De l’analyse sur cycle de vie à l’éco-conception

Les effets négatifs de l’impact de l’activité humaine sur son environnement, et donc sur son propre fonctionnement, ne sont maintenant plus remis en cause. La prise de conscience écologique du grand public, malgré des tentatives préventives apparues de longue date dans des domaines aussi variés que le journalisme, la politique ou la recherche, ne commence à être considérée comme un enjeu réel dans l’industrie que depuis quelques années. Cet intérêt est notamment suscité par des normes imposant de proposer des produits à moindre impact environnemental, établies dans l’optique d’une consommation consciente des ressources et des capacités d’adaptation limitées de notre environnement.

Toutefois, la notion de « respect de l’environnement » couvre des domaines très divers et est d’une manipulation complexe. Proposer des produits présentant de bonnes performances environnementales nécessite une démarche de conception spécifique intégrant des critères environnementaux crédibles. Il s’agit en effet d’agir dès la conception d’un produit (ou d’un service) afin de bénéficier du maximum de latitude pour minimiser ses impacts environnementaux. Cette démarche se nomme l’éco-conception. Les efforts à consentir dans ce cas ont des retombées qui ne sont constatées qu’à des échelles de temps et d’espace distinctes de celles de l’économie courante, rendant ces démarches strictement volontaristes. L’éco conception est de plus soumise au comportement sociologique accompagnant l’usage du produit. Ainsi le principe du tout consommable, une des conséquences du développement des transports et de leur relativement faible coût, amplifie d’autant plus les impacts environnementaux des produits non éco-conçus.

Les études élargies au cycle de vie d’un produit (« du berceau à la tombe ») sont multi-disciplinaires. Les concepteurs sont effectivement confrontés à des mécanismes non courants, brassant des flux de matière et d’énergie à l’échelle de la vie entière du produit et cumulant des impacts environnementaux à l’échelle planétaire. Il est possible aujourd’hui de baser les travaux d’éco-conception sur des analyses sur cycle de vie dont les résultats sont regroupés dans des bases de données d’inventaires spécifiques. Cette simplification significative de la démarche d’éco-conception se paie par une grande dépendance aux données d’inventaires d’analyse sur cycle de vie. De ce fait, les travaux effectués dans le domaine du développement durable sont fondamentaux afin de rallier les connaissances des différentes disciplines concernées par ces horizons de recherche. A titre indicatif, un extrait sélectif d’une base de données d’inventaires d’analyse sur cycle de vie Suisse (EcoInvent Centre, Swiss Centre for life cycle inventories) est présenté en Annexe A.

La démarche d’analyse sur cycle de vie

L’analyse sur cycle de vie évalue l’impact environnemental d’un produit, d’un service ou d’un site en relation à une fonction particulière, en considérant toutes les étapes de son cycle de vie. Elle représente dans sa version originelle un moyen d’aide à la décision qui répond au besoin de déterminer (au-delà de la disposition pour l’utilisateur de solutions technologiques satisfaisantes) quelles sont les priorités d’action permettant aux activités existantes de se jouer de la limite imposée à leur développement par la capacité d’absorption et les ressources limitées de l’écosystème. Les principes présentés ci-dessous s’appliquent indifféremment à un produit, un service, un site de production ou un système plus complexe. Nous utiliserons indifféremment les termes de système ou de produit lorsque nous désignerons l’objet de l’analyse.

Le cycle de vie d’un système

Tout produit possède une évolution propre dans le temps et l’espace social. Il a été créé dans un but précis et est utilisé à une fin parfois dissemblable. Cette évolution se décompose en plusieurs étapes simples qui jalonnent ce que nous appelons sa vie et dont les phases majeures , selon l’ordre chronologique courant. Chacune de ces étapes peut être séparée d’un ou plusieurs épisodes de transport, parfois chaque pièce arrivant séparément avant l’assemblage global sur le site final. Il faut de plus acheminer le produit sur son lieu de vente puis d’utilisation et enfin vers la filière de recyclage (si elle existe) où les différentes composantes matières se séparent à nouveau. Notons que dans le cas de l’étude d’un service .

