Formation planétaire
La première étape vers la formation d’un système planétaire débute avec un nuage interstellaire qui se caractérise par une densité plus élevée (d’un facteur 10³ -10⁶ ) et une température bien plus faible (quelques kelvins) que le milieu interstellaire dans lequel il évolue, généralement au sein d’un bras galactique. Ces nuages, pouvant atteindre le kiloparsec de diamètre et plusieurs millions de masses solaires, contiennent en grande majorité de l’hydrogène moléculaire, de l’hélium ainsi qu’un faible pourcentage de poussière (silicates, glace d’eau, métaux). (Woolfson, 2000) .
La nébuleuse d’Orion est un bon exemple de nuage interstellaire, que l’on peut également appeler nébuleuse pré-stellaire, c’est-à-dire qu’elle présente les caractéristiques requises à la formation de systèmes planétaires.
Proto-système
Avec le temps, les molécules de gaz et particules de poussière au sein du nuage interstellaire s’agglomèrent pour former ce que l’on appelle des « globules de Bok ». Théorisés en 1947 par Bart J. Bok et Edith F. Reuilly, (Bok & Reuilly, 1947), ces globules se forment à la suite d’un effondrement gravitationnel et seraient les prémices de la formation d’un système stellaire. A la suite de l’agglomération des éléments constituant le globule de Bok et par conservation du moment cinétique, les particules s’accumulent vers le centre du nuage au niveau de son équateur : c’est la formation du disque protoplanétaire. Débute alors la phase d’accrétion stellaire. Les gaz s’accumulent de plus en plus au centre du disque protoplanétaire jusqu’à atteindre 99% de la masse totale et enclenchent finalement des réactions de nucléosynthèse. La fusion de l’hydrogène en cœur de la protoétoile, désormais possible grâce à l’augmentation de pression et de température, vient contrebalancer les effets de la gravité : l’étoile est née. (Larson 2003) Les vents stellaires hautement énergétiques exercent alors une pression sur le 1% restant de gaz en direction de l’extérieur du disque. Cela va créer une discrimination entre les particules légères et les particules plus lourdes. Les particules légères (H, He, H2O, NH3…) sont expulsées plus rapidement que les particules lourdes (Fe, Ni, silicates…). Avec la dissipation du gaz, la température chute et entraine la condensation des particules. L’accrétion des particules conduit à la formation de planétésimaux, briques primordiales des planètes du système alors juste formé.
Dynamique d’accrétion
Lorsque l’étoile est juste formée, les températures des régions les plus internes du disque protoplanétaire sont encore élevées (>1500K) et vaporisent l’ensemble des éléments présents. Avec le temps, la température diminue et les premiers éléments commencent à se condenser.
Dans un rayon de 3-4 unités astronomiques (3-4 UA), la température est suffisamment basse pour permettre la condensation des roches mais reste trop élevée pour permettre celle des glaces et autres composés volatils. Il se forme alors ce qu’on appelle la « limite des glaces » en deçà de laquelle la température est trop élevée pour que l’eau puisse exister sous forme solide et audelà de laquelle se trouve la grande majorité des élément légers, vaporisés et soufflés par les vents solaires.
Les premiers grains à se former possèdent une taille micrométrique et dans le tumulte du gaz environnant, ces derniers s’entrechoquent et s’agglomèrent grâce aux forces de Van der Waals jusqu’à atteindre une taille de quelques centimètres. Pour des dimensions supérieures, de quelques centimètres à plusieurs mètres, le phénomène d’accrétion est toujours débattu et reste au cœur des questions sur la compréhension de la formation des planétésimaux (Chiang & Youdin 2010, William & Cieza 2011, Drazkowska et al. 2014). Une fois que ces corps atteignent une taille de l’ordre de quelques dizaines de mètres jusqu’au kilomètre, la force gravitationnelle est désormais prédominante et leur permet d’accréter encore plus de matière, à condition que la vitesse de collision soit inférieure à la vitesse de libération des deux corps correspondants. Se forment alors des embryons de planètes de quelques dizaines/centaines de kilomètres. Ces derniers créent un « vide » sur leur orbite et le disque protoplanétaire est alors doté d’un ensemble de cercles concentriques autour de l’étoile (Figure 1.3).
