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La théorie du changement structurel
Cercles vicieux de NURSKE (1953)
NURSKE est le promoteur de l’analyse en termes de cercles vicieux de la pauvreté et du sous-développement. Il dit que la faiblesse de l’épargne empêche le développement endogène en l’absence d’aide extérieure, d’où la nécessité de financement extérieur au stade préalable de démarrage de ROSTOW (CUDEVILLE et PONCET, 2011)
Il préconise alors à un recours aux capitaux étrangers qui va autoriser un accroissement du stock de capital, de la productivité, des revenus et par la suite de la demande. Tout en identifiant clairement les mécanismes de perpétuation de la pauvreté.
Pourtant, l’histoire montre que ces cercles vicieux ont été rompus dans le passé par les pays aujourd’hui industrialisés et, d’autre part, pourquoi les actions efficaces pour rompre ces cercles vicieux ne sont-elles pas mises en œuvre ?
Sans doute, par une maintient constant, des pays actuellement industrialisés, de la triste situation des PED.
Modèle de LEWIS (1954)
Lewis est l’un des pionniers de l’économie du développement, économiste britannique. Un des premiers modèles théoriques de développement centré sur la transformation structurelle d’une économie de subsistance pour lequel Lewis a reçu le prix Nobel en 1979. Le modèle dual de LEWIS est devenu la théorie générale du processus de développement dans les pays du Tiers-Monde sur la période 1960 et jusqu’au début des années 1970 (DEUBEL, 2008). Le dualisme est une des caractéristiques de pays en voie de développement.
Dans le modèle de Lewis, l’économie sous-développée est caractérisée par l’existence des deux secteurs : un secteur traditionnel et un secteur moderne. Dans le secteur traditionnel, il y a forte intensité de main d’œuvre, l’offre de main d’œuvre est illimitée, le salaire est très bas et en plus, l’absence de technologie dans le milieu rural d’où la nécessité de transfert de main d’œuvre rural vers la ville. Pour Lewis, le surplus de main d’œuvre doit quitter la campagne vers la ville (RAKOTOVAO, 2014). Dans le secteur moderne ou dans l’industrie, la productivité est encore croissante. Le capitaliste a de besoin en main d’œuvre afin de produire plus des quantités, et de dégager de profit (ibid).
Le cœur de la structure de développement économique du modèle de LEWIS est le mouvement du travail du secteur traditionnel au secteur moderne (RAKOTOVAO, 2014). Pour les pays en développement, qui veulent se développer, la solution est simple, il suffit de transférer le surplus de main d’œuvre du secteur traditionnel dans le secteur moderne où la productivité est croissante, afin de dégager des taux de profits croissants et donc un taux d’épargne suffisamment important pour lancer le processus d’industrialisation (DEUBEL, 2008).
Mais, quand on vient en ville, on n’a pas de capacité nécessaire pour travailler dans l’industrie. Et on ne maitrise pas aussi l’information dans l’entreprise. Nous savons que les entrepreneurs cherchent toujours de maximum de profit, pour cette raison, ils n’embauchent pas les gens ou les mains d’œuvres qui n’ont pas de capacité ou d’expérience. La conséquence, le capitaliste va recruter une personne à bas cout (RAKOTOVAO, 2014).
Bref, ce modèle dualisme de Lewis a de limite, le secteur moderne a une capacité d’embauche mais leur recrutement n’est pas garantie d’où l’explosion de secteur informel.
Schémas de développement de CHENERY (1979)
Le modèle le plus connu est celui de CHENERY (CUDEVILLE E. & PONCET, 2011) basé sur un travail empirique qui examine un grand nombre de trajectoires de développement de PED sur la période d’après-guerre. Son travail sur les séries chronologiques et les séries transversales de pays à niveau de capital par tête différents, conduit à identifier un certain nombre de caractéristiques communes au processus de développement, parmi lesquelles :
– Le passage de la production agricole à la production industrielle
– Accumulation continue de capital physique et humain
– Modification de la structure de la demande des biens de base et de première nécessité au profit des biens manufacturés diversifiés et des services.
– Croissance des villes et des industries urbaines au fur et à mesure que les individus quittent les campagnes et les petites villes
– Déclin de la taille de la famille et de la croissance de la population, au fur et à mesure que les enfants perdent leur valeur économique et que les parents substituent de la qualité éducation par exemple à la quantité, avec une population qui commence par croître puis décroît dans le processus de développement.
Mais comme toute approche, elle a aussi ses limites. Cela implique des faits concluants comme le fait que le développement est un processus identifiable de croissance et de transformation dont les caractéristiques principales sont similaires entre pays. Pourtant, le modèle reconnaît que des différences peuvent apparaitre entre pays dans le rythme et la trajectoire de développement, en fonction des circonstances qui leur sont propres.
Et d’après CUDEVILLE et PONCET (2011), « l’observation de la baisse de la force de travail dans l’agriculture dans le temps ont conduit à négliger ce secteur vital comme nous le verrons, c’est l’inverse qu’il aurait fallu faire. Pareillement, en observant le rôle de l’éducation secondaire dans les PI, les décideurs peuvent être enclins à insister sur le développement d’un système universitaire avant que l’essentiel de la population soit alphabétisé, une politique qui a conduit à de très fortes inégalités. ».
La théorie de la dépendance
Théorie influencée par la théorie marxiste et une théorie de la domination de la périphérie par le centre. Leur raisonnement se fonde qu’à l’intérieur du capitaliste mondial, repose les rapports centre-périphéries (DEUBEL, 2008). C’est cette insertion dans l’économie mondiale qui est à l’origine du sous-développement des pays dits périphériques dominés par les pays du centre qui rend difficile, voire impossible toute tentative de développement (AMIN, 1986). Elle accentue les rôles des élites du sud et dit que le sous-développement est induit de l’extérieur : ce sont les théories d’étapes linéaires et structuralistes. AMIN, dans son ouvrage « La déconnexion » paru en 1986, propose une alternative aux pays dits périphériques. Le problème est d’envisager un développement autocentré de l’économie des pays périphéries qui est extravertie. Et c’est dans cette optique qu’il faut comprendre sa théorie de la déconnexion.
Autre Samir AMIN10, théoricien du modèle de dépendance néocoloniale, figurent Paul BARAN, Theotonio dos Santos, André Gunder FRANCK, Osvaldo SUNKEL et Immanuel WALLERSTEIN. Pour eux, le sous-développement est une conséquence et non un retard.
LES APPROCHES CONTEMPORAINES DU DEVELOPPEMENT
Indices de développement
La Banque Mondiale ou BM11 et le Programme des Nations Unis pour le Développement ont des manières pour classer les pays du monde. Ces institutions préconisent chacun leur indice de développement. La différence se situe sur les variables à considérer pour calculer la place d’un pays au niveau du développement.
La Banque Mondiale
La Banque Mondiale opère chaque année une classification des pays selon le niveau de Produit Intérieur bruit ou de Produit National Bruit par habitant. La banque Mondiale intègre un indicateur monétaire.
En 2009, la Banque Mondiale publie des tranches de revenu où les pays peuvent se classer économiquement en termes de développement sur la base du revenu12 :
– Pays à faible revenu : revenu national brut par habitant est inférieur ou égal à 975 Dollars ($)
– Pays à revenu moyen bas : RNB par habitant est compris entre 865 et 978 Dollars ($)
– Pays à revenu moyen haut: RNB par habitant est compris entre 3866 et 11905 Dollars ($).
– Pays à revenu élevé : RNB par habitant est supérieur ou égal à 11906 Dollars.
La Banque Mondiale considère que les pays en développement sont réunis dans les trois premiers groupes alors que les pays développés figurent dans le groupe des pays à revenu élevé.
Le Programme des Nations Unies pour le Développement et le fameux IDH
Le PNUD13 a toujours contesté l’indicateur de la BM. Il estime qu’il est très réducteur et n’incluent pas tous les aspects de la vie d’une personne. Le PNUD (1990) propose un indicateur synthétique de développement humain appelé Indicateur de Développement Humain 14.
Au départ, l’IDH s’analysait en trois dimension : la longévité, le savoir, et le niveau de vie c’est-à-dire le PIB par tête des habitants d’un pays pour y conclure le niveau de développement.
Mais actuellement, on tient compte de quatre variables : le revenu, l’espérance de vie, l’alphabétisation des adultes et le nombre moyen d’étude en séparant les trois niveaux primaire, secondaire et supérieur (PNUD, 2010).
