De la maternelle à l’école élémentaire : difficultés des élèves

GROUPEMENTS ET ÉCHANGES

Les activités que l’on propose aux élèves pour amener à la compréhension du système de numération sont de deux types : les activités de groupement et les activités d’échange.

Les groupements

Définition

Il s’agit des situations de dénombrement qui consistent à regrouper les éléments par paquets de dix puis par paquets de paquets de dix. Ainsi, dix jetons peuvent être mis dans un sachet transparent : on conserve tous les éléments mais ceux-ci sont regroupés. Cela permet aux élèves de mieux comprendre l’écriture du nombre (par exemple, dans 25 il y a deux paquets de dix et cinq éléments isolés ; les paquets de dix étant clairement représentés par les sachets).
Pour effectuer ces activités de groupement, les cubes emboîtables peuvent alors être utilisés, tout comme les buchettes regroupées par dix à l’aide d’un élastique ou les jetons dans des sachets transparents.
Les variables seront ici évidemment la taille des collections à dénombrer (de plus en plus grande) mais aussi le fait de disposer d’objets manipulables ou non, que l’on peut alors grouper physiquement en paquets de dix.

Avantages et difficultés des élèves

Comme il l’a été dit, les groupements permettent de mieux comprendre l’écriture des nombres puisque les paquets de 10 représentés correspondent ensuite à une dizaine.
L’avantage des groupements est qu’ils permettent un dénombrement efficace tout en rendant visibles les « paquets » réalisés.
Cependant, il n’est pas toujours évident pour les élèves de comprendre ces groupements par 10. Certains sont alors tentés de faire des paquets de 6, de 7, de 9, etc., et ce de manière irrégulière. Il est indispensable de faire comprendre le pourquoi de ces paquets de 10.

Les échanges

Définition

Les situations d’échange consistent à échanger dix éléments contre un seul qui a alors la même valeur. Elles font alors apparaître la différence entre quantité et valeur que les élèves ne perçoivent pas facilement : certains préféreront avoir 10 pièces de 1 € plutôt qu’un seul billet de 10 €.
Le matériel fréquemment utilisé pour mettre en œuvre ces situations est l’abaque : dès que l’on a 10 boules sur un mât, on les remplace par une seule sur le mât juste à gauche.
Chacun des mâts peut alors être associé aux unités, dizaines et centaines. C’est le même principe qui est utilisé dans les jeux du banquier par exemple. On utilise également des plaques, des cartes identiques d’aspect mais avec les écritures 1, 10, 100 qui leur donnent des valeurs différentes.
Ces situations d’échange varient et se complexifient, notamment par la trace que laisse cet échange. Par exemple, lorsque j’échange dix pièces de 1 € contre un billet de 10 €, ce dernier laisse une trace de sa valeur : je constate sur celui-ci qu’il vaut 10 alors que les pièces valaient 1. Par contre, lorsqu’on en arrive à des jeux du banquier où il s’agit d’échanger dès qu’on les possède dix jetons rouges contre un seul jaune qui vaut alors 10 mais sur lequel rien n’est écrit, plus aucune trace n’est laissée. Dans le jeu du banquier, l’échange se fait grâce au matériel mais il n’y a pas de codage chiffré.

Avantages et difficultés des élèves

Les situations d’échange permettent de distinguer la quantité et la valeur, et c’est cette valeur du nombre qu’il est important de comprendre pour entrer dans la numération décimale et la compréhension de notre système de numération. Lorsque j’échange dix jetons contre un, je suis amené à comprendre que ce dernier – et donc la dizaine – a la même valeur que les dix premiers jetons (les unités).
Cependant, cette mise en avant de la valeur par rapport à la quantité est difficile à comprendre pour certains élèves qui préféreront toujours posséder dix jetons plutôt qu’un seul valant dix puisqu’ils privilégient la quantité. Certains élèves accorderont plus de valeur à six jetons valant « un » qu’à un seul valant « dix ». C’est le nombre d’éléments qui compte seulement.
Contrairement aux groupements où l’on disposait dix éléments dans un sachet transparent pour former un paquet, il n’y a pas de trace visible de la quantité dans les échanges. Cela peut être une étape difficile pour certains élèves mais c’est pourtant vers ces échanges que les groupements doivent amener afin de comprendre la valeur des nombres et donc ensuite la valeur des chiffres en fonction de leur position dans le nombre.