A ce stade, les embryons planétaires se nourrissent des éléments composant leur environnement direct en assimilant tout corps entrant dans leur champ d’attraction gravitationnelle. Une fois que l’ensemble des planétésimaux ont été absorbés par les embryons, on entre dans la phase finale d’accrétion : l’interaction entre embryons. Ceux-ci possèdent dorénavant une taille suffisamment élevée (>1000km) pour que leur champ gravitationnel interfère mutuellement et provoque inévitablement des collisions. Cette phase de chocs entre embryons peut durer de quelques millions d’années à plusieurs dizaines de millions d’années et formera in fine les planètes telluriques que nous connaissons aujourd’hui. Concernant les planètes joviennes, le processus reconnu actuellement suit les mêmes étapes d’accrétion que pour les planètes telluriques, excepté qu’elles se situent au-delà de la limite des glaces. La matière est alors composée en grande majorité de roche et de glace pour une quantité 4 fois supérieure. Les protoplanètes qui s’y forment sont donc d’autant plus grandes et possèdent un champ gravitationnel plus étendu leur permettant d’assimiler plus de matière environnante. (Source : SESP – Science pour Exoplanètes et Systèmes Planétaires).
Composition
La composition d’un système nouvellement formé dépend des éléments initialement présents dans le nuage de gaz et de poussière qui précède son effondrement gravitationnel. D’une certaine façon il est donc logique de penser que la composition élémentaire de l’étoile hôte reflète la composition des planètes qui composent son voisinage (Thiabaud et al. 2015, Hinkel & Unterborn 2018, Teske et al. 2019). Il est possible de mesurer la métallicité, c’est-àdire la quantité d’éléments plus lourds que l’hélium au sein d’une étoile, afin d’établir une première estimation de cette composition. La lumière émise par l’étoile est analysée par spectroscopie puis quantifiée (Feldman & Widding 2003, Fischer & Valenti 2004). Concernant le système solaire, une autre méthode consiste à analyser la composition des météorites tombées sur Terre, notamment les chondrites carbonées (i.e. Orgueil, Allende) qui sont réputées pour avoir une composition très proche de celle de la photosphère solaire car leur formation remonte au tout début du système solaire (Sears & Dodd, 1988).
Au-delà de la composition globale de l’étoile, la composition de chaque planète va dépendre de la température de condensation des éléments de la nébuleuse, à mesure que la température diminue (Davis & Richter 2003, Lodders 2003). Pour une composition solaire, Lodders (2003) présente une séquence de condensation (figure 1.5) dans laquelle les premiers éléments à se condenser sont des oxydes de calcium, aluminium ou titane, considérés comme éléments réfractaires (? > 1400 ?). On retrouve ensuite les silicates et les métaux dans lesquels se trouve notamment Si, Mg et Fe sur une plage d’environ 100 K et enfin, les autres composés volatils à plus basse température (? < 200 ?) tels que l’eau, l’ammoniac* et le méthane .