Les étapes successives de vie ainsi définies présentent l’intérêt de pouvoir être étudiées séparément. Il s’agit là d’une qualité non négligeable lorsqu’elle est utilisée dans l’analyse de systèmes complexes. En effet, ce découplage est tout à fait le bienvenu lors de l’étude de systèmes complets dont les disciplines physiques multiples et fortement couplées ne facilitent pas la modélisation ni la simulation. Remarquons toutefois que ce découplage, sans conséquence dans l’analyse sur cycle de vie, peut conduire à une erreur grave lors de l’éco-conception : une modélisation trop sommaire peut conduire à l’apparition de transferts de pollution. Il arrive en effet que la minimisation d’un impact environnemental sur une étape du cycle de vie d’un produit en augmente d’autres sur des étapes non prise en compte dans l’étude initiale. Ainsi, sans hypothèse ferme et justifiée, le découplage des étapes de la vie d’un produit, pratiques lors des modélisations et simulations, risque, par transfert de pollution, d’amener des résultats d’éco-conception caduques dont l’identification n’est possible qu’avec une analyse sur cycle de vie complète du produit nouvellement éco-conçu ! .

Bref historique

Peu après sa fondation en 1968, le Club de Rome [CRo] impose le concept d’une limitation des ressources impliquant une limite identique au développement économique et démographique. Les premières études présentant des aspects « cycle de vie » datent de la fin des années 60, avec un intérêt prononcé pour l’efficacité énergétique. En 1969, la société Coca-Cola commande ainsi le premier bilan de consommation énergétique associé à différents types de contenants sur leur vie entière, ouvrant la voie à ce que deviendra l’analyse sur cycle de vie. Suivent les conclusions d’un rapport commandé en 1972 au Massachusetts Institute of Technology, MIT : le rapport Meadows [MMRB73]. Constatant que le système planétaire est menacé par une industrialisation excessive, celui-ci propose de substituer l’équilibre à la croissance, opinion jugée trop alarmiste à l’époque. Il s’agit de la première apparition publique d’une proposition de croissance zéro. Ce rapport a été réactualisé en 1993 puis en 2004, preuve s’il en est que ses recommandations sont encore d’actualité.

Dans les années 1970, l’Agence de Protection de l’Environnement Américaine, EPA met en place une méthode d’analyse d’impacts environnementaux en créant une approche connue sous le nom d’analyse du profil environnemental (Resource and Environmental Profile Analysis, REPA en anglais) [EPA]. Consécutivement au choc pétrolier de 1973, un protocole général est élaboré sur la base de plusieurs études de ce type. Des analyses similaires sont également conduites dans certains pays d’Europe du Nord, particulièrement impliqués dans l’analyse sur cycle de vie, aboutissant par exemple en Angleterre à une méthodologie améliorée, publiée en  1979 et applicable à une grande variété de matériaux : « Handbook of industrial Energy Analysis » [BH79]. Vers la fin des années 1970 les soucis environnementaux se déplacent vers des questions de gestion des déchets dangereux. De ce fait, la logique du cycle de vie est partiellement intégrée aux méthodes d’évaluation des risques utilisées de plus en plus fréquemment dans les politiques publiques afin de développer des normes de protection de l’environnement. De par leur complexité et leur manque de précision d’une part, le coût très bas de l’énergie et l’indifférence écologiste d’une industrie (et d’une consommation) fonctionnant à plein régime d’autre part, les analyses sur cycle de vie ne sortent que difficilement du confinement d’une petite communauté de scientifiques. Toutefois, à la fin des années 1980 les déchets solides sont devenus un problème touchant gravement certaines nations occidentales. L’analyse du cycle de vie développée dans les études de type REPA sont à nouveau considérées comme une méthode viable pour analyser les problèmes de management industriels et gouvernementaux. En 1995, les ministres de l’environnement du G7 et de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, OCDE s’engagent à intégrer les préoccupations environnementales dans les activités des administrations avec pour objectif de susciter un effet d’entraînement aux retombées industrielles et économiques, appuyé notamment par l’achat de produits plus respectueux de l’environnement. Cette action de responsabilité écologique administrative se décompose en huit axes comprenant la réhabilitation des bâtiments, les économies d’eau et d’énergie, le recyclage des déchets et l’évolution du parc automobile vers une lutte contre la pollution de l’air.

