Présentation générale du projet de recherche
Dans le cadre de cette recherche, nous souhaitons nous intéresser à l’enseignement de la grammaire au secondaire I. Plus précisément, notre analyse cherchera à comparer les incidences, sur les apprentissages des élèves, d’un enseignement grammatical de type traditionnel et d’un autre de type intégré. Pour ce faire, deux classes de deuxième année niveau II, du CO d’Orsières, aborderont les mêmes notions, c’est-à-dire les compléments de phrase (dorénavant CPh) et les subordonnées relatives complément de nom (dorénavant SR), à travers les dispositifs d’enseignement évoqués ci-dessus. Afin d’évaluer les résultats de cette recherche-action, les élèves réaliseront les deux mêmes travaux en début et en fin de séquence. Ces dernières prendront la forme d’une évaluation de type traditionnelle à partir d’exercices se concentrant sur un objectif spécifique et portant sur des phrases isolées et d’une production complexe d’un conte. Le travail d’analyse effectué sur les productions de contes nous permettra de comparer les résultats obtenus dans les deux classes et les progrès effectués par les apprenants. En terme de planification, les deux séquences se dérouleront de manière différente en classe, selon les préceptes propres à chaque approche grammaticale, mais leur planification sera semblable, à savoir: 4 périodes consacrées aux deux évaluations diagnostiques, 6 périodes (2 fois 3) aux enseignements des CPh et SR, puis 4 périodes pour les évaluations finales (14 périodes en tout). Notre analyse abordera l’ensemble du processus de recherche-action. Premièrement, nous tâcherons de délimiter notre problématique et les questions de recherche en découlant. Deuxièmement, nous clarifierons le cadre conceptuel sur lequel s’appuie notre réflexion. Troisièmement, nous décrirons la méthodologie utilisée pour récolter les données. Quatrièmement, l’analyse se penchera sur le travail de planification, sa réalisation en classe et les productions des élèves. Finalement, la dernière partie de notre rapport se concentrera sur les évolutions de notre pratique professionnelle, au terme de cette enquête.
Problématique, questions de recherche et hypothèses de départ
Problématique
Après avoir achevé les corrections d’une pile de rédactions, existe-t-il un enseignant de français capable de ne pas douter de ses pratiques professionnelles? Aussi provocante soit-elle, cette question renvoie à une réalité du terrain: la difficulté que rencontrent certains apprenants à utiliser les connaissances construites en classe, dans leurs propres productions complexes.
Plus généralement, un tel constat renvoie à la problématique de l’enseignement de la grammaire. Dans les années 1970, paraissait un ouvrage novateur pour l’enseignement du Français : Maitrise du Français, coécrit par Besson, Genoud, Lipp et Nussbaum. Ce livre qui devait être une référence pour les enseignants romands défendait une approche différente de la grammaire (ce que nous nommerons plus bas grammaire rénovée). Cette dernière consistait à construire les connaissances grammaticales des élèves à partir d’un travail inductif sur les textes. À l’heure actuelle, la poursuite des recherches en didactique du Français a permis de proposer, aux enseignants, des stratégies fondées sur les principes de la grammaire rénovée, mais en allant encore plus loin dans l’utilisation des textes (Fisher & Nadeau, 2006, Marmy Cusin, 2012). En effet, cette grammaire nouvelle (ou grammaire intégrée) insiste sur la posture analytique qu’il s’agit de développer chez les apprenants. Néanmoins, malgré les recommandations pédagogiques de tels ouvrages, ces perspectives didactiques ne semblent pas faire l’unanimité auprès des enseignants du primaire et du secondaire. En effet, nombreux sont les praticiens à juger cette méthode peu efficace et déstabilisante pour des apprenants habitués à aborder la grammaire comme un domaine à part, tel que le préconisent des ouvrages comme le BLED ou le Grevisse. Durant notre formation pédagogique, nous avons abordé les principaux concepts d’un enseignement intégrant la construction des notions grammaticales au travail sur les textes (séquences intégrées). Par conséquent, le cadre de recherche que représente un mémoire professionnel nous semble une occasion propice pour mettre en pratique ces préceptes et en analyser les conséquences sur les apprentissages des élèves, et ce, en les comparant à une approche traditionnelle de la grammaire.
