Les programmes d’ajustement structurel
C’est à la fin des années 1970 que les Institutions financières internationales ont initié et promu cette nouvelle approche de prêts aux pays qui se heurtaient à de sérieuses crises de dette. Ainsi, en lieu et place des prêts qui étaient consentis aux pays pour financer des projets d’infrastructures tels les barrages, les centrales électriques, les infrastructures de communication et d’appui à la production, la Banque Mondiale s’est orientée progressivement vers des Programmes d’ajustement structurel (PAS). Cette nouvelle approche visait principalement à restructurer soit l’ensemble de l’économie soit un secteur spécifique tel que l’énergie, la production agro-sylvo-pastorale, la santé, ou l’éducation. Afin de bénéficier de ces prêts, les gouvernements intéressés étaient alors priés de réaliser des changements dans leur politique et leurs institutions dans l’objectif d’améliorer de manière sans équivoque leurs performances économiques. L’objectif pour les institutions financières internationales était de résoudre le double déficit des comptes macro-économiques et macro-financiers à travers : l’équilibre de la balance des paiements ; l’adéquation de l’offre de biens et services à la demande effective ; et l’égalité entre l’offre et la demande de monnaie. Pour atteindre ces objectifs, les plans d’ajustement structurel comportent deux étapes qui doivent être scrupuleusement observées par les différents États postulants. D’une part, il fallait assurer la stabilité macro-économique à court terme qui se traduit par la libéralisation des prix, l’austérité fiscale, la dévaluation et, d’autre part, opérer les réformes structurelles nécessaires qui, mises en œuvre simultanément ou parallèlement, consacrent le dépérissement de l’État, la libéralisation du commerce et du système bancaire, la privatisation des entreprises et sociétés d’État, la compression de l’emploi et le gel du recrutement à la fonction publique. L’application de l’ensemble de ces mesures devrait permettre aux États postulants d’améliorer leur situation économique, d’être compétitif, d’attirer les investissements étrangers et de réduire leur déficit public. C’est à ce titre que les politiques d’ajustement structurel reposent sur une théorie économique très fortement libérale, qui considère que le libre marché doit présider à la fourniture de biens et de services, la concurrence devant assurer l’utilisation la plus efficace des ressources ainsi que des bénéfices plus importants.
Malgré les conditions souvent très contraignantes, les pays de l’Afrique subsaharienne n’ont eu de choix que d’adhérer massivement à ce processus d’élaboration et de mise en œuvre des plans d’ajustement. Le tableau n°1 donne un aperçu des périodes repères de mise en œuvre des plans d’ajustement dans certains pays de l’Afrique subsaharienne. Le contenu du tableau montre que la plupart des pays sont à leur troisième voir quatrième plan d’ajustement structurel. Ce qui devrait se traduire par des performances tangibles dans la réduction de la pauvreté. En effet, il ressort des analyses des résultats atteints qu’en fonction des pays, les plans d’ajustement ont permis d’améliorer le taux de la croissance de trois à quatre points, voire davantage. Ces performances de croissance annuelle sont cependant encore nettement en deçà des taux moyens de 7 % qui permettraient à ces pays de sortir du sous-développement selon les analyses des institutions financières. Ainsi, même si certains de ces États se glorifient d’avoir améliorés les taux de croissance, le constat général est que les plans d’ajustement menés sous l’égide du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale n’ont pas produit les résultats escomptés dans le domaine de la réduction de la pauvreté. En outre, les coupes claires dans les dépenses publiques engendrées par l’austérité budgétaire ont entraîné une profonde dégradation des systèmes d’éducation et de santé. De plus selon Sarrasin les mesures de contrôle strict imposées dans le cadre de la mise en œuvre des plans d’ajustement sur la redistribution clientéliste sont à l’origine de l’apparition de nouvelles sources de corruption et de rente (contrebande, culture et trafic de drogue, recyclage d’argent sale, etc.) qui sont notamment à l’origine de conflits incessants entre les populations, la société civile et les autorités gouvernementales (Sarrasin, 1999). Au total, il apparaît que plus de vingt années d’ajustement n’ont pas empêché la plupart de ces pays à continuer de s’enfoncer dans les crises socio-économiques et politiques multiformes. Depuis, la plupart des États font toujours face aux manifestations diverses : hausse des revendications des salariés ; grèves des élèves et des étudiants à cause de la dégradation continue de leurs conditions d’études ; grogne des chefs de famille à cause de la baisse des pouvoirs d’achat et l’inflation des prix des produits de première nécessité, etc. Toutes ces difficultés seraient liées à la contreperformance des plans d’ajustement structurel qui sont de plus en plus décriés par la quasi-totalité des acteurs de la vie socio-économique. Au nombre des critiques formulées, on retient entre autres : le manque de participation des populations dans le choix et la formulation des options ; le manque de transparence dans la conduite du processus ; les effets pernicieux sur les pauvres; le préjudice porté aux producteurs locaux ; l’accélération de la dégradation de l’environnement, l’inadaptation aux réalités des pays des mesures mises en œuvre pour réduire la pauvreté, etc.
