De l’implicite et de l’explicite dans l’enseignement d’une langue étrangère

Critiques de la grammaire universelle

                   Il n’est pas nécessaire de creuser à nouveau les tranchées des “guerres linguistiques” durant lesquelles les conceptions de Chomsky ont été critiquées aussi bien par des psychologues que par des linguistes (parmi lesquels figurent ses propres étudiants). Pour ne citer qu’un exemple, George Lakoff considère que la métaphore est plus importante pour la langue et la cognition en général, que la focalisation chomskyenne sur la syntaxe qui est finalement très limitée. (Lakoff, 1993). L’analyse de quelques critiques nous aidera à comprendre les enjeux pour l’acquisition d’une L2. L’idée de grammaire universelle a été parfois remise en question par son usage de l’idée de “récursivité”, elle-même basée sur l’enchaînement des structures enchâssées (p.ex. “La porte de la maison de la rue au nord de la ville”). Ainsi, Daniel Everett a constaté que la langue des Pirahãs, un peuple autochtone de Brésil, n’employait jamais cette idée de recursivité. (Everett, 2009) Cela l’a conduit à s’interroger sur l’idée même d’une grammaire universelle et sur la conception chomskyenne de l’acquisition de la langue, qu’il qualifie de tautologie (Everett, 2009). Dans son article “What exactly is Universal Grammar, and has anyone seen it?”, Dąbrowska (2015) critique cette théorie, notant que les partisans de l’idée d’une grammaire universelle ne sont pas en mesure de produire une liste de traits “universels” de cette grammaire supposée (Dąbrowska, 2015; Palmer, 2006). Dąbrowska (2015) soutient que la théorie n’est pas réfutable donc non scientifique. Elle propose une approche constructiviste pour expliquer l’apprentissage de la langue : au lieu d’utiliser le mécanisme de la grammaire universelle, les apprenants (enfant et adulte) peuvent apprendre en maîtrisant petit à petit des schémas. Par exemple, en entendant des phrases telles que “Can I get up?” et “Can I get down?”, l’enfant généralisera pour arriver à une règle telle que “Can I VP?”, c’est-à-dire qu’une formule linguistique qui commence par “Can I…” est en général suivi d’un syntagme verbal. L’enfant pourra ensuite généraliser en intégrant que n’importe quel auxiliaire peut être suivi d’un syntagme nominal et d’un syntagme verbal (Dąbrowska, 2015). Cette approche constructiviste rappelle en quelque sorte les idées de Skinner mais elle est plus élaborée et basée sur des la théorie de l’apprentissage statistique. En effet, le constructivisme est basé sur des modèles statistiques élaborés depuis le temps de Skinner, et les schémas dont parlent des constructivistes tels que Dąbrowska rappellent en quelque sorte les intuitions béhavioristes de Skinner sur l’apprentissage de la langue (Chomsky 1959; Dąbrowska 2015). Michael Tomasello (Tomasello and Moll, 2016), un autre critique de l’idée d’une grammaire universelle, est un chercheur qui étudie le comportement des enfants humains ainsi que celui des singes. Pour lui, les origines de la langue s’expliquent par la gestuelle humaine qui, à première vue ressemble à celle des singes mais en fait implique tout un processus cognitif absent chez les singes. En suivant Vygotsky, il conclut que notre cognition est construite grâce à nos besoins sociaux. (Tomasello and Moll, 2016) Les expériences de Tomasello montrent que les singes peuvent bel et bien coopérer mais leur coopération est largement limitée, alors que les enfants humains, dès un très jeune âge arrivent à comprendre le point de vue d’autrui et sont capable d’ “attention collective”, ce qui leur permet d’avoir des buts communs. (Tomasello and Moll, 2016) Lorsqu’il utilise son doigt pour montrer quelque chose, il y a une variété d’informations qu’un être humain peut partager, à la différence des singes, qui ne comprennent pas toutes les implications d’un doigt montrant un objet ou une personne. (Tomasello and Moll, 2016) En utilisant ces bases, Tomasello exprime une critique de la grammaire universelle qui s’accorde avec celle de Dąbrowska. La langue étant un outil fondamentalement