Trois organisations sont alors activement impliquées dans le développement des analyses sur cycle de vie : l’organisation internationale de normalisation, ISO [ISO], la Société de Toxicologie et Chimie Environnementales (Society of Environmental Toxicology and Chemistry, SETAC en anglais) [SET] et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, PNUE (United Nations Environment Programme , UNEP en anglais) [PNU]. La première élabore des normes internationales (la série ISO 14000 [ISO96]) qui ont pour but de guider l’ensemble des études justifiant l’emploi d’une accréditation extérieure (finalisé la plupart du temps par un logo sur les produits). La seconde organisation offre une plateforme scientifique d’échanges dans le domaine des analyses sur cycle de vie par le biais de groupes de travail spécialisés. Centrés initialement sur les domaines de la chimie et du génie des procédés (ce qui explique l’avancée des études environnementales dans cette discipline) ces groupes de travail se sont maintenant diversifiés et portent sur quasiment tous les secteurs disciplinaires. La troisième organisation répond à l’appel des gouvernements sous l’égide des Nations-Unies. Elle a pour objectif la promotion des modes de consommations et de productions durables réclamés au cours notamment du sommet mondial sur le développement durable à Johannesbourg en 2002. Celui-ci stipule explicitement :

« Nous devons développer des politiques de production et de consommation pour améliorer les produits et services fournis, tout en diminuant les impacts sur l’environnement et la santé, en utilisant, lorsque c’est nécessaire, des approches scientifiques telles que l’analyse du cycle de vie. » .

Le principe de l’analyse sur cycle de vie n’en est désormais plus à ses balbutiements. Il a été normalisé en 1997 (révisé en 2006) par l’organisation internationale de normalisation [ISO97]. Des moyens pour intégrer les aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits ont de même été édités [ISO02b]. En outre, la SETAC et le PNUE se sont associés en 2002 afin de proposer un partenariat international sur le cycle de vie (Life Cycle Initiative en anglais) qui a pour but le développement et la diffusion des outils permettant l’évaluation des solutions, des risques, des avantages et des inconvénients associés aux produits et services tout au long de leur cycle de vie [LCI]. Par la mise en pratique des approches sur cycle de vie et l’amélioration des outils de support au moyen de données et d’indicateurs quantitatifs, cette initiative sert de cadre institutionnel pour le développement de méthodes d’analyses sur cycle de vie et leur utilisation dans l’industrie. Parallèlement, les bases de données inventaires d’analyse sur cycle de vie se construisent sous l’impulsion des travaux complets d’analyse sur cycle de vie. Il existe maintenant de nombreuses bases de données disponibles au travers le monde, accompagnées ou non d’un logiciel d’utilisation. Celles-ci sont centrées sur des domaines scientifiques et des régions géographiques spécifiques. La normalisation de ce type d’inventaires permettra de libérer ces bases de données des contraintes liées aux domaines de compétences et des lieux d’implantations de ceux qui les ont originellement collectées, donnant ainsi une dimension planétaire aux analyses sur cycle de vie. Bien que présentant des atouts non négligeables du fait de la généralité de son étude, l’analyse sur cycle de vie n’est pas encore exempte de points litigieux. Les résultats des analyses de cycle de vie doivent être présentés de façon impartiale et certaines applications donnent encore l’impression que le choix de la méthode dépend du résultat attendu par le commanditaire de l’étude. Un des moyens les plus efficaces pour viabiliser ces études à l’ensemble des domaines de production industriels est bien entendu la normalisation de ses différents aspects et son utilisation généralisée.