Les stratégies de réduction de la pauvreté
Face aux critiques de plus en plus austères sur les performances des plans d’ajustement structurel à répondre aux besoins de croissance des économies des pays et à réduire la pauvreté, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) vont entreprendre vers la fin des années 1999, une initiative conjointe de réorientation de leur stratégie. Ces nouvelles stratégies se sont traduites par la conception et la mise en œuvre de documents communément connus sous l’appellation de « Cadre stratégie de lutte contre la pauvreté (CLSP) ou document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) ». Il s’agit de documents officiels préparés de façon concertée avec les autres acteurs de développement dans le pays par le Gouvernement et qui décrivent les mesures et actions de politique publique à mettre en œuvre dans un horizon de trois ans en vue de la réduction de la pauvreté. Selon (Dubois, 2005), la décision d’élaborer ces documents et de s’en servir comme principal référentiel du développement du pays prend son origine de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés). Cette initiative a été élaborée pour contribuer à la réduction de la charge de la dette extérieure des économies des pays les plus pauvres dont les pays africains en général ont été les principaux bénéficiaires.
Contrairement aux plans structurels d’ajustement, ces nouvelles initiatives fédèrent différents objectifs qui consistent à court terme à alléger le poids de la dette et à moyen et long terme à poser les bases durables de la réduction de la pauvreté. L’analyse des différents documents « Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté » des différents pays de l’Afrique subsahariens montre effectivement que l’objectif de réduction de la pauvreté constitue le principal critère de l’allocation des ressources financières locales, nationales que de celles provenant des partenaires extérieurs. À ce titre selon (Dubois, 2005), « l’accent est mis en priorité sur le renforcement des facteurs de production et sur la hausse des revenus plutôt que sur la protection sociale ». Cette vision serait fondée sur l’idée que les populations démunies peuvent également apporter leur contribution à la recherche de l’atteinte des objectifs de la croissance et en bénéficier des résultats à partir de leurs actions. Ce qui, selon l’auteur donnerait à la croissance une dimension « pro-pauvre » qui se décline en trois étapes ci-après : la création des opportunités de croissance économique, le renforcement des capacités des pauvres en vue de leur permettre de s’insérer dans le processus et enfin la maitrise et la réduction de la vulnérabilité des pauvres face aux facteurs défavorables. Ces résultats sont atteints à travers les innovations introduites dans les approches d’élaboration et de mise en œuvre des documents de stratégies de lutte contre la pauvreté qui mettent l’accent sur la participation et l’implication effective des populations et les acteurs de la société civile à toutes les étapes du processus. Ces démarches de priorisation et de planification participative des actions et des mesures de lutte contre la pauvreté ont induit une culture des résultats à atteindre dans la conception et la mise en œuvre des programmes de développement. Ce qui a imposé aux acteurs à tous les niveaux de s’approprier et de mettre en œuvre les outils de suivi et d’évaluation de l’évolution de la pauvreté et de son impact sur les populations. Ainsi, l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de réduction de la pauvreté ont permis sans nul doute de faire des avancées significatives dans les approches de lutte contre la pauvreté notamment dans les pays africains subsahariens.
