Décalages entre ligne pédagogique et réalité du terrain

Décalages entre ligne pédagogique et réalité du terrain

Développement

Afin de mener correctement ma recherche empirique, j’ai commencé par lire trois projets pédagogiques: deux projets pédagogiques valaisans et un vaudois. • Le projet pédagogique n°1 (Valais) mentionne le respect de l’enfant, la relation de confiance et l’importance du langage dans la structure. La pyramide de Maslow y est également proposée dans le projet, avec les différents besoins, tels que les besoins d’estime, défini comme étant le respect de chaque personnalité. • Le projet pédagogique n°2 (Valais) mentionne également le respect de l’enfant, entre autre. La relation de confiance y est aussi abordée, mais il est précisé qu’elle soit nonjugeante et impartiale. J’ai pu constater que pour cette structure, la communication est un outil majeur dans les différentes relations permettant de renforcer le sentiment de sécurité chez l’enfant. L’empathie ainsi que le langage non verbal sont également abordés dans le projet. Un point explique l’importance de l’observation. En effet, elle permet la remise en question des actes routiniers qui peuvent nuire à l’enfant. Elle permet également la suppression des étiquettes néfastes posées sur l’enfant et qui nuisent au développement de son estime de soi. • Le projet pédagogique n°3 (Vaud) mentionne la qualité de verbalisation avec l’utilisation d’un vocabulaire adéquat, c’est-à-dire sans jugement, sans donner de surnoms, etc. La notion de respect de l’enfant se fait également sentir à travers les lignes du projet. Un paragraphe aborde l’importance des formations, permettant un enrichissement supplémentaire pour le personnel éducatif. La remise en question des actes pédagogiques et les observations sont aussi abordées dans ce projet. Un point aborde la sensibilisation à la santé au travail. Tout un chapitre est consacré aux douces violences, avec sa définition. En annexe à ce projet pédagogique, j’ai retrouvé un dossier complet sur les douces violences, abordant des exemples et des moyens pour y remédier avec des pistes de travail, etc. Afin de poursuivre mon analyse sur le terrain, j’ai pris contact avec une éducatrice ES, qui travaille depuis onze ans en structure d’accueil, plus précisément en nurserie. Elle a accepté de me donner plus d’informations lors d’un interview, après avoir reçu au préalable la liste de mes questions. Une fois ces diverses recherches entamées, j’ai pu construire mon développement avec l’aide de la littérature que j’avais sélectionné. Certains points de mon plan se retrouvent dans les trois projets pédagogique ainsi que dans l’interview avec l’éducatrice. Ce développement aborde premièrement les impacts de ces négligences de paroles sur l’enfant. Il aborde ensuite les causes de ce phénomène, puis enfin il finit sur les outils susceptibles d’éviter ces paroles blessantes. 2.2 Présentation des données 2.2.1 Les impacts des négligences de parole sur l’enfant Pour la rédaction de ce point, je vais essentiellement me baser sur l’ouvrage Vivre en crèche – Remédier aux douces violences de Christine Schuhl (2016). Chaque moment passé avec l’enfant est important. Les professionnels de l’enfance doivent comprendre ce fait: la relation avec l’enfant est un véritable engagement, car l’enfant, telle une « éponge sensorielle », se construit à partir de ce que va lui donner l’adulte. Les conséquences sur le développement de la personnalité sont bien réelles. L’enfant a besoin de relations stables et respectueuses pour grandir. L’adulte tient un rôle fondamental, c’est avec lui que l’enfant se construit. Chaque situation de négligences de paroles porte atteinte à l’enfant. Répétées, elles s’inscrivent dans son patrimoine affectif. Chaque professionnel est responsable de cette relation à l’enfant. Chacun doit réfléchir sur ses pratiques professionnelles, et connaître ses propres limites (p.19). Christine Schuhl présente trois axes d’impacts sur l’enfant (p.21): • Situation d’insécurité affective 7 • Atteinte réelle à la personne • Conséquences sur le développement de la personnalité Les trois premières années de la vie de l’enfant sont les véritables fondations de la personnalité. Ce que l’adulte dira ou fera laissera des traces dans cette construction lente et progressive. Un tout petit enfant ne peut pas faire la part des choses. Lorsque la professionnelle juge, le ridiculise devant les autres, le surnomme péjorativement, il intègre cette définition de lui-même comme une vérité absolue. L’enfant a besoin, dès la naissance, d’être reconnu et entendu pour exister et se sentir exister. C’est principalement au travers du regard de l’adulte qu’il se construit. Sollicité par un regard rempli d’estime, l’enfant prendra confiance en lui et se sentira capable d’appréhender le monde qui l’entoure. Lorsque cette estime ne peut exister, l’enfant doute de l’adulte, doute des autres et fini par douter de luimême. Les douces violences, comme les paroles blessantes, fragilisent l’élaboration de la confiance en soi, de l’estime de soi. Elles mettent en péril la sécurité affective dont tout enfant a besoin pour grandir sereinement (p.51). « […] l’estime de soi dépend de la qualité du soutien que l’enfant pense recevoir des personnes qui l’entourent, particulièrement de ses parents et de ses pairs (Franco et Levitt, 1998). Ainsi, les enfants qui se sentent aimés tels qu’ils sont ont une plus grande estime de soi que ceux qui se sentent globalement moins soutenus » (Bee et Boyd, 2011, p.229) L’enfant est un être en devenir. Il puise tout de l’adulte: son regard sur le monde qui l’entoure, ses valeurs, sa propre représentation et sa fierté d’être. En tant que professionnelle de l’enfance, il est de notre devoir d’accueillir tous les enfants avec la même conscience professionnelle, malgré les enjeux affectifs (ex: des difficultés de relations avec certaines familles). Ces douces violences peuvent faire beaucoup de mal. Elles influencent notre regard sur l’autre. Plus grave encore, elles peuvent devenir une blessure de l’âme, où l’individu va douter de lui-même en permanence. Elles fragilisent l’enfant, quelles qu’elles soient (p.52). Christine Schuhl présente dans son oeuvre une liste d’impacts, traduits ici comme des freins au développement de l’enfant: Lors du développement de l’enfant, les douces violences, telles que des paroles négligentes, sont un frein pour se sentir autonome ou libre, étant donné que l’enfant va perdre confiance en lui. L’enfant pourrait ressentir des difficultés à trouver sa place dans le collectif ou accepter certaine relation. Il pourrait ne pas réussir à prendre correctement conscience de sa propre identité ou ne pas être fier

