction des espèces avec la phase liquide. Lukeš (2001) a étudié sur la chimie en phase aqueuse et les effets bactéricides de décharge couronne en phase gazeuse au contact de l’eau . L’étude a porté sur les processus mis en place par la décharge couronne pulsée dans l’eau et sur l’applicabilité de la technologie des décharges couronnes pour le traitement de l’eau et des eaux usées.
L’accent a été mis principalement sur la production de lumière ultraviolette et de peroxyde d’hydrogène par la décharge et sur la dégradation induite par la décharge couronne sur le phenol, 2-, 3- et sur le 4-chlorophenol en tant que composés organiques modèles. L’étude conclut que les décharges électriques pulsées dans des liquides sont une technique alternative prometteuse pour le traitement de l’eau et des eaux usées, en particulier pour traiter les faibles niveaux de polluants organiques. Le principal avantage de ce système est la production directe in situ des espèces réactives, ce qui élimine le besoin de fournir une source extérieure d’agents oxydants.
Une autre étude récente sur la décontamination a été menée par Locke and Shih (2011). Elle se focalise sur la formation d’espèces chimiquement actives, en particulier le peroxyde d’hydrogène dans des réacteurs plasmas en contact avec de l’eau liquide. Le peroxyde d’hydrogène est choisi parce qu’il a été considéré comme une espèce indicatrice de formation des radicaux hydroxyles dans certains systèmes à plasma. En outre, le peroxyde d’hydrogène peut être étroitement corrélé avec la formation d’hydrogène moléculaire et l’oxygène.
Cette étude s’est intéressée à la façon dont le plasma interagit avec les différentes formes de l’eau : du point de vue moléculaire (impact électron/H2O), des interactions avec les clusters ainsi qu’avec les aérosols, les gouttes et avec la surface de d’eau. Le taux le plus important de production de peroxyde d’hydrogène a été identifié dans les décharges en interaction avec une pulvérisation de gouttelettes d’eau, puis dans les décharges dans un gaz humide (interaction directe entre les électrons et la vapeur d’eau).
Production de H2 à partir de H2O
La production de dihydrogène à partir d’eau est une thématique qui intéresse les chercheurs et les industriels depuis longtemps, comme le montre l’article de revue de Holladay et al. (2009). L’électrolyse a fait l’objet d’une optimisation industrielle qui a permis à cette technologie d’atteindre des rendements énergétiques de l’ordre de 12 à 20 gH2/kWh ; 20 gH2/kWh correspondant à 80% du rendement thermodynamique. Cette technique, utilisée pour produire de l’hydrogène d’une très grande pureté, ne représente cependant que quelques pourcents de la production mondiale car elle reste trop coûteuse par rapport au reformage d’hydrocarbures. Pour contourner les limitations intrinsèques à l’électrolyse, différentes voies ont été envisagées (Bockris et al. (1985)) :
– la plasmolyse,
– la magnetolyse,
– la magmalyse,
– la photolyse,
– les méthodes photoélectrochimiques,
– la radiolyse.
Dans cette thèse, nous allons nous intéresser uniquement à la production de H2 par plasmolyse, qui consiste à dissocier H2O dans un plasma hors équilibre. Selon Fridman (2008), deux schémas de cinétique chimique sont possibles : la dissociation par excitation vibrationnelle et par attachement dissociatif.
La dissociation par excitation vibrationnelle reste coûteuse, avec une efficacité maximale d’environ 50 % par rapport à l’électrolyse. L’obstacle principal de la plasmolyse est la recombinaison des produits de dissociation, en particulier par la réaction
OH + H₂ → H + H₂O (2.1)
qui a une très faible énergie d’activation (E = 0,5 eV/mol). Cette réaction s’accélère dès que la concentration de OH devient importante et limite la quantité de H2 produite (Fridman (2008)). Un important degré d’ionisation est requis car la désexcitation des états vibrationnels est très rapide dans l’eau (contrairement à la désexcitation dans N2 ou dans l’air).
La dissociation de H2O par attachement dissociatif est rendue possible par l’importante section efficace de la réaction d’initialisation présentée dans la table 2.1. Le coût énergétique de production d’un électron est généralement très élevé, mais la propagation de la chaîne de réaction par la réaction de détachement électronique :
H⁻ + e⁻ → H + e⁻ + e⁻ (2.2)
Reformage par plasma
La filière basée sur le reformage des combustibles fossiles produit actuellement environ 96% de l’hydrogène dans le monde. Le reformage des combustibles fossiles se déroule en trois grandes étapes. La première étape est le traitement du combustible pour produire du gaz de synthèse (ou syngaz) (Wender (1996)), un mélange de H2 , CO, CO2 et d’autres impuretés. La deuxième étape est de convertir le syngaz en H2 par la réaction de Water-gas shift (WGS) et enfin de purifier le mélange pour atteindre un niveau de pureté de 99,99% ou plus de H2 . On identifie trois grands mécanismes de reformage (Holladay et al. (2009)) :
– le vaporeformage, principalement de méthane,
– l’oxydation partielle qui concerne plutôt les hydrocarbures lourds et qui peut être dérivée en reformage autothermique,
– la gazéification du charbon.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Motivation
1.2 Objectifs de la thèse
1.3 Plan de la thèse
2 Décharges non-thermiques appliquées à la production d’espèces actives
2.1 Applications des décharges non-thermiques à pression atmosphérique en présence d’eau
2.2 Décharges nanosecondes en présence de vapeur d’eau à pression atmosphérique
2.3 Conclusion
3 Dispositifs expérimentaux
3.1 Introduction
3.2 Conception du réacteur expérimental
3.3 Diagnostics électriques
3.4 Diagnostics optiques
3.5 Dispositif expérimental pour la Chromatographie en phase gazeuse
3.6 Conclusion
4 Caractérisation des décharges NRP dans H2O vapeur
4.1 Introduction
4.2 Régimes de décharge
4.3 Spectroscopie d’émission
4.4 Produits à longue durée de vie
4.5 Conclusion
5 Étude thermique du régime Spark
5.1 Introduction
5.2 Mesure de température pendant la décharge
5.3 Mesures de PLIF à 2 couleurs
5.4 De la température rotationnelle de OH(A)
5.5 Détermination du champ électrique réduit
5.6 Conclusion
6 Étude chimique du régime Spark
6.1 Introduction
6.2 Densité des radicaux OH
6.3 Densité électronique
6.4 Conclusion
7 Conclusion