Malgré ces performances, de nombreuses analyses montrent que les pays de l’Afrique subsaharienne doivent encore redoubler d’efforts pour sortir leurs populations des affres du sous-développement. Ces assertions sont corroborées par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à travers la publication annuelle de son rapport sur le développement humain. De façon générale, il ressort des analyses de ces rapports que malgré les progrès enregistrés dans certains secteurs socio-économiques, l’Afrique subsaharienne reste la région qui est confrontée aux plus grands défis du point de vue du développement humain. Sur l’ensemble des dimensions, elle présente les indicateurs les plus faibles de l’indice de développement humain (IDH) parmi toutes les régions étudiées de la planète (PNUD, 2010).
Les revendications pour des politiques de démocratisation et de décentralisation comme moyen de renforcement des stratégies nouvelles de développement participatif et durable
Face à l’ampleur de la dégradation continue des conditions de vie des populations et l’inefficacité de leurs systèmes politiques et économiques, la plupart des États des pays africains subsahariens ont été de gré ou de force contraints de s’ouvrir à de nouvelles formes plus participatives de gestion des pouvoirs. Les pressions internes pour l’adoption de ces nouvelles réformes sont exercées par les agents de l’administration publique et les organisations de la société civile. Les élèves, les étudiants et les diplômés sans emplois de plus en plus nombreux emboiteront le pas, les uns pour réclamer de meilleures conditions d’études, les autres à la recherche d’une activité rémunératrice. Ces mouvements d’humeur souvent violents en fonction de leurs ampleurs selon les pays vont paralyser le fonctionnement des administrations publiques et privées. Les élites intellectuelles et les partis politiques d’opposition qui étaient en dormance « forcée » profitèrent de la situation pour revendiquer l’application accélérée des directives du discours de la Baule prononcé par le Président de la République Française au cours de la 16ème conférence des chefs d’État de France et d’Afrique.
Quant aux pressions externes, elles viendront surtout des partenaires financiers qui malgré les efforts faits dans les appuis financiers constataient que pour de nombreux pays africains subsahariens, la plupart des indicateurs des performances économiques sont tendanciellement défavorables. Cette situation va se traduire par l’incapacité budgétaire de la plupart des États à pouvoir respecter leurs engagements vis-à-vis des bailleurs de fonds au sujet du remboursement de la dette extérieure. Pour résorber ces difficultés les bailleurs de fonds prennent parti de la nécessité pour les États africains de recentrer leurs interventions sur les fonctions régaliennes, et à faire un peu plus de place aux populations et aux autres acteurs (population, société civile, privé, collectivité territoriale, etc.) sur les questions relatives à la promotion du développement socio-économique.
Toutes ces revendications vont déboucher sur la conception et la mise en œuvre de nouvelles réformes que sont principalement la libéralisation, la décentralisation et la démocratie. Selon (Mback, 2002) la première réforme a pour but de donner plus de possibilités aux opérateurs privés de prendre une part active dans la conception et la mise en œuvre des activités du secteur économique jusque-là sous le contrôle absolu des États. La seconde, la décentralisation quant à elle, permet une meilleure implication et responsabilisation des populations dans la conception et la mise en œuvre des stratégies de la fourniture des biens et des services sociaux de base de qualité au niveau local. Quant à la troisième reforme, elle se traduit dans la pratique par l’adoption de nouvelles constitutions qui consacrent les grands principes démocratiques que sont entre autres : la séparation des pouvoirs ; la liberté de la presse ; le multipartisme ; l’organisation périodique et régulière d’élections libres et transparentes, etc.
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME