Débats internationaux sur le développement durable et formalisation progressive de l’enjeu urbain

DÉBATS INTERNATIONAUX SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET FORMALISATION PROGRESSIVE DE L’ENJEU URBAIN

UN SOUBRESAUT INTERNATIONAL : LE CLUB DE ROME ET LE RAPPORT BRUNDTLAND 

Le premier évènement médiatisé survient à la charnière de la décennie 1970. En 1968, un groupe composé d’experts, de scientifiques, de fonctionnaires nationaux ou internationaux et de dirigeants de groupes industriels se réunit à l’initiative d’Alexander King et d’Aurélio Peccei . Ils se donnent alors pour nom le Club de Rome, en écho à la capitale italienne où se tient cette première réunion. À cette époque, ce club de réflexion est encore anonyme. En 1970, le groupe commande un rapport au Massachussets Institute of Technology, qui sera publié en 1972 sous le titre The limits to growth . C’est probablement là l’une des premières mises en garde concernant la question du réchauffement climatique et la crise environnementale globale . Le rapport pointe les effets de la forte croissance économique des Trente Glorieuses et de l’avènement d’une société de consommation sur la dégradation de l’environnement. Cette première alerte est saisie au niveau institutionnel par la création du Programme des Nations Unies pour l’Environnement au cours de la même année (PNUE). Le rapport The limits to growth constitue donc le point de départ d’une prise en charge internationale et institutionnelle de la problématique environnementale.

Quinze années plus tard, un nouveau temps fort marque plus durablement les esprits : la rédaction du rapport Brundtland, en 1987. Gro Harlem Brundtland, alors ministre d’État en Norvège, présente un rapport intitulé Notre avenir à tous. Suite à la demande de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations unies, la ministre est désignée présidente de la commission chargée d’établir ce rapport. Le contexte de parution est loin d’être anodin. Réclamé à partir de 1983 par le Secrétaire général des Nations Unies Javier Pérez de Cuéllar, il répond nettement aux préoccupations économiques qui font suite au choc pétrolier de 1973. La demande est alors la suivante : à l’aide d’une commission internationale et pluridisciplinaire regroupant politiques et scientifiques reconnus, G.H. Brundtland doit proposer un « programme de changement global » . Les principales conclusions, probablement inspirées du précédent rapport Meadows, pointent le modèle occidental de développement socio-économique industriel et son incapacité à tenir compte du long terme. L’alternative serait de proposer de nouvelles modalités de développement, qui serait cette fois-ci « durable ».

Au-delà de l’émergence d’une approche systémique de la crise environnementale, les politiques en question visent à redéfinir les temporalités contemporaines. Selon le rapport: « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » .

Si le développement durable doit rendre possible la satisfaction des besoins essentiels sur le long terme, il est également censé permettre « d’améliorer la qualité de vie » des différentes sociétés humaines : « Le développement durable signifie que les besoins essentiels de tous sont satisfaits, y compris celui de satisfaire leurs aspirations à une vie meilleure » . Ainsi, le rapport fait preuve d’une approche progressiste véritablement moderniste, l’aspiration à une vie meilleure étant élevée au rang de besoin essentiel. Il faut cependant préciser qu’aucune définition claire de ces besoins n’est proposée dans le rapport. Á ce sujet, de nombreuses critiques ont été formulées, la notion de besoin étant parfois perçue comme une production de l’économie mercantile afin de développer plus encore la société de consommation (Baudrillard, [1970] 2009).

Bien que ce ne soit pas là le seul enjeu, l’exploitation des ressources naturelles se trouve au cœur des considérations. Nous l’avons déjà précisé plus haut, ces initiatives internationales s’inscrivent d’abord dans l’après choc pétrolier. La question devient alors de faire perdurer le développement socio-économique, en optimisant la gestion des ressources. Il s’agit bien d’un développement alternatif, non d’une alternative au développement telle que les défenseurs de la décroissance la proposent. Dans ce cadre, l’environnement est invoqué comme une ressource qu’il est nécessaire de gérer afin de préserver un développement économique sur le long terme:

« La conservation des ressources naturelles vivantes – les végétaux, les animaux, les micro-organismes et les éléments non vivants de l’environnement dont elles ont besoin pour vivre – est essentielle pour le développement. » .