L’IDH met l’accent sur les possibilités fondamentales d’intégration d’un individu dans la société et non plus les moyens matériels. Les possibilités fondamentales telles que :
– Mener une vie longue et saine
– Accéder à la connaissance et à l’information
– Bénéficier des ressources suffisantes pour une vie décente
Dans ses Rapport sur le Développement Humain, le PNUD classe les pays selon la valeur de leur Indicateur de développement humain. Cette valeur est comprise entre 0 et 1. Le PNUD distingue trois groupes de pays :
– Les pays à faible développement humain : l’IDH est inférieur à 0.5 ;
– Les pays à développement moyen : l’IDH est compris entre 0.5 et 0.799 ;
– Les pays à développement élevé : l’IDH est supérieur à 0.8.
Le PNUD publie chaque année dans son Rapport sur le développement humain le classe de chaque pays. Cet indice peut augmenter ou diminuer selon les efforts de pays.
Après une optique de développement acquis par l’intermédiaire d’une réorientation et réorganisation économique et sociale, la troisième dimension qui est l’environnemental est à savoir. Cela, dans une question de durabilité et de bien-être pour le développement d’un pays qui conduit à ce qu’on appelle « développement durable ».
Le développement durable
Définition
Le développement durable ou développement soutenable est défini en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement15 dans le livre, Our Common Futur, Rapport BRUNDTLAND (1987) qui popularise le concept de durabilité comme suit : « Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoin », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir ». Autrement dit, en s’appuyant sur des valeurs telles que responsabilité, participation et partage, débat, partenariat, innovation, pérennité, réversibilité, précaution et prévention et solidarité ; sociale, géographique et transgénérationelle. Il s’agit d’affirmer une approche double et conjointe :
• Dans l’espace : chaque habitant de cette terre a le même droit humain aux ressources de la Terre ;
• Dans le temps : nous avons le droit d’utiliser les ressources de la Terre mais aussi le devoir d’en assurer la pérennité pour les générations à venir.
De ce fait, l’adjectif original sustainable dans sustainable development a été traduit en français par durable, parfois par soutenu, soutenable, pérenne. Le déterminant souligne ainsi une exigence particulière de cohérence. L’expression « développement durable » qualifierait alors le plus souvent un développement qui respecte simultanément au moins les trois critères suivants :
– La finalité sociale,
– La prudence écologique,
– L’efficacité économique
Les principaux piliers du développement durable
L’objectif du développement durable est de définir des schémas viables en conciliant les trois aspects économique, social, et environnemental des activités humaines ; il y a « trois piliers » à prendre en compte, par les collectivités comme par les entreprises et les individus : 1. Le pilier économique Désignant la performance financière « classique », mais aussi la capacité à contribuer au développement économique de la zone d’implantation de l’entreprise et à celui de tous les échelons.
Le pilier social
Définissant les conséquences sociales de l’activité de l’entreprise au niveau de tous ses échelons : employés dans leurs conditions de travail, leur niveau de rémunération, fournisseurs, clients, communautés locales et société en général.
Le pilier environnemental
Révélant la compatibilité entre l’activité sociale de l’entreprise et le maintien de la biodiversité et des écosystèmes. Il comprend une analyse des impacts du développement social des entreprises et de leurs produits en termes de flux, de consommation de ressources, difficilement ou lentement renouvelables, ainsi qu’en termes de production de déchets et d’émissions polluantes, etc. Ce dernier pilier étant nécessaire aux deux autres.
En résumé, le Développement Durable est le « développement économiquement viable, écologiquement durable, socialement équitable, qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».
En d’autres termes, seule l’intersection de ces trois dimensions est qualifiée de « durable » d’après les définitions données.
Le développement est une notion dont tous les économistes se sont penchés pour en connaitre le chemin à suivre, dans le but d’arriver à cette finalité. De nombreuses théories se sont affluées, et ont interprétés le comment du développement. Le développement, un processus multidimensionnel, est un ensemble du système économique et social. En plus de la progression des revenus et de la production, il induit : des changements radicaux des structures institutionnelles, sociales, administratives, et des modifications des comportements et également des normes et des croyances.
Venant de la croissance économique, qui est une condition indéniable du développement vers un accomplissement ultime du développement, « le développement durable », le chemin semble long. Chaque pays devrait s’interroger sur la manière, le savoir, le savoir-faire, la connaissance, la compétence et surtout la politique à suivre pour se diriger inéluctablement vers le chemin du développement. C’est dans ce contexte de rechercher de chemin vers le développement qu’entre en scène l’éducation pour mieux les éclairer et les aider dans leur objectif.