Les causes de ce phénomène

Stress du quotidien Lors de mes recherches, j’ai découvert des articles qui abordaient le stress en structure d’accueil. Afin de construire ce point, je me suis donc essentiellement basée sur plusieurs articles du Journal EJE (2015). « Enfants auxquels l’adulte n’a pas le temps de répondre, enfants que l’adulte ne pense pas à consoler en cas de colère, enfants changés par des gestes automatiques de l’adulte… Autant de situations quotidiennes en crèche qui jouent sur le développement du tout-petit […] Alors pourquoi ne pas se poser, évacuer le stress et essayer de faire preuve d’empathie (et pour commencer envers soi-même!)? […] » (Beaudou, 2015, p.20) Dans cet article appelé Liens entre stress, cerveau et empathie de l’adulte, Camille Beaudou explique que les facteurs de stress en crèche ne peuvent tenir sur les doigts des deux mains. Pour elle, plusieurs situations seraient source de stress: les va-et-vient dans la salle, les questions d’ordre administratif sur le terrain, les changes des enfants, le bruit, etc. Toutes ces situations placent l’enfant au second plan et le poussent parfois à se débrouiller seul, alors qu’il devrait être accompagné (p.20). L’article suivant, Soigner le corps, soigner le stress, de Delphine Schmit m’a permis d’approfondir ces sources de stress ou d’en ressortir de nouvelles (2015, p.23). Pour elle, il existe plusieurs facteurs de stress: • Le rythme et les variations de rythme Tout au long de la journée, les EDE vivent des ruptures de rythme. Cela les pousse à s’adapter en permanence afin de gérer la dynamique de groupe. Elles ont affaire à du bruit qui peut potentiellement être source de stress (p.23) • Les espaces Certaines crèches sont actuellement construites autour d’une seule pièce, alors que les enfants auraient besoin de plus d’espace, ne serait-ce que pour séparer les groupes. En petit groupe, les enfants ont plus de facilité à se concentrer sur leurs activités. Ainsi, la dynamique se modifie et devient plus sereine, ainsi le stress des EDE et des enfants s’amoindrit (p.24). • Le corps de l’autre, possible facteur de stress Dans une crèche, la proximité corporelle est permanente. Les enfants ne « respectent » pas les distances relationnelles, car ils ne se les représentent pas. Ils ne distinguent pas les différences de distance (entre enfant et enfant ou entre enfant et EDE). Cette proximité peut générer du stress chez l’adulte (p.24). • L’équipe Les divergences d’opinion au sein de l’équipe éducative, la mauvaise entente entre certains membres de l’équipe, les différences de point de vue peuvent être sources de stress au travail. En outre, les enfants font aussi les frais de ces « conflits », étant donné qu’ils sont des « éponges émotionnelles ». Ils perçoivent la moindre tension chez les professionnels. Il serait alors préférable de se mettre à distance et de régler ces situations en l’absence des enfants (p.24). « […] Travailler auprès de tout-petits peut s’avérer stressant. Ne serait-ce que parce que s’occuper des enfants des autres est une grosse responsabilité. Il faut, certes, être vigilant à ce qu’il ne leur arrive rien. Mais il faut également répondre à leurs besoins de façon à respecter leur rythme et leur développement. Or, quoi de plus compliqué que de respecter le rythme de chacun en collectivité? […] » (Nardeau, 2015, p.26) En échangeant avec une éducatrice de l’enfance lors d’un interview (Annexe 2), j’ai compris qu’effectivement le stress est un facteur d’apparition des négligences de paroles. Cependant, il n’est pas le seul à jouer un rôle dans ce phénomène. 9 B. Mal-être des EDE « La représentation, dans l’inconscient collectif, de ces métiers de la petite enfance, trop souvent mal ou non reconnus et déconsidérés, ce qui peut facilement conduire dans le quotidien bon nombre de professionnels à une certaine lassitude, à une certaine routine, sous-tendant les risques de dérives propres à générer un déclin de vigilance vis-à-vis des enfants […] » (Schuhl, 2016, p.8) Cette phrase, présente dans l’introduction de Vivre en crèche – Remédier aux douces violences, illustre le fait que le métier d’éducatrice de l’enfance est peu reconnue dans notre société. Or, le manque de reconnaissance touche l’estime de soi et fait chuter la confiance en soi d’une personne. Christine Schuhl explique que le manque de reconnaissance, le manque de confiance en soi, le manque de moyens, comme les malaises professionnels ou personnels touchent l’identité du professionnel. Du moment que l’éducatrice se sent débordée, dépassée, déstabilisée, la douce violence devient alors une réponse trop souvent donnée aux enfants (p.23). En cours de santé au travail, nous