social, les enfants observent d’autres personnes qui parlent et ils construisent des schémas pour des phrases simples. Ce seraient, selon son hypothèse, les patterns que les enfants apprennent et complexifient qui leur permettent d’apprendre la langue et non un mécanisme universel qui est uniquement humain et qui s’expliquerait par une mutation génétique lors de notre évolution, comme le soutient Chomsky. (Ibbotson and Tomasello, 2016) Les critiques de Tomasello et Ibbotson s’appuient sur la continuité génétique et neurale entre les singes et les êtres humains. Les études récentes montrent qu’il n’y a pas de “module de grammaire innée” comme le prétend Chomsky, car les enfants semblent apprendre la grammaire comme le dit Dąbrowska (2015), en assimilant des patterns et structures d’une façon qui n’est pas prédite par l’existence d’une grammaire universelle. Tomasello et Ibbotson utilisent la métaphore du couteau suisse : on n’est pas né avec une “grammaire universelle” mais avec un outil très polyvalent dont les mécanismes peuvent être utilisés par nos besoins linguistiques. (Ibbotson and Tomasello, 2016) Comme c’était le cas avec Skinner, ce n’est pas parce que les idées de Chomsky sur la grammaire universelle subissent des attaques qu’elles ont perdu toute valeur. Certains linguistes tels que Yang, tout en admettant que des mécanismes statistiques cognitifs généraux opèrent lorsqu’on apprend la langue, soutiennent toutefois que ces mécanismes semblent être contraints par certains principes d’une grammaire universelle. (Yang, 2004) Est-ce que notre “outil linguistique” est un module cognitif à part entière, comme le veut Chomsky, ou fait-il partie de notre boîte à outils cognitifs plus générale? On n’a pas de réponse définitive pour l’instant mais les enjeux autour de cette question seront majeurs pour les approches futures de l’enseignement des langues.

Interface faible

                 Nick Ellis est un des partisans du modèle de l’interaction faible et soutient que l’apprentissage implicite ne suffit pas pour l’apprentissage d’une L2, à la différence d’une L1 (N. Ellis, 2007). Si la mémoire procédurale et la mémoire déclarative utilisent des systèmes et circuits neuronaux différents, quelle interaction pourrait-il y avoir? Ellis espère trouver des réponses dans le travail des scientifiques sur la conscience. En effet, les recherches récentes sur la conscience montrent (N. Ellis, 2007) une possibilité d’interaction entre les deux systèmes de mémoire. Se basant sur les modèles de Koch et les NCC (Neural Correlates of Consciousness), Ellis constate que la conscience unit certains processus de notre cerveau et donne accès à des connaissances qui sont normalement implicites. Comme Baars (1997) et Dehaene et. al. (2011), il utilise la métaphore du théâtre : on est conscient de ce qui se trouve sur “la scène” de la conscience. Il souligne le fait que notre image du cerveau a changé : “…a shift of emphasis from knowledge as static representation stored in particular locations to knowledge as processing involving the dynamic mutual influence of inter-related types of information as they activate and inhibit each other over time….” (N. Ellis, 2007)10 Concrètement, pour Ellis, “…language representation involves specialized local modules, largely implicit in their operation, collaborating via long-range associations in dynamic coalitions of cell assemblies representing – among others – the phonological forms of words…”. (N. Ellis, 2007) Notre L1 “accorde et automatise” ces circuits d’une certaine façon. Pour qu’on puisse 11 apprendre une L2 sans en être empêché par ces routines automatisées de notre L1, la conscience est nécessaire : même si la plupart de nos habilités sont inconscientes, le Global Neuronal Notre traduction : …un changement du modèle des connaissances d’une représentation statique 10 stockée dans des endroits particuliers vers des connaissances du processus qui implique l’influence mutuelle dynamique de types d’informations inter-liées au fur et à mesure qu’elles s’activent et s’inhibent avec le temps… Notre traduction : …la représentation de la langue (dans le cerveau) implique des modules 11 locaux spécialisés – leur fonctionnement étant largement implicite, inconscient – qui collaborent via des associations à longue distance dans des coalitions dynamiques d’agglutinations de cellules qui représentent – entre autres – les formes phonologiques des mots… Workspace nous laisse manipuler ces connaissances implicites pendant un temps limité. Ce temps sur “la scène” de la conscience est peut-être bref, mais permettrait aux deux systèmes d’interagir. A ce titre, Ellis dit qu’il est important de faire remarquer aux apprenants des structures dans la L2 qui ne sont pas évidentes pour eux et où leur attention est détournée par leur L1. Ellis encourage les professeurs à utiliser l’idée de “Noticing” : le fait de faire remarquer les structures saillantes d’une langue (Schmidt, 2010). Puisqu’on ne peut pas accorder son attention à toutes les structures d’une langue, on se focalise forcément sur certaines d’entre elles; si le professeur se focalise sur certaines structures de manière explicite, cela permet à la conscience de l’apprenant de focaliser sur les dites structures et ainsi de les intégrer dans ses habilités implicites. Ellis encourage aussi à utiliser les corrections de type “corrective recast” (une re-formulation corrective) afin que l’apprenant puisse remarquer l’écart entre son énoncé erroné et un énoncé bien-formé. Il emploie le terme “Noticing the gap” (“remarquer l’écart”) et dit que la recherche indique que ce type de correction aide l’apprenant à augmenter son “intake” effectif (la quantité d’input qui est acquis par l’apprenant) (N. Ellis, 2007). Ellis (2007) affirme l’utilité de l’entraînement ciblé : “Formulas…drills, and declarative pedagogical grammar rules can all contribute to the conscious creation of utterances whose subsequent usage promotes implicit learning and proceduralization.” Il est donc important que les apprenants puissent produire des énoncés qui 12 finiront par être automatisés. Ellis écrit “ ‘Practice makes perfect’ applies here as it does with other skills.” (N. Ellis, 2007) 13 Rod Ellis (2014) lui aussi est un chercheur qui utilise les idées de l’interface faible pour promouvoir des approches qui découlent de cette vision, mais c’est aussi un pédagogue. Il souligne que ce sont les connaissances implicites qui restent premières par rapport aux peuvent tous contribuer à la création consciente des énoncés dont l’usage plus tardif promeut l’apprentissage implicite ainsi que l’automatisation.  Comme Nick Ellis, il insiste sur le fait que les connaissances implicites ne sont pas une simple liste de règles, mais un réseau neural complexe d’associations entre des phrases, des extraits de phrase, des extraits de mots, qui se construit au fur et à mesure de l’apprentissage de la langue.(R. Ellis, 2014). Cet apprentissage, ou plutôt acquisition, se fait lentement et inconsciemment. Il critique l’approche PPP en disant que même après des exercises qui ciblent une structure, les apprenants n’utilisent toujours pas les dites structures correctement lors des interactions communicatives. Il base son approche pédagogique sur des tâches qui éveillent la conscience (“consciousness-raising tasks”) (R. Ellis, 2015). A la différence de Germain et Netten, il met davantage l’accent sur l’apprentissage de connaissances explicites. Pourtant, il veut promouvoir une instruction plus implicite : en présentant des données linguistiques aux apprenants et en manipulant ces données pour montrer des énoncés grammaticaux ainsi que des énoncés non-grammaticaux, les apprenants pourront eux-mêmes déduire certaines règles sans que ces règles soient explicitées pour eux. En plus du sentiment valorisant de réussite, les élèves construisent les outils dont ils ont besoin pour comprendre la grammaire seuls, de façon autonome. Comme Nick Ellis, Rod Ellis croit que l’acquisition de connaissances implicites passe par une attention prêtée aux formes linguistiques (Schmidt 2010; N. Ellis, 2007). En effet, il suit N. Ellis pour dire que “…implicit and explicit processing systems are dynamically involved together in every cognitive task and in every learning episode.” (R. Ellis, 2014) Il précise que certaines formes et 14 structures sont plus facilement apprises de manière explicite, mais pour autant, il ne s’agit pas de présenter des règles de manière totalement directe mais d’éveiller la conscience des apprenants pour attirer leur attention sur certaines structures alors qu’ils sont en train d’accomplir des tâches de communication. Rod Ellis soutient une approche par la tâche, communément appelé TBLT (“Task-Based Learning Tasks”). La tâche est une activité éducative qui est focalisée sur le sens (et non une forme grammaticale), où il y a un manque d’information (“information gap”) qui motive les élèves à communiquer. Pendant une tâche, les apprenants utilisent leurs propres ressources linguistiques (on ne leur indique pas quelles structures il faut utiliser). La tâche a un but communicatif (il ne suffit pas de produire des énoncés corrects hors contexte.) (R.Ellis, 2014) Les tâches peuvent être basées sur l’input ou l’output (compréhension ou production). Le but est alors, à la différence de l’approche PPP, de créer des contextes où les structures ciblées seront utilisées, remarquées et acquises sans pourtant connaître “la cible grammaticale” d’emblée. On veut que l’apprenant se voit en tant qu’usager de la langue” et non pas en tant qu“ apprenant de la langue.” Il est important de noter que le modèle Déclaratif/Procédural (“The Declarative Procedural Model”) avancé par Ullman admet aussi une interaction faible entre les deux systèmes de mémoire (Ullman, 2020). Ullman nous rappelle le fréquent malentendu chez ceux qui croient en un isomorphisme exact entre la mémoire déclarative et les connaissances explicites d’une part, et la mémoire procédurale et les connaissances implicites d’autre part. Par exemple, même s’il existe un consensus sur le fait que la mémoire déclarative sous-tend les connaissances explicites, on admet trop souvent sans preuves que la mémoire déclarative ne peut pas sous-tendre les connaissances implicites. Ceci est non seulement très difficile à prouver, mais des études récentes semblent montrer que la mémoire déclarative sous-tend les connaissances implicites. (Ullman, 2010). En ce qui concerne la mémoire procédurale, elle sous-tend les connaissances implicites, mais cette mémoire n’est pas la seule à le faire. Il faut aussi faire attention à l’utilisation des termes “implicite” et “explicite” lorsque ceux-ci décrivent l’apprentissage (Ullman, 2020).

Analyse des entretiens approfondis menés avec deux professeurs au Collège Anne de Bretagne

                    En plus du premier questionnaire à choix multiples distribué au panel de 19 professeurs, nous avons décidé de mener également un entretien avec deux professeurs du collège Anne de Bretagne, disponibles sur un temps plus long, afin d’approfondir les réponses en entrant davantage dans les détails.
Question 1’: “Serait-il possible pour vous d’envisager de faire des séquences avec très peu (voire pas du tout) de points de grammaire explicitement présentés? En quoi serait-ce compliqué? Y voyez-vous des avantages potentiels?” Cette question, approfondissement de la première question du questionnaire à choix multiples, qui vise à déterminer si une approche ANL est envisageable, permet aux deux professeurs de justifier leurs choix. Les réponses n’ont pas été plus favorables que lors du premier questionnaire. Le premier professeur a répondu: “Non, cela ne me semble pas possible…” Pour le deuxième professeur, une telle approche serait envisageable mais serait plutôt l’exception que la règle: “Cela me parait envisageable, surtout dans les niveaux les plus élevés, par exemple s’il s’agit d’une séquence portée principalement sur de la civilisation. Mais ces séquences seront pour moi moins fréquentes que celles qui comprennent des explications de faits de langue…” Les deux enseignants considèrent que la grammaire est un élément essentiel dans la construction d’une séquence, les exceptions dans la pratique pouvant être dignes d’intérêt aux niveaux supérieurs.
Question 2’: “Y-a-t-il des faits de langue qu’il faut absolument expliquer en détail? Lesquels sont les plus importants pour vous? Y-a-t-il des des faits de langue dont vous ne multipliez pas les exemples avant de présenter directement le fait de langue? Dans quels cas et avec quel niveau allez-vous “droit au but”?” Cette question vise à déterminer si certains faits de langue sont vus comme plus importants que d’autres et s’il y a une certaine “hiérarchie” entre eux. Les deux professeurs semblent d’accord pour dire que certains faits de langue sont plus importants. Notamment, ils s’accordent pour considérer que les distinctions entre les temps et aspects sont fondamentaux. Selon le premier professeur, “Un rappel…de la nuance temps et aspects assez complexe pour les apprenants francophones est souvent nécessaire”; pour le second, “L’explication des temps et de leur utilisation me semble important à expliquer”. Leur avis est que certains faits de langues méritent des explications et répétitions tandis que d’autres le méritent moins: le deuxième professeur dit: “Je vais droit au but sur plusieurs niveaux, surtout pour des faits de langue très « simples »”. On constate un petit écart, dès lors qu’il a été demandé une analyse plus fine, avec les réponses majoritaires du questionnaire aux choix multiples, dans un sens qui justifie davantage les explications de points de grammaire.
Question 3’: “Nous sommes encouragés à utiliser l’anglais pour présenter la grammaire. Pensez-vous que c’est efficace, et à partir de quel niveau? Les manuels de notre collège présentent la grammaire en français. Quel est le pourcentage (approximatif) de votre utilisation de l’anglais et le français en expliquant la grammaire? Pourquoi?” Cette question vise à déterminer si les professeurs passent par la langue cible ou la langue source pour les explications de faits de langue. La réponse du premier professeur: “Je passe presque toujours par le français pour expliquer un fait de langue. La compréhension du contexte est indispensable et ne peut, selon moi, se faire qu’en langue source, au collège du moins.” Les implications sont: la grammaire est importante et il est important de bien comprendre les règles explicites, surtout au collège. Il est donc logique de passer par le français. Le deuxième professeur tient un discours similaire: “Pendant ma formation (il y a 10 ans) j’ai été encouragé à présenter la grammaire en français, de ce fait, je le fais quasi systématiquement. Probablement 100% en 6èmes puis 90% en 3èmes.” Encore une fois, la justification semble être la complexité des notions qui sont à apprendre: “Les notions expliquées demandent un niveau d’explication que les apprenants ne peuvent saisir dans la langue apprise.” Il y a aussi le risque de “… perdre encore plus certains élèves.” Les implications ici sont similaires: les deux professeurs pensent qu’il faut que les élèves, surtout au collège “s’accrochent” aux concepts grammaticaux qui leur serviront de socle pour pouvoir s’exprimer.
Question 4’: “Les textes à trous dans les manuels sont-ils utiles, à votre avis? Est-ce que les élèves ont une meilleure compréhension après les avoir complétés? Pouvez-vous donner un exemple où le fait de travailler un fait de langue avec un texte à trous rend l’utilisation plus efficace? Pensez-vous que les compétences acquises en faisant les textes à trous servent les élèves lorsque ceux-ci veulent s’exprimer à l’oral ou à l’écrit?” En répondant à cette question, le premier professeur pense qu’on peut y trouver un intérêt “si l’on cible bien les éléments à repérer (dates/chiffres dans une séance centrée sur ce point-là ou forme verbale en -ed pour observer la prononciation)” tout en admettant que “Je ne pense pas que les textes lacunaires servent l’expression orale ou écrite.” Le deuxième professeur pense également qu’on ne vise pas une meilleure compréhension en travaillant avec les textes lacunaires. Il exprime un sentiment proche de celui d’Anderson (2016) de l’approche PPP: “[le texte lacunaire] me permet comme à l’élève de voir rapidement si la notion est comprise. En classe il m’est aisé de demander ‘qui a eu tant de bonnes réponses?, etc..’ et juger de la compréhension globale de la classe.” Il semblerait donc que ces exercices facilitent le travail d’évaluation formative du professeur. Il y aurait aussi un intérêt dans le cadre de l’auto-évaluation. Le premier professeur nous dit que la structure de ces exercices rassure certains apprenants: “Les élèves aiment souvent cette activité assez bien balisée pour eux mais se concentrent trop sur le mot à trouver…” Il n’y a donc pas un lien direct entre ce type d’exercice et la compétence de s’exprimer, mais il s’avère tout de même utile de par sa structure et sa facilité de quantifier les réponses.
Question 5’: “Pouvez-vous donner des exemples où la répétition (phonologie, grammaire, vocabulaire) d’une compétence langagière va aider un élève? A quoi sert cette répétition et pourquoi est-elle efficace? Vaut-il mieux répéter à l’oral ou à l’écrit?” Cette question vise à définir la façon dont les professeurs voient la répétition: quels faits de langue faut-il répéter et comment? Tandis que Germain et Netten pensent que la répétition de structures sert à activer une grammaire implicite, le premier professeur semble plutôt privilégier la répétition à l’oral, mais surtout pour les points de prononciation et la phonologie en général. En réponse à cette question, elle énumère les problèmes de prononciation des élèves: “…la prononciation du -ed pose souvent problème….le cas possessif doit aussi être bien accentué… l’accentuation dans le mot et dans la phrase…”. Le deuxième professeur emploie une métaphore : “La répétition me semble intéressante dans tous ces cas de figures, c’est à force de répétition que les apprenants impriment les notions.” Ici, la répétition semble être destinée à “imprimer” ces points de grammaire sur l’esprit et non pas d’activer une grammaire interne. Cela idée semble faire écho à une approche PPP.
Question 6’: “Combien de temps faut-il passer sur la présentation de la grammaire (règles à suivre, morphologie, etc.)? Pourquoi est-ce important? Vous pouvez donner des exemples des faits de langues différents?” Cette question vise à déterminer si la présentation telle qu’elle est conçue pour une approche PPP est utilisée par les professeurs. Les réponses du premier professeur semblent être en accord avec le questionnaire: “La répétition sur la durée de la séquence, puis de l’année, me semble plus pertinente qu’une longue présentation du fait de langue.” Plus qu’à une présentation claire de règles explicites de grammaire, l’importance est plutôt donnée à un entraînement régulier des connaissances explicites. Le deuxième professeur n’a pas répondu à cette question.
Question 7’: “En quoi pensez-vous que la grammaire aide les apprenants à s’exprimer? Afin de pouvoir s’exprimer, est-ce qu’un apprenant qui n’est pas en “immersion” dans une langue peut apprendre à s’exprimer sans connaître les règles de grammaire? Trouvez-vous que les apprenants qui maîtrisent le mieux la grammaire sont ceux qui arrivent à s’exprimer le mieux? A quoi c’est dû?” Les réponses à cette question montrent l’importance que les deux professeurs accordent aux règles de grammaire. Le premier professeur dit tout simplement: “L’expression sans maîtrise des faits de langue sera rapidement limitée.” On s’approche là d’une vision PPP. Le deuxième professeur rejoint ce point de vue: “La grammaire aide les apprenants à s’exprimer, en tous cas à construire leurs propres phrases.” Il ajoute une observation de la scolarité qui voit la construction d’un socle de grammaire solide qui sera ensuite employé pour s’exprimer: “…apprendre la grammaire permet d’acquérir des bases claires sur l’utilisation de la langue, et la pratique/immersion permet ensuite le perfectionnement, c’est souvent pour cela que l’on insiste particulièrement sur la grammaire en collège et moins en lycée.” Une fois les bases posées, les apprenants auront plus d’appui pour pouvoir s’exprimer. Comme Germain et Netten, le deuxième professeur rappelle que la scolarité des élèves ne permet pas de prétendre à une immersion: “Évidemment l’immersion constitue un idéal pour l’acquisition d’une langue, mais ce n’est pas le cas de figure en ce qui nous concerne.” Dans cet esprit, Germain et Netten distinguent clairement leur approche, d’une méthode par l’immersion et ils pensent même que l’ANL peut parvenir à atteindre des objectifs auxquels une approche par l’immersion ne peut pas prétendre. En même temps, comme nous l’avions déjà évoqué, l’ANL est dans l’idéal plus intensif en volume horaire que la scolarité en langue étrangère en France.
Question 8’: “Lorsque vous laissez les élèves travailler pour compléter une tâche, est-ce que vous les encouragez à utiliser les faits de langue utilisés pendant la séquence? Comment le faites-vous? De manière directe ou indirecte?” Le premier professeur répond que: “Oui, je les encourage de manière directe à réinvestir tout ce qu’ils connaissent.” Le deuxième professeur préconise l’utilisation de certains faits de langue par les élèves: “Dans la réalisation d’une tâche j’essaye de faire en sorte que l’utilisation de ce fait de langue leur paraisse naturel car c’est ce qui serait utilisé dans un contexte normal.” Il est intéressant de noter aussi que pour le deuxième professeur, la conceptualisation de la tâche est influencée par le fait de langue: il veut que les élèves utilisent le fait de langue “naturellement.” Les réponses à la question 8 du premier questionnaire nous montrait déjà que les professeurs sondés souhaitent que les élèves aient l’opportunité de s’entraîner aux faits de langue appris pendant la séquence, et qu’ils réinvestissent ces faits de langue lors de la réalisation d’une tâche.
Question 9’: “Est-ce que vous pensez que les textes fournis dans le manuel constituent des textes assez “authentiques”? En quoi l’authenticité d’un texte est important pour vous?” Les deux professeurs s’accordent pour dire que les manuels manquent de textes authentiques. Le premier professeur dit: “Il me semble indispensable de les exposer le plus possible à des documents non didactisés afin de les préparer au mieux à une véritable situation de communication.” Le deuxième professeur voit l’authenticité comme un objectif éventuel, mais admet qu’il est difficile au début de la scolarité au collège, de commencer à utiliser des textes authentiques: “La langue n’est pas assez maitrisée en début de sixièmes pour utiliser beaucoup de textes authentiques. A la fin de la troisième il est bien plus aisé d’y avoir recours.” Cet avis rejoint celui du tiers des sondés du premier questionnaire qui étaient peu ou pas d’accord avec une utilisation importante de textes authentiques. Rappelons que la majorité de ces professeurs enseignent dans les premières classes du collège.
Question 10’: “Est-ce que vous trouvez que certains élèves s’expriment bien sans pour autant connaître les règles de grammaire? Par exemple, y-a-t-il des élèves qui s’expriment avec aisance à l’oral, mais qui ne réussissent pas les évaluations de grammaire? Est-ce que vous accordez beaucoup d’importance à l’utilisation des faits de langue étudiés pendant la séquence lors d’une tâche finale?” Les deux professeurs observent que les élèves le plus à l’aise en expression sont également ceux qui maîtrisent le mieux les règles de grammaire. Le premier professeur: “Certains élèves ont a coeur de participer et s’affranchissent de la grammaire. Ils restent parfaitement compréhensibles et j’évite d’interrompre…” Le deuxième professeur a aussi eu des élèves qui font exception à cette règle: “Certains élèves du fait principalement de l’accès à internet, VOD etc.. connaissent et utilisent des structures de phrases copiées et de ce fait s’expriment avec assez d’aisance…” mais il ajoute que cela “…est peu récurent je trouve.” Les deux professeurs confirment qu’ils préfèrent que les apprenants utilisent les faits de langue lors de la tâche finale. Le premier professeur: “Je suis en revanche attentive au réinvestissement des faits de langue dans une tâche finale. Cela fait partie des critères évalués et les élèves le savent.” Le deuxième professeur confirme le sentiment de son collègue: “…il est vrai que dans quasi toutes mes évaluations finales, j’ai d’une façon ou d’une autre des faits de langue qui sont demandés.” Les réponses à la question 10 de ce questionnaire, qui requièrent une analyse plus approfondie de la pratique réelle des professeurs, contredisent un peu l’avis majoritaire du questionnaire initial, où 69% des sondés ont dit qu’il importe peu qu’un fait de langue vu pendant la séquence soit utilisé ou non lors de la réalisation de la tâche finale. Il est vrai que le panel du second questionnaire était réduit à deux professeurs qui, de plus, ont consacré plus de temps à l’étude du déroulement réel de leurs sessions.

Conclusion du mémoire

                 Ayant eu la possibilité, dans le cadre du CECRL, de mettre en oeuvre des approches différentes de l’enseignement de l’anglais, nous nous sommes ouverts à des stratégies qui s’appuient sur différentes théories qui décrivent l’interaction entre le système de la mémoire déclarative et la mémoire procédurale. Les trois grandes catégories théoriques se résument en l’interface forte, l’interface faible, et l’interface nulle. Les travaux de recherche de Paradis (2004) , Anderson (2016), et N. Ellis (2007) ont été d’une aide précieuse. Les trois approches qui découlent de ces visions différentes de l’interaction entre les deux systèmes explorés, sont l’ANL (de l’interface nulle), le TBLT (de l’interface faible) et le PPP (de l’interface forte). Nos questionnaires ont été destinés à comprendre divers aspects de ces approches et observer l’attitude des enseignants envers les connaissances implicites et explicites de la grammaire. Nous avons pu constater que les professeurs sondés considèrent, contrairement à certaines approches telle que l’ANL, que les connaissances de grammaire explicites sont pour un apprenant de langue, un élément majeur, bien qu’il n’y ait pas d’unanimité sur les moyens de permettre aux élèves d’acquérir ces connaissances. Par ailleurs, nous avons constaté que dans leur majorité les professeurs voient la langue comme d’autres compétences cognitives. Pourtant, l’approche à l’entraînement qu’ils préconisent n’est ni celle conseillée par l’ANL, ni celle développé dans le PPP, mais elle a des ressemblances avec la vision TBLT, avec une place importante confiée à la tâche communicative. Les professeurs considèrent qu’il faut présenter la grammaire, mais pas toujours de façon directe. Cette recherche nous a éclairé sur plusieurs hypothèses de travail d’approche de l’enseignement de la langue. Il a permis de constater celles qui sont mises en oeuvre par nos futurs collègues de l’Education Nationale, et particulièrement par les professeurs de collège. En s’appuyant sur leur expérience et sur notre réflexion, nous pourrons définir une approche personnelle de l’enseignement des faits de langue, et plus généralement, de la langue.

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Table des matières

Introduction
I. CADRE THÉORIQUE
1. La grammaire universelle
1.1 Critiques de la grammaire universelle
2. Les mécanismes neuronaux de la langue
3. Des approches différentes à l’enseignement de la langue
3.1 Interface forte
3.2 Interface faible
3.3 Interface nulle
4. Problématique et hypothèses
II. LES AVIS DES PROFESSEURS DE L’EDUCATION NATIONALE
1. METHODOLOGIE
1.1 Contexte et objectifs de recherche
1.2 Instruments d’Evaluation
1.3 Panel des Sondés
1.4 Traitement des données
2. RESULTATS ET INTERPRETATION DE RECUEIL DE DONNEES
2.1.1 Question 1
2.1.2 Question 2
2.1.3 Question 3
2.1.4 Question 4
2.1.5 Question 5
2.1.6 Question 6
2.1.7 Question 7
2.1.8 Question 8
2.1.9 Question 9
2.1.10 Question 10
2.2 Analyse des entretiens approfondis
2.1.1 Question 1’
2.1.2 Question 2’
2.1.3 Question 3’
2.1.4 Question 4’
2.1.5 Question 5’
2.1.6 Question 6’
2.1.7 Question 7’
2.1.8 Question 8’
2.1.9 Question 9’
2.1.10 Question 10’
2.3 Bilan de la première hypothèse
2.4 Bilan de la deuxième hypothèse
3. BILAN ET DISCUSSION DES RESULTATS
3.1 Verification des hypothèses
3.2 Limite de recueil de données
3.3 Perspectives de recherches futures
CONCLUSION DU MEMOIRE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE A – QUESTIONNAIRE AUX QUESTIONS FERMEES
ANNEXE B – QUESTIONNAIRE AUX QUESTIONS OUVERTES
INDEX DES FIGURES

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