DEBATS THEORIQUES SUR l’EDUCATION ET CROISSANCE ECONOMIQUE ET DEVELOPPEMENT
Qu’est ce qui est caché derrière le développement des pays avancés? Pourquoi la richesse produite dans les pays les plus développés et les pays en voie développement a une grande écart depuis 182016? Les théories de la croissance économique cherchent les réponses à ces questions.
Pour bien saisir le débat théorique concernant l’impact de l’éducation sur la croissance économique-développement, nous avons opté pour l’étude et l’analyse des positions de trois approches théoriques, que nous considérons parmi les plus représentatives et celles qui ont le plus travaillé sur les questions d’économie politique d’éducation. Il s’agit de la théorie classique; la théorie du capital humain et; les théories de la croissance endogène.
LE LIEN EDUCATION-CROISSANCE DANS LA PENSEE ECONOMIQUE CLASSIQUE
Dans la perspective de la théorie classique, la principale source de création des richesses et de la croissance économique est l’accumulation des facteurs de production, à savoir le capital et le travail (MANDRARA, 2012). Ricardo (1772-1823), affirme que l’augmentation de la productivité est le résultat de l’augmentation des quantités et de la qualité des facteurs à la disposition des travailleurs. Smith (1723-1790) dans son chef d’œuvre: La Richesse des Nations, publié en 1776, considère que l’investissement dans l’apprentissage et l’éducation est un des moyens permettant l’accroissement de la productivité des individus et de la nation, malgré les coûts qu’il entraîne pour son acquisition (MEULEMEESTER ET DIEBOLT, 2007). Il s’agit notamment, du renforcement de la pénétration du capital dans la production industrielle et l’entrée des producteurs dans un rapport de concurrence salariale pour la réduction de leurs coûts; l’amélioration de leur compétitivité; et, l’augmentation de leurs profits (PAUL, 1999).
Dans ce contexte, il y a une question principale a occupé la réflexion des classiques: faut-il instruire les ouvriers et si oui quelle instruction leur donner ?
Les classiques ont insisté sur la nécessaire instruction élémentaire des travailleurs qui n’ont besoin que de leurs forces physiques pour l’accomplissement de leurs tâches. L’objectif étant de les domestiquer, leur apprendre le bon sens et faire en sorte qu’ils se conforment à l’ordre et la discipline17 au sein des lieux de travail (PAUL, 1999).
Il en résulte, que dans une perspective classique l’éducation a une double fonction. Elle n’est pas seulement considérée comme un moyen pour le développement des capacités productives des individus, mais également comme un moyen d’amélioration morale (DELAMOTTE, 1998).
A. Smith, défend le droit d’un travailleur éduqué et en charge d’un travail exigeant une grande habileté à un salaire lui permettant non seulement d’indemniser les coûts et frais occasionnés par sa formation, mais également de lui permettre de réaliser un certain niveau de profit dans une période donnée du temps.
Le raisonnement d’A. Smith s’inscrivait dans le cadre de l’institution corporative d’apprentissage. Une institution dont la mission est non seulement la formation de la main d’œuvre, mais également de rationner l’accès de nouveaux producteurs au marché (Paul, 1999). L’idée est de justifier que l’on ne peut imposer les coûts de longs apprentissages aux apprentis que si ceux-ci sont certains de pouvoir rentabiliser ultérieurement leurs investissements éducatifs sur le marché du travail (PAUL, 1999). Il s’agit d’une théorie de la demande d’éducation en fonction des revenus anticipés. Ce n’est pas la formation qui explique et justifie le revenu, mais à l’inverse la coalition des producteurs pour assurer la sécurité de leurs revenus qui explique et justifie l’institution d’une barrière à l’entrée, dans ce cas les institutions corporatives d’apprentissage (PAUL, 1999). Dans cette optique, l’éducation est envisagée non pas comme un investissement productif, mais comme un placement financier, réductible à un simple calcul rationnel en termes pécuniaires. L’éducation ne serait entreprise par les individus que si les perspectives de rendement sont au moins égales à celles des affectations alternatives des ressources de l’individu (PAUL, 1999).
Les affirmations de la théorie classique ont été reprises et développées par la théorie du capital humain pour en montrer et prouver que les différences de niveaux de croissance économique entre pays ne sont en fin de compte que le résultat tout à fait logique des différences dans la conception du rôle et de la place du système éducatif et des niveaux de scolarisation de la population.