La grammaire traditionnelle
Dans sa thèse de doctorat, Développer et comprendre des pratiques d’enseignement de la grammaire intégrées à la production textuelle: entre les dires et les faires, Véronique Marmy Cusin (2012) identifie trois méthodes d’enseignement de la grammaire. Elle distingue, dans l’ordre chronologique, la «grammaire traditionnelle», «la grammaire rénovée» et «la grammaire intégrée» (p.9). L’enseignement traditionnel de la grammaire trouve son origine à la fin du XVIIIe siècle. Il demeure la perspective dominante jusque dans les années 1970. L’objectif général d’une telle pratique est de permettre à l’élève de se rapprocher le plus possible d’une double norme esthétique et orthographique qui constitue le bon usage de la langue. D’un point de vue méthodologique, la grammaire traditionnelle s’enseigne à part. Autrement dit, les cours de Français sont cloisonnés en sous-disciplines enseignées séparément: grammaire, production de texte et compréhension de texte. En outre, les cours de grammaire se déroulent selon une méthodologie en trois étapes. L’élève découvre et apprend une règle (et les éventuelles exceptions à celle-ci). Ensuite, il applique ce qu’il a appris par le biais d’exercices conçus à partir de phrases isolées. Une fois ce processus terminé, il est considéré comme capable d’appliquer ce qu’il vient d’apprendre dans ses propres productions. En d’autres termes, on peut qualifier la grammaire traditionnelle de méthode déductive : puisque la pratique découle de la règle énoncée. Il s’agit donc d’une forme de behaviorisme grammatical dans lequel l’élève est passif, dans la mesure où il ne sera pas mené à comprendre le fonctionnement de sa langue, mais bien à appliquer ce que la norme lui impose.
La grammaire rénovée
Dans les années 1970, les recherches en didactique du français mènent à la parution de Maîtrise du français. Cet ouvrage concrétise une nouvelle approche de la grammaire, ce que nous appelons aujourd’hui la grammaire rénovée. L’objectif au cœur de celle-ci n’est plus d’atteindre une norme, mais d’apprendre à communiquer. Par conséquent, la grammaire est perçue comme un outil qui permet à l’élève de maîtriser le fonctionnement de sa propre langue et de communiquer. D’un point de vue méthodologique, la grammaire rénovée se concentre sur l’analyse de la phrase. Elle fait également un premier pas dans la direction d’une approche analytique de la langue, puisqu’elle préconise des activités qui, suivant Marmy Cusin (2012, p. 12), s’attachent à:
– observer un corpus représentatif de la notion à construire;
– analyser ce corpus à l’aide de “procédures rigoureuses et formelles”, telles les manipulations syntaxiques (De Pietro, 2004, p. 81);
– identifier les régularités du système de la langue à partir de ces manipulations;
– dégager de cette analyse des règles et des définitions et les codifier.»
Cette méthode privilégie donc un mode inductif. En effet, il s’agit bien d’un raisonnement qui part du particulier pour aller vers le général. En d’autres termes, le travail à partir de corpus permet de déduire le fonctionnement de la langue et d’en tirer des règles dans une approche de constructivisme grammatical.
