De la théorie des couts de transaction a une économie des couts de traduction

Alors qu‘Olivers et Ebers (1998) pouvaient dès la fin des années 90 s‘appuyer sur un nombre conséquent d‘articles pour conduire une vaste revue de littérature des travaux portant sur les relations inter-organisationnelles, le champ de la comptabilité et du contrôle consacré aux relations inter-organisationnelles en était encore à ses débuts. Ce dernier ne prit son essor qu‘au milieu des années 90 avec notamment les appels d‘Otley (1994) et Hopwood (1996) en sa faveur. Ces deux auteurs pressèrent les chercheurs en contrôle à dépasser les frontières intra-organisationnelles pour prendre en compte les nouvelles perspectives de recherche offertes par les relations qui se nouaient en pratique entre les organisations. Le champ de la comptabilité et du contrôle ne pouvait plus attendre comme le soulignent Vosselman et Van der Meer-Kooistra dans un éditorial daté de 2006 de la revue « Management Accounting Research ». La diversité des nouvelles formes organisationnelles issue pour partie de la globalisation et l‘accroissement de la compétition devait dorénavant être prise en compte. D‘autres disciplines en gestion plus enclines à se préoccuper de ce qui se passait en dehors des frontières légales de la firme avaient déjà franchis le pas et étudiaient ces nouvelles réalités inter-organisationnelles.

Par la suite, la fin des années 90 et surtout les années 2000 ont vu un développement sensible des travaux en comptabilité/contrôle des relations inter-organisationnelles. La revue de littérature de Caglio et Ditllo (2008) rend compte de ce phénomène. Elle recense une cinquantaine d‘articles focalisée sur l‘étude des relations légales entre des parties autonomes et publiée dans les principaux journaux internationaux en comptabilité/contrôle: Les relations inter-organisationnelles étudiées dans ces travaux incluent notamment les partenariats entre client et fournisseur au sein des supply chains, les relations de sous-traitance, d‘externalisation et d‘alliance stratégique sous la forme par exemple de joint ventures. Elles portent des appellations diverses. Par exemple, les auteurs évoquent les termes de relations inter-organisationnelles, de dispositifs inter-firmes ou de formes organisationnelles hybrides .

Une voie de passage pour construire un entre deux

La TCT a fait l‘objet de nombreuses critiques depuis ses premiers développements au cours des années 70 jusqu‘à nos jours. Une des premières critiques à laquelle Williamson a répondu portait sur l‘absence des formes hybrides dans le cadre conceptuel initial. On peut citer également celles relatives au manque de résultats empiriques probants, celles liées à l‘approche l‘opportunisme des acteurs, et celles associées à la dimension statique de l‘analyse par sa focalisation sur le contrat comme unique dispositif de gouvernance. Nous allons nous appuyer sur ces critiques pour ouvrir une voie de passage conceptuelle pour suivre l‘émergence des dispositifs de contrôle inter-organisationnel.

Des formes polaires et hybrides de gouvernance à la description de l’entre deux 

Dès les années 70, une des premières critiques adressée à la TCT était qu‘elle ne s‘intéressait qu‘aux formes polaires de gouvernance : le marché et la hiérarchie. Le pôle marché faisait allégeance au concept d‘ordre spontané inspiré des travaux d‘Hayek (1945). Quant à la hiérarchie, elle était fondée sur l‘ordre intentionnel issu des travaux de Barnard (1938). Les autres formes de gouvernance hybrides n‘étaient pas prises en compte dans les premières versions de la TCT (Williamson, 1991). Il a fallu atteindre le milieu des années 80 pour que les formes hybrides soient intégrées dans le raisonnement (Williamson, 1985). La forme hybride de gouvernance se conçoit comme alors une combinaison des attributs appartenant soit au marché, soit à la hiérarchie. Elle n‘est pas centrale dans le raisonnement. Quant au travail de mise en œuvre du dispositif nécessaire à l‘échange économique existant en dehors du contrat, il est réalisé dans la pratique mais ignoré par la TCT. Le cadre d‘analyse proposé ne permet pas sa prise en compte. L‘utilisation d‘une analyse discrète comparative des formes de gouvernance (Simon, 1978) masque son existence. Les formes hybrides ne sont pensées qu‘a posteriori par la référence aux formes pures du marché et de la hiérarchie et en ne se focalisant que sur le contrat comme unique dispositif de gouvernance.