LA THEORIE DU CAPITAL HUMAIN
La fin de la Deuxième Guerre mondiale et le début de la Guerre froide ont sensiblement affecté la vision et la conception qu’entretenaient Gouvernements et économistes quant à la place et le rôle de l’éducation dans la société. La prise en compte d’une nécessaire révision du lien entre éducation et croissance a poussé certains pays développés, dont notamment les États-Unis, à motiver et encourager la recherche scientifique en la matière (SERVAN, 1968). D’où la création d’une filière de recherche en économie de l’éducation à l’université de Chicago au début des années 1960. L’objectif étant de répondre à la question: Comment accroître d’un point le taux de croissance de l’économie américaine dans les vingt prochaines années? Le programme visait la résolution de certains problèmes posés par le nouvel contexte international, à savoir: le maintien et le renforcement de la croissance économique; le rôle de l’éducation dans la lutte contre la pauvreté et, la compétition avec le bloc soviétique, notamment après le lancement de ce dernier du premier spoutnik, en 1959.
Les travaux au sein de ce programme de recherche ont conduit à la naissance de toute une nouvelle filière au sein de la science économique, en l’occurrence celle de l’économie de l’éducation. Tout d’abord, on doit signaler l’introduction de la théorie du « capital humain », grâce aux travaux de T. W. SCHULTZ (1963) et G. BECKER (1964)18 . Ces derniers se posaient deux questions: Qui gère les ressources humaines? Et selon quels critères?
La réponse à ces questions consiste à affirmer que l’être humain peut être considéré comme une matière première à façonner et transformer en fonction des besoins de l’économie et du marché du travail (PAUL, 1999).
À l’encontre de la théorie classique, les théoriciens du capital humain affirment que les seuls facteurs de travail et du capital sont insuffisants à eux tous seuls pour l’explication et l’analyse des différences d’évolution de niveaux de croissance entre les économies (HENAFF, 2006). Dans la vision de ces derniers, c’est la qualité du facteur travail et non pas le travail en lui-même, qui représente un élément fondamental pour la compréhension de la dynamique de croissance. Or, un facteur travail de qualité implique que les individus et travailleurs, jouissent d’un bon état de santé19 et d’un système éducatif moderne et axé sur les sciences, l’innovation et la technologie20. Dans cette optique, le capital humain se présente comme un facteur endogène résultant de choix rationnels d’investissement de la part des individus, travailleurs et entreprises (OCDE, 1998).
Selon l’OCDE, le capital humain peut se définir comme les: « connaissances, qualifications, compétences et autres qualités possédées par un individu et intéressant l’activité économique» (OCED, 1998). Cette définition traite des compétences d’un individu non seulement à partir du niveau d’éducation qu’il a atteint, mais également de la façon selon laquelle il peut les utiliser de manière productive sur le marché du travail.
Le capital humain est un bien immatériel qui peut faire progresser ou soutenir la productivité, l’innovation et l’employabilité. Il peut croître, se réduire ou devenir obsolète. Il provient de différentes origines, en l’occurrence et notamment, l’apprentissage organisé dans le cadre de l’éducation et de la formation (OCDE, 1998).
La théorie du capital humain s’est construite par analogie à la théorie du capital physique (BECKER, 1994). L’éducation et la formation sont considérées comme un investissement que l’individu doit effectuer d’une façon rationnelle afin de se construire un capital productif inséparable de sa personne (OCDE, 1998). L’étudiant est considéré comme une firme possédant un niveau initial de connaissances ou un stock de capital humain. Tout comme la firme peut investir pour accroître et accumuler son capital physique, l’étudiant peut lui aussi de sa part, augmenter son stock de capital humain par sa demande d’éducation. Cette dernière augmente les capacités productives de l’individu, en accroissant ses connaissances, aptitudes et compétences (RAMIARISON, 2015).