PARTIE MÉTHODOLOGIQUE

Hypothèses de départ

Avant de commencer un travail de recherche et d’analyse, j’ai quelques hypothèses en tête qui sont celles qui m’ont incitée à m’intéresser à ce sujet.
Tout d’abord, j’imagine, notamment d’après ce que j’ai observé en stage et dans divers manuels, différentes manières de penser des situations ayant pour but d’amener les élèves à grouper par dix pour dénombrer. J’entends par situations différentes activités, avec différentes consignes données et différents matériels utilisés.
Je pense trouver des méthodes plus inductives que d’autres, c’est-à-dire certaines imposant les groupements et d’autres laissant plus de temps de recherche, de tâtonnement. Cela revient aux consignes données, auxquelles je vais m’intéresser par la suite. Je pense observer des situations qui demandent à l’élève de grouper avant même qu’il y ait pensé lui-même.
D’un autre côté, j’imagine aussi trouver différentes progressions : certains manuels commencent peut-être par d’autres groupements (par 5 notamment), d’autres feraient un lien plus direct avec l’écriture du nombre et le calcul, etc.
Afin de tester ces hypothèses et surtout d’obtenir des réponses véritables, j’ai mis en place une démarche, une méthodologie me permettant de recueillir des données dans le but de les analyser. La suite de ce dossier présente cette démarche jusqu’à l’analyse de mes résultats et une ouverture plus large en réponse à ma problématique.

Démarche générale

De manière générale, j’ai choisi de m’intéresser plus particulièrement à comment est introduite la notion de groupements dans les manuels. Mon recueil de données se fera donc dans des manuels et guides du maître de CP. J’ai déjà pratiqué l’observation dans les classes lors d’un travail de recherche dans le cadre de ma licence en Sciences de l’Éducation. J’ai été amenée à construire mes outils et grilles d’observation et à les analyser. Cette fois, j’ai décidé de m’appuyer sur des contenus de manuels scolaires afin de mettre en évidence différentes méthodes, différents choix didactiques possibles pour amener et construire cette notion avec les élèves.
Mon objectif est de comparer les quatre manuels de CP suivants : J’apprends les maths avec Picbille(Brissiaud, 2004), Euro Maths(Peltier, Briand, 2011), Vivre les Maths(2008) et Pour comprendre les mathématiques (2008). Je souhaite surtout observer les façons d’amener les élèves à grouper pour faciliter le dénombrement et voir comment le lien est fait avec la compréhension du système de numération.
Avant cette phase d’analyse des manuels, j’ai effectué une première analyse du matériel de numération utilisable en classe afin de comprendre grâce à quel matériel il est possible d’introduire et de travailler cette notion en classe. J’ai observé que ce matériel lui-même incite plus ou moins aux groupements.
Il existe d’abord des cubes, soit emboîtables, soit non emboîtables ( cf. annexe 1 – photos 1 et 2). Les cubes emboîtables sont déjà un premier inducteur de groupements : les élèves sauront plus rapidement les associer pour former des groupes (bâtons). C’est presque un réflexe lorsqu’on manipule ces cubes. Il est plus difficile de penser à faire des paquets avec des cubes isolés.
J’ai également retrouvé les boîtes de Picbille (photo 3) ainsi que les planches à trous (photo 4). Les premières induisent une suite, un ordre (5 jetons, puis 5 autres, les uns à la suite des autres). Les secondes sont présentées sous forme de constellations.

PARTIE PROFESSIONNELLE : ANALYSE RÉFLEXIVE

Il n’est pas effectivement possible pour moi d’avoir un retour sur une pratique professionnelle que j’ai pu avoir, étant donné que je n’ai pas pu expérimenter ces méthodes auprès d’élèves de CP. Je profiterai donc de cette partie pour m’interroger sur une éventuelle pratique à venir.

Une meilleure compréhension des difficultés actuelles de mes élèves

La rédaction de ce mémoire, et cette analyse des manuels de CP et notamment de la notion d’entrée dans la numération m’a tout de même permis de prendre conscience et d’analyser de manière plus efficace mes actuels élèves de CM1-CM2. En comprenant tout l’enjeu d’une bonne compréhension de notre système de numération dès le plus jeune âge, il est désormais pour moi plus facile d’analyser certains des comportements et difficultés de mes élèves. Pour certains, la multiplication par 10, 100 ou 1 000 est une notion très difficile à intégrer, mais si ceux-ci n’ont pas intégré ce que représentent la dizaine, la centaine et le millier, il est évident qu’ils ne peuvent pas entrer dans ce nouvel apprentissage. Lors d’un jeu en mathématiques effectués avec mes CM2 il y a quelques semaines, j’ai encore constaté qu’une élève n’était pas capable de donner rapidement une suite de nombre pour lesquels on ajoute une dizaine à la fois (« donner les trois nombres suivants : 152/162/172/182/…/…/… »). Le passage de la dizaine n’a pas été chose simple.

Réflexion sur ma pratique future

Maintenant, si je devais envisager ma pratique future et mes choix pour travailler cette notion avec une classe de CP, je pense pouvoir affirmer que je m’appuierai sans doute sur un manuel mais qu’avant tout, je proposerai des situations, créées par moi-même ou reprises de lectures et d’ouvrages à ce sujet, permettant aux élèves d’arriver aux groupements par eux-mêmes, irréguliers d’abord sans doute, puis réguliers et par dix pour amener progressivement à la compréhension de ce « 10 ». Pourquoi fait-on des paquets de 10 ? Que représentent-ils ?
L’étude de ces quatre manuels n’est certes pas un travail qui me permet d’appliquer dès aujourd’hui des méthodes en classe. Il m’a cependant permis de réfléchir aux difficultés de mes élèves actuels de cycle 3 comme je l’ai précisé précédemment, mais aussi de me projeter en quelques sortes sur ma pratique future. Les manuels sont-ils le seul moyen d’enseigner la numération ? Que faire dans ma classe pour que cette notion complexe soit comprise par mes élèves sans que je leur amène la méthode « sur un plateau » mais plutôt en les laissant découvrir par eux-mêmes ? Si je me retrouve un jour face à une classe de cycle 2, et de CP notamment, je pense observer plus finement cette manipulation des groupements qu’ils font afin de m’assurer que ceux-ci soient compris et pas seulement réalisés « parce que c’est ce qui est demandé » comme j’ai pu le lire dans différents articles. J’ai pris conscience que certains élèves font des paquets de 10 pour dénombrer sans pour autant avoir compris la raison et l’intérêt de ces groupements par 10. Il est important d’expliquer cette étape. Les manuels proposent souvent aux élèves : « Léa compte ses billes en faisant des paquets de 10. Continue son travail pour trouver le nombre de billes. » Mais pourquoi ce 10 ? Quelle explication est donnée à ce moment-là pour permettre aux élèves de faire le lien avec la dizaine, puis avec l’écriture du nombre (si j’ai trois dizaines, je peux écrire 30) ?
Il estvrai que deux des manuels semblent travailler sur la dizaine avant même de l’utiliser pour dénombrer des grandes collections. Cependant, encore une fois, il est important de faire le lien entre ces dizaines imposées par la boîte de Picbille ou la plaque d ’Euro Maths et sa signification dans le système de numération.

Limites

De mon point de vue, après avoir réalisé ce travail, j’apporterais une limite à celui-ci. En effet, les manuels, surtout au nombre de quatre, représentent une quantité importante d’informations, et la sélection des critères au départ ne m’a sans doute pas permise de prendre en compte tous les paramètres et d’analyser plus finement chacune des méthodes.
Il aurait par ailleurs été appréciable de les voir fonctionner dans des classes pour en juger plus objectivement. J’aurais par ailleurs aimé pouvoir effectuer moi-même des tests dans des classes, en utilisant soit des extraits de ces manuels, soit des situations imaginées pour pouvoir comparer les réactions des élèves face à cela.

CONCLUSION

J’ai recueilli mes données directement dans les manuels en retenant ce qui m’est apparu comme important par rapport à ma problématique. Le fait d’analyser les consignes, la taille et la disposition des collections, mais aussi le fait de rencontrer ou non beaucoup de problèmes ou de phases de recherche m’a permis de répondre à la question : « comment ces manuels font-ils afin d’amener les élèves à grouper pour dénombrer une collection ? »
Ce travail m’a du moins permis d’avoir une approche de ce que proposent différents manuels, parfois en contradiction avec ce à quoi je m’attendais ou ce que j’avais pu lire. Je peux cependant dire qu’il existe différentes manières de faire en partant de point de départ plus ou moins différents : l’utilisation d’un matériel spécifique, les stratégies des élèves eux-mêmes ou bien un travail sur les échanges préalable.
J’ai désormais quelques éléments de réponse à mon questionnement de départ : j’ai effectivement pris connaissance de diverses méthodes amenant les groupements réguliers et de différents moyens de faire le lien entre ceux-ci et la compréhension du système décimal de position, enjeu indispensable dans le niveau de classe étudié. Cependant, les manuels se rejoignent souvent entre eux et s’éloignent de conceptions et propositions issues de recherches auxquelles je me suis intéressée. J’ai également eu l’occasion de réfléchir à des aspects de ma pratique auxquels je ne pense pas forcément en temps normal, et surtout pris le temps de me projeter dans un futur qui pourra être très proche.

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Table des matières
INTRODUCTION
I) RÉFLEXION THÉORIQUE
1) Problématique
2) Les notions mathématiques en jeu
3) Qu’apprendre à nos élèves ?
a) Les programmes
b) Pour aller plus loin : enjeux d’apprentissage
4) De la maternelle à l’école élémentaire : difficultés des élèves
II) GROUPEMENTS ET ÉCHANGES
1) Les groupements
a) Définition
b) Avantages et difficultés des élèves
2) Les échanges
a) Définition
b) Avantages et difficultés des élèves
III) PARTIE MÉTHODOLOGIQUE
1) Hypothèses de départ
2) Démarche générale
3) Recueil des données
a) Les manuels de l’élève
b) Les guides du maître
4) Analyse des résultats
a) La taille des collections : un critère non déterminant
b) Des différences dans la place laissée aux stratégies de l’élève
c) Différents moyens d’aborder la compréhension des groupements et l’écriture des nombres
d) Bilan
IV) PARTIE PROFESSIONNELLE : ANALYSE RÉFLEXIVE
1) Une meilleure compréhension des difficultés actuelles de mes élèves
2) Réflexion sur ma pratique future
3) Limites
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Annexe 1 – Photographies des différents matériels de numération rencontrés
Annexe 2 – Outil de recueil des données

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