La grammaire intégrée ou grammaire nouvelle
Une grammaire de la phrase et du texte
Depuis la parution de Maîtrise du Français, l’évolution majeure dans les perspectives d’enseignement grammatical s’est concentrée sur la transition d’un niveau phrastique à un niveau textuel. Pour autant, la grammaire nouvelle n’abandonne pas les réflexions sur la phrase et ses composantes qui constituent un passage indispensable dans la construction des compétences langagières. Toutefois, puisque le travail de la grammaire vise avant tout à développer les capacités communicationnelles de l’apprenant, il s’agit d’élargir la perspective en abordant également le texte, par le biais du genre que l’on peut définir comme une : «forme langagière, orale ou écrite, construite socialement, aux caractéristiques relativement stables et reconnues collectivement (Marmy Cusin, 2012, p.16)». En d’autres termes, la grammaire nouvelle propose de faire réfléchir l’élève à partir de situations de communication concrètes et authentiques, afin de lui permettre de développer sa capacité à construire des phrases correctes et à organiser celles-ci de manière à produire des énoncés complets et faisant sens. Par conséquent, les productions complexes que réalise l’apprenant sont source d’apprentissages puisqu’elles lui permettaient d’améliorer ses capacités à communiquer plutôt qu’à construire des phrases isolées et coupées de leur situation de communication (Marmy Cusin, 2012, p.31)». Ainsi, il s’agit bien de développer les connaissances langagières des élèves par le biais d’un genre de texte étudié et produit. C’est pour cette raison que nous avons opté pour l’appellation « grammaire intégrée « (au travail textuel) plutôt que « grammaire nouvelle ».
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Table des matières
Introduction
1. Présentation générale du projet de recherche
2. Problématique, questions de recherche et hypothèses de départ
2.1. Problématique
2.2. Questions de recherche
2.3. Hypothèses
3. Cadre théorique
3.1. La grammaire traditionnelle
3.2. La grammaire rénovée
3.3. La grammaire intégrée ou grammaire nouvelle
3.3.1. Une grammaire de la phrase et du texte
3.3.2. La construction des savoirs par une approche analytique et socioconstructiviste
3.4. La séquence traditionnelle
3.4.1. Transmission des savoirs
3.4.2. Mise en pratique et évaluation
3.5. La Séquence intégrée
3.5.1. Choisir le genre de texte
3.5.2. Construire la modélisation didactique du genre retenu
3.5.3. Réalisation des productions initiales
3.5.4. La contextualisation
3.5.5. La décontextualisation
3.5.6. La recontextualisation
3.6. Définition des objets à enseigner
3.6.1. Les compléments de phrase
3.6.2. Les subordonnées relatives
3.7. Modélisation didactique et liens avec les objets à enseigner
3.7.1. Modélisation didactique du conte
3.7.2. Liens avec les objets à enseigner
3.7.2.1. Situation initiale et création du contexte fictionnel
3.7.2.2. Narration
3.8. Objectifs d’apprentissages issus de l’analyse a priori
3.8.1. Objectifs d’apprentissages pour les CPh
3.8.2. Objectifs d’apprentissages pour les SR
4. Méthodologie
4.1. Méthode de recherche
4.2. Analyse des données recueillies
4.2.1. Analyse des évaluations traditionnelles
4.2.2. Analyse des productions complexes
5. Grammaire traditionnelle : présentation des deux parties de la séquences et des évaluations réalisées en classe
5.1. Préambule
5.2. Ingénierie didactique
5.2.1. Découverte des objets enseignés
5.2.2. Mise en pratique
5.2.3. Evaluation
5.3. Réalisation en classe
5.3.1. Découverte des objets enseignés
5.3.2. Mise en pratique
5.3.3. Les évaluations initiales et finales
6. Grammaire intégrée: présentation des séquences et des évaluations réalisées en classe
6.1. Préambule
6.2. Ingénierie didactique
6.2.1. Contextualisation des deux notions
6.2.2. Décontextualisation
6.2.3. Recontextualisation
6.3. Réalisation en classe
6.3.1. Contextualisation des SR
6.3.2. Contextualisation des CPh
6.3.3. Décontextualisaiton des notions
6.3.4. Production initiale et recontextualisaiton dans la production finale
7. Évaluations traditionnelles: analyse des résultats
7.1. Les compléments de phrases: analyse des évaluations traditionnelles
7.1.1. Résultats obtenus lors des évaluations diagnostiques
7.1.2. Progrès réalisés dans les évaluations finales et hypothèses de compréhension
7.1.3. Approche comparative de l’atteinte des objectifs dans les deux classes
7.2. Les subordonnées relatives: analyse des évaluations traditionnelles
7.2.1. Résultats obtenus lors des évaluations diagnostiques
7.2.2. Résultats obtenus dans les évaluations finales et hypothèses de compréhension
Conclusion
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