L’infection par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) est une maladie infectieuse transmissible grave. Elle reste un véritable problème de santé publique de par son ampleur et sa gravité. Trois décennies après la découverte des premiers cas de sida aux Etats-Unis d’Amérique (USA) en 1981, le VIH a déjà provoqué 36 millions (29,6 millions à 40,8 millions) de décès dans le monde en fin 2015 et entraîné de profonds bouleversements démographiques et économiques dans les pays les plus fortement touchés. L’Organisation des Nations Unies pour la Lutte contre le Sida (ONUSIDA) a estimé à 36,7 millions (34,0 millions à 39,8 millions) le nombre de personnes vivant avec le VIH/sida (PVVIH) dans le monde en fin 2015[1]. L’Afrique subsaharienne qui représente 13,4% de la population mondiale, est la zone du globe la plus touchée par la maladie, avec plus de 70% des PVVIH dans le monde (25,6 millions de PVVIH en 2015). Elle est également le siège d’un peu plus de 66% des nouvelles infections par VIH en fin 2015[1]. Des progrès considérables ont été notés dans la riposte face à cette pandémie depuis la nouvelle déclaration politique de l’ONU dénommée «Intensifier nos efforts pour éliminer le VIH » (résolution 65/277) lors de la 65ème Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/SIDA (UNGASS) tenue à New York en juin 2011, par la mise en place d’importants moyens financiers et de mécanismes politiques innovants par la communauté internationale. En effet, l’ONUSIDA a estimé que 31,1 milliards US$ seront requis pour la riposte au sida en 2020 et que 29,3 milliards US$ seront requis en 2030[2]. Le Sénégal est l’un des pays de l’Afrique subsaharienne qui s’est engagé très tôt dans la lutte contre la pandémie du VIH à travers un programme de prévention et de prise en charge. Ce programme baptisé Initiative Sénégalaise d’Accès aux Antirétroviraux (ISAARV)[3]. Cette dernière a ainsi été créée en 1998. Initialement basée à Dakar, elle a été décentralisée dans les régions en 2001 avec comme objectif la prise en charge de 7000 personnes en fin 2006[4]. C’est dans cette lancée que le nombre de sites de prises en charge est passé de 8 à 68 entre 2002 et 2007 et le nombre de PVVIH sous trithérapie de 1855 à 7178 entre 2004 et 2007 et à 12249 en 2009. C’est ainsi que la décentralisation de leur prise en charge médicale et psychosociale a été possible et accessible à tous les niveaux.
GENERALITES SUR L’INFECTION A VIH/SIDA
DEFINITION ET HISTORIQUE
Définition de l’infection à VIH/SIDA
L’infection à VIH est une maladie infectieuse virale chronique causée par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH). Elle se caractérise par une diminution progressive des moyens de défenses de l’organisme. Elle a été diagnostiquée en premier chez les homosexuels, d’où sa première appellation « gay-relatedimmunodeficiencydisease » (GRID). L’acronyme SIDA signifiait Syndrome de l’Immunodéficience Acquise. Actuellement le terme de« SIDA » qui renvoie au stade ultime de l’infection au VIH en l’absence de traitement antirétroviral, constitue l’ensemble des manifestations cliniques, immunovirologiques et psychosociales, conséquence d’une destruction progressive du système immunitaire par le VIH.
Historique
➤ C’est probablement vers la fin du XIXᵉ siècle au début du XXᵉ siècle que le SIV (SimianImmunodefiency Virus) fût transformé en VIH de par son passage du singe à l’homme.
➤ Les premiers cas de sida ont été rapportés aux USA vers le début des années 1980, par des médecins de New York et de San Francisco. Ces médecins ont constaté que beaucoup de leurs patients homosexuels souffraient de pneumocystose parfois associée à un sarcome de Kaposi. D’où le nom de «gay syndrome», Gay Related Immune Deficiency (GRID) qui lui a été donné.
➤ En Juillet 1981, le Centers for disease control (CDC) d’Atlanta releva une fréquence anormalement élevée de pneumonie à pneumocystis carinii et de sarcome de Kaposi chez les homosexuels. A cette époque, le sida concernait uniquement des homosexuels très actifs qui utilisaient des drogues ludiques (poppers) contenant du nitrite d’amyle, la première hypothèse physiopathologique pour expliquer la déplétion lymphocytaire va être reportée sur sa toxicité pour les lymphocytes T CD4+ (LTCD+). Cette hypothèse va être rapidement écartée.