avons abordé « le mythe de la parfaite éducatrice ». J’en parle dans mon travail, car il me semble que cet idéal de la bonne éducatrice contribue au mal-être de l’éducatrice. Le mythe professionnel est sensé être quelque chose qui soutient la personne dans son devenir professionnel. Cependant, l’idéal professionnel dans le monde de l’éducation est souvent irréalisable et cela touche directement l’identité de l’EDE. En classe, nous avons énuméré des éléments valorisés et des éléments interdits pour une éducatrice de l’enfance (Annexe 3). Par exemple, la patience sans faille , la voix douce, le fait d’avoir tout sous contrôle ou le fait d’être toujours souriante sont ressortis dans la colonne des éléments valorisés. Dans la colonne des éléments interdits, nous avons évoqué la colère, la fatigue, le fait d’être à court d’idées ou d’avoir des préférences parmi les enfants. Après avoir analysé tous ces éléments en classe, nous nous sommes rendues compte que c’est surtout les éléments dits « interdits » que nous retrouvons dans la réalité. C’est pour cela que les professionnels de l’enfance peuvent ressentir un certain mal-être, car l’idéal qu’elles voudraient atteindre est parfois impossible à atteindre. Les éléments inscrits dans la colonne des interdits sont les comportement d’un être humain, alors que ceux qui correspondent au mythe de la parfaite éducatrice s’apparente mieux à un robot (S. Mathey, communication personnelle, novembre 2017). Marianne Zogmal aborde également le sentiment d’insuffisance de l’éducatrice de l’enfance dans son oeuvre « T’es un enfant à caprices! ». « Contenir les angoisses et les émotions souvent vives des enfants accueillis, celles de leurs parents, faire face à ses propres émotions, et tout ceci dans une attitude qui reste professionnelle, suffisamment distanciée à chaque instant, avec une vision idéale du métier d’éducatrice du jeune enfant, toutes ces exigences mettent les professionnels dans une situation souvent douloureuse » (Zogmal, 2008, p.92) Elle explique que le hiatus entre l’idéal à atteindre et la réalité à laquelle elle doit faire face met l’éducatrice de l’enfance devant un sentiment d’insuffisance indépassable de son action ou d’elle-même en tant que personne. Elle aborde aussi le fait qu’être une bonne éducatrice ne demande pas seulement de bien s’occuper des enfants, de leur assurer la sécurité affective, mais également de pouvoir supporter ce sentiment d’insuffisance, cette souffrance, et de trouver les moyens de « tenir » dans cette profession (p.92). C. Organisation des institutions J’ai essentiellement construit ce paragraphe à l’aide de Vivre en crèche – remédier aux douces violences (2016). Les conditions institutionnelles regroupent tout ce qui touche au fonctionnement propre de l’institution: les horaires, le nombre d’enfants accueillis, les équipes et le matériel. Christine Schuhl explique que ces conditions pointent la fragilité du terrain professionnel souvent confronté aux difficultés d’organisation (p.24). Il y a d’abord le nombre d’enfants accueillis dans la structure qui fragilise le bon fonctionnement d’une journée. Étant donné que le groupe d’enfants est plus grand, la gestion du groupe devient alors une priorité pour les professionnels, au détriment des demandes individuelles des enfants. Les journées se déroulent dans la précipitation (p.25). 10 « Le rythme des journées est toujours soutenu, le professionnel passe d’une action à une autre sans pouvoir trouver le temps de se remettre en question. Les douces violences s’infiltrent dans cette cadence, à l’insu des professionnels qui font ce qu’ils peuvent pour qu’il n’y ait pas de débordements » (2016, p.26). Christine Schuhl ajoute qu’accueillir plusieurs enfants ne doit pas être un alibi pour oublier que chaque enfant a besoin d’avoir confiance en l’adulte qui s’occupe de lui (p.26). Ce point par rapport aux groupes trop pleins a également été mentionné lors de mon interview avec l’éducatrice (Annexe 2). L’architecture a également son importance. Les pièces trop petites, une mauvaise insonorisation, l’emplacement des pièces à vivre ou la luminosité peuvent influencer la dynamique de groupe ou l’humeur de l’équipe éducative (p.29). L’aménagement de l’espace est un déclencheur supplémentaire: les pièces qui n’évoluent pas, les jeux qui sont toujours les mêmes ou les coins qui restent en place toute l’année perturbent les enfants. La routine s’installe et les enfants peuvent alors devenir agressifs. Lorsque les tensions s’accroissent, la professionnelle de l’enfance va éprouver des difficultés à gérer le groupe. Les douces violences deviennent encore une fois une réponse au malaise des enfants qui s’ennuient