Le cadre des normes

Par opposition à une approche fragmentaire, l’approche sur cycle de vie représente une démarche généralisée qui intègre l’ensemble des stratégies de consommation et de production existantes autour du centre d’étude. La norme ISO 14001 « Systèmes de management environnemental. Spécifications et lignes directrices pour son utilisation » propose un cadre à l’application pratique des principes de l’analyse sur cycle de vie [ISO96]. La définition de l’analyse du cycle de vie donnée dans cette norme est la suivante :

« L’analyse du cycle de vie est une technique qui analyse les aspects environnementaux et les impacts potentiels associés à un produit, en :
– compilant un inventaire des entrants et sortants significatifs d’un système,
– évaluant les impacts environnementaux potentiels associés à ces entrants et sortants,
– interprétant les résultats de cet inventaire et des impacts des différentes phases étudiées en relation avec les objectifs de l’étude. L’analyse sur cycle de vie étudie les aspects environnementaux et les impacts potentiels tout au long de la vie d’un produit (c’est-à-dire du berceau à la tombe) et ce de l’acquisition de matière première jusqu’au dépôt, en passant par la production et l’utilisation proprement dite du produit. Les catégories générales d’impacts environnementaux prennent en considération la consommation des ressources, la santé humaine et les conséquences écologiques. » .

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Table des matières

Introduction générale
Structure du mémoire
I Partie I – Conception et Environnement
1 Chapitre 1 – De l’analyse sur cycle de vie à l’éco-conception
Introduction
1 La démarche d’analyse sur cycle de vie
1.1 Le cycle de vie d’un système
1.2 Bref historique
1.3 Le cadre des normes
1.4 Méthodologie d’analyse sur cycle de vie
1.5 Deux impacts environnementaux spécifiques
2 L’éco-conception
2.1 De l’analyse sur cycle de vie à l’éco-conception
2.2 Critères environnementaux dans la conception
2.3 Démarches d’éco-conception
Conclusion
2 Chapitre 2 – Considérations sur l’éco-conception dans le Génie Electrique
Introduction
1 Diversités d’applications
2 Moteurs à haut rendements
3 Production
4 Recyclage
4.1 Les matériaux
4.2 Les composants du Génie Electrique
5 Phase de fonctionnement
5.1 Durée de vie
5.2 Cycle de fonctionnement
5.3 Vitesse variable
6 Vieillissement
6.1 Vieillissement thermique
6.2 Vieillissement mécanique
7 Introduction aux chapitres à venir
7.1 Objets d’études
7.2 Définition du champ d’étude
7.3 Modélisations et simulations
Conclusion
II Partie II – Application à des composants du Génie Electrique
3 Chapitre 3 – Transformateur monophasé à alimentation fixe
Introduction
1 Modélisation du transformateur
1.1 Mise en place de l’étude
1.2 Calcul de masse
1.3 Modélisation électrique du transformateur
1.4 Modélisation thermique du transformateur
2 Mise en place des simulations
2.1 Considérations préalables
2.2 Paramètres et contraintes d’optimisation
2.3 Synoptique d’optimisation
3 Optimisation du transformateur monophasé
3.1 Impact du cycle de vie sur le dimensionnement
3.2 Robustesse des résultats d’optimisation
3.3 Vieillissement du transformateur
Conclusion .
4 Chapitre 4 – Moteur asynchrone monophasé à fonctionnements brefs
Introduction
1 Modélisation du moteur
1.1 Description du moteur
1.2 Restrictions de l’étude
1.3 Calcul de masse
1.4 Modélisation électrique
1.5 Mise en place du modèle
1.6 Modélisation thermique
2 Mise en place des calculs
2.1 Analyse sur cycle de vie
2.2 Vieillissement
2.3 Cycle de fonctionnement
2.4 Optimisations
3 Optimisation des dimensions du moteur
3.1 Configuration initiale
3.2 Sensibilité de la machine à la tension d’alimentation
3.3 Sensibilité à l’usage de l’actionneur
3.4 Sensibilité aux paramètres environnementaux
3.5 Sensibilité aux choix des matériaux
3.6 Sensibilité aux dimensions radiales
Conclusion
5 Chapitre 5 – Machine asynchrone triphasée à fréquence variable
Introduction
1 Modélisation de la machine
1.1 Mise en place de l’étude
1.2 Calcul de masse
1.3 Modélisation électrique de la machine
1.4 Modélisation thermique de la machine asynchrone
2 Mise en place des simulations
2.1 Considérations préalables
2.2 Paramètres et contraintes d’optimisation
2.3 Optimisation de l’alimentation
3 Optimisation des dimensions de la machine
3.1 Résultats d’optimisation
3.2 Action sur le nombre de paires de pôles
3.3 Analyses de sensibilité des résultats d’optimisation
Conclusion
Conclusion générale

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