Notre raisonnement est ici inverse. Au lieu de partir des pôles du marché et de la hiérarchie, nous commençons l‘analyse depuis cet entre deux pour décrire l‘émergence des dispositifs hybrides. Il ne s‘agit pas de s‘appuyer sur des conceptions a priori du marché ou de la hiérarchie fondant le cadre d‘analyse de la TCT. Notre projet est sous-tendu par l‘idée d‘en saisir toute la complexité par la description. Ce point de départ original nécessite alors de ramener au centre les pôles opposés de gouvernance, le marché et la hiérarchie. Nous nous appuyons sur certains travaux en sociologie des marchés qui permettent d‘appréhender différemment le pôle marché à partir d‘une position philosophique sur la construction du social issue de l‘ANT (Callon, 1998 ; Callon et Muniesa, 2005 ; Muniesa et al., 2007). En ce qui concerne le pôle hiérarchie, nous nous appuyons sur le travail de Czarniawska (2004) qui propose le concept de réseaux d‘actions. Celle-ci part du constat initial que les choses se font entre, au-delà et en dépit des organisations hiérarchiques. Le réseau d‘action offre alors une possibilité innovante d‘appréhender concrètement l‘action d‘organisation en train de se faire.

De la TCT à l’épreuve du réel à la TCT comme métaphore

La seconde critique adressée à l‘encontre de la TCT est liée à au manque de résultats empiriques. Pour Joskow (1991), le travail empirique réalisé à partir de la TCT semble conduire à des résultats plus probants que des travaux empruntant d‘autres cadres théoriques : « this empirical work is in much better shape than much of the empirical work in industrial organization generally » (1991, p.81). De «much better shape » à succès empirique, il n‘y a qu‘un pas. Celui-ci est franchit par Williamson (1993) qui clame que la TCT est un succès. Sa notion de succès est à mettre en perspective au regard de sa conception de l‘activité scientifique. Williamson considère, en effet, qu‘une théorie économique se doit d‘être prescriptive. Pour la TCT, il s‘agit donc d‘être capable de guider les acteurs de terrain pour déterminer la forme de gouvernance des transactions la plus efficiente.

Ses détracteurs considèrent, quant à eux, que les prescriptions de la TCT sont fausses (Goshal et Moran, 1996). Gadrey (2003, p.59) s‘appuie sur l‘exemple des prestations intellectuelles pour le mettre en exergue. La TCT prescrit logiquement de conserver en interne les activités générant des transactions qui nécessitent de disposer d‘actifs spécifiques. Or, Gadrey souligne qu‘elles sont pour la plupart produites en externe. Les prescriptions de la TCT ne seraient donc pas conformes à la réalité. Si la TCT n‘est peut être pas un succès sur le plan empirique pour certains auteurs, force est de constater qu‘elle l‘est au moins sur le plan académique. Il suffit pour s‘en convaincre de se référer au volume considérable d‘articles scientifiques, en économie et en management, citant au moins une fois les travaux de Williamson. Le prix Nobel d‘économie, qui lui a été accordé en 2009, est là pour témoigner de l‘engouement de la communauté académique pour ses travaux.

Ce succès intellectuel permet d‘avancer l‘idée que la TCT est devenue « une métaphore de référence plutôt qu‘un ensemble de propositions testées » (Osborn et Hagedoorn, 1997). Le succès de la TCT semble alors bien paradoxal, si l‘on en juge les critères retenus par Williamson sur ce qu‘est une bonne théorie. En effet, le principal succès de la TCT ne réside pas dans ses applications empiriques mais dans son omniprésence pour quiconque s‘intéresse aux questions relatives aux liens entre marché et bureaucratie. Sa force réside dans capacité à être traduite jusqu‘à en devenir, pour de nombreux auteurs, une métaphore de référence plus qu‘un véritable socle pour tester ses arguments.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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