Nous nous trouvons clairement face à un discours gestionnaire, et à un paradigme fonctionnaliste, voire utilitariste des ressources naturelles. D’ailleurs, le seul terme de ressource illustre bien cet ordre d’idée. A contrario, les débats concernant l’éthique environnementale (Callicott, 2010 ; Larrère et Larrère, 2009), ne sont que peu abordés. L’extrait suivant semble aller dans ce sens, en développant des considérations à dimension morale :

« Il ne s’agit cependant pas de préserver la nature aux seules fins du développement. C’est aussi une obligation morale à l’égard des êtres vivants et des générations à venir. […] Au sens le plus large, le développement durable vise à favoriser un état d’harmonie entre les êtres humains et entre l’homme et la nature.»

Pourtant, dans leur genèse, les politiques dites durables adoptent une perspective gestionnaire et utilitariste de l’environnement, et font plus largement preuve d’une perception anthropocentrée (Depraz, 2008). Progressivement, l’institutionnalisation des politiques de développement durable se double d’un processus de territorialisation (Emelianoff, 2004a), qui désigne dorénavant l’échelle territoriale comme étant la plus pertinente pour l’action contre les bouleversements environnementaux. On le voit notamment lors du Sommet de la Terre de Rio, et la création simultanée du programme Action 21.

TERRITORIALISATION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE : LE SOMMET DE LA TERRE DE RIO 

« Agir local, penser global ». Ce seraient là les mots de René Dubos, écologue français, prononcés en 1972 lors de la conférence de Stockholm. L’idée du développement durable comme pratique locale était déjà contenue en germe au cours de cette conférence. Et c’est là un point extrêmement important, qui peut paraître paradoxal dans la mesure où la crise environnementale a été conceptualisée comme une crise globale et planétaire. Les politiques actuelles se fondent sur le constat que si des objectifs mondiaux doivent être mis en place, le développement durable passe avant tout par une gestion locale, conçue comme plus à même de cerner les problèmes spécifiques aux contextes territoriaux.

Mais cette décentralisation politique ne s’est pas faite sans heurts, et ce tout particulièrement en France. Les gouvernements successifs ont connu des difficultés à déléguer  certaines de leurs responsabilités, bien au-delà de la seule question du développement durable. De plus, les collectivités territoriales, dont le rôle ne cesse de s’élargir, rencontrent différents problèmes dans l’expérimentation des politiques durables. Car si l’approche par le local remonte aux prémices de la mobilisation autour de la problématique environnementale, les outils politiques et institutionnels favorisant un tel mode d’action n’auront émergé que deux décennies plus tard, au cours du sommet de Rio en 1992. La mise en place du plan Action 21 et des Agendas 21 est probablement un des principaux dispositifs le permettant. Plus précisément, c’est l’actualisation du plan en agenda qui instaure le niveau local comme échelle d’action déterminante (Vaillancourt, 2002). Dans le traité du plan Action 21, nous pouvons relever que :

« Les populations autochtones et leurs communautés ont un lien historique avec leurs terres et sont généralement les descendants des habitants originaux de ces terres […] Elles ont développé au cours des générations une connaissance scientifique traditionnelle et holistique de leurs terres, de leurs ressources naturelles et de leur environnement. Vu les rapports existant entre l’environnement naturel et son développement durable et le bien-être culturel, social et physique des populations autochtones, les efforts nationaux et internationaux déployés en vue d’un développement durable et écologiquement rationnel devraient reconnaître, intégrer, promouvoir et renforcer le rôle de ces populations et de leurs communautés. »  .