Des cas de SIDA furent observés aux USA pendant la même période chez des polytransfusés, des héroïnomanes et des haïtiens. Le SIDA fut ainsi appelé la maladie des quatre « H » (homosexuels, hémophilies, héroïnomanes et haïtiens).
➤ En Mai 1983, le virus responsable du SIDA fut identifié par l’équipe de l’Institut Pasteur à Paris (Pr Luc Montagnier, Pr Françoise Barré-Sinoussi), après la culture d’un échantillon de biopsie ganglionnaire d’un patient atteint de « lymphadénopathie généralisée ». En collaboration avec l’équipe Américaine du professeur Robert Gallo, le virus fut donc appelé LymphadenopathyAssociated Virus (LAV).
➤ En 1984, apparurent les premiers tests sérologiques. C’est à cette époque que les activités antirétrovirales de la zidovudine (AZT) ont été mises en évidence, ainsi qu’une connaissance plus claire des moyens de transmission.
➤ En 1985, l’isolement en Afrique de l’Ouest du LAV-2 (actuel VIH-2) par l’équipe du professeur Souleymane MBOUP du Sénégal en collaboration avec des équipes américaines et françaises.
➤ En 1986, la communauté scientifique adopta le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) à la place de LAV. Cette date correspond à l’enregistrement du premier cas de VIH au Sénégal.
➤ En 1987, le test de dépistage du VIH fut mis sur pied par «Diagnostics pasteur».
➤ En 1988, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), proclama le 1er Décembre comme « Journée internationale du sida » et la mise en place de la première initiative gouvernementale d’accès aux antirétroviraux au Sénégal (ISAARV).
➤ En 1991, le peintre Américain, Frank More, créa un ruban rouge, en guise de solidarité et de compassion pour la cause du SIDA.
➤ En 1994, la combinaison de deux ARV (AZT-3TC) sous le nom de COMBIVIR fut testée et s’avéra plus efficace que la prise d’un seul médicament. Dans la même année, fut mise en place dans quinze pays dont le Sénégal le model CTA/UTA, développé par la croix rouge française.
➤ C’est en 1996, qu’il y eut la plus grande révolution du traitement de l’infection à VIH avec la mise à disposition des ARV de la classe des inhibiteurs de la protéase. Ces derniers vont révolutionner le pronostic et la prise en charge de l’infection à VIH. Dans la même lancée, la trithérapie ARV, dont l’efficacité était démontrée fut adoptée.
➤ En Décembre 1997 à Abidjan, un consensus fut adopté sur les indications des traitements ARV, notamment en Afrique subsaharienne, lors de la réunion de la Conférence Internationale sur le Sida et les Maladies sexuellement transmissibles (CISMA).
➤ En 1998, l’Initiative Sénégalaise d’Accès aux Antirétroviraux (ISAARV) fut mise sur pied.
➤ L’année 2000, constitua le début de la mise à disposition des trithérapies dans les pays du Sud suite au congrès international de Durban ainsi que le lancement du programme mondial Access signé par cinq laboratoires pharmaceutiques et cinq organisations mondiales pour mettre à la disposition des pays du Sud des ARV à des prix réduits de 80 à 95%, permettant d’envisager des coûts annuels de traitement entre 100 et 200 € (contre 1000 € mensuels dans les pays industrialisés).
➤ En 2008, le prix Nobel de médecine fut attribué aux professeurs François Barré-Sinoussi et Luc Montagnier pour leurs travaux sur la découverte du VIH.
EPIDEMIOLOGIE DE L’INFECTION A VIH/SIDA
L’infection à VIH constitue un véritable problème de santé publique à l’échelle mondiale, sous régionale et nationale.
Aperçu mondial sur l’infection à VIH/SIDA
La pandémie liée à l’infection par le VIH est vieille de plus de 35 ans. La progression de la prévalence de l’infection au VIH est une réalité dans le monde bien que connaissant une atténuation. Selon le rapport 2016 de l’ONUSIDA [1 ;7]:
➤ 36,7 millions de personnes [34,0 millions à 39,8 millions] vivaient avec le VIH dans le monde (fin 2015)
➤ 1,1 million de personnes [940 000 – 1,3 million] sont décédées de maladies liées au sida (fin 2015)
➤ 35 millions de personnes [29,6 millions-40,8 millions] sont décédées de maladies liées au sida depuis le début de l’épidémie (fin 2015)
➤ Contrairement à la prévalence, l’incidence de l’infection à VIH est globalement en baisse depuis 2010
➤ 2,1 millions de personnes [1,8 million – 2,4 millions] ont été nouvellement infectées par le VIH (fin 2015), dont :
o Les nouvelles infections à VIH parmi les enfants ont diminué de 50% depuis 2010. En effet, 150 000 enfants [110 000-190 000] ont été nouvellement infectés par le VIH contre 290 000 [250 000–350 000] en 2010.
o Le nombre de nouvelles infections à VIH parmi les adultes n’a pas changé depuis 2010. Chaque année depuis 2010, environ 1,9 million d’adultes [1.9 million-2.2 millions] ont été infectées par le VIH.
➤ 18,2 millions de personnes [16,1 millions-19,0 millions] vivant avec le VIH ont eu accès à la trithérapie antirétrovirale (Juin 2016).
o 46% [43% – 50%] de l’ensemble des adultes vivant avec le VIH avaient accès au traitement en 2015, contre 23% [21% – 24%] en 2010.
o 49% [42% – 55%] de l’ensemble des enfants vivant avec le VIH avaient accès au traitement en 2015, contre 14% [13% – 15%] en 2010.
o 77% [69% – 86%] des femmes enceintes vivant avec le VIH avaient accès aux médicaments antirétroviraux pour prévenir la transmission du VIH à leurs bébés en 2015.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. DEFINITION ET HISTORIQUE
1.1. Définition de l’infection à VIH/SIDA
1.2. Historique
2. EPIDEMIOLOGIE DE L’INFECTION A VIH/SIDA
2.1. Aperçu mondial sur l’infection à VIH/SIDA
2.2. Situation en Afrique subsaharienne
2.3. Situation au Sénégal
3. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INFECTION A VIH
3.1. Agent pathogène
3.2. Structure du VIH
3.3. Structure du génome viral
3.4. Propriétés physico-chimiques du VIH
3.4.1. Réplication virale
3.4.2. Cellules cibles du virus
3.4.3. Les étapes de la réplication virale
3.4.3.1. Phase de pénétration du virus dans la cellule hôte
3.4.3.2. Phase de transcription et d’intégration génomique
3.4.3.3. Phase de transcription du provirus
3.4.3.4. Phase d’assemblage et de libération du virus
3.4.4. Les réponses immunes
4. MODES DE TRANSMISSION DU VIH
4.1. Transmission par voie sexuelle
4.2. Transmission par voie sanguine
4.3. Transmission mère-enfant (TME) ou transmission verticale
4.4. Situations sans risque de transmission du VIH
5. HISTOIRE NATURELLE DE L’INFECTION A VIH CHEZ L’HOMME
5.1. Primo-infection
5.2. Phase de séro-positivité asymptomatique
5.3. Phase symptomatique d’immunodépression mineure
5.4. Phase symptomatique d’immunodépression sévère ou de SIDA
6. CLASSIFICATION DE L’INFECTION A VIH
7. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L’INFECTION A VIH
7.1. Diagnostic indirect « sérologique » de l’infection à VIH
7.1.1. Tests de dépistage
7.1.1.1. Tests immuno-enzymatiques (EIA) de l’infection à VIH
7.1.1.2. Tests simples/rapides de l’infection à VIH
7.1.2. Tests de confirmation
7.2. Diagnostic direct de l’infection à VIH
7.2.1. Test de détection de l’antigène p24
7.2.2. Techniques de biologie moléculaire
7.2.2.1. Quantification de l’ARN viral plasmatique ou charge virale
7.2.2.2. Détection de l’ADN proviral par PCR
7.2.2.3. Isolement du virus
8. PRISE EN CHARGE GLOBALE DE L’INFECTION A VIH/SIDA
8.1. Test de dépistage du VIH
8.2. Prise en charge psychosociale
8.3. Prise en charge nutritionnelle
8.4. Prise en charge vaccinale
8.5. Prise en charge médicale
8.5.1. Prise en charge clinique
8.5.2. Prise en charge paraclinique
CONCLUSION