DE L’AVENEMENT DE L’AGGLOMERATION A L’AFFIRMATION DE LEUR POUVOIR
« Contrairement aux discours ambiants, l’Europe qui se construit n’est pas celle des Régions. Ne nous voilons pas la face. Le pouvoir est dans les villes. » Cette affirmation volontairement provocante de Luc Gwiazdzinski amène à réfléchir sur ce phénomène prégnant de notre société qu’est l’affirmation du pouvoir des villes. Mais de quelles villes parle-t-on ? Comment ces dites villes cherchent-elles à s’affirmer et dans quels buts ?
Pour appréhender ce phénomène, il paraît nécessaire au préalable de présenter les raisons qui ont amené la ville à s’imposer comme un acteur incontournable de la gestion et du développement territorial.
« La ville est en crise et donne l’impression d’être à l’aube d’un changement » Louis Bessard, Architecte.
Alors que les villes sont les lieux privilégiés de croissance et de développement pour les territoires, la ville est paradoxalement en crise depuis le milieu des années 70 et le premier choc pétrolier. Cette crise a incité les acteurs à faire évoluer les logiques d’intervention sur la ville, ainsi que les modes d’administration des territoires. La crise est à la fois économique, sociale et spatiale. Depuis les années 70, la ville est le témoin privilégié du passage de l’ère industrielle à celle du tertiaire, entraînant avec lui tous les bouleversements qui lui incombent. La désindustrialisation des vieilles régions industrielles se traduit par la réduction du nombre de firmes et d’emplois industriels et une montée corrélative du chômage. Le déclin industriel laissera ses marques, notamment ces vastes friches industrielles inoccupées qui encerclent les villes et leur confèrent une image de villes sinistrées et peu enclines au dynamisme. Cette crise économique se traduisant par une montée en masse du chômage, coïncide aussi avec l’ouverture des HLM (Habitat à Loyer Modéré) aux populations les plus défavorisées afin de compenser le départ des classes moyennes vers la périphérie, parties pour accéder à la propriété. L’arrivée de nouvelles populations entraîne indubitablement la paupérisation des grands ensembles devenant au fil des ans des zones de non-droit, de délinquance et d’insécurité. La ville tertiaire, et ses activités de services remplace alors peu à peu la ville industrielle. Les emplois se concentrent désormais dans les centres villes et les parcs d’activités périphériques entraînant par le même biais des flux pendulaires toujours plus intenses, congestionnant les infrastructures de transport. Aujourd’hui la situation s’aggrave, les habitants désertent le centre-ville devenu trop cher et dorénavant réservé aux classes les plus aisées, laissant ainsi derrière eux la place à un secteur tertiaire proliférant au-delà des besoins réels. Communautarisme, grands ensembles, crise de l’urbanité, gestion des flux, étalement urbain, compétitivité économique, etc., les défis que doit affronter la ville ne cessent de croître. Pourtant de sa capacité à faire face dépend l’avenir des territoires. Cet état de crise permanent a entraîné une remise en cause du mode de gouvernance et de gestion de la ville, incitant les pouvoirs publics à s’engager dans une nécessaire réforme du mode d’administration des territoires. C’est dans son contexte que l’Agglomération a progressivement émergé au point de devenir l’acteur incontournable de la gestion et du développement des territoires urbains.
LA VILLE, UN ACTEUR PRIVILEGIE DE LA GESTION ET DU DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES
Comme le précise L. Gwiazdzinski, l’Europe n’est pas celle des Régions mais bien celle des villes. La ville, en tant qu’institution politique s’est hissée en acteur incontournable de la gestion et du développement des territoires. Via le processus en cours de métropolisation, les villes s’étendent sur des aires bien plus vastes que leur seul territoire d’administration. Pour cette raison, elle s’impose comme un véritable levier de développement pour tous les territoires sous influence. En effet, par ses choix, la ville conditionne souvent l’avenir de toute une région. C’est pourquoi nous étudions ici comment la ville a acquis ce statut de leader territorial, notamment en retraçant son avènement institutionnel et en mettant en exergue un mode de gestion novateur pour une entité territoriale.
Un cadre juridique rénové qui institutionnalise l’agglomération
Les réformes institutionnelles et les textes législatifs qui se sont succédés depuis 1981, ont toujours poursuivi l’objectif de rendre plus performante l’action publique territoriale. Ces réformes ont entre autre abouti à l’avènement de nouvelles structures territoriales, et ont permis le sacre de l’agglomération.
La décentralisation
Les réformes de l’Etat ont considérablement aidé à l’institutionnalisation des villes, notamment avec les lois de décentralisation de 1982 qui ont donné aux communes des compétences supplémentaires. Véritable point de départ de la décentralisation, la loi Defferre du 2 mars 1982 sera suivie d’un ensemble de textes législatifs et réglementaires qui ont bouleversé les relations entre les collectivités et l’Etat. La loi Defferre marque le passage d’une politique centralisée par l’Etat à une politique territorialisée, qui se veut plus proche de la réalité des territoires. La décentralisation impose la suppression de la tutelle administrative de l’Etat sur les collectivités. Les lois de décentralisation prévoient aussi le transfert de compétences vers les collectivités. La commune, administration de proximité, prend en charge notamment l’urbanisme, l’action économique et l’enseignement primaire. L’effet constaté a été un renforcement du pouvoir de l’élu local, et permet ainsi au Maire de renforcer son leadership sur le territoire communal.