Les coûts relatifs d’acquisition de ce capital sont de deux sortes. Premièrement, un coût d’opportunité, c’est-à-dire le salaire et les avantages auxquels l’individu pourrait prétendre s’il travaillait à temps plein et dont il doit renoncer pour se libérer à sa formation (OCDE, 1998). Et deuxièmement, les coûts et les frais exigés pour sa formation. Car l’éducation est censée lui procurer une source de revenu durable sur le marché du travail. Son acquisition devrait accroître et améliorer ses compétences et qualifications et ainsi sa productivité marginale. Le taux de rendement de l’investissement en capital humain se mesure par la différence entre le niveau et flux de salaire perçus après l’investissement et le niveau et flux de salaire que l’individu n’aurait pu percevoir s’il n’en avait pas investi (OCDE, 1998). De ce point de vue, il sera rentable d’investir si la différence entre les valeurs actualisées de ces deux flux est positive et supérieure aux coûts de l’investissement. BECKER (1994), affirme que c’est l’anticipation des gains futurs que peut gagner l’individu en termes de revenus, qui détermine son choix et son niveau d’investissement éducatif. La demande d’éducation est le résultat d’un calcul de rentabilité réalisé à partir de la différence entre les coûts et les bénéfices qu’elle pourrait engendrer pour son demandeur. Il en découle pour T. W. SCHULTZ (2003), que grâce à l’éducation « les travailleurs sont devenus des capitalistes », dans le sens où le travailleur est supposé avoir une marchandise à vendre sur le marché de travail. Cette marchandise est un stock de connaissances, de compétences et d’un savoir-faire acquis dans une large proportion grâce à la formation et l’éducation. L’éducation est un investissement rentable (OCDE, 1998).
De sa part, MINCER (1958) précise que les écarts de salaires entre individus et travailleurs s’expliquent par la différence de niveau de formation entre ces derniers. Alors que SCHULTZ (1961) considère que les individus peuvent améliorer leur productivité par des actes volontaires d’investissement (HENAFF, 2006).
Bref, la théorie du capital humain défend la thèse selon laquelle investir en éducation est une des pré-conditions à une croissance économique soutenue et durable. Le taux de croissance d’une économie est essentiellement affecté par le taux de croissance de l’éducation et du niveau scolaire de la population active. Cette théorie a donné lieu à une sorte de consensus en faveur d’une expansion massive des systèmes éducatifs.
LES THEORIES DE LA CROISSANCE ENDOGENE
Les années 1980 et 1990 ont marqué un renouveau de l’approche néo-classique de la croissance pour évoluer d’une simple approche de croissance exogène à une autre dite de croissance endogène. Le savoir occupe une place centrale dans les analyses de ces théories. La production de ce dernier est censé induire une croissance auto-entretenue en raison de rendements marginaux non décroissants ou grâce à une externalité positive née de la diffusion des connaissances (RAMIARISON, 2015).
Les théories de la croissance endogène comprennent trois modèles de pensée théorique, qui chacun met l’emphase sur un paramètre bien déterminé. Il s’agit des modèles d’accumulation du capital humain, du modèle du savoir et recherche, et du modèle néo-schumpétérien. Nous allons présenter brièvement les deux premiers modèles avant de s’arrêter beaucoup plus en détail sur le dernier modèle, à savoir celui néo-schumpétérien.
Le modèle de Lucas: La théorie d’accumulation du capital humain
Le modèle de LUCAS (1988) propose un cadre d’analyse dans lequel l’accumulation du capital humain et le savoir sont des facteurs déterminants pour la productivité et la croissance. Elles sont même les facteurs de référence pour expliquer la différence dans les taux et niveaux de croissance et développement entre pays (HOWITT, 2004). Le savoir est considéré comme un bien rival21 et à exclusivité d’usagé. Il est le produit de l’éducation et à ce titre incorporé aux individus en tant que capital humain (MONTEILS, 2001).
Ce modèle s’intéresse à étudier l’impact de l’accumulation du capital humain sur la croissance. Son objectif principal est d’expliquer le caractère continu de la croissance d’une part, et la diversité des niveaux de revenus d’autre part. Il analyse les fondements économiques de la formation du capital humain, en affirmant que chaque individu répartit son temps entre les activités de production et de formation. Chaque unité supplémentaire investie en éducation permet d’accroître la productivité du travailleur et de la firme. La croissance, alors, de long terme est un arbitrage réalisé par les agents entre sacrifier leur utilité présente, tout en sachant que le plus ils se consacrent à la formation, le plus leurs productivités et revenus seront élevés (OCDE, 1998).
Dans ce modèle on distingue entre deux secteurs. Premièrement, celui de la production. Et deuxièmement, celui de la formation. Dans le premier sont produits les biens à partir du capital physique et une partie du capital humain qui est accumulable avec une productivité non décroissante. Alors que dans le second secteur, on trouve la formation du capital humain.
Le modèle de Romer : Le savoir comme produit des activités de recherche
Dans la vision de ROMER (1990), le savoir ne peut être incorporé aux individus. Il est synonyme de l’innovation et produit de la recherche et développement (MONTEILS, 2001).