Le système solaire
Le système solaire est composé de quatre planètes telluriques entre 0,3 et 1,5 UA (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) et quatre planètes géantes situées de 5 à 30 UA (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune), séparées par une ceinture d’astéroïde de 1,5 à 5 UA. Au-delà de Neptune se trouve la ceinture de Kuiper s’étendant jusqu’à 55 UA et composée majoritairement d’astéroïdes et de comètes ainsi que de quelques planètes naines (Pluton, Charon). Parmi ces quatre planètes géantes, on retrouve deux catégories ; Jupiter et Saturne sont considérées comme des géantes gazeuses car composées en quasi-totalité d’hydrogène et d’hélium tandis qu’Uranus et Neptune sont qualifiées de géantes glacées du fait de leur intérieur composé d’éléments plus lourds (glace, ammoniac, méthane, roche). A l’inverse, les quatre planètes telluriques sont composées d’un noyau métallique (Fe, Ni) ainsi que d’un manteau et d’une croûte d’oxydes variés (Mg, Si, Fe, Al, Ca).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : De la formation planétaire à la planétologie expérimentale
1.1 Introduction
1.2 Formation planétaire
1.2.1 Proto-système
1.2.2 Dynamique d’accrétion
1.2.3 Composition
1.2.4 Le système solaire
1.3 Etude de la structure interne
1.3.1 Sismologie
1.3.2 Différenciation
1.3.3 Modèle planétaire
1.4 Pérovskite : une structure d’intérêt
1.4.1 La structure pérovskite
1.4.2 Le manteau inférieur terrestre
1.4.2.1 Bridgmanite Al-(Mg,Fe)SiO3
1.4.2.2 Ferropériclase (Mg,Fe)O
1.4.2.3 Davemaoite CaSiO3
1.4.2.4 Post-pérovskite MgSiO3
1.5 Exoplanètes
1.5.1 Habitabilité
1.5.2 Super-Terre
1.6 Sujet de Thèse
1.6.1 Pérovskites analogues
1.6.2 Pulvérisation cathodique magnétron
Chapitre 2 : Etudes du titanate de calcium CaTiO3 par compression statique
2.1 Introduction
2.2 Etat de l’art
2.3 Méthodes
2.3.1 Cellule à enclume de diamant
2.3.2 Analyse par diffraction X
2.3.2.1 Diffraction des rayons X
2.3.2.2 Rayonnement synchrotron
2.3.2.3 ESRF-ID27
2.3.3 Expérience de fusion
2.4 Article
Thermal equation of state and phase diagram of CaTiO3 perovskite
2.5 Conclusion et perspectives
Chapitre 3 : Etudes du titanate de calcium CaTiO3 par compression dynamique
3.1 Introduction
3.2 Compression dynamique
3.2.1 Type de compression
3.2.2 Onde de choc
3.2.2.1 Description d’une onde acoustique
3.2.2.2 Formation d’une onde de choc
3.2.2.3 Relation de Rankine-Hugoniot
3.2.3 Générer une onde de choc par laser de puissance
3.2.3.1 Interaction laser-matière
3.2.3.2 Absorption laser
3.2.3.3 Transport d’énergie
3.2.4 Mesure d’équation d’état
3.2.4.1 Propagation d’un choc à l’interface de deux milieux
3.2.4.2 Désadaptation d’impédance
3.2.5 Diagnostics
3.2.5.1 VISAR
3.2.5.2 SOP
3.3 Campagne de tir LULI2000
3.3.1 Préparation d’échantillon
3.3.1.1 Design
3.3.1.2 Confection des cibles
3.3.2 Diffraction des rayons X
3.4 Résultats préliminaires
3.4.1 Tirs sur les cibles de diffraction
3.4.2 Tir sur les cibles d’équation d’état
3.5 Conclusion
Chapitre 4 : Préparation de dépôts minces dans le quaternaire Fe-Mg-Si-O pour des expériences de planétologie expérimentale
4.1 Introduction
4.2 Théorie sur les dépôts de matériaux par pulvérisation
4.2.1 Généralité sur les plasmas
4.2.1.1 Ionisation
4.2.1.2 Plasma « chaud » et « froid »
4.2.1.3 Equilibre thermique du plasma
4.2.1.4 Longueur de Debye
4.2.2 Génération d’un plasma froid
4.2.2.1 Décharge en courant continu (DC)
4.2.2.1.1 Claquage de Townsend
4.2.2.1.2 1er coefficient de Townsend
4.2.2.1.3 Caractéristique tension-intensité (V-I)
4.2.2.1.4 Gaines ioniques et potentiel plasma
4.2.2.1.5 Gaine cathodique
4.2.2.1.6 2nd Townsend coefficient
4.2.2.2 Courant continu pulsé (DC pulse)
4.2.2.3 Décharge radiofréquence (RF)
4.2.3 Pulvérisation cathodique magnétron
4.2.3.1 Effet magnétron
4.2.3.2 Interaction ion-matière
4.2.3.3 Régime de pulvérisation
4.2.3.4 Rendement de pulvérisation
4.2.3.5 Libre parcours moyen
4.2.3.6 Interaction atome-substrat
4.2.3.7 Pulvérisation réactive
Conclusion générale