De la commune à l’intercommunalité, de la ville(-centre) à l’agglomération !
Toutefois, c’est grâce au développement de l’intercommunalité que les villes ont véritablement pu s’affirmer, puisque le cadre juridicoadministratif local, même s’il reste extrêmement ancré en France, est devenu obsolète face aux évolutions de la ville. La loi Administration Territoriale de la République du 06 février 92 pose les bases de l’intercommunalité actuelle, et indique surtout le changement d’état d’esprit de l’Etat par rapport aux collectivités locales. On est alors dans une logique de dépassement des territoires administratifs pour rentrer dans une logique de territoire et de projet, permettant de développer l’ensemble des politiques d’aménagement du territoire. La loi ATR introduit la notion de recomposition territoriale et marque le début d’une série de lois réformant l’intercommunalité. En l’espace d’un peu plus d’un an (1999-2000), trois nouvelles lois ont transformé le cadre du développement des agglomérations. La loi d’orientation sur l’aménagement et le développement des territoires (LOADDT ou Loi Voynet) invite les collectivités locales à bâtir des projets de territoires dans le cadre des « pays » et des « agglomérations ». La loi Chevènement de simplification et de modernisation administrative du territoire français du 12 juillet 1999 leur offre la possibilité de se regrouper en Communautés d’agglomération où elles pourront mettre en commun ressources et compétences. La loi Chevènement poursuit le double objectif de simplifier et de renforcer l’intercommunalité. Elle unifie le régime de l’intercommunalité pour améliorer son efficacité, créée les Communautés d’Agglomération et rénove les Communautés Urbaines. Elle a aussi pour objet de renforcer la coopération intercommunale, dont le but est de faire émerger des territoires puissants entre la Commune et le Département, en créant un niveau décisionnel supracommunal. Pour inciter les agglomérations à se regrouper en intercommunalité, la loi prévoit à ce titre des subventions conséquentes. En cinq ans, la France a connu une transformation de sa carte politique territoriale : 162 Communautés d’Agglomérations, 14 Communautés Urbaines ont surgi de la plupart des aires urbaines françaises. La ville n’est plus seulement la ville-centre mais comprend désormais un territoire plus large, qui tend à prendre en compte les évolutions urbaines mais qui ne correspond pas encore à toute l’aire urbaine. Pour cela la loi sur le solidarité et le renouvellement urbain du 13 décembre 2000 demande aux agglomérations de concevoir leur politique de développement à l’échelle des « aires urbaines », en élaborant collectivement des Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) où se seront notamment harmonisés les politiques d’urbanisme, de déplacement et de logement. La construction rapide des Communautés d’Agglomération témoigne de la nécessité évidente de ce type de structure intercommunale, structure institutionnalisant l’agglomération comme le territoire de réflexion et d’action de référence. Toutefois, il ne faut pas voir ici une baisse de l’influence de la ville-centre mais au contraire la constitution de communautés d’agglomération est souvent un moyen supplémentaire pour la ville centre d’étendre son leadership. Le maire de la ville-centre perçoit la Communauté d’Agglomération comme une aubaine politique, aussi est-il souvent à l’origine du projet et plus encore le Président de la nouvelle structure. Le cadre juridique actuel issu de la décentralisation a permis de poser les bases institutionnelles pour permettre l’affirmation des agglomérations.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE 1 : DE L’AGGLOMERATION A LA MONUMENTALITE
Section 1 : De l’Avènement de l’Agglomération à l’affirmation de leur pouvoir
I La ville, un acteur privilégié de la gestion et du développement des territoires
II Un mode d’action commun
Section 2 : La Monumentalité : conceptualisation et identification
I La monumentalité, forme architecturale
II La monumentalité, forme architecturale et représentation idéologique
Section 3 : Problématique
I Présentation du cadre de recherche
II Synthèse
PARTIE 2 : LE POUVOIR EN QUETE DE MONUMENTALITE : EXPERIENCES PASSEES
I L’age d’or de la monumentalite : la Renaissance et le pouvoir monarchique
II L’architecture totalitariste ou la monumentalité exacerbée
III La monumentalité parisienne, souffle de renuveau ?
IV Les troubles de la Monumentalité
PARTIE III : UNE MONUMENTALITE REINVENTEE PAR LES AGGLOMERATIONS
I Méthodologie de validation de l’hypothèse
II La monumentalité de la rupture
III La monumentalité à la recherche de la visibilité
IV L’effet de levier de la monumentalité
CONCLUSION
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
BIBLIOGRAPHIE thématique
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