À l’encontre du modèle de Lucas, le savoir est considéré comme un bien non rival, dans la mesure où l’utilisation d’une connaissance par un agent n’empêche pas l’usage simultané par un autre (RAMIARISON, 2015). C’est également un bien à usage partiellement exclusif, c’est-à-dire que s’il est possible d’interdire l’usage d’une connaissance pour la production d’un bien, cela parfois est difficile lorsque cette connaissance est utilisée pour produire une autre connaissance. Le droit de propriété n’est que partiel. La croissance est envisagée comme la conséquence principale de l’accumulation des connaissances. Un pays consacrant une forte part de son capital humain à la recherche aura tendance à croître plus rapidement qu’un autre (OCDE, 1998). Le progrès technologique est envisagé comme le résultat des activités d’un secteur de la recherche qui a pour objectif la production de nouvelles « idées » ou nouvelles connaissances (ROMER, 1986).
La théorie néo-schumpétérienne de la croissance endogène: Le modèle Aghion et Howitt AGHION ET HOWITT (1992), intègrent dans leur modèle une idée qui remonte à J.
Schumpeter, en vertu de laquelle les innovations industrielles, tout en améliorant la qualité des biens produits sont des facteurs de croissance. L’idée centrale est que le progrès technologique rend obsolète les biens produits dans le passé.
Le capital humain affecte la capacité d’un pays d’innover et de se rattraper par rapport aux autres pays développés (ENGELBRECHT, 2001).
Le transfert technologique, la recherche et développement et les politiques d’importation et d’homologation des techniques étrangères occupent une place primordiale dans l’analyse de la théorie néo-schumpétérienne de croissance endogène. Elle considère que ces activités expliquent dans une large mesure les taux de croissance convergents enregistrés dans les pays développés. Alors que dans le cas des pays en développement, il serait très facile d’accélérer leurs croissances, en adoptant les technologies produites dans d’autres parties du monde (HOWITT, 2004). Dans cette optique, l’incitation à la recherche et développement dans un pays en développement déterminera non pas son taux de croissance à long terme, mais son niveau de productivité totale des facteurs à long terme (HOWITT, 2004). Toutefois, au fur et à mesure que le pays en question se rapproche de la frontière technologique, cet avantage appelé dans la théorie « avantage d’état arriéré» se diminue et entraîne également une diminution du taux de croissance (HOWITT, 2004).
De leur part, BENHABIB et SPIEGEL (1994), considèrent que l’impact que pourrait exerce l’éducation sur la croissance économique d’un pays est conditionné par le niveau de développement de ce dernier. Cette thèse est partagée également par AGHION et COHEN (2003), qui affirment que: « L’organisation du système éducatif affecte le potentiel de croissance différemment selon le niveau de développement économique ». Le rôle et l’impact de l’éducation diffère d’un pays à un autre selon le niveau de développement de ce dernier.
Dans le contexte des pays développés, dits « pays proches de la frontière technologique» l’objectif est de maintenir le niveau de développement économique atteint, notamment par les biais de l’innovation et de la créativité, afin de faire face à la concurrence étrangère et renforcer sa compétitivité. Alors que dans le cas des pays en développement, l’objectif est par contre celui de rattraper et atteindre le niveau de développement des pays développés. D’où une tendance vers l’imitation et une préférence pour le développement des enseignements primaire et secondaire en premier lieu. Les auteurs ont conclu que le taux de croissance des économies est corrélé d’une part, au stock d’éducation qui augmente la capacité d’innovation. Et d’autre part, à une variable qui caractérise l’effet de rattrapage du progrès technique (AGHION et COHEN, 2003).
. AGHION et HOWITT (1992), donnent à l’innovation un rôle clé dans la croissance, et celle-ci est liée à la part de la main d’œuvre affectée à des activités de recherche. Dans un article plus récent, VANDENBUSSCHE, AGHION et MEGHIR (2006), ont développé un modèle où ils ont notamment mis l’accent sur l’importance des activités d’innovation et d’imitation, en démontrant que lorsqu’un pays est loin de la frontière technologique, le développement de l’enseignement primaire et secondaire devient fondamental22 (AGHION et COHEN, 2003). Une explication simpliste du rôle plus faible de l’éducation lorsque le pays se rapproche de la frontière technologique est que l’éducation favorise l’adoption de nouvelles technologies et par là la croissance (NELSON et PHELPS, 1996). Donc a priori l’impact de l’éducation serait plus fort dans la situation d’un pays en développement (AGHION et COHEN, 2003).
