PROBLÉMES DE LA CONDITION DE LA FEMME
Au lendemain de l’indépendance, la constitution qui a officialisé la naissance de la République concède à la femme algérienne le même droit et le même statut que l’homme. Cela est tout à fait légitime, vu le rôle indéniable joué par les femmes dans la guerre de libération. Pourtant, cette égalité civile, politique et sociale ne s’est pas encore matérialisée jusqu’à nos jours de l’aveu même de la ministre de la culture et de la communication, porte parole du gouvernement actuel. En effet, Mme Khalida Messaoudi, ancienne militante de l’opposition, lutte ditelle pour l’abrogation du code de la famille, qui réduit la femme en « souspersonne » : « Le texte de loi qui contredit de la manière la plus flagrante la constitution algérienne est le code de la famille. La constitution algérienne dit très clairement que la femme est l’égale de l’homme dans l’article 29 » et de rajouter : « l’article 31 stipule par ailleurs que les institutions ont pour finalité d’éliminer tous les obstacles à l’application de la constitution qui est la loi des lois, il y a donc une contradiction flagrante avec le code de la famille qui place juridiquement l’épouse en dessous de don mari. » « En effet, la condition de la femme est difficile en Algérie. C’est une société traditionnelle et misogyne qui, à cause de la colonisation, n’a pas évoluée sur le plan de l’émancipation de la femme. Dans la société algérienne, la femme doit être une femme d’intérieur, une bonne mère mais aussi et surtout elle doit obéissance à son mari. Celui-ci est le chef de famille et la soutient financièrement. Aussi, selon une certaine interprétation de la religion musulmane, la femme doit cacher son corps et ses attributs féminins (cheveux), afin de ne pas attirer le regard des hommes. » La femme algérienne se retrouve confrontée durant la période postindépendance, à une discrimination sitôt, qu’elle aspire à un destin autre que celui qui lui est naturellement réservé (mariage-maternage-soumission totale à son époux) par le régime patriarcal, hérité de la société paysanne traditionnelle, où la ségrégation et le machisme sont de rigueur. Selon Alexandra MAILHE, le phénomène est présent dans tous les pays Maghrébin en général, et l’ensemble de la société contribue à ternir l’existence de la femme en en faisant une victime malheureuse, triste, vouée à un sort peu enviable. La révolte contre la société traditionnelle, qui a permis entre-autres de projeter le roman maghrébin sur la scène littéraire internationale, a été le thème central de plusieurs œuvres marquantes de la littérature maghrébine.Avec l’avènement de la décennie noire (1992-2000) et toute son horreur terroriste, les massacres qui n’ont épargné ni femmes ni enfants, la situation de la femme à empiré du fait de l’intégrisme islamiste, qui a envenimé le climat social, et freiné l’émancipation de celle-ci.C’est dans cette conjoncture de violence de la fin des années quatre vingt dix, que de nombreuses femmes ont choisi le chemin de l’exil fuyant le climat terroriste, pour des raisons différentes, de travail, de menace pour leur vie ou afin de poursuivre des études à l’étranger.
PROBLÉMES DE LA JEUNESSE et PHÉNOMÈNE DE HARRAGA
Le deuxième phénomène social important, qui constitue aussi le deuxième point que nous abordons dans notre premier chapitre est celui de la migration, thème privilégié par l’écriture littéraire durant toutes les étapes de l’Histoire d’Algérie du XXe et XXIe siècle. Ce thème récurrent, présent déjà dans les œuvres des pionniers de la littérature algériennes des années cinquante à l’instar de Mouloud FERAOUN et Mouloud MAMMERI, dans les années postindépendance et de nos jours, il est toujours d’actualité, mais avec des configurations différentes : sociale, économique et des dénominations différentes : exil, émigration, migration, harraga. Sathya RAO20, dans sa contribution à une théorie postcoloniale du langage rapporte que l’écriture postcoloniale est le lieu de déplacement plus ou moins complexe, «Qui peut aller de l’évidage […] à la mise en mouvement la plus fulgurante de l’énonciation. » Loin d’être aussi abstrait que l’on pourrait le croire, le déplacement est le fait d’un grand nombre d’écrivains et de théoriciens postcoloniaux. Par ailleurs,Sathya RAO remarque que la métaphore du voyage qui se décline en route, exil, nomadisme, décentrement ou traduction, est actuellement en vogue : « D’une manière générale, l’engouement postcolonial pour le voyage procède autant de l’idée d’un renouvellement des catégories statiques de « Nation », « Frontière », « Sujet » etc.…Que d’une découverte. » Le thème du voyage est universel, de ce fait il est tout le temps réitéré par la littérature. Dans notre corpus, le voyage est omniprésent, qu’il soit réel (traversée des grands espaces que sont la mer et le désert), mouvement dans le temps et dans l’espace, mais il se présente également sous forme d’une quête plus approfondie, une quête de soi ou quête identitaire. C’est aussi l’un des points piliers de la théorie postcoloniale. Le terme générique de la « transgression », désigne l’ensemble des actions qui, dans une organisation, sont en contradiction avec les règles, lois et règlements intérieurs. Nous avons abordé, précédemment quelques motifs du « mal-être » des femmes algériennes, les mêmes raisons ont conduits des milliers de jeunes algériens à risquer leur vie, en essayant d’atteindre l’autre rive de laméditerranée ; entassés à bord de rafiots de fortune, motivés par la rage de laisser derrière eux ce pays natal, qui n’a pas su leur ouvrir des horizons meilleurs, malgré ses richesses naturelles, rêvant d’une vie meilleure, loin des marasmes et des contraintes aberrantes de la vie sociale, politique et professionnelle. Cette importante tranche de la société se sent rejetée par les responsables, elle se plaint de la hogra , des injustices sociales qui prennent plusieurs formes : corruption, passe-droit, favoritisme, mais surtout de la bureaucratie administrative. Dans cette perspective, la transgression est considérée plus comme un produit de contraintes portées par les institutions en place que comme l’action des acteurs eux-mêmes. Les jeunes sont finalement blasés de tous ces retards dans les réformes entreprises jusque-là par les responsables sur tous les plans, ajouter à cela le chômage qui les contraint à « s’adosser aux murs » toute la journée d’où le sobriquet de hittistes, très répandu en Algérie et enfin la violence terroriste, goutte qui a fait déborder le vase.
AMBIGUÏTÉ ET TRANSGRESSION DANS LA QUÊTE DE SOI DU PERSONNAGE PRINCIPAL
L’écriture est au cœur de la thématique des romans post coloniaux et elle sert autant à la quête d’identité qu’au recouvrement d’une vérité nouvelle observée sous un angle nouveau, un compte-rendu de l’Histoire retouchée. L’écriture sert d’arme scripturale pour illustrer et faire connaître une version de la réalité différente des métarécits par un toucher du doigt de la pensée de l’Autre, différente des centres ou métropoles. Au seuil du XXI siècle, les questions postcoloniales sont venues appréhender les investigations sur les migrations, la manière par laquelle les populations issues de l’immigration édifient ou réédifient quelques fois leur identité, ce qui aboutit à cette « hybridité ». Selon Homi Bhabha, l’hybridité peut se concevoir comme une « culture internationale, fondée non pas sur l’exotisme du multiculturalisme ou la diversité des cultures, mais sur l’inscription et l’articulation de l’hybridité de la culture ».En effet, l’hybridité est un processus de refus de s’identifier complètement à la culture d’origine mais aussi de s’identifier à la culture du pays d’accueil car dans les deux cas cela présuppose un abandon. Pour B. Ashcraft également, la littérature postcoloniale se caractérise avant tout par l’hybridité . Quant à Alexandrine MAILHE, elle affirme que l’individu subit une métamorphose inévitable, une modification identitaire quand il est exposé à une culture différente mais il n’est pas le seul. La culture à laquelle l’étranger est exposé subit également une métamorphose grâce à ce jeu des influences. De cette métamorphose résulte une hybridation de la culture ainsi que de l’individu ; celle-ci est inéluctable. « L’individu se construit une nouvelle identité qui lui est propre. » Cette appartenance complexe de l’individu peut être vue ou appréhendée de manières divergentes. Au préalable, l’individu peut-être vu comme métisse. Le métissage, ou l’assemblage de deux cultures en proximité, aboutit à un résultat, ou compréhension dépréciative. Cela fait penser qu’une des cultures est inférieure. Un autre cas de figure, celui de la nature multiculturelle de l’individu vu comme une hybridation, à savoir une culture qui a été maniée, endoctrinée et qui a assimilé quelques rudiments de cultures diverses. La notion d’hybridité paraît être la plus convenable pour dépeindre l’identité plurielle du narrateur. Elle implique une ouverture à l’autre, fût-elle libre ou non.
Le roman policier
Il est défini par Régis Messac dans Le « Detective Novel » et l’influence de la pensée scientifique, en 1929 : « Un récit consacré avant tout à la découverte méthodique et graduelle, par des moyens rationnels, des circonstances exactes d’un événement mystérieux » , Et par Anne Pambrun : « Un récit rationnel dont le ressort dramatique est un crime, vrai ou supposé ». Dans La Désirante, tout commence par la disparition mystérieuse en mer de Léo. Shamsa qui ne croit pas en la mort de son amoureux. D’ailleurs son corps n’a pas été retrouvé, après plusieurs mois de recherches. Elle émet toutes les hypothèses possibles, et se résout d’entreprendre, seule, à bord de Vent de Sable, leur voilier retrouvé vide par les gardes-côtes italiens, pour retrouver Léo disparu en mer quelque part en Méditerranée, entre l’Italie, la Sicile et la Tunisie. Elle ne peut admettre qu’il soit tombé à la mer, lui le marin chevronné. C’est en refaisant le trajet accompli par Léo, qu’elle espère dénouer l’inexplicable disparition de son homme, après huit mois d’enquêtes policières infructueuses. Shamsa la journaliste mène son enquête ; à bord de Vent de Sable, elle sillonne le bassin méditerranéen, de la Grèce, à l’Italie, la Corse, la Tunisie… Les îles méditerranéennes sont visitées, les ports sont inspectés, les criques sont fouillées, en vain. Tout au long de son investigation, Shamsa reste en contact avec la police française et italienne, notamment, le carabiniere Lorenzo, qui l’a beaucoup aidée, ainsi que tous les amis du couple. L’histoire s’embrouille avec des rebondissements inattendus : les révélations sur la vie de Bertrand, un ami de Léo. Ce dernier s’avère être un traître, et un complice de Youcef, l’islamiste tunisien. De fil en aiguille, l’héroïne courageuse et très perspicace, arrive à reconstruire les puzzles de la disparition mystérieuse de Léo. « Je ne sais que penser des ambiguïtés de Bertrand. Quel lien peut avoir sa succession de mensonges avec la disparition de Léo ? » « Ce poltron de Bernard s’est aussitôt déboutonné : deux années auparavant, lorsqu’il avait convoyé « vent de sable » de la Tunisie vers la Grèce, il y avait transporté du cannabis et des drogues dures. Pris à la gorge par de gros soucis financiers, Bertrand aurait vendu sa propre âme pour se renflouer. C’est dire que Youcef n’avait pas du se fouler pour l’appâter. » Le lecteur entre dans un labyrinthe rocambolesque où une mafia islamo-politicomilitaire, agit en Méditerranée, entre les îles grecques, italienneset tunisiennes. Malika MOKEDDEM multiplie nœuds et rebondissements, compare puis distingue les vrais amis : Simon, Mansour, Nabil– et les désormais ennemis : Bertrand le traître, Youcef l’intégriste
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Contexte socio-historique et transgression culturelle
Problèmes de la condition de la femme
Problèmes de la jeunesse et phénomène des Harraga
Chapitre II : Hybridité générique et Transgression
Ambiguïté et quête de soi
Transgression du genre
Chapitre III : Transgression du milieu, errance et transgression des frontières
« Entre-deux » et identité plurielle
Errance et transgression des frontières
Chapitre IV : Hybridité linguistique ; transgression dans l’expression
Transgression dans l’expression
Émergence d’un nouveau genre
Conclusion
Bibliographie
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