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Table des matières

Introduction
1.1 Cadre de la recherche
1.1.1 Illustration
1.1.2 Thématique traitée
1.1.3 Intérêt présenté par la recherche
1.2 Problématique
1.2.1 Question de départ
1.2.2 Précisions, limites posées à la recherche
1.2.3 Objectifs de la recherche
1.3 Cadre théorique et/ou contexte professionnel
1.3.1 Le langage
1.3.2 La communication
1.3.3 Le rôle de l’EDE
1.3.4 Les douces violences
1.4 Cadre d’analyse
1.4.1 Terrain de recherche et échantillon retenu
1.4.2 Méthode de recherche
1.4.3 Méthode de recueil des données et résultats de l’enquête
2. Développement
2.1 Introduction au traitement des données
2.2 Présentation des données
2.2.1 Les impacts des négligences de parole sur l’enfant
2.2.2 Les causes de ce phénomène
A. Stress du quotidien
B. Mal-être des EDE
C. Organisation des institutions
D. Décalages entre ligne pédagogique et réalité du terrain
2.2.3 Outils pour éviter ces négligences de paroles
E. La CNV
F. Travail sur soi
G. Travail d’équipe
H. Formations
I. Supervisions
3. Conclusion
3.1 Résumé et synthèse des données traitées
3.2 Analyse et discussion des résultats obtenus
3.3 Limites du travail
3.4 Perspectives et pistes d’action professionnelle
3.5 Remarques finales
4. Bibliographie

 

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