Il en résulte que le lien ou l’interaction entre éducation et progrès technique, a d’importants enseignements et implications concrètes pour la politique économique de tout pays. De même, il est certain que le niveau et la qualité du captal humain influencent le taux de croissance d’une économie. Un pays mieux doté en capital humain est mieux placé pour développer des nouvelles techniques de production et améliorer ses capacités en matière d’innovation, ou au moins d’imitation dans le cas d’un pays en développement. Alors qu’un stock faible de capital humain peut entraîner une situation de stagnation économique (OCDE, 1998).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : CADRES THEORIQUES ET CONCEPTS SUR LE DEVELOPPEMENT ET LA RELATION EDUCATION ET DEVELOPPEMENT
CHAPITRE 1 : SOUBASSEMENT THEORIQUE SUR LE DEVELOPPEMENT
I.1-LES APPROCHES TRADITIONNELLES DU DEVELOPPEMENT : LE CHANGEMENT ECONOMIQUE : LA CROISSANCE
I.1.1 W W ROSTOW, les étapes de la croissance
I.1.2. La théorie du changement structurel
A. Cercles vicieux de NURSKE (1953)
B. Modèle de Lewis
C. Schémas de développement de CHENERY
I.1.3. La théorie de la dépendance
I.2. LES APPROCHES CONTEMPORAINES DU DEVELOPPEMENT
I.2.1. Indices de développement
A. La Banque Mondiale
B. Le Programme des Nations Unies pour le Développement et le fameux IDH
I.2.2. Le développement durable
A. Définition
B. Les principaux piliers du développement durable
CHAPITRE 2 : DEBATS THEORIQUES SUR l’EDUCATION ET CROISSANCE ECONOMIQUE ET DEVELOPPEMENT
II.1. LE LIEN EDUCATION-CROISSANCE DANS LA PENSEE ECONOMIQUE
CLASSIQUE
II.2. LA THEORIE DU CAPITAL HUMAIN
II. 3. LES THEORIES DE LA CROISSANCE ENDOGENE
II.3.1 Le modèle de Lucas: La théorie d’accumulation du capital humain
II.3.2 Le modèle de Romer : Le savoir comme produit des activités de recherche
II.3.3 La théorie néo-schumpétérienne de la croissance endogène: Le modèle Aghion et Howitt
CHAPITRE 3 : COMPARAISON DES DIFFERENTES EXPERIENCES DE PAYS
III.1.-« LES MIRACLES AMERICAINS » : CONSEQUENCE D’UN FOUDROYANT ESSOR DE L’EDUCATION
III.3-L’IMPORTANCE D’EDUCATION EN COREE DU SUD
III.3- LES MIRACLES CHINOIS
PARIE II : ANALYSE CAS DE MADAGASCAR
CHAPITRE 4 : CONTEXTE DE MADAGASCAR
IV.1- APERÇU SOCIOECONOMIQUE DU PAYS
IV.1.1- Situation géographique et démographique
IV.1.2- Contexte socioéconomique et politique
IV.2-LA STRUCTURATION DU SYSTEME EDUCATIF MALAGASY
IV.2.1- L’enseignement Préscolaire
IV.2.2-L’enseignement Primaire
IV.2.3- L’enseignement secondaire
A- Education au niveau du collège
B- Education au niveau du lycée
IV.2.4- L’enseignement supérieur
IV.3-LE FINANCEMENT DE L’EDUCATION A MADAGASIKARA
IV.3.1- Dépenses de l’Etat
IV.3.2- Le financement de l’éducation par les ménages
CHAPITRE 5 : LES APPORTS DE L’EDUCATION AU DEVELOPPEMENT DU PAYS
V.1- LE NIVEAU D’INSTRUCTION DE POPULATION ACTIVE ET PRODUCTIVITE A MADAGASCAR
V.2-LE NIVEAU D’INSTRUCTION DE POPULATION ACTIVE ET LE REVENU
V.3- ILLUSTRATION DE CORRELATION ENTRE L’INDICE DE DEVELOPPEMENT HUMAIN ET LE TAUX DE SCOLARISATION DE SECOND CYCLE DE SECONDAIRE (NOMBRE D’ADMIS AU BACCALAUREAT)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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