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Table des matières

INTRODUCTION
Débats internationaux sur le développement durable et formalisation progressive de l’enjeu urbain
Un soubresaut international : le club de Rome et le rapport Brundtland
Territorialisation du développement durable : le Sommet de la Terre de Rio
Un levier d’action à l’échelle territoriale : les villes et la charte d’Aalborg
L’affirmation de l’enjeu environnemental de l’urbain par une approche énergétique en France. Les années 2000
Le second pan de la dimension environnementale des villes : la nature en contexte urbain
Quelles évolutions de l’urbain au regard des enjeux de réintroduction de la nature en ville ?
Vers une redéfinition dialectique de l’urbain et du naturel ?
La construction collective de l’objet nature dans le projet urbain
Présentation du terrain et introduction aux méthodologies
Un espace d’enquête : le projet urbain de L’Union
Une méthodologie qualitative déployée dans un contexte mouvant
La relation du chercheur au terrain : itinéraire de recherches et réflexivité
L’objectivation par la prise en compte de la subjectivité : terrain et interprétation
Du paysage à la question de la nature en milieu urbain. Un itinéraire de recherches
Déductif ou inductif ? Se défaire des oppositions binaires
Pragmatique et définition de l’objet d’étude
Logique d’exposition de la thèse : une organisation tripartite
– PREMIÈRE PARTIE – SOCIO-ANTHROPOLOGIE DE L’ENVIRONNEMENT ET ANALYSE COGNITIVE DE L’ACTION PUBLIQUE
CHAPITRE IER : ANALYSER LES REPRÉSENTATIONS DE LA NATURE AU PRISME DE LA SOCIOANTHROPOLOGIE DE L’ENVIRONNEMENT
1 – La sociologie de l’environnement. Une approche oblique de l’objet
1.1- Prémices d’une sociologie de l’environnement étasunienne
1.2 – Diversité des approches et influences sous-disciplinaires dans la sociologie de l’environnement en France
1.3 – La sociologie de l’environnement : des héritages disparates mais des objets et des « démarches
d’analyse » communs
1.4 – D’autres sciences sociales de l’environnement : les apports de la psychologie de l’environnement, de la
géographie et de l’anthropologie
2 – L’anthropologie symétrique de Bruno Latour
2.1 – Les sciences studies, ou la mise en évidence d’une double rupture Science – Politique et Nature –
Société
2.2 – La Constitution Moderne de Latour : une supercherie reposant sur les processus de médiation et de
purification
2.3 – De la société au collectif. Faire une place aux non-humains dans les sciences et la politique
3 – L’être au monde selon Descola : une pluralité d’expériences
3.1- Les schèmes intégrateurs de la pratique chez Descola
3.2 – Les quatre modes d’identification : Animisme, totémisme, analogisme et naturalisme
3.3 – Le principe des modes de relations
3.4 – Évolution et hybridation des ontologies
4 – Latour et Descola : un dialogue pour mettre au jour les convergences et les divergences
4.1 – Considérations sur la science moderne
4.2 – Désaccords : la modernité et la définition des collectifs
4.3-Privilégier une analyse des représentations de la nature au prisme de la théorie descolienne
5 – La nature comme objet de la socio-anthropologie de l’environnement.
5.1 – L’environnement comme champ socio-anthropologique, la nature comme catégorie socioculturelle
5.2 – L’expérience de l’environnement : lier représentations et pratiques
5.3 – Vers une socio-anthropologie de l’environnement
CHAPITRE II : SOCIO-ANTHROPOLOGIE DE L’ENVIRONNEMENT, ACTION PUBLIQUE ET PROCESSUS DÉCISIONNELS D’UN PROJET URBAIN
1 – Le projet urbain, un révélateur des expériences de l’environnement
1.1 – De l’intérêt de croiser socio-anthropologie de l’environnement et sociologie de l’action publique
1.2 – Un catalyseur des représentations de l’environnement
1.3 – Organisation transversale et hétérogénéité des acteurs du projet
2 – Approcher les transformations de l’action publique en matière d’aménagement et
d’urbanisme ? Les grands objets de la sociologie de l’action publique
2.1 – Reconnaître l’impact des acteurs non institutionnels sur les processus décisionnels politiques
2.2 – Le tournant délibératif et l’inclusion de la société civile dans l’action publique. Quels liens entre
démocratie représentative, participative, délibérative et gouvernance ?
2.3 – Concertation en matière d’aménagement, d’urbanisme et d’environnement : des domaines pionniers
3 – Expertise et démocratie technique dans l’urbanisme durable
3.1 – De la mise en cause de l’expertise
3.2 – …à son renouvellement. L’exemple de l’urbanisme durable : un faisceau de facteurs favorables à
l’émergence d’un « éco-pouvoir »
3.3 – De quelle expertise parle-t-on ? Privilégier une approche par les « situations d’expertise »
4 – Qui décide et comment décide-t-on de ce que doit désormais être la nature en ville : une
analyse cognitive des processus décisionnels relatifs à l’environnement
4.1 – De la décision aux processus décisionnels
4.2 – Une approche cognitive et normative de l’action publique en faveur de l’environnement. Intérêts et
écueils conceptuels
– DEUXIÈME PARTIE – LES POLITIQUES DE LA NATURE ET LA VILLE : DU CONTEXTE INSTITUTIONNEL AU TERRAIN D’ENQUÊTE
CHAPITRE III : L’ÉVOLUTION DE LA PRISE EN COMPTE DE LA NATURE DANS LES POLITIQUES
URBAINES ET LES PRATIQUES URBANISTIQUES
1 – Une histoire succincte de la préservation de la Nature en France : entre patrimonialisation
et approche gestionnaire au service de l’aménagement du territoire
1.1 – La géonomie, un exemple de protection de la nature comme ressource
1.2 – Une approche ruraliste et patrimoniale de la nature
1.3 – La nature placée sous le régime de l’exception : réserves naturelles et parcs nationaux
1.4 – Protection de l’environnement et aménagement du territoire : la première étape des parcs naturels
régionaux
2 – L’urbanisme fonctionnel et les parcs urbains
2.1 – La prédominance d’un modèle fonctionnaliste d’urbanisme
2.2 – Hygiénisme et fonctionnalisme : les deux principes aux fondements de la végétalisation des villes
2.3 – L’apparition progressive des « espaces verts » : l’esthétique comme nouvelle fonction
3 – Le développement durable et l’environnement : lier la protection de la nature aux contextes
socio-économiques territoriaux grâce à un aménagement et un urbanisme « durables»
3.1 – Un aménagement durable du territoire
3.2 – Intégrer la protection de la nature aux politiques de développement durable
4 – Un urbanisme « écologique » au service d’une biodiversité fonctionnelle et en réseaux
4.1 – Remédier à la fragmentation écologique : la trame verte et bleue et le schéma régional de cohérence écologique
4.2 – Problèmes de fonctionnalité écologique : autoreproduction et services écosystémiques. Vers la multifonctionnalité des espaces de nature en ville
4.3 – Deux histoires parallèles : Nature remarquable et biodiversité ordinaire
CHAPITRE IV : DE LA NAISSANCE DU PROJET DE L’UNION À SA MISE EN ŒUVRE
1 – Histoire du site : Production textile et désindustrialisation
1.1 – De l’espace agricole au territoire industriel (XVIII ème siècle – 1970)
1.2 – Déclin : la tertiarisation comme dernier recours (1970-1995)
1.3 – Dédensification : quelques éléments cartographiques pour visualiser la formation progressive d’une friche urbaine
2 – Histoire du programme de réaménagement de l’Union : une succession de projets
2.1 – Rééquilibrer le territoire métropolitain
2.2 – Créer une métropole polycentrique. L’Union comme pôle urbain stratégique
2.3 – Les prémices du programme de l’Union. La requalification économique d’un versant nord-est déprécié et les pôles d’excellence métropolitains
2.4 – Le démarrage effectif du projet
3 – La vocation durable de l’Union. L’ « écoquartier pilote » de la métropole
3.1 – Le projet de l’Union : pôle d’excellence métropolitain et vitrine du développement durable
3.2 – Esquisse de l’approche durable au sein du projet : le «Référentiel Dynamique Développement Durable»
4 – Le développement durable en Nord-Pas de Calais : une opportunité d’inverser les stigmates de la crise industrielle
4.1 – Une ébauche de la situation économique, sociale et environnementale du Nord-Pas de Calais
4.2 – La précocité de l’Agenda 21 régional
4.3 – Le développement durable en tant qu’opportunité pour la reconversion territoriale
5 – L’importance du contexte politique local : renouvellement urbain, temporalités et
intercommunalité
5.1 – Les friches industrielles urbaines : une opportunité pour la mise en œuvre de la politique communautaire
du renouvellement urbain
5.2 – Le contexte intercommunal : des rivalités urbaines
5.3 – Chevauchement des temporalités de l’aménagement et du politique. Alternances et inflexions du projet
CHAPITRE V : UNE MÉTHODOLOGIE QUALITATIVE POUR ANALYSER LA CONCEPTION DE L’ESPACE DANS UN PROJET URBAIN
1- Des stratégies d’objectivation de la position du chercheur
1.1 – Limiter les biais d’une entrée sur le terrain « par le haut » : faire valoir la neutralité institutionnelle du chercheur
1.2 – Expertise et réflexivité
2 – Questionner les discours sur la nature en ville : l’entretien comme outil principal
2.1 – Une population d’enquête : cibler simultanément acteurs institutionnels, associatifs et anonymes
2.2- Typologie des entretiens
2.3 – Déroulement des entretiens
3 – Saisir les expériences de l’environnement : observations et phases d’enquête
3.1 – Temps d’observation
3.2 – Sources annexes : matériau de seconde main et productions institutionnelles écrites
4 – Méthodologie de photographie participative
4.1 – L’usage de l’image en sciences sociales : médium et objet d’enquête
4.2 – Les étapes de la méthodologie photographique
4.3 – Pertinence de l’outil et perspectives